Encore un début de journée bien ordinaire. Depuis la mort de Kama, ma vie se résumait à des patrouilles avec Père ainsi que des leçons, toujours orchestrées par mon géniteur. Moi, aventurier dans l'âme, me retrouvait dans un piège sans fin, celui de la royauté et des responsabilités. Mon frère me manquait toujours autant mais à vrai dire, j'avais rarement le temps de m'apitoyer sur mon sort. Une seule chose parvenait à rythmer mes journées monotones : les visites de Sumu, la fille du roi tyran Sharkan. Si au début j'avais eu des doutes face à sa loyauté envers ma famille, ce n'était plus le cas. Tout comme moi, Sumu avait été victime de l'agression de Kama et si j'aurais pu imaginer qu'elle avait un lien avec cette histoire, ce n'était pas le cas. Il était clair qu'elle aussi avait été affligée par cette situation et étrangement, depuis cet événement tragique, un grand sentiment a commencé à conquérir mon cœur. Si je n'étais pas réellement intéressé par ce type de relation, c'était différent ces derniers temps. Chaque visite qu'elle me rendait semblait différente, je semblais la redécouvrir à chaque instant où mes yeux se posaient sur elle.

Sans regarder où j'allais, je marchais sur le territoire de Freeland, les yeux dans le vague. Ma queue ondulait doucement tandis que je sombrais dans mes pensées. Soudain, je sentis quelque chose de dur se prendre dans ma patte, me faisant trébucher. Ma tête cogna violemment le sol et je me relevai, stupéfait, je regardai ce qui venait de causer ma chute et vit une racine. Une simple racine avait réussi à me faire tomber. Si même une racine parvenait à me mettre au sol, qu'en serait-il des ennemis qui attaqueront le royaume ? En temps que futur roi, je devrais être capable d'au moins faire attention où je marche pour paraître un minimum crédible ! Je m'ébrouai, enlevant la poussière qui s'était logée dans ma crinière brune/rouge. C'est alors que mon cœur eu l'impression de recevoir un violent coup de griffes. J'étais face à la rivière principale. Pile à l'endroit où... Où cela s'était produit.

Je déglutis et regardai derrière moi, penaud avant de regarder à nouveau la rivière. Sans que je me rende compte, mes oreilles étaient plaquées sur mon crâne. Cette endroit avait le don de me rendre nostalgique. J'entendis alors des bruits de pas, et fis volte face à nouveau. Je vis un instant Kama, devant moi, un grand sourire aux babines. Instinctivement, je m'approchai de lui avant qu'un phénomène assez atypique se produise. Le pelage de mon jumeau s'assombrit et sa crinière disparut. Je clignai des yeux avant d'apercevoir le beau visage de Sumu à la place de celui de mon cher frère. Mon air stupéfait se figea quand je réalisai que je venais de confondre mon jumeau et celle qui faisait battre mon cœur. Je souris et saluai ma camarade de clan :

« Bonjour Sumu. Comment allez-vous ? »

Son visage était doux, comme la fourrure de ma mère. Je ne savais pas pourquoi, mais j'étais apaisé par son regard ambré. J'eus soudainement envie de m'approcher d'avantage mais je ne le fis pas. Je restai à une distance raisonnable, mais pas excessive. J'attendais sa réponse, la tête droite, les oreilles droites, prête à accueillir la douce voix de la princesse déchue.

La belle Sumu me sourit ce qui provoqua un océan de chaleur dans mon cœur. Je tâchai cependant de ne pas trop montrer cette joie qui m'était de moins en moins inconnue. Cependant, je ne pus empêcher mon sourire de grandir. Sa voix mélodieuse parvint à mes oreilles et je dû réprimer un ronronnement. Je déglutis, que m'arrivait-il à la fin ?

« Que le soleil réchauffe votre cœur Naba. Je vais bien merci et vous, comment allez-vous ? Vous sembliez ailleurs à mon arrivée, je me trompe ? »

Je restais coi un instant avant de chercher une excuse. Je n'allais pas encore ressortir le sujet Kama, qui d'ailleurs était presque devenu tabou dans la famille. Je ne parlais que rarement de mes doutes à mes parents, je m'efforçais de me montrer digne. Digne d'être le successeur de mon père. Digne d'être celui sur lequel les lumières se lèverait, même si pour cela je devais renoncer à cette liberté que chérissais tant. Et surtout. Je voulais que Kama soit fier. Fier de ce que je suis devenu, pour lui. Je réalisai alors que Sumu avait disparut.

