La nuit était tombée depuis quelques minutes et il faudrait encore du temps avant que la chaleur ne diminue sur le territoire. Cela ne m'avait pas autant touchée lorsque j'étais gestante de Takris et Natak mais cette fois-ci, j'étais vraiment très touchée par les fortes températures.

Me retournant pour essayer de trouver une position qui me donnerait moins chaud, je me demandais comment faisaient les femelles Jangowas lorsqu'elles attendaient des petits pour supporter la chaleur encore plus forte qui régnait dans le Désert. Est-ce que cela était quelque chose d'inné chez elles puisqu'elles vivaient là-bas ? Ou bien ne souffraient elles tout simplement pas de la chaleur car elles étaient plus jeunes que je ne l'étais ?

La dernière proposition était sans doute la plus probable. Lorsque je m'en étais ouverte à Isha, elle m'avait malheureusement dit qu'il n'y avait pas de remède à cela si ce n'était de me rafraîchir dès que j'en avais l'occasion. Et justement, je pensais qu'il était temps pour moi de me rafraichir puisque je n'arrivais pas à trouver le sommeil.

A peine debout, Kupendwa me demanda ce que je faisais. Je lui expliquais rapidement, le rassurais que tout irait bien puis frottais ma tête contre la sienne avant de quitter le Rocher. Je savais qu'il y avait un point d'eau non loin et c'est là que je dirigeais mes pas.

Après m'être aspergée, je décidais que j'avais envie d'une balade. Je me laissais donc aller et, après une longue marche dans la Savane, le paysage commença à changer. Je me rendais compte que j'étais arrivée non loin du Désert. Est-ce que mon inconscient m'avait mené là parce que j'avais pensé aux Jangowas un peu plus tôt ? Je n'en savais rien et tandis que je regardais l'immensité désertique, je me demandais ce qu'il avait pu advenir de Kynaïa et Wahidan, les deux seuls Jangowas que j'avais rencontrés.

Mon regard bleuté parcourait l'horizon. Avec la luminosité apportée par la nuit, le sable clair et éclatant en journée était devenu terne. Je continuais de laisser mon regard se balader sur le Grand Désert lorsque je remarquais une silhouette. A cette distance, impossible de deviner s'il s'agissait d'un mâle ou d'une femelle. Toutefois, son attitude n'était pas sans me rappeler un jeune Jangowa que j'avais rencontré plus d'un an auparavant.

Immobile, je me contentais d'observer le félin des sables imiter une marche militaire près de la frontière. Soudain, il s'arrêta. Il semblait m'avoir remarquée car voilà qu'il se rapprochait. Je n'avais rien fait de mal et pourtant, au vu de mon état, je ne pouvais empêcher un sentiment d'appréhension de s'emparer de moi.

Lorsqu'il ne fut plus qu'à quelques mètres, les marques présentes sur son visage me firent reconnaître à qui j'avais affaire et cela me détendit. Je ne cachais pas mon étonnement lorsque le lion s'inclina face à moi. Certes j'étais la Reine de Prideland mais un lion du Désert n'avait pas à s'incliner devant moi. Quand bien même nous étions alliés, cela ne valait pas une telle attitude. Néanmoins, je devais avouer que j'étais flattée.

Rapidement après qu'il m'ait posé sa question, je répondis à mon interlocuteur. Bonsoir Wahidan, commençais je avec un sourire répondant au sien. Rien de particulier, merci. Je me baladais simplement dans le but de me rafraichir et je suis arrivée ici, rien de plus. Il n'avait pas demandé de justification mais je la lui fournissais tout de même.

J'étais plus que ravie de retrouver Wahidan après tout ce temps et surtout, en vie. Je suis heureuse de voir que tu as réussi ton Exil, félicitations. Je trouvais toujours cette pratique étrange et barbare mais ce n'était pas ma culture et je n'avais donc pas à juger. Cela n'empêchait pas que je sois sincère en félicitant Wahidan pour sa réussite.

Le jeune félin des sables me remercia après que je l’ai félicité pour la réussite de son Exil. Il m’avouait que cela n’avait pas été facile mais que d’un autre côté, il en avait tiré des enseignements. Je ne voyais quels pouvaient ils être mais je ne doutais pas de lui. S’il en était ressorti grandi, tant mieux pour lui car cela l’aiderait certainement à mener à bien sa vie dans le Désert.

