L'Exil d'un nouveau guerrier.

C'était le Jour J. Le jour où Wahidan s'engageait dans un long parcours semé d'aventures et qui fera la fierté de ses parents. La veille, il avait pris avec son frère un repas copieux et avait bu dans la matinée plusieurs litres à intervalle régulier. Il n'était pas sûr que ça l'aiderait, mais cela eut le bienfait de l'apaiser. Wahidan faisait partie du nouveau groupe de jeunes du mois qui partait seul pendant un an dans le Désert. Ses amis Shume et Zeero, âgés d'un mois de plus, devaient déjà être à des kilomètres du clan, vivant ce round trip comme un pur bonheur, car oui, cette épreuve était devenu un bonheur, une chance pour le jeune ado.

Marchant majestueusement au côté de Dhaifu, ils se dirigèrent auprès de leurs parents qui les attendaient la mine sérieuse. C'était comme une cérémonie solennelle, comme si c'était la fin d'une époque et le début d'une nouvelle étape. Les deux frères s'assirent en face de leurs parents, le torse bombé, la tête haute et le regard fier. Tout ce qu'ils avaient appris jusqu'à aller, allaient à présent servir durant leur traversée du Désert.

" Bien, vous êtes prêts ? "

La voix plus sèche de son père surprit l'ado à crête brune, bien qu'il ne laissa rien paraître. Dhaifu se contenta d'un hochement de tête, et Wahidan observa simplement tour à tour ses parents, puis quelques membres du clan venant accompagnés d'autres ado. Son regard s'arrêta sur sa mère, dont les yeux brillaient, soit de fierté, soit de tristesse. Ou bien les deux. Jangwu reprit la parole, avec un peu plus de douceur.

" N'oubliez pas que les nuits sont glaciales et les journées brûlantes. Évitez de tomber malade dès les premiers jours, mes tête en l'air. "

Jangwu, qui avait pour habitude d'être toujours sérieux et distant en public en ses fils, s'autorisa un clin d’œil. Discret, bien évidemment. Tamiyn sourit tendrement à ses enfants et continua.

" Je suis sûre que vous alliez y arriver. " Elle fixa Wahidan, avant de tourner sa tête vers Dhaifu et rajouter. " Je vous aimerai toujours quoi qu'il arrive. "

Wahidan haussa un sourcil. Le comportement de ses parents étaient bien étrange. Ils s'adressaient à eux comme si c'était le dernier jour de leur vie. Dhaifu quant à lui semblait très touché et avait un regard triste, désolé.

" Je vous aime. "

Ce dernier s'approcha de sa mère et frotta sa tête contre la sienne. Jangwu passa rapidement une patte sur son dos, devant le regard d'incompréhension de leur aîné. Pourquoi faisait-ils tout ce cinéma ? Le félin à crête regarda autour de lui. Les familles réagissaient de façon presque similaire, à quelques exceptions. Vraiment toute une comédie ! Wahidan se leva et commença à s'éloigner.

" Bon, à dans un an ! "

Jangwu tourna la tête vers son premier fils, en l'interpellant d'un ton autoritaire. " Dis au moins au revoir. "

" Mais père … " répondit Wahidan d'un air blasé.

" On ne sait pas de quoi est faite la vie. " rajouta Tamiyn avec un sourire aimant. Qui aurait cru qu'une telle furie se montrera aussi aimante.

A contre cœur et en levant les yeux, Wahidan s'approcha et donna deux gros coups de langues à ses parents, de manière désinvolte. Dhaifu désapprouva, avec un petit sourire.

" Ça va, on va revenir, il n'y a aucune raison de s'en faire. "

La famille se regarda avec tristesse. Même avec tous ces mois passés, Wahidan semblait toujours croire que la mort n'était pas réelle et qu'elle ne s'abattrait jamais sur eux.

" Wahidan voit la vérité en face, je ne reviendrait...  " commença Dhaifu, les yeux cherchant ceux de son frère, qui fuyaient.

" Acha ! Tu reviendras. " Déclara ce dernier, énervé, en s'éloignant. Il se retourna rapidement pour faire face à sa famille et surtout à Dhaifu, l'air très sérieux. " Si toi tu n'y crois pas, personne ne pourra le faire à ta place. T'as qu'à rester là. Ou mieux, te tuer maintenant si t'en a marre. "

Ses paroles étaient dures, mais révélées la pensée profonde du jeune ado. Il savait que Dhaifu n'avait aucune chance, il le savait depuis toujours, mais refusait de l'admettre. Il observa son frère. Il était plus chétifs que de nombreux autres pré-ados. Un corps déjà maigre, une taille plutôt petite même pour un jangowas, le visage fatigué. Et il était toujours malade. Les feuilles qu'il avait pour son traitement l'aider au quotidien, mais lui serait-il possible d'en trouver au beau milieu du Désert ? Wahidan se radoucit et posa sa tête sur celle de son frère, les yeux fermés.

" Unis pour l'éternité. " murmura-t-il.

" Rien ne nous séparera, mon frère. " enchaîna Dhaifu. Wahidan ouvrit les yeux.

" Pas même la mort ? " Dhaifu se détacha et hocha la tête, ce qui redonna le sourire à l'ado à crête.

Le chétif se dirigea ensuite vers les parents pour un dernier au revoir.
" Kuaga."

" Kuaga, mon fils.  répondit Jangwu en fermant les yeux. Tamiyn lui lécha une dernière fois derrière l'oreille. Les parents attendirent un moment avant de voir Wahidan était déjà prêt à partir, et semblait guider les autres vers leur mort ou leur réussite.
" Kuaga, Mjinga. "
" Je t'aime. "

Sans vraiment faire attention aux paroles de ses parents, Wahidan prit un air totalement exaspéré.
" Oui, oui, je sais. Allez Dhaifu ! "

L'intéressé s'avança doucement, avec prestance vers son frère impatient. Un lion lambda, assistant à la scène adressa ses mots aux jeunes.

" Que le Grand Désert guide de vos pas, et vous ramène s'il le désire auprès des vôtres. "
Wahidan, comme beaucoup, inclinèrent la tête aux mots.

Le regard vers l'horizon, les merveilleuses dunes en face de lui, l'ado à la crête brune prit les devant du groupe qui allait bientôt se diviser. Sans un regard en arrière, il se lança dans le moment tant attendu des ados jangowas. Le moment où ils allaient prouver qu'ils étaient dignes du Grand Désert. De tous, Wahidan était le plus confiant. Ce tempérament sûr ne tenait qu'à une pensée : * Je reviendrait, on reviendra tous et rien n'aura changé.* Bien qu'il était ado, le jeune n'avait pas encore idée de ce qu'étaient les effets du temps et la vie fragile des créatures de cette Terre. Avait-il dit à sa mère qu'il l'aimait ? Peu importe, il était à présent lancer.

Le groupe se divisa, une fois deux ou trois dunes dépassées. Wahidan continua à marcher longtemps au côté de son frère, jusqu'à qu'ils se séparer en gardant un visuel l'un sur l'autre. Seul sur une grosse dune, Wahidan examinait le Désert. L'épreuve avait commencé et il était prêt.

Prêt pour son Exil.

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Wahidan se bat en soie de maïs
et réfléchit en brun selle