THE POISON QUEEN

Les vieilles rancœurs ne meurent jamais
En venant sur Freeland, Tadji avait espérer trouver son cousin, Vita. En son absence, cependant, les choses avaient bien changé … il avait serpenté sans encombre le long de la frontière qui séparait Prideland du Grand Désert sans croiser personne. Signe du destin, chance ou véritable laisser-aller de la part des gardes-frontières, Tadji n’en savait rien. L’oisiveté des Pridelanders ne l’étonnait pas, quant aux Jangowas, les lions du désert s’aventuraient rarement si loin des dunes ensablées. Les Terres Libres avaient été faciles à rejoindre, plus faciles qu’il ne l’avait pensé. Le prince déchu était passé comme une ombre dans la nuit malgré le jour environnant. Il avait fait une halte aux abords des gorges qu’il savait périlleuses, pour ne les traverser que le lendemain matin. Une journée entière le séparait de sa rencontre avec Raksà lorsqu’il atteignit enfin le Mochanga, qui s’écoulait dans les gorges pour finalement se jeter dans le Grand Désert. A cette époque de l’année, la rivière s’apparentait davantage à un fleuve et Tadji avait dû faire preuve de grande prudence pour le traverser. Cheminant de rocher en rocher là où l’eau se jetait en une glorieuse cascade, Tadji avait fait halte un instant pour contempler toute l’étendue du Grand Désert. Il se demandait bien ce qu’il pouvait y avoir par-delà de désert … était-il infini ? Peu de lions avaient cette réponse, et les plus à même d’y répondre étaient les Jangowas, qui se gardaient bien de la donner.

Midi était depuis longtemps passé lorsque Tadji posa enfin les pattes sur Freeland. Au loin, il apercevait déjà ce que les Freelanders appelaient la Crête, dont le mont était constamment blanc. Sa blancheur n’avait rien à voir avec les montagnes du Royaume du Nord, mais elle restait un point de repère non négligeable pour les voyageurs les plus avertis. Le prince déchu se souvenait des enseignements de sa mère et savait qu’il foulait les Terres du Sud, qui avaient été annexées par Kundi l’Unificateur, le tout premier roi de Freeland. Le Repère des Lions était loin et les terres de Freeland vastes : Tadji avait peu de chance de croiser les habitants de ce royaume … du moins le croyait-il. A vrai dire, il ne savait pas vraiment par où chercher ni par quoi commencer. Vita pouvait être n’importe où et surtout ailleurs …

Tadji chemina un moment vers le sud, prenant toujours soin de conserver la Crête sur sa gauche : il ne souhaitait pas se perdre dans cette vaste contrée. Bien avant l’incendie du Champ Herbeux, Tadji avait entendu parler du retour de Sumu sur ses terres. La fille de Sharkan avait dû avoir bien du mal à se faire une place parmi les fidèles d’Haki, mais elle avait dû réussir car il n’avait jamais entendu dire qu’elle en était repartie. L’esprit retors de Tadji, pourtant, n’était pas dupe. La fille du Roi Tyran et de la Reine Vipère ? De retour sur Freeland ? Vraiment ? Combien de temps lui faudrait-il pour faire se répéter l’histoire ? Cela ne concernait pas le vieux lion, certes, mais cette histoire ne manquait pas d’attirer sa curiosité. Cependant, telle n’était pas la raison de sa venue sur Freeland …

La pluie de la veille avait cessé et la chaleur rendait l’atmosphère pesante, étouffante. En cet instant précis, Tadji loua l’Esprit du Feu de ne pas être de la race de ces lions du nord, les Nordiques. Le temps d’un moment, le vieux lion s’arrêta, observant l’horizon. Où aller ? Par où commencer ? Telle était la question …

Je me retrouvais ici sur les grandes étendues des terres du Sud à la recherche quelque chose qui m’est encore incertain. Au fond je ne savais pas vraiment ce que je chercher. Je n’avais pas perdu ma motivation dans ma quête du retour sur le trône, en effet je touchais presque au but. Naba se trouvait être totalement sous mon charme et je pouvais facilement le manipuler sans vraiment qu’il s’en rende compte. Le clan devait se faire à l’idée de l’affection du prince à mon égard et Haki l’acceptait tout autant. Les fantômes du passé n’ont pas refait surface et me laissent tranquille, effectuant mes manœuvres discrètement.