A son tour, Wahidan me félicita. Ses félicitations portaient sur mon union avec Kupendwa ainsi que sur la naissance de nos enfants. Il me demanda même comment ils allaient. Avec le sourire qui ornait son visage, je me disais qu’il semblait ravi pour moi même s’il ne le disait pas. Merci, commençais je en lui rendant son sourire. Takris et Natak vont très bien. Ils grandissent à une vitesse folle et ils sont curieux de tout. Ils passent leur temps à poser des questions et je me demande bien d’où ils tirent toutes ces interrogations.

Je laissais échapper un rire. Il était vrai que mes enfants étaient curieux de tout et je me demandais chaque jour comment ils faisaient pour toujours trouver de nouveaux centres d’intérêt et donc, de nouvelles questions à poser. J’en étais amusée mais l’on entendait clairement dans ma voix tout l’amour que je leur portait et que leur curiosité ne me dérangeait absolument pas.

Mon regard étant posé sur mon interlocuteur, je ne manquais pas le coup d’oeil qu’il jeta à mon ventre. Cela était donc déjà si évident ? Tu as remarqué, n’est-ce pas? A mon tour, je laissais mon regard caresser amoureusement la rondeur de mon ventre avant de reporter mon attention sur le Jangowa qui me faisait face. D’ici quelques semaines, Prideland accueillera un nouveau prince ou une nouvelle princesse. Je marquais une légère pause. Ou même les deux, qui sait?

Encore une fois, je laissais un rire résonner dans l’air. Seuls les Esprits savaient de combien de lionceaux était constituée cette portée ainsi que le sexe de ce ou ces petits. Pour ma part, je me fichais bien de ce qu’il en était. Tout ce que je souhaitais, c’était qu’il ou elle ou eux soient en bonne santé.

Ne souhaitant pas que la conversation tourne exclusivement autour de moi, je me permettais une question. Et qu’en est il de ton côté, y aurait il une femelle avec qui tu serais prêt à honorer le Désert? Il n’était que rarement question d’amour chez les Jangowas. Si les mâles choisissaient une compagne, c’était dans la majorité des cas pour engendrer une descendance – mâle de préférence – afin que le Désert ait de nouveaux fils. J’avais donc choisi judicieusement mes mots en espérant ne pas avoir froissé Wahidan.

Comprenant le sens des paroles de Wahidan, je ne fus pas offusquée lorsqu'il parla de "souffrance". Au contraire, j'en riais avec lui avant de confirmer les soupçons du lion des sables. J'étais bel et bien de nouveau gestante. Tout un Royaume se réjouissait de cette future naissance et, au vu de ses paroles, Wahidan semblait lui aussi content pour nous. Le jeune Jangowa nous souhaita d'ailleurs tout le bonheur possible et je l'en remerciais encore une fois.

Désireuse de poursuivre cet échange, je me permettais de lui demander d'une façon détournée si lui aussi se trouverait dans une situation de parentalité d'ici quelques temps. Loin de m'y attendre, je reçu un grognement comme première réponse.

Etonnée par cette réaction, j'allais m'excuser d'avoir abordé un sujet apparemment sensible mais je n'en eu pas le temps. En effet, le jeune lion se reprit rapidement et s'excusa. Il évitait le sujet auprès des siens et voilà que, sans le savoir, j'abordais LE sujet tabou.

Pardon, je ne pensais pas que le sujet puisse être si délicat, commençais je, penaude. Cependant, si je puis me permettre, et je ne cherche pas à dénigrer vos traditions, peut être n'es tu tout simplement pas prêt à prendre une compagne, voilà tout. Tu es encore très jeune et tu as largement le temps de trouver la personne qui saura te donner une lignée digne du Désert.

En raison de mon statut mais aussi parce que j'étais curieuse des traditions et des coutumes des autres clans, j'avais connaissance de pas mal de choses dans les différents clans. De fait, je savais qu'un mâle Jangowa était en droit de prendre une compagne dès son retour d'Exil, à l'âge de trois ans. Sauf qu'à l'âge de trois ans, il était rare que l'on sache déjà avec qui l'on voulait une descendance et surtout, il était rare que l'on soit prêt à en avoir une, tout simplement. C'était cela que j'essayais de faire comprendre à mon interlocuteur.

Loin de moi l'idée de faire de lui un marginal en l'encourageant à ne pas prendre de compagne. Il pouvait déjà commencer par reprendre des forces après son Exil, et dans un second temps, observer les femelles du clan pour finir par en choisir une.