J’étais sérieusement contrariée. J’avais appris que ma petite Ellyn se faisait enquiquiner par un lion, qui d’ailleurs s’en était pris à elle. Pire encore ! Apparemment, il avait s’agit d’un enfant de la famille de Kaya. Lionne qui m’avait reniée à cause de mes choix de vie. Tout du moins, c’était comme cela que je l’avais perçu.

Mais peu importait. Je me reposais avec mon époux, Daren. Lui déposant une lèche sur le cou, je regardais Akyr dormir tranquillement entre mes pattes. Mon fils, mon trésor. Plus le temps passait, plus l’Exil approchait, faisant croître ma peur pour lui et ma fierté d’être sa mère. Cependant, Daren, voyant la nuit tomber, ordonna à notre fils de se lever pour l’entraînement. Comme à son habitude, il entrouvrit un œil puis bailla à s’en décrocher la mâchoire. Il était si beau… Mais sa beauté à mes yeux ne le rendrait pas plus pur à ceux des autres. Visiblement, certains lions mettaient un point d’honneur à me critiquer, ainsi que mon mari. Mais cela n’éteignait pas la flamme qui m’habitait quand je voyais Daren, non, il n’en était que plus beau. Je me moquais éperdument de ce qu’ils pensaient, tant que ma mère approuvait, ou du moins, tolérait notre relation. Laissant ma tête tomber sur le sol, je somnolais légèrement.

Tout du moins, cela était le cas avant qu’une masse claire s’avance vers moi. Le petit dernier de la lignée de Wema, elle-même mère de Kaya. Nazhir. Le lion insupportable dont parlait souvent Ellyn. Mes sourcils se seraient volontiers froncés si je n’avais pas eu l’obligation de rester neutre en tant que guérisseuse. Mais j’attendais, sereine, que le félin s’avance, prête à le remettre à sa place s’il osait dire du mal de ma fille.

Le crépuscule s’assombrissait. Tu grimaçais de plus en plus, sentant ta plaie se rouvrir. Le sang recommença à couler le long de ta patte.

- Merde ! Lâchas-tu entre tes crocs.

Tu avais quitté Anaya pour te diriger, en boitant, vers le repère de la guérisseuse… la lionne souillée par le Sans-Queue. Un frisson te parcouru lorsque tu songeais à cette relation putride et ce qui en avait résulté.

Maintenant, une nouvelle crainte s’insinuait dans ton esprit : Et si, pendant ton exil, ton amie se laissait séduire par le diable ? Si elle aussi se laissait envouter par une bête difforme ?! Tu secouais vivement la tête…tu n’avais pas envie d’imaginer une telle chose ! Cela serait bien trop horrible !

Encore quelques pas, et tu aperçus la tanière de l’infirmière. Tes poils se dressaient sur ton dos. Elle allait te toucher ! Berk ! Tu espérais que sa progéniture et son compagnon immonde ne soient pas dans les parages !

Puis, tes yeux se posèrent sur la lionne dorée. Elle était couchée, la tête contre le sable. Elle t’observait…Reprenant tes esprits, tu laissas une expression neutre sur ton visage. Tu n’allais quand même pas chouiner de douleur devant une lionne ! Encore plus devant celle-ci.

- Bonsoir. Dis-tu simplement.

Nazhir se tenait désormais à côté de moi, le visage neutre mais je savais pourquoi il était présent à mon côté. Il me salua poliment pourtant je savais que s’il martyrisait Ellyn, ce n’était pas pour rien. Lui aussi faisait parti de ces imbéciles qui n’aimaient pas mon époux. Pire encore, il était de ceux qui prenait les enfants a parti pour les « erreurs » de leurs géniteurs.
Quittant mon nid, je me traînais vers lui, le regard totalement dépourvu de la moindre expression. Il voulait jouer le lion hypocrite ? Nous serons donc deux à jouer. Dessinant un doux sourire sur mon visage, je hochais la tête pour le saluer :

- Bonjour Nazhir. Je vois que tu es blessé. Approche-toi. Je ne suis pas un monstre, je ne te mangerai pas.

Sans lui laisser le temps de broncher, j’etais deja à quelques centimètres de lui, observant sa patte. Elle était fortement amochée. Bien fait...
Réalisant mes propres pensées, je secouais la tête, comme pour chasser des idées néfastes.