« Sumu ? »

Je regardai alors l'eau et mes yeux s'écarquillèrent devant l'horreur de la scène qui se matérialisait devant moi. Je secouai la tête, incrédule. C'était un cauchemar... Non... NON ! Je m'approchai de l'eau avant de me stopper, incapable de bouger. Mes yeux se posèrent à nouveau sur Sumu qui se débattait avec celle qui avait ôté la vie à mon frère. Cette rivière... Elle me faisait si peur... Je revoyais ce liard, le museau au dessus de l'eau, cet air satisfait sur le visage. Cet air... Dément... Je serrai les crocs, plantai mes griffes dans le sol humide et fouettai l'air de ma queue quand un appel emplit de désespoir arriva à mes oreilles.

« Naba … Au secours !! »

Après cela, je commis une des plus grandes folies de ma vie. Sans même avoir réfléchis une seconde de plus, je me retrouvai dans l'eau meurtrière, luttant contre le courant. Je m'enfonçai dans l'eau, ma tête se retrouvait dans le liquide, j'étais désormais prisonnier du même destin que Kama... Comme le voulait la logique, mon corps fut entraîné par le courant, au même titre que celui de Sumu. Mes yeux se posèrent alors sur son visage marqué par la peur. La peur de la mort qui avait habité mon jumeau lors de son agression. Et mon père. Qui prendrait sa relève ? Et Kama ? Que dirait-il si il savait que j'avais abandonné... ? Non...
Mes pattes se mirent à battre frénétiquement l'eau, libérant mon visage de sa prison aquatique. J'inspirai bruyamment le plus d'air que ma gueule pouvait prendre avant de continuer ma course contre la montre. Je ne voyais plus le museau de Sumu. Elle aussi avait abandonné. Mais moi, je ne l'abandonnerai pas, il n'y aura pas le moindre mort aujourd'hui, tout du moins, pas sur les terres de Kama... Pas sur MES terres. Je griffai l'eau de mes pattes musclées, me rapprochant du corps de celle qui me faisait vibrer. Finalement, je parvins à atteindre le corps de Sumu. Je lui attrapai le haut du cou et me mis à battre des pattes avec un ardeur qui m'était inconnue. Je me rapprochai de la rive, mais il me faudrait de l'aide. Je levai mon museau aussi haut que je pouvais, permettant à la belle de respirer. Je l'entendais cracher de l'eau. Elle était consciente, ce qui me donnait encore plus envie de me battre. Comme par miracle, mes efforts portèrent leurs fruits et ma patte droite parvint à atteindre la berge. Sans la moindre hésitation, je plantais mes griffes dans la terre et sortis de l'eau traînant toujours le corps de la belle que je déposai sur le sol avant de m'asseoir, haletant. Mes griffes étaient fermement plantées dans le sol et je serrai mes crocs à tel point que ma mâchoire me faisait souffrir. Ma tête semblait prête à exploser. Je regardai Sumu puis m'approchai avant de lui donner un coup de museau.

«  Vous voici de nouveau les pattes sur terre, très chère. Navré d'avoir mis aussi longtemps » ronronnai-je

Enfin, j'avais regagné la rive. Moi qui rêvais d'aventure, on peut dire que lutter contre la mort en était une de taille. J'essayais de reprendre ma respiration quand des gouttes d'eau gelée vinrent s'écraser sur mon pelage doré. La belle Sumu s'ébrouait afin d'ôter le liquide froid de son pelage. Elle secoua ses pattes dans le même but. Je m'éloignai légèrement de la lionne en titubant, tremblant et haletant. Je peinais à croire que j'étais encore en vie. Je peinais à croire nous étions encore en vie... Je regardai un instant l'ancienne princesse avant de me secouer dans tout les sens pour sécher mon pelage. Je sentais les rayons du soleil réchauffer mes poils avec une douceur infinie, comme s'ils caressaient mon pelage. Tandis que ma crinière reprenait du volume, je me léchai la fourrure avant que mes yeux s'attardent sur le visage de Sumu. Elle me regardait avec un air doux et gêné avant de baisser son regard, ce qui me fit sourire. Lorsqu'elle sentit mon coup de museau, son visage fut marqué par la surprise qui animait son être. Oups, j'avais peut-être été trop sûr de moi. Ce fut à mon tour de baisser les yeux, un air embarrassé sur ma face féline. Cependant, la joie demeurait maître de mon corps. J'avais sauvé Sumu, et moi-même par la même occasion !

