Elle avait reçu quartier libre pour le restant de la journée. Profitant de ce repos bien mérité, Anka déambulait sur le cracheur de feu, sans but. Comme c’était agréable d’être seul avec soi-même ! Sous ses pattes, les entrailles de la terre grondaient. Un vrombissement effrayant et réjouissant en même temps. Ce monstre de cendre était LE point phare du territoire. Sans lui, leur territoire n’aurait pas autant de splendide…voilà pourquoi les rieuses devaient se fédérer sous la bannière du patriotisme : Pour protéger cette terre qui était la LEUR.

Sa mère lui avait bien interdit de pénétrer seule dans les grottes conduisant au cœur du volcan. Mais Anka s’en foutait royalement ! Au contraire, défier la géante était devenue monnaie courante, et l’âge con n’arrangeait rien. De toute façon, elle faisait attention ! C’était pas si dangereux ! Pfff, ces vieux !

Se faufilant dans un troglodyte qui débouchait dans le ventre du Monstre, la jeune grise continua son périple dans le chœur chaud et animé qui constituait l’endroit. Elle osa s’approcher du cratère. Quand son museau fut au-dessus du vide, une bouchée de chaleur infernale vint secouer sa crinière. Tout en bas, cela ressemblait un peu à une marmite de sang en ébullition…bizarre…mais tellement cool ! Pas étonnant que Gu ai choisi cet endroit pour vivre ! Un Dieu aussi classe méritait largement ce logement.

Elle s’éloigna du gouffre pour s’enfoncer dans la cavité géante. Puis, elle repéra une silhouette bien connue : Celle de son cousin le petit gris, Kuji. Le mâle s’isolait souvent du reste des jeunes, en ce moment. Anka l’avait remarqué, Koga également. C’était une occasion rêvé pour parler de tout ça.

- Hey ! Lança-t-elle en trottinant vers le rayé. T’en fais une gueule ! On t’a piqué ton quatre-heures ?

Ecoutant son cousin d’une oreille distraite, la jeune tachetée chercha un endroit où s’assoir (ou plutôt s’affaler). Sa marche jusqu’au cœur du cracheur de feu l’avait fatiguée. Elle méritait un repos digne de ce nom…

Elle jeta son dévolu sur un petit rocher, creusé d’une drôle de façon. Anka y laissa tomber son arrière train. Une fois installée face à son cousin, elle posa ses pattes sur les accoudoirs factices de son trône.

- Qu’est-ce que tu fiches ici, toi ? Demanda le gris.

La femelle soupira avec agacement, gonflant une de ses joues. Ouais, c’est vrai ça, que faisait-elle ici ? Dans ce trou béant qui sentait le pet ? Se remémorer les raisons n’était pas pour lui redonner le sourire.

- Pff, mes parents me saoulent. Lâcha-t-elle, haussant les épaules avec indolence. Maman arrête pas de m’bassiner avec ses conneries "d’avenir de la meute, gna gna gna…" Reprit-elle, imitant sa génitrice d’un air exagérément abêti.

Avisant les alentours, l’adolescente remarqua les saillies creusées dans les rochers. Elles n’avaient rien de naturel…il s’agissait bien de marques de griffes ! Bon sang, mais que pouvait-il bien foutre ici, celui-là ?

- Pourquoi tu t’isoles dans c’trou qui pue ? Parait que tonton Zar’roc se fait des poils blancs à ton sujet !

Son regard se reposa sur le jeune mâle. Si seulement le Lieutenant était sa seule source de préoccupation… Malheureusement, les bruits de couloirs circulaient rapidement, dans la clan. Et plus particulièrement entre les cadets, qui faisaient leur possible pour échanger les ragots les plus croustillants. Il allait de soi que les recrues étaient friandes des lynchages quotidiens de son pauvre cousin. Quelque part, la fille de Shasta pouvait les comprendre : Une proie aussi facile, c’était du pain béni pour qui voulait assoir son autorité et montrer ses muscles aux copains. Néanmoins, elle ne pouvait tolérer cet acharnement. Malgré leur relation peu cultivée, il restait son cousin, bordel !

En y réfléchissant, les raisons de sa présence en ces lieux tombèrent sous le sens : "Un isoloir pour éviter l'abattoir", comme disait sa mère.

La jeunette haussa un sourcil. Zar’roc ne lui avait jamais paru aussi désagréable, surtout avec Kuji. Pourtant, celui-ci s’employait à le dépeindre comme un salop de première.

L’adolescente n’eut guère le temps de répondre, que le gris reprit la parole…et quelles paroles ! Son pelage s’hérissa d’indignation.

- Tu sais vraiment pas c’que c’est, le pouvoir ! Râla-t-elle. Tu crois que c’est facile, de vivre avec l’idée qu’un jour, tes moindres faits et gestes pourront t’valoir un allé simple pour l’exil à grand renfort de coup d’patte au cul ?! Si c’est pas te faire éclater la cervelle contre une pierre ?! Etre Dominante, c’est pas juste poser son gros cul sur un trône et attendre que les autres te massent les pattes !

Face à cette aventure qui l’attendait, Anka se sentait bien seule. Il y avait certes Koga, mais qui pouvait lutter contre une meute enragée prête à vous réduire en steak ? Pire encore : Serait-elle à la hauteur ? Elle ne tenait pas à reproduire les erreurs de cette fameuse Kuruka. Plus par crainte des remontrances que par réel intérêt communautaire. Cela était frustrant à admettre, mais elle ne se sentait pas digne de gouverner après sa …pff…mère.

- Mais ça, tu le saurais, si tu restais pas cloitré dans ce foutu trou !

Une remarque désobligeante pour une autre. C'était plutôt équitable.

Et il voulait qu’elle le plaigne ?! C’était une blague ?! Ses griffes s’enfoncèrent dans le rocher qui lui servait de siège, tandis que le rayé balançait sa colère au visage de la noiraude. Il ne faisait aucun effort et osait se plaindre d’être vu comme un moins que rien ?! Voilà qui était comique ! Anka aurait presque ri, si l’envie de décrocher une baffe au petit gris n’était pas aussi forte ! Pire encore, il osait insulter la meute qui l’avait accueilli et l'hospitalité de sa mère ! Finalement, Zar’roc aurait peut-être mieux fait de le laisser crever…au moins, dans les tripes d’un lion, il n’aurait jamais preuve d’autant d'ingratitude !

- C’est ça, tire-toi ! Pauv’type ! Lança-t-elle lorsque Kuji s’éloigna.

D’un bond, elle s’éjecta hors de son trône, et se mit en quête de la sortie. Elle en avait assez entendu et les paroles du mâle étaient aussi nauséabondes que l'odeur qui commençait à lui faire tourner la tête.

- T’as qu’à sauter si ta vie est si nase ! T'auras plus nous supporter, comme ça ! Balança-t-elle en s’éloignant, la crinière hérissée. Si l’exil n’était promis aux meurtriers, la jeune femelle l’aurait volontiers poussé elle-même dans la gueule écumante de lave du Volcan. Finalement, son "cousin" pouvait bien se faire tabasser, Anka n'en aurait plus rien à faire.