Mais alors, pourquoi je marchais le cœur lourd ? Peut-être parce que je me sentais plus seule que jamais. J’ai perdu ma famille, mon amie et ceux qui marchaient au bruit des tambours et des chants de guerre de Sharkan. Je n’ai pas revu Ahva depuis un moment et son absence me touchait et je n’avais pas revu Waasi depuis de nombreuses années. Les sages paroles de maman me manquaient énormément. Comment être conseillé lorsque notre modèle n’est plus présent ? Je ne comptais plus les années depuis son départ, je me rendais compte que cela me fragilisé plus qu’autre chose.

Une odeur vient alors perturber mes réflexions. Quelqu’un qui ne portait pas une odeur de Freelander se balader non là d’ici. Les gardes-frontières ne font jamais leur travail ? Haki se relâche. Je me mis alors en marche vers l’origine. Tout en gardant ma discrétion de véritable chasseuse. Puis apparut une silhouette dans mon champ de vision, ornée d’une crinière sombre. Un Outlander à en juger la couleur de son pelage. Je bondis rapidement sur un rocher pour prendre plus de dehors et m’exclamais d’une voix forte :

-Tu t’es perdu vagabond ?

Le visage fermait je ne montrais aucune sympathie au premier abord.

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Les vieilles rancœurs ne meurent jamais
Le destin n’accorda pas davantage de temps aux questionnements de Tadji : déjà, un individu s’approchait et ses sens aiguisés l’en avertirent bien avant que ses yeux ne s’en aperçoivent. Le vieux mâle su qu’il s’agissait d’une femelle au son de ses pas : ils étaient légers et discrets, alors que ceux des mâles étaient lourds et bruyants. Ses sens, comme presque tout le temps, ne le trompèrent pas : lorsque la Freelander apparue derrière lui, perchée sur un rocher, Tadji se retourna et posa ses yeux sur une femelle au pelage brun. Il était, à quelques choses prêts, de la même teinte que celui de sa sœur, Waasi. Elles étaient bien différentes, bien sûr, mais Tadji ne put s’empêcher de remarquer ce point commun presque troublant. Le mâle au pelage rouge ne put s’empêcher de détailler un peu plus longtemps cette lionne perchée sur son caillou. C’était la première fois qu’il voyait des joues de cette forme et cela l’intrigua un instant. Tandis qu’elle l’apostrophait d’une voix quelque peu antipathique, Tadji continua de la dévisager, silencieux comme une tombe. Il la laissa un instant mijoté – suffisamment longtemps pour qu’elle s’en rende compte – avant de lui répondre enfin.

« — Perdu ? Non » déclara le vieux mâle « Je suis à la recherche d’un lion connu pour ses méfaits » affirma-t-il. Jusqu’à présent il ne mentait pas, et c’était plutôt exceptionnel « Étant donné l’étendue de sa rancune et toute la haine qu’il porte à l’un des vôtre, je me suis dit qu’il n’était pas impossible de le trouver ici » expliqua Tadji.

Encore une fois, il ne mentait pas. Si Tadji avait fait le choix de partir chercher Vita sur Freeland, c’était parce qu’il connaissait toute la haine que son cousin portait envers un certain Masika. Le vieux mâle ignorait comment toute cette histoire avait évoluée, mais il doutait que Vita ait lâché l’affaire aussi facilement. Tadji le connaissait et rien ne l’arrêtait lorsqu’il était lancé : il était un Enfant du Feu, et les Enfants du Feu n’abandonnaient jamais. Cependant, force était de constaté que Vita n’était pas là … il pouvait se trouver plus loin sur le territoire, ou pas du tout. Tadji n’ignorait pas qu’à mesure qu’il s’enfoncerait sur Freeland, ses chances d’avoir des problèmes grandiraient ; c’était un risque qu’il était prêt à prendre car il savait que le jeu en valait la chandelle.