- Eh bien ! Celui qui t’a fait cela est un professionnel ! Heureusement que tu es venu, tu aurais pu avoir une patte infectée. Et ce n’est pas très joli à observer, crois-moi sur parole.

Et paf ! Voilà qui devrait calmer les ardeurs de ce petit impertinent. Maintenant, le tout était de le soigner, ce boulet.

La lionne s’approcha de toi, un sourire aux babines. Tu restais de glace face à cette bibine angélique. Elle avait l’air si simplette et fragile...pas étonnant qu’elle se soit laissée bernée par le Sans-Queue !

Elle s’approcha de toi en te saluant. Hélas, elle avançait beaucoup trop vite à ton gout. Puis, elle observa ton épaule déchirée, non sans la détailler.

-Eh bien ! Celui qui t’a fait cela est un professionnel ! Reprit-elle, gonflant ton égo. Tu repensais au combat contre Akef. En effet, tu avais eu affaire à un adulte. Et tu t’en étais plutôt bien sorti ! Même si l’idée de n’avoir que blessé ce blasphémateur te frustrait énormément. Heureusement que tu es venu, tu aurais pu avoir une patte infectée. Et ce n’est pas très joli à observer, crois-moi sur parole.

Comment fallait-il le prendre ? Ce ton était trop mielleux pour être dénué de sous-entendu. Tu ne pus t’empêcher d’imaginer ta patte gangrenée au point de devoir t’en séparer. Finir comme l’Estropié…que cauchemar !

"Les choses horribles n’ont pas l’air de te gêner, toi qui a pris un monstre déformé pour époux" Pensais-tu rageusement.

Fermé, ton regard glacial dans le sien, tu attendais qu’elle te dise quoi faire.

Quel dommage que ce combat ne lui ai pas remis les idées en place, à cette tête de mule. D'ailleurs, celui-ci ne semblait pas ravi de ma présence. Parfait ! Au moins, nous étions deux ! C'est avec un soupir las que je me dirigeai vers mon nid, il fallait une plante apte à faire un cataplasme. Et on ne pouvait pas compter sur cet hurluberlu pour avoir eu la présence d'esprit d'en ramener une ! Bon, je n'étais pas très objective, comment aurait-il pu en reconnaître une ? En plus, s'il en avait ramené une, j'étais prête à parier qu'il se serait trompé. Tout dans les muscles, rien dans la tête, apparemment.


C'est avec cette idée bien trop biaisée par ma colère que je trouvai ce que je cherchais. Je pris donc la fameuse fleur et la déposai aux pattes de l'animal, fière comme un paon. Qu'allait-il faire maintenant ?

- Je suppose que tu ne sais pas ce qu'il va se passer maintenant, pas vrai ?

Dans mes paroles, on pouvait lire une rancœur non dissimulée. Mais je n'avais pas le choix, j'allais devoir le soigner, cet incompétent.

La lionne déposa une plante à tes pattes, avant te de défier du regard. Tu la fixais de tes prunelles d’acier, sans broncher. Où trouvait-elle l’audace de te prendre de haut, elle qui avait dégringolée dans l’estime du clan ?!

- Je suppose que tu ne sais pas ce qu'il va se passer maintenant, pas vrai ? Dit-elle avec dédain. Elle tenait vraiment à te provoquer ?! Un grondement sourd s’échappa de ta gorge tandis que tes crocs se découvrirent d’eux-même.

- Au contraire, je sais exactement ce qui va se passer : Vous allez me soigner, comme votre tâche l’exige !

La colère qu’Anaya avait apaisée fut réveillée par le comportement de cette guérisseuse au sang souillé. Pour qui se prenait-elle ?!

- Au contraire, je sais exactement ce qui va se passer : Vous allez me soigner, comme votre tâche l’exige !


Je me retins de grogner en entendant la réponse insolence du gamin. Espérons qu'il crèvera pendant l'Exil, celui-là... pensai-je en silence. Finalement, je dis, agacée :

- Je pensais plutôt à t'expliquer comment j'allais te soigner, mais soit. Allons-y.

J'entrepris donc de mâcher la plante que j'avais attrapé pour en faire un jus et l'étaler sur la plaie du "guerrier". Je ne savais pas s'il avait mal, mais vu l'état de sa plaie, c'était à prévoir. Je dis alors, sérieuse :

- Ne t'en fais pas, tu survivras. Tes blessures sont profondes, certes, mais ne te tueront pas...