« Merci, les eaux froides du fleuve.. sont vraiment traitresses ses derniers temps. »

Je laissai mon regard se perdre dans l'eau et hochais la tête avant de me concentrer à nouveau sur mon interlocutrice.

«  Elles le sont depuis bien longtemps maintenant... »

Elle sembla soucieuse un instant avant de me demander :

« Comment avez-vous fait pour vaincre votre peur du fleuve pour venir me secourir ? »

J'hésitais à lui répondre. Qu'étais-je censé dire ? Je ne savais même pas pourquoi je l'avais fais. Je ne pouvais pas la laisser mourir comme ça, c'était viscéral. Jamais je n'avais ressentis quelque chose d'aussi fort pour quelqu'un. Je lui souris un instant avant reprendre un air sérieux.

«  Cette rivière avait fait trop de mal. Je ne pouvais pas pas laisser une camarade de clan mourir ainsi. Et surtout, je ne pouvais pas laisser une amie mourir... Et je crois aussi... que je voulais prouver à... A Kama qu'il... Qu'il pouvait être fier de moi... »

Mon regard s'assombrit et je m'éloignai de la rivière en faisant signe à la belle de me suivre. A vrai dire, à la mort de Kama, j'avais ressentis un besoin viscéral de prouver à mon jumeau que je méritais sa place. Je me demandais parfois comment Sumu avait pu pardonner à ceux qui avait tué son père, mais elle l'avait fait et un tel acte de pardon imposait le respect.

Je m'éloignai d'avantage de cette rivière et regardait encore une fois la princesse déchue avant de lui demander :

«  Lorsque vous étiez dans l'eau... A quoi avez-vous penser ? Je veux dire, n'avez vous pas eu peur ?Vous... Pensiez que je viendrai vous chercher ? »

Après avoir entendu mon explication, la belle me sourit et s'approcha, un air doux plâtré sur son visage. Peu après, sa douce voix vint transpercer mon être tant ses paroles étaient douces et réconfortantes :

« Je suis sûr que votre frère est fier de vous. Vous avez gardé la tête sur les épaules. Il restera auprès de vous malgré tout, ne vous en fait pas… Juste ici. »

Elle s'approcha alors et posa sa patte sur mon cœur, ce qui me plongea dans une profonde réflexion. Je ne pus m'empêcher de murmurer :

« Comment avez-vous pu nous pardonner.... »

Je réalisai que j'avais penser à voix haute et recula, cette phrase allait sûrement briser cette proximité qui venait de s'installer. Je reculai, penaud et baissai la tête, les yeux embrumés :

« Comment avez-vous pu pardonner à la famille qui a détruit votre vie ? Comment pouvez-vous être aussi clémente ? Aucun lion ne pourrait être assez indulgent pour pardonner ceux qui ont tués sa famille... Comment pouvez-vous être si... Si incroyable...»

Je m'éloignai avant de tourner en rond, je m'enfonçai et cela ne me plaisait pas, je commençai à perdre pied et cela me rendait malade. Soudain ; la douce voix de la lionne vint à nouveau à mes oreilles et je me retournai :

« Non je n’ai pas eu peur. Je savais que vous viendriez me sortir de l’eau. C’est dans votre sang, prêt à vous mettre vous-même en danger pour sauver une demoiselle en détresse. »

Mon cœur fit un bond dans ma poitrine, ces paroles entrèrent dans mes oreilles puis atteignirent mon âme, me faisant presque chanceler. Je n'étais pas du genre romantique, mais Sumu... Elle était divinement douée pour manier les mots. A vrai dire, elle les maîtrisait aussi bien que son père maîtrisait ses crocs et ses griffes. La belle semblait si sincère, elle semblait avoir réellement confiance en moi et cela m'allait droit au cœur. Elle se rapprocha à nouveau et me donna un coup d'épaule qui me fis sourire. Je regardai le ciel un instant avant de dire avec un sourire en coin. :

« Vous n'êtes pas n'importe quelle demoiselle ma chère. »

La belle rit légèrement avant de s'éloigner en trottinant, je m'élançai à sa poursuite en riant à mon tour avant qu'elle ne s'arrête, je manquai de la percuter mais m'arrêtai juste à temps. Je lui souris et elle me dit :

-J’en serais presque jalouse tient.