Dans l’immédiat, cependant, il devait se débarrasser de cette femelle charmante mais qui manquait d’intérêt aux yeux de Tadji – du moins pour l’instant – Tranquillement, le vieux mâle esquissa quelques pas, parallèlement au rocher sur lequel était perché la lionne, tout en gardant son œil valide sur elle.

« — Hélas, c’est sur toi que je tombe » déclara-t-il finalement. Tadji connaissait les femelles et il savait que ses paroles ne manqueraient pas de titiller son orgueil. Le vieux mâle avait le nez pour cela : il devinait que cette étrangère était de ces lionnes-là. Dressée sur son rocher, comment pouvait-il en être autrement ? Un léger sourire moqueur se dessina sur son visage marqué par le feu « A qui ai-je l’honneur ? »

L’instinct de Tadji le trompait rarement, et il avait la sensation que, cette fois, il se devait de connaître l’identité de son interlocutrice. Peut-être lui mentirait-elle – c’était presque certain – mais le vieux mâle se devait d’essayer. Qui sait à côté de quoi il pouvait passer … et surtout de qui.

Le félin mit un certain temps à répondre, comme s’il cherchait à me faire poireauter. Mais c’est bien quelque chose que j’ai appris durant ses dernières années, c’est la patience. J’attendais jusqu’à ce qu’il se décidât enfin à répondre. Il n’était pas perdu, loin de là. Il cherchait un lion peu fréquentable connu pour la rancœur qu’il porte à un membre de mon clan. C’était donc le pourquoi de sa présence ici.

Le mâle fit quelques pas. C’est à ce moment qu’un détail frappa mon attention. Une blessure s’étendait sur la partie gauche de son visage, rendant son œil vitreux et aveugle. Je ne le vis que très brièvement car le mâle garder son œil valide braqué sur moi. A-t-il peur que je l’attaque ? Non, c’est bien trop ennuyant, la guerre des paroles est bien plus excitante. Cependant, le lion avait raison de me garder à l’œil, car après tout, on ne sait jamais quand la vipère frappe.
Mon interlocuteur s’exclamait avec déception qu’il tombait sur moi et non le lion qu’il pourchasse. Je ne pus retenir un hoquet de surprise mélanger à un léger rire, haussant les sourcils légèrement surpris. Quel goujat ! Il n’est pas chez lui et reste impolis.

-Estimes-toi heureux plutôt.

Le mâle eut alors un léger sourire moqueur qui se dessinait sur mon visage et me demandait à qui avait-il l’honneur. Je descendis de mon poste d’observation. Je ne me sentais aucunement en danger, le félin n’en a pas après moi et si besoin, je reste une lionne qui a été pendant longtemps former au combat. Je laissais passer quelques secondes ainsi, à mon tour de le faire mijoter. Il devait bien s’en rendre compte que je lui rendais la pareille. Je fis quelques pas laissant toute de même une certaine distance entre le félin et moi-même.

-Je suis Sumu, fille de Sharkan.

Je n’avais plus aucune peur à cacher mon identité. Voila bien quelques années auparavant, je cachais mon identité à mon retour sur les terres des lions. Je n’ai jamais été honteuse de qui j’étais mais il fallait bien se faire oublier. Aujourd’hui, ce temps est révolu, tout le monde connait Sumu, celle qui a changé. S’ils savaient que je suis à l’origine du complot avec Odon sous les ordres de Mopango de la disparition de Kama, les pauvres. Je le questionnais alors à mon tour avec un sourire hautain :

-Et toi, qui es-tu ?

Puis plissait légèrement les yeux en abaissant légèrement la voix, curieuse :

-Et qui est cet individu que tu traques ? Mes yeux sont partout ici, je peux surement t’aider.

J’avais bien là une idée mais je préférais ne pas m’avançait tant que je n’avais pas vraiment l’information.

