Attachée à savoir tout ce qu'il se passait sur le Royaume pour aider au mieux Kupendwa, une rumeur était parvenue à mes oreilles. J'avais entendu dire qu'un pelage doré parsemé de tâches avait été aperçu à plusieurs endroits du territoire. Et il ne s'agissait pas de Minei.

Désireuse de vérifier si ces dires étaient vrais, j'avais quitté le Rocher de bonne heure, non sans saluer mon compagnon au préalable. Je m'étais dans un premier temps rendue près de l'Etang mais mon amie n'y était pas. Je n'étais pas découragée pour autant et je profitais d'être là pour me désaltérer avant de repartir à la recherche de la liarde.

Repensant au moment où nous avions vraiment sympathisé, je rebroussais chemin pour me diriger vers la Colline du Peponi. Il y avait une bonne marche pour aller jusque là-bas. J'avais déjà mis toute la matinée pour arriver à l'Etang et maintenant, il fallait que je traverse presque tout le territoire. J'estimais qu'avec un bon rythme, j'apercevrai les herbes dorées de la Colline du Peponi en fin de journée. Toutefois, cela n'entamait en rien mon moral car pour retrouver Aya, j'étais prête à marcher durant des heures.

Je n'eu cependant pas à marcher tout ce temps car peu de temps après avoir dépassé le Rocher, le pelage que je recherchais rentra dans mon champs de vision. Mon coeur se gonfla de joie et j'accélérai le pas, courant presque sur les derniers mètres. Aya !

J'avais l'intention de m'arrêter à quelques pas mais au dernier moment, je changeais d'avis. Trop contente de la retrouver, je me laissais emporter par ma joie et je vins poser mon front quelques secondes sur le sien avant de reculer pour laisser une distance respectable entre nous. Je suis tellement heureuse de te revoir ! Prideland ne brille pas de la même manière sans toi. Je comprenais les raisons de son éloignement et ne lui en voulait absolument pas. C'est pourquoi j'offrais un sourire sincère et chaleureux à Aya. J'étais vraiment très contente de retrouver mon amie.

Alors que je posais mon front contre celui d'Aya, j'entendis nettement un ronronnement qui ne laissait pas de place au doute. Aya était heureuse elle aussi.

Qu'il était bon de la revoir ! Nous nous étions certes brièvement croisées lorsqu'elle était venue me féliciter pour mon nouveau rang mais ce n'était pas pareil que nos longues conversations sur tout et rien. Oui j'étais bien entourée et j'avais d'autres amis ainsi que ma famille mais ce n'était pas pareil. Avec son éloignement, je m'étais rendue compte qu'aucune amitié ne ressemblait à celle que j'avais avec la liarde. Avec Aya, je me sentais étonnement à l'aise et je savais que je pouvais parler de n'importe quel sujet sans être jugée. Comme si je parlais avec une petite sœur.

Emue par cette dernière pensée que je venais de réaliser, je laissais là mes songes avant que mes yeux ne se remplissent de larmes sous le coup de l'émotion. La liarde me remercia pour mes propos avant de m'avouer que elle aussi était heureuse de me revoir. Elle me demanda ensuite comment j'allais et comment se passait ma nouvelle vie. Eh bien en réalité, mes journées ressemblent beaucoup à celles que j'avais lorsque Kupendwa m'a nommée comme Conseillère. Je l'aide comme je peux en lui donnant mon avis sur certaines questions, je sillonne le territoire pour aller à la rencontre des Pridelanders et prendre en compte leurs remarques et les aider si besoin. Cela remplit mes journées mais j'aime faire tout ça.

La seule chose qui était vraiment différente était que, en tant que Reine, j'avais un devoir à accomplir. Il me fallait assurer la succession de la lignée royale mais pour le moment, mon ventre ne s'arrondissait pas. Ce n'était pas faute d'essayer mais toutes ces tentatives s'étaient jusqu'à présent soldées par des échecs. Je ne comptais néanmoins pas abandonner et pour le moment, cela n'entamais pas mon moral. C'est pourquoi je pouvais répondre sans mentir à mon amie. De fait, ca va très bien, merci. Mais ce n'est pas à moi qu'il faut poser cette question. Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ?

