Junun avait marché pendant deux nuits entières après sa rencontre avec Aya. Il s'était finalement installé près de l'Etang, Aya n'avait pas menti, personne ne chassait près de là. C'était intéressant de constater à quel point les coutumes de Prideland étaient différentes. Sur Freeland, aucune loi n'interdisait la chasse de proies juvéniles. Elles n'étaient juste pas prises en chasse par principe éthique.

Junun commençait à apprécier sa vie de voyageur, au point qu'il se demandait ce qui le retenait sur Freeland. Sa mère ? Elle n'en avait rien à faire de lui, Koliya... Le cœur du lion brun se serra, il avait promis fidélité à sa cheffe, l'avait abandonné. Mais... Il n'avait pas sa place là bas. Personne ne l'attendait, il n'avait aucune attache là-bas... ROAAAAARRRRRRRRRRRRRR !

Junun se redressa d'un bond, les autres animaux présents se tendirent également. Il jeta un coup d'œil aux alentours, il était le seul prédateur présent. Le rugissement était déchiré, aigue, peut-être celui d'une lionne... Pourtant, si les proies étaient en danger, il devait s'assurer que personne ne les blesserait ici... Un autre rugissement, plus fort cette fois, celui d'un lion, raisonnait. Ils étaient plusieurs ?!


- Restez côtes à côtes ! Je reviens ! Ne quittez pas l'étang !


Junun s'enfonça dans la savane, rugissant à plein poumons, répondant aux assaillants et les prévenant que les terres étaient protégées... Avant de tomber truffe-à-truffe avec un lion roux qui combattait une lionne, cette dernière semblait protéger une vieille femelle... MAMAN ? Junun se raidit, cligna des yeux. Non, non, non ! C'est pas possible ! Et la lionne...



- ARVEA ?

- J-Junun ?

La lionne s'était faite distraire, le lion roux avait alors réussi à la mettre au sol d'un coup de pattes. Il adressait un regard victorieux à Junun, qui comprit à son parfum qu'il ne venait pas du tout de Prideland. Le lion brun était immobile, ne sachant pas comment réagir. Sa mère était immobile, ses yeux jaunes croisèrent les siens. Pour la première fois depuis longtemps, il lit un soulagement infini sur le visage de Wahrada.

Il n'en fallut pas plus pour que Junun bondisse sur le félin et le plaque au sol. Ses lunes passées en tant que voyageurs l'avaient considérablement changé et il n'eut aucun mal à bloquer son adversaire. Quand ce dernier se dégagea finalement, Junun lui envoya un gros coup de pattes au visage, achevant le tout par un rugissement enragé :

- Tu es sur Prideland ici, si tu attaques qui que ce soit ici, tu heurtes les lois du roi. Dégage maintenant !

L'adversaire répondit par un grognement et quelques secondes après, il avait disparu sans crier gare. Junun se précipita alors vers Wahrada :


- Mais qu'est-ce que vous faites là, bon sang ?!

Wahrada ne prit même pas le temps de lui répondre, elle se releva et enfouit son museau dans sa crinière. Sans que le lion ne comprenne ce qui lui arrivait, sa mère le couvrait de lèches, les yeux larmoyants. Junun ne fut pas capable de s'extirper de son emprise, il était paralysé, perdu dans ses pensées. Arvea le regardait avec un sourire triste mais il n'y fit pas attention.


- Qu'est-ce que vous faites là ? répéta encore le grand mâle, les sourcils froncés.

Arvea voulut faire un pas vers lui puis se ravisa quand les griffes du mâle se plantèrent dans le sol.

- Ta mère voulait te retrouver... Alors je l'ai accompagné.

Junun glissa un coup d'œil perplexe à sa mère qui ne voulait plus le lâcher. Il reporta son attention sur Arvea :

- Tu aurais pu demander à ta mère, vu que c'est elle qui s'en est occupé, comme tu me l'as généreusement rappelé avant mon départ.

La jeune Freelander souffla et se rapprocha de lui, ignorant les signaux d'alertes qui indiquaient qu'il voulait qu'elle s'écarte.

- Ma mère n'avait pas de raison de venir, moi si. Je...



- Je te demande pardon, Junun... Je suis tellement désolée !

Le lion n'entendait plus rien, il ne voyait plus rien non plus. D'un coup sec, il se décala et rugit :

- Laissez-moi ! Laissez-moi...

Ses souvenirs revenaient en pleine face, son passé compliqué. Ses parents avaient honte de lui... ELLE avait honte de lui ! Il tituba, sa fourrure s'était dressée sur son dos :


- C'est trop facile ! C'est.. Vous n'en avez rien à faire ! Vous m'avez gâché la vie, vous aviez honte de moi ! Mais vous n'aurez plus jamais honte ! Parce que je ne suis plus celui que vous pouviez juger ! Et ... Je ne suis plus rien pour vous ! Alors... Alors... Je m'en vais !


Il voulut bondir hors d'atteinte de sa mère mais Arvea lui barra la route, l'implorant des yeux :

- Junun, s'il te plait...

Le lion eut soudainement le souffle coupé ses yeux lui rappelaient quelqu'un d'autre...

- Qui sème le vent récolte la tempête.

Et il partit ventre à terre jusqu'à l'Etang, rassurer toutes les proies qui se calmèrent aussitôt. Il s'éloigna ensuite et trouva un abri sous un rocher. Il s'y cacha et n'en sortit pas pendant des heures. Il avait tant voulu ces excuses... Pourquoi les refusait-il, à présent ? Il avait soudainement froid, dans sa demeure de pierre.