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Les vieilles rancœurs ne meurent jamais
Tadji ne quittait pas du regard cette femelle aux yeux rubis. Ils brillaient comme deux joyaux et Tadji ignorait combien son impression était avérée. L’attention qu’elle porta sur son œil borgne n’échappa pas au prince déchu et en guise de réponse, il fouailla de la queue comme un bon gougeât qui se respecte. Il avait conscience, cependant, que cela ne l’impressionnerait pas … elle avait quelque chose, dans son attitude, qui empêchait quiconque de croire qu’elle pouvait être peureuse ou, pire encore, craintive. Lorsque la femelle se présenta, Tadji comprit que son instinct, encore une fois, ne l’avait pas trompé. Feignant la surprise, il s’arrêta un instant, dévisageant un peu plus la princesse de ces lieux. Tadji avait entendu parler de Sumu, la Princesse Poison, joyau du Roi Tyran et fille de la Reine Vipère … mais le prince d’Outland n’avait jamais eu l’occasion de la rencontrer, jusqu’à aujourd’hui. Comment l’aurait-il pu ? Elle avait disparu avec Ekua et une partie des Kulishas après la libération de Freeland et personne ne les avait revus depuis … et bien, depuis qu’elle était revenue d’elle-même sur ses terres natales. La trajectoire de son destin, cependant, ne manquait pas d’intriguer Tadji … ses Kulishas avaient finis par suivre Hourasi puis Soto, pour finalement s’installer sur Outland. Pourquoi ? Comment ? Ces questions sans réponses survenaient maintenant qu’il l’avait en face de lui.

« — Oh, la princesse Sumu en personne » déclara finalement le prince déchu « C’est très impressionnant » affirma-t-il. C’était là exactement les mêmes mots qu’avaient prononcés Samekh lorsque, bien des années auparavant, il avait rencontré pour la première fois la reine Malkia sur Prideland. Aucun des deux n’en avait conscience mais, là-haut, certains ne manquaient pas de trouver cela cocasse « J’ai beaucoup entendu parler de toi et de ta … lignée. C’est un exploit de te retrouver ici, arborant fièrement ton ascendance sur la terre même qui les a vu périr » Tadji savait qu’Ekua n’était pas morte sur Freeland, contrairement à Sharkan, mais il ne fallait pas être un génie pour deviner que quelque chose s’était brisée en elle lorsqu’elle avait quitté les Terres Libres et son si confortable trône « Les Freelanders doivent avoir la mémoire courte … ou être bien naïfs » fit-il remarquer.

Tadji ne souhaitait pas faire de Sumu son ennemie, mais si elle était parvenue à duper les Freelanders, elle ne le duperait pas, lui. Le vieux mâle voulait croire que la lionne était de cet acabit : maline, rusée, suffisamment pour faire croire à un peuple tout entier qu’elle avait changé … mais Tadji savait que si les temps changeaient, les lions, eux, restaient les mêmes. Le vieux sang ne mentait pas, et celui qui coulait dans les veines de Sumu était aussi noir que la nuit. Pardonner aux Freelanders la mort de son père ? La déchéance de sa mère ? Ce destin glorieux, tout tracé, qu’ils lui avaient retiré ? Tadji n’y croyait pas, mais son désir n’était pas de faire éclater au grand jour cette mascarade, bien au contraire. Il voulait juste faire comprendre à Sumu qu’il ne la trompait pas, lui qui venait d’ailleurs et qui, de son œil clairvoyant, entrevoyait l’illusion ... ou du moins, n'acceptait pas d'y croire.

Malin, le vieux mâle comptait sur ses dernières paroles pour faire oublier à Sumu son questionnement concernant son identité. Il gagnait du temps, même s’il savait que ce n’était que partie remise. Restait à savoir ce qu’il allait lui répondre une fois au pied du mur … Tadji ne manqua pas, cependant, de répondre à sa dernière question.

« — C’est un lion du feu du nom de Vita » répondit le vieux mâle au pelage rouge « Il abhorre un certain Masika qui, aux dernières nouvelles, vivait encore sur ces terres »

En réalité, Tadji se fichait bien de Masika et, à cet instant précis, de retrouver Vita … il avait en face de lui Sumu, celle qui devait, de droit, diriger les Kulishas … qui étaient actuellement dirigés par Soto, sur Outland. Les Kulishas obéissait à un leader étranger, sur une terre qui ne leur appartenaient pas … alors que, sur Freeland, les attendait leur reine légitime. Seul un idiot était en mesure de manquer cette opportunité.