J'avais volontairement évité la question du "Et toi, comment vas-tu ?" parce qu'il était évident qu'après la perte d'un être auquel on tenait énormément, cela n'allait vraiment pas fort. La preuve, la liarde s'était éloignée pour gérer seule son chagrin. Et même si aujourd'hui, elle était revenue, cela ne voulait pas nécessairement dire qu'elle allait bien. C'était simplement qu'elle était de nouveau prête à se mêler aux autres.

Aya était heureuse pour moi, cela se voyait sur son visage et ça s'entendait dans ses propos. J'aurais tellement voulu pouvoir faire en sorte qu'elle soit heureuse elle aussi. Ce n'était peut être pas réalisable dans l'immédiat mais je tenais à ce qu'elle puisse ressentir du bonheur à son tour, elle le méritait tellement !

Puisqu'il était inutile de lui demander comment elle allait, j'avais plutôt demandé à mon amie si je pouvais faire quelque chose pour elle. Aya m'assura tout de même qu'elle allait bien et que je n'avais pas à m'en faire. Face à ce mensonge, je regardais mon amie de façon dubitative. Elle était encore plus chétive que d'habitude mais il était vrai qu'elle avait l'air en pleine forme, comment avais je pu douter de son état de forme ?

Aya avait du remarquer que je ne la croyais pas car elle poussa un long soupir, apparemment convaincue qu'elle ne m'aurait pas comme ça. Et elle avait raison. Je tenais absolument à faire quelque chose pour elle. Je l'écoutais donc attentivement dire qu'elle se sentait perdue. Qu'avec la mort de son père, tout n'était pas très clair pour reprendre ses propres mots.

Lorsqu'elle ajouta qu'elle n'avait plus de famille, j'arborais une grimace. C'était vrai mais ce n'était pas pour autant qu'elle n'avait plus personne à qui se confier. J'aurais voulu lui dire le fond de ma pensée, mais le sourire avec lequel je la connaissais réapparut rapidement sur son visage. Elle avouait qu'elle ne se laissait toutefois pas abattre et qu'elle avait décidé de reprendre sa vie en patte.

Mon amie reporta la conversation sur moi, me demandant comment se portait Prideland depuis qu'il y avait une femelle à sa tête. Elle plaisanta même en disant joyeusement qu'elle était certaine que le Royaume était mieux géré depuis mon couronnement. Je répondis à son sourire, mêlant mon rire au sien. Souhaitant plaisanter à mon tour et faire rire ma camarade, je rapprochais doucement ma tête de celle d'Aya avant de lui parler sur le ton de la confidence. Oh tu sais, depuis que je suis devenue Reine, c'est moi qui gère tout mais je laisse croire à Kupendwa que c'est lui qui dirige afin de ne pas le blesser. Je terminais ma phrase par un clin d'œil avant de rire de ma bêtise.

Après ces quelques instants d'allégresse, je reprenais. Non, plus sérieusement, je n'ai pas fait grand chose. La seule décision que j'ai prise a été d'autoriser le lycaon Hadithi à accéder à l'ancien Repère des Gardiens pour qu'il puisse étudier les peintures qui s'y trouvent. Restant quelques instants silencieuse, je me rappelait de la réaction de mon compagnon lorsque je lui avais annoncé cela. Il n'avait pas vraiment apprécié que je prenne cette décision mais puisque cela été fait, il ne pouvait plus rien y faire.

J'hésitais à aborder un autre sujet mais comme Aya s'était confiée à moi, je décidais que je pouvais en faire de même. Je sais que Kupendwa ne m'en tient pas rigueur mais... Je sais aussi qu'il aimerait ne pas reproduire le schéma qu'il a connu avec sa mère et profiter de nombreuses années auprès de nos enfants. J'essaie donc d'accomplir mon devoir en tant que Reine mais pour le moment, on ne peut pas dire que ce soit un franc succès... Mon sourire se perdit et un voile de déception passa dans mes yeux. Après mon union avec Kupendwa, j'aurais cru qu'un heureux évènement serait arrivé rapidement. Toutefois, malgré toutes nos tentatives, aucune vie ne semblait grandir en moi. Je ne me laissais pas démoraliser mais j'étais quand même un peu inquiète.