Cette fois ce fut mon tour de lui donner une petite pichenette de la patte avec un brin d'amusement avant de dire :

« Vous êtes bien la dernière à devoir être jalouse. »

Je me m'y à avancer, le cœur léger. Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas senti aussi bien, quoi que, chaque visite de Sumu parvenait à me mettre de bonne humeur. Le soleil commençait à descendre et bientôt, la nuit tomberait, je me préparai donc à inviter la princesse déchue à rentrer avec moi au repère. Je regardai la belle avant de lui dire avec un sourire en coin :

« Il va commencer à se faire tard, nous devrions rentrer au repère. A moins que vous ayez d'autres projets ma chère ? »

Le visage de la belle se renferma, la belle semblait prise par un torrent d'émotions qui me serra le cœur. Jamais je n'aurais pu pardonner au liard de m'avoir privé de mon cher frère, alors... Comment aurais-je réagit si on m'avait privé de mes parents, la chair dont j'étais issu... Je vis alors des larmes se coincer dans ses yeux et je grimaçai tant cette scène me faisait souffrir. J'aurai tant voulu m'approcher, lui essuyer les larmes qui menaçaient de s'échapper de ses paupières, lui dire que tout était fini. Mais je n'étais pas bête, je savais que la princesse était trop pudique pour laisser couler ses larmes devant moi. Devant le fils de celui qui l'avait privé de sa famille. Je reculai légèrement, partagé entre la culpabilité et un sentiment d'incompréhension. L'enfant qui dormait en moi aurait sans doute hurler que c'était Sharkan le méchant de l'histoire et qu'il n'avait eut que ce qu'il méritait, mais là... Je voyais face à moi la peine que la mort d'une créature, aussi monstrueuse était elle, pouvait causer. Je déglutis difficilement mais gardai la tête droite, affrontant la tristesse de mon amie avec le plus de sang froid possible, même si entendre la respiration saccadée de Sumu me faisait plus souffrir que le plus puissant des coups de griffes.

  « Vous avez raison … Mais j’ai voulu être plus forte et j’ai préféré passer au-dessus de tout ça. Les différent concernant nos parents, pas nous. Personne n’arrivera à trouver la paix si tout le monde reste bloquer dans la haine et l’envie de vengeance. »

Je ne pus que lui offrir un sourire triste en entendant ces paroles. Tout dans ces mots étaient emplis d'une sagesse et d'une réflexion profonde. Je soupirai et regardai le soleil qui, petit à petit, était voilé par les nuages. Je notai cependant qu'une certaine colère semblait émaner de son être, mais je ne compris pas exactement à qui elle était dû, je préférai donc l'ignorer. Je regardai le ciel et lui dis :

«  Tâchons dans ce cas de ne pas reproduire les erreurs de nos aïeux... Pour qu'il n'y ai plus de morts inutiles... Même si tout cela n'est qu'une utopie et que le sang coulera toujours... Car.. C'est dans notre nature... »

Même si je savais que nous étions des lions civilisés et que nous pouvions au moins tenter de limiter les effusions de sang, il était clair que les opinions divergents créeront toujours des conflits. Après mes mots, la belle me sourit, gênée et rassurée. Elle me répondit aussitôt quand je lui proposai de rentrer :

« Je préfère éviter de risquer encore une fois, de tomber à l’eau pour aujourd’hui. Rentrons oui. »

Je me mis en route, heureux, regardant mes terres d'un air fier. Je savais une chose, je n'étais pas seul. Kama serait toujours auprès de moi et je tâcherai à jamais de chérir chaque souvenir auprès des miens. Nous arrivâmes au repère et je regardai la belle une dernière fois, regrettant de devoir déjà me séparer de son doux parfum. Je lui souris et inclinai légèrement la tête pour la saluer :

«  Que cette nuit sache apaiser nos cœurs, bonne soirée ma chère... »

Je la regardai un instant, hésitant, j'avais envie de me rapprocher et de lui donner un léger coup de museau amical, mais je ne le fis pas... C'était encore trop tôt. Je m'éloignai donc, non sans avoir regardé une dernière fois la belle au passage.

( je propose de clore ici ! merci de m'avoir accompagnée pour ce rp! )