Le mâle eut l’air alors surpris et s’exclamait en prononçant mon titre de princesse. Selon ses paroles cela était impressionnant mais je n’arrivais pas à le croire. Étrangement, ce lion ne semblait pas être impressionnable par beaucoup de choses. Il avait donc beaucoup entendu parler de ma famille. En même temps le règne de Sharkan avait fait beaucoup de bruit, qui n’en avait pas entendu parler ? Les rebelles étaient allés jusqu’au Nord chercher une alliance pour renverser le Roi. Je roulais donc des yeux devant ses belles paroles.

Pour le félin c’était un exploit que je me retrouve sur Freeland, prônant avec fierté mon ascendance sur les terres. Mais il se trompait sur un détail. Seul mon père a péri ici, sur le grand rocher du repère. Ils avaient été tellement nombreux à vouloir l’effacer de la terre des lions. Quant à la Reine, l’âge et le temps l'on rattrapait, elle et ses plans diaboliques pour reprendre Freeland.

Le lion rouge se questionnait, il pensait que les Freelanders avaient la mémoire trop courte ou étaient bien trop naïfs. Ces imbéciles avaient juste réussi à mettre à terre la lourde masse du Roi. Ils pensaient réellement que cela suffirait pour l’oublier ? Le sang qui avait coulé et séché sur la roche avait mis plusieurs jours à partir, leur rappelant à chaque instant ce qu’ils ont vécu. La terreur dans les esprits avait mis plusieurs mois voire plusieurs années pour certains à s’estomper, les faisant ressasser le cauchemar dans leur quotidien. On n’oublie pas un tel Roi du jour au lendemain. Non clairement, ils n’avaient rien oublié.

Naïfs. J’étais passée maitresse dans l’art de la comédie et du théâtre. Je pouvais avec facilité, passé rapidement de la peur effrayante aux larmes inquiètes a un air rassuré et gentil. Je ne dis pas un mot face au félin, je me contentais simplement de hausser les épaules comme si je ne connaissais pas la réponse.

Le lion recherchait un certain Vita. Je ris alors dans un hoquet. Évidemment que je savais quelques choses sur lui avec tout le bruit qu’il avait produit au sein du clan. Il y a quelques jours encore, j’ai entendu une nouvelle toute fraiche le concernant. Les femelles du repère ont leur habitude pour échanger les ragots.

-Oui oui, Vita je vois très bien. En effet il est venu sur Freeland pour régler des comptes avec Masika. Voulez-vous que …

Ma voix s’éteint doucement, laissant ma phrase en suspens, la bouche entrouverte. Je levais un sourcil et pinçais les babines. Je ris presque et fis avec un sourire :

-Vous ne m’avez toujours pas dit votre nom. De quoi avez-vous peur ? Je ne vais pas te manger voyons.

Je haussais les sourcils et le regardais intensément, le regard flamboyant. Mes iris n’avaient pas encore perdu l’éclat de ma jeunesse malgré les hivers et les étés passés.

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Les vieilles rancœurs ne meurent jamais
Un sourire se dessina sur les babines de Tadji. Sumu était maline : elle l’appâtait avec un début d’information, dans l’espoir d’obtenir elle-même la réponse qu’elle souhaitait. Le vieux mâle était un peu déçu, car il s’était imaginé que le nom de Vita suffirait à donner à Sumu le renseignement qu’elle désirait … pourtant, elle semblait avoir encore un peu de mal à faire le rapprochement. Parce que le vieux mâle ne pouvait se permettre de laisser le désespoir l’envahir – il attendait tellement de Sumu, fille d’Ekua – Tadji mit ça sur le compte des années passées auprès de ces imbéciles de Freelanders. Elle était rouillée et Tadji devait le lui pardonner. Comme il l’avait déjà fait quelques minutes plus tôt, le vieux mâle fit quelques pas autour de la lionne. Il sentait sur lui son regard de braise, plus intense que jamais … pensait-elle pouvoir sonder son âme ainsi, et connaître tous ses secrets ? Si tel était le cas, la princesse risquait d’en avoir pour son compte, car Tadji gardait bien des secrets, à commencer par son identité.