Et puisque j'en étais à dire ce que j'avais sur le cœur, j'ajoutais ce que je n'avais pas pu dire un peu plus tôt, lorsqu'Aya disait qu'elle n'avait plus de famille. Et tu sais, par rapport à ce que tu ressens : tu n'as peut être plus de lien de parenté mais tu as toujours tes amis. Je sais qu'ils sont nombreux et qu'ils ne te laisseront pas tomber, moi y compris. Ce n'est pas parce que j'ai un nouveau statut que je compte ne plus voir ceux à qui je tiens. D'autant que je te considère comme plus qu'une amie. On a tellement de choses en commun toi et moi que j'ai parfois l'impression de parler à une petite sœur. L'inquiétude que j'avais laissé transparaitre alors que je me confiais avait désormais disparu de mon visage pour laisser la place au sérieux. Je pensais chacun de mes mots et il était indispensable que Aya comprenne à quel point elle était importante. Elle savait toucher les cœurs et si elle avait besoin d'aide, je ne doutais pas que les personnes seraient nombreuses à vouloir l'aider. Et il était indéniable que je faisais partie de ces personnes. N'hésite jamais à venir me voir si tu ressens le besoin de parler, peu importe le sujet, d'accord ?

Mon ami riait de bon coeur avec moi suite à ma plaisanterie et, par les Esprits, qu'il était bon de pouvoir de nouveau rire avec elle de cette façon. Elle m'avait tellement manqué !

A l'évocation de Hadithi, mon amie liarde énonça qu'elle avait eu l'occasion de le rencontrer. Le lycaon s'était montré gentil et il avait été fidèle à lui-même en racontant des histoires à Aya. Cette dernière ne voyait pas pourquoi le canidé tenait tant que ça à pouvoir étudier les peintures présentes dans le Repère des Gardiens mais elle était ravie pour lui.

Evoquant ensuite nos problèmes pour concevoir un héritier, mon amie se montra compatissante. Elle tenta de me rassurer en me disant que le moment venu, j'aurais de magnifique lionceaux à aimer. Et étant un mélange de Kupendwa et moi, ils seraient forcément adorables. Je souriais face à l'image qui me venait en tête. Aya continua de me rassurer en me disant que le moment n'était peut être pas le bon, tout simplement et que je me mettais sans doute trop la pression. Elle plaisanta même sur le fait que, lorsqu'ils seraient là, je regretterais le temps où je les désirais. J'éclatais de rire suite à cette blague et cela me fit du bien. J'espère que tu as raison ! Et ce, pas uniquement sur le dernier point. Il fallait que je me montre plus patiente et que j'arrête de vouloir à tout prix cette descendance. Si elle devait arriver, elle arriverait. Toutefois, c'était bien plus facile à penser qu'à mettre en pratique.

J'avouais ensuite qu'à mes yeux, Aya était plus qu'une simple amie et qu'elle était plutôt comme une sœur. Cet aveu eu pour effet de faire pleurer mon amie et elle se laissa alors aller. Elle avait conscience de ne pas être seule mais son père lui manquait beaucoup. Je ne savais pas ce qu'elle pouvait ressentir puisque je ne l'avais pas vécu moi-même mais je pouvais aisément imaginer ce que pourrait me faire la perte du seul être cher que je n'ai jamais connu et qui m'aurait élevé suite à l'abandon de ma mère...

Mon amie hybride me remercia ensuite et rebondit sur ce que je lui avais dit. Pour elle aussi j'étais comme une sœur bien que nous n'ayons pas le même sang. Elle m'appréciait beaucoup et elle aussi me faisait la promesse d'être toujours là pour moi. La demi lionne vint ensuite poser son front contre le mien tout en ronronnant de bonheur. Je me laissais gagner par ces émotions et je rendis son étreinte à Aya, ronronnant tout autant qu'elle.