Dommage, d'ailleurs...Je gardais le silence, finissant d'étaler mon cataplasme, puis, je m'éloignais, satisfaite.

- Ces blessures me font un peu penser à celles que tu as infligé à Ellyn récemment, profondes, mais brouillonnes.

Oups... Je n'avais pas pu m'en empêcher; oh, et puis zut ! Je n'allais quand même pas lui offrir des roses non plus !

Hiari renchérit avec insolence. Tu te fis violence pour contenir ton désir de la gifler ! Cette lionne avait le toupet de t’adresser la parole après s’être faite engrosser par une erreur de la nature ! Quelle honte ! Ce fut encore pire lorsqu’elle appliqua le remède sur ton épaule blessée…une pâte nauséabonde qu’elle avait prémâché. C’était vraiment dégoutant ! Le produit sur ta chair, tu ressentis des picotements, alors que la mixture pénétrait ta peau. Tu restais de marbre, observant la guérisseuse qui te faisait dos.

- Ces blessures me font un peu penser à celles que tu as infligées à Ellyn récemment, profondes, mais brouillonnes. Lâcha-t-elle.

Tiens donc ? Cette petite peste avait tout rapporté à pôpa môman ? Tu ricanais intérieurement. Les monstres de son espèce n’étaient bons qu’à se plaindre et tenter d’attirer la pitié…comme ces enflures de mositus. De la vermine à éradiquer, rien de plus !

- Elle s’en sort bien. Si ça n’avait tenu qu’à moi, je ne me serais pas contenté d’une simple griffure. Répondis-tu calmement, t'approchant de la femelle. Mais puisque que vous tenez réellement à en parler, Guérisseuse : Lequel d’entre nous est le plus cruel ? Celui qui a blessé votre fille temporairement où celle qui a croisé son sang avec un monstre, faisant de sa progéniture la risée du clan ?

Tu n’avais aucune sympathie pour ces cambions. Mais de toute cette famille de dégénérés, Hiari était la seule pour laquelle tu ressentais un tant soit peu de pitié. Après tout, elle était victime du Diable, elle.

Le mâle rétorqua alors qu’Ellyn s’en sortait bien. Que s’il avait voulu, il serait allé plus loin. Je gardai le silence, bouillonnant intérieurement. Il voulait jouer à ça ? Je voulus gronder mais il reprit, me laissant sans voix :

Mais puisque que vous tenez réellement à en parler, Guérisseuse : Lequel d’entre nous est le plus cruel ? Celui qui a blessé votre fille temporairement où celle qui a croisé son sang avec un monstre, faisant de sa progéniture la risée du clan ?

S’en était trop, ce gamin n’en perdait pas une et commençait à me taper sur le système. Je dis alors, presque automatiquement :

— Moi au moins, je ne suis pas une déserteuse, contrairement à ceux dont tu es issu. Maintenant, je crois que j’ai assez entendu d’inepties pour la journée, Nazhir. Je te souhaite bon courage, cela ne doit pas être évident tous les jours de vivre avec un raisonnement aussi bancal. Ce que je t’ai donné devrait t’aider à cicatriser, c’est tout ce que je ferai pour toi. Après tout, je suis quelqu’un de cruel.

Sans un mot de plus, je m’éloignai et frappai le sable de ma patte. Il m’avait agacé, trop agacé.

Une fois l’onguent installé sur ta chair ouverte, la lionne reprit la parole. Ses mots provoquèrent une décharge dans tes muscles, qui manquèrent de t’inciter à lui coller tes griffes dans le visage. A la place, tu te laissais aller à un grondement sourd, qui vint vibrer dans ta plaie.

"Un jour, tu vas ramper devant moi, garce !" Pensais-tu en t’éloignant, boitillant hors de son repère. Tu avais bien envie de proférer des menaces contre sa progéniture, mais le moment était mal choisi. Et puis…tout le monde aimait les surprises, pas vrai ?

Un sourire mauvais se dessina sur tes babines, tandis que tu rejoignais le reste du clan, toisant les imprudents qui osaient défigurer ta patte abîmée. Quant à Akef...tu saurais comment lui rendre la monnaie de sa pièce. Mais pour cela, il te fallait déjà réussir ton exil.