« — Oh, Sumu … allons, ne me dit pas que tu n’as pas deviné » déclara le vieux mâle. Il ne dissimulait pas la déception qui traînait dans sa voix « Un lion rouge aux allures de vagabond, brûlé par le feu, qui cherche un autre lion du feu … je t’ai même donné le nom de mon cousin »

Etait-elle narcissique au point de ne pas se soucier de ce qui se passait autour d’elle, sur les autres royaumes ? Etait-elle assez stupide pour ne pas prendre garde aux problèmes de ses voisins ? Encore une fois, Tadji ne voulait pas y croire. Non, elle était juste sur son petit nuage, trop satisfaite du bon déroulement de son plan pour prendre garde aux choses qui se passaient à l’extérieur. Tadji, cependant, avait bon espoir, car il venait de lui donner une nouvelle carte qui, peut-être, lui permettrait de reconstituer le puzzle. De nouveau, un sourire se dessina sur le coin de ses babines, tandis qu’il observait Sumu assimiler ce dernier indice. Il savait qu’elle devinerait.

« — Laissons la peur aux proies et aux lâches, princesse » déclara Tadji « Pour la quête qui est la mienne, je ne peux me permettre de dévoiler à tout va mon nom. Je suis sûr que tu comprends pourquoi » affirma-t-il « En vérité, j’ignore encore si je peux te faire confiance, reine poison. Je suppose que seul l’avenir nous le dira … »

Tadji prenait des risques, mais l’on n’avait rien sans rien. Tadji n’avait jamais cru au destin, jusqu’à très récemment … la probabilité de rencontrer Sumu au sein de l’infini royaume de Freeland était infime, et pourtant le sort les avait fait se rencontrer, eux que la vie avait rendu si peu plaisant. Tous deux avaient perdu leur trône et cela leur conférait un inestimable point en commun … Sumu avait juste une longueur d’avance sur lui, mais pour combien de temps encore ? Et cette avance, l’avait-elle vraiment ? Partager le trône avec le fils de son ennemi ne lui paraissait pas pleinement satisfaisant comme situation, et s’en contenter était se fourvoyer. Sumu pouvait manipuler le prince autant qu’elle voulait, elle resterait toujours dans son ombre. L’un comme l’autre, Tadji et Sumu avaient beaucoup à s’apporter.

« — J’aurai aimé te rencontrer en d’autres circonstances mais … la vie nous donne rarement ce que nous souhaitons » attesta Tadji « Seulement ce dont nous avons besoin » ajouta-t-il enfin. A ces mots, son œil valide se mit à briller un peu plus.

Tadji et Sumu avaient-ils besoin l’un de l’autre ? Peut-être, un peu. Soto n’aurait jamais pu réussir son coup s’il n’avait pas eu sous la patte l’armée des Kulishas ; une armée qui n’avait rien à faire sur Outland. Sumu, quant à elle, n’avait plus aucun allié autour d’elle. Tadji et Sumu n’étaient pas obligé de s’aimer, mais ils pouvaient s’entraider.

Le félin eut l’air déçu que je n’ai pas trouvé son identité aussi rapidement. Vita est son cousin … Puis c’était comme le soleil c’était levée en pleine nuit, lorsque tout te revient d’un coup et que tu vois tous les éléments qui se trouvent devant tes yeux. J’inspirais fort pour soupirais :

-Aaaah … Oui. J’ai croisé une fois ta sœur lorsqu’on n’était pas plus hautes que ça.

D’un geste de la patte je me mis à juger une certaine hauteur, celle des jeunes lionceaux qui aime vadrouiller partout. Je n’avais pas réellement porté d’importance à son frère. Je suivais surtout de loin ce que Soto mijotait sur Outland depuis ces derniers temps. Maintenant qu’il le disait il est vrai qu’il y avait un air de famille avec Vita.

Je me rentais compte à ce moment que cela faisait un moment que je me concentrais trop sur mon retour au pouvoir et que je ne préoccupais pas assez de ce qu’il pouvait bien se passer sur les autres royaumes qui entourent le mien.

Le mâle semblait suivre une quête dans lequel il préférait ne pas dévoiler son nom. Je pouvais très clairement comprendre pourquoi. J’esquissais silencieusement de la tête. Mais il ne semblait pas prêt à me faire confiance. Il n’avait pas tort, il devait se méfier de moi. Alors qu’il fit quelques pas autour de moi, je pris une voix mielleuse afin de captiver son attention sur mes paroles.

-Bien. Je veux bien te glisser des infos concernant Vita mais tu me dois quelque chose en échange.

Je devais voir en quoi l’ancien prince devait m’être utile. Ici l’entraine peut être présent et amener à créer une alliance. Je voyais une opportunité que je ne devais pas laisser couler. Je m’étais assez centralisé sur ma propre situation dans la hiérarchie du clan. Il me faut maintenant renforcer mon pouvoir. Tadji pourrait se révélait être un atout majeur, une idée était en train de naitre dans mon esprit. Je fixais l’œil du borgne, brillant plus que jamais.

-Tu es partant ?

Je regardais l’Outlander avec ténacité, le sourire aux babines.

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Finalement.
Cela avait pris un peu de temps, mais Sumu avait fini par comprendre qui elle avait en face d’elle. La clairvoyance se lut sur son visage comme une étoile au cœur de la nuit et la satisfaction de Taji n’en fut que décuplée. Maintenant ils parlaient, ils parlaient vraiment.

Lorsque Sumu lui raconta qu’elle avait rencontré sa sœur lorsqu’elles étaient lionceaux, le vieux mâle eu un sourire amusé. Une éternité semblait séparer le prince déchu de cette époque. Dans son esprit un peu flou, tout ce qui s’était passé avant la chute des Démons Noirs étaient une utopie, une idylle, un âge d’or à l’image du Paradis perdu d’Adam et Eve. Samekh avait été son soleil et à la mort de son père, la nuit était tombée sur la vie du jeune lion … car lorsque le soleil se couche, aucune étoile ne peut le remplacer. Bien vite, il chassa ses souvenirs de son esprit, car il craignait que ses yeux ne vacillent, même l’espace d’un instant.

« — Ah oui, vraiment ? » rétorqua Tadji, amusé par l’idée « Voilà une rencontre qu’elle s’est bien gardé de nous raconter » déclara-t-il « Je serai curieux d’en apprendre davantage sur cette histoire lorsque les temps seront moins … pressants »

Son sourire n’avait pas quitté le coin de ses lèvres. En réalité, c’était là une histoire que Tadji ne manquerait pas de réclamer lorsque les heures seraient moins sombres … si d’aventure cela arrivait un jour. Il imaginait aisément Waasi et Sumu refaire le monde comme les princesses savent si bien le faire.

Enfin, Sumu lui parla de Vita, d’une voix suave et doucereuse qui ne manqua pas de titiller la curiosité du vieux mâle. Cette fois, un large sourire se dessina sur son visage, si bien qu’il en plissa un instant les yeux. La Sumu à laquelle il s’était attendu, celle qu’il avait toujours imaginé, était enfin là … et la vigilance de Tadji monta d’un cran, malgré son air décontracté. Le vieux mâle n’oubliait pas d’où elle venait ni de qui elle tenait et puisqu’il ne la connaissait pas, prudence était mère de sureté.

« — Et bien et bien … » lui répondit Tadji, un air mutin sur le visage « D’autres, plus sages, ne manqueraient pas de se méfier de tes belles paroles et de tes propositions alléchantes mais … » Il fit une courte pause, comme pour capter un peu plus l’attention de la femelle « … mais j’ai bien envie de me frotter à toi, reine poison » De quoi il parlait réellement, où il souhaitait en venir, Tadji lui seul le savait … et peut-être un peu Sumu aussi, si d’aventure son esprit était aussi retors que le sien. Pour l’heure, cependant, Tadji devait prendre garde à ne pas s’égarer « J’espère que tu ne me le feras pas regretter » déclara-t-il « J’ai déjà une princesse à punir, en ajouter une autre à ma liste me peinerai »

L’emplois du temps de Tadji était bien chargé, mais si d’aventure Sumu tentait de la trahir, le vieux mâle trouverait du temps pour elle. Aussi infime pouvait-elle être, la trahison avait deux tranchants, et celui de Tadji avait toujours été affuté. Il tenait cela de son père, comme beaucoup d’autres choses.

« — Donne-moi tes informations, et je verrai ce que je peux faire pour toi, princesse » ajouta-t-il enfin.

Il fit un autre pas, qui cette fois le rapprocha un peu plus de la lionne. Sumu l’ignorait peut-être, mais elle avait beaucoup de réponses à lui apporter, bien plus que celles qu’elle comptait lui donner concernant Vita. A quelques choses prêtes, Tadji et Sumu avaient vécus les mêmes choses et, dans leur malheur, étaient complémentaires : Sumu était la solution concernant le problème Kulishas, du moins l’espérait-il.

Le félin semblait intéressé par cette ancienne rencontre et souhaitait en apprendre davantage sur cette histoire, lorsque le temps sera moins pressant. Il gardait collé au coin des lèvres, un sourire amusé. Puis, celui-ci s’élargit sur son visage a l’écoute de mes douces paroles. Il évoquait le fait que des lions plus sages se méfieraient de mes belles paroles mais Tadji semblait prêt à parler avec le serpent.

Il me fit part qu’il espérait ne pas avoir de regret et qu’il avait déjà puni une princesse et qu’il était prêt à réitérer. Il n’avait aucune crainte à avoir, tant qu’il pouvait m’apporter quelque chose, je ne le trahirais pas. Je ris dans un soupire tout en secouant légèrement la tête pour seule réponse face à ses craintes. Il me demanda alors de lui donner les informations que je tenais et qu’il verrait par la suite ce qu’il peut faire pour moi. Je le fixais alors intensément afin de lui révéler ce que je savais.

-Tu connais les lionnes, elles adorent échanger les derniers potins qui courent. Après avoir mangé, quand je soleil est au plus au point, elles se prélassent sur les pierres chaudes du repère. C’est là que les langues se mettent à claquer. Je fais toujours en sorte d’être présente, car elles sont une mine d’or d’information.

Je faisais exprès de faire durer mes explications, en posant le contexte et en ne donnant pas directement ce dont souhaitait le fauve. Je souris et m’assis afin de poursuivre avec un ton de drama.

-Il est vrai que Vita est venu sur nos terres. Cela a fait tout un foin. Masika et ses enfants … mais quelle histoire ! Je vais t’épargner les détails. Dis-je en roulant des yeux. Haki a fait chasser Vita hors des terres Freeland. Tu peux être sûr que tu ne le trouveras donc pas ici car s’il ose revenir il peut être sûr que sa vie est en danger. Cela c’est passer il y a quelques mois maintenant.

Je fis un temps d’arrêt ponctuant bien la fin de ma phrase. Je n’avais jusque-là rien donner au mâle en vérité. Il ne peut rien faire avec mes dernières paroles. Vita pouvait être dorénavant n’importe où. Je fis un fin sourire.

-Il se raconte qu’il aurait rencontré Kutoa sur le chemin. C’est un ancien Kulishas qui était resté sur Freeland et qui est parti retrouver ses anciens camarades sur Outland. J’ai entendu cela il y a quelques jours par les lionnes. Après tu sais, ce sont des ragots mais la plupart du temps il se révèle être vrai.

Je fis une moue de côté. C’était à lui de vouloir croire en mes paroles ou non. Il est vrai que je pouvais très bien mentir mais en soi, Vita je m’en fichais totalement, il pouvait mourir cela m’importer peu. Tadji pouvait très bien courir après lui si cela était son souhait, je ne souhaitais en aucun cas lui faire obstacle.

-A toi de voir mais sache que celui que tu cherches n’est plus sur nos terres.

Mimiquement je donnais quelques coups de patte dans mes joues pour remettre mes poils en place tout en papillonnant des yeux.

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