Rien n'avait réellement changé depuis la célébration de mon mariage avec Kupendwa. Oh, cette journée avait d'abord été stressante avant de devenir merveilleuse. Mon discours terminé, les réjouissances avaient eu lieu jusqu'à ce chacun s'endorme, reclus de fatigue. Chacun en dehors de Kupendwa et moi.

Nous n'avions pas l'intention de nous endormir avant quiconque puisque c'était nous qui étions célébrés et si je voulais rester chaste dans mes pensées, mieux valait simplement dire que, une fois que nous nous étions retrouvés tous les deux, nous n'avions pas énormément dormi, voire même pas du tout pour être précis...

Depuis ce jour, seul mon statut avait changé ainsi que les moments de tendresse que je passais avec mon compagnon. J'effectuais toujours mes longues promenades pendant lesquelles j'engageais la conversation avec le plus de monde possible afin de savoir si tout allait bien et échanger quelques mots. Je n'avais jamais été comme ça et je ne voulais pas que l'on pense de moi que, maintenant que j'étais Reine, je refusais de me mêler à mes camarades et de discuter avec eux. Je souhaitais que l'on me voit toujours telle que j'étais : à l'écoute et disponible. Après tout, je le leur avais promis et je comptais bien tenir ma promesse, ce qui était d'autant plus facile que c'était dans ma nature d'agir de la sorte.

Tandis que je revenais vers le Rocher, je remarquais une silhouette bien particulière. Mon compagnon m'avait informée qu'un lycaon l'avait sollicité il y avait quelques temps de ça et que celui-ci se disait conteur. Le canidé avait demandé à voir le Repère des Gardiens et si Kupendwa lui avait accordé quelques minutes, cela n'avait pas été plus loin et mon compagnon lui avait demandé de faire ses preuves.

Oh, elles ne constituaient pas à grand chose, le lycaon devait juste montrer qu'il faisait preuve de bonne foi et apprendre à connaître les pridelanders. Je ne savais pas exactement combien de temps s'était écoulé depuis leur entrevue mais cela devait se compter en mois. Et si le lycaon avait suivi les "règles" dictées pas Kupendwa, ce dernier ne lui avait pour autant pas permis de revenir au Repère des Gardiens.

Certes Kupendwa avait été occupé mais il était du devoir d'un Roi de tenir ses promesses. Et il été du devoir de sa Reine de les tenir pour lui s'il les oubliaient. Ou en tout cas, c'était ce que je me disais. C'est pourquoi j'avais décidé d'aller à la rencontre du Conteur officiel de Prideland et je n'eu pas de mal à le trouver, sa silhouette se différenciant facilement de celle des félins.

Arrivant derrière lui, je ne souhaitais pas le surprendre, aussi me raclais je doucement la gorge afin d'attirer son attention. Lorsque ce fut le cas, je prenais la parole. Bonjour Hadithi. Puis-je solliciter un moment de votre temps ?

Je ne savais pas si je le dérangeais mais j'espérais bien que non car ce pour quoi je venais le voir était sans aucun doute important pour lui.

Au vu de la réaction du canidé, je devinais qu'il ne s'attendait pas du tout à ce qu'il soit dérangé. Et peut être encore moins par la Reine elle-même ! Toutefois, sa réaction surprise laissa vite place à un joli sourire rayonnant qu'il garda tandis qu'il s'inclinait devant moi.

Le lycaon féru d'Histoire ne répondit pas de suite à ma question, me saluant d'abord en ajoutant que c'était un honneur pour lui. Il ajouta également qu'il avait souhaité me féliciter pour mon union avec Kupendwa sans cependant se hasarder à venir me voir.

Oh, il ne fallait pas hésiter. Je mets un point d'honneur à me montrer disponible alors si ce n'est pas l'impression que je donne, je ferai ce que je peux pour changer ça, assurais je avec un sourire légèrement contrit.

Je ne voulais vraiment pas que l'on me pense inaccessible. Je souhaitais plutôt rester proche de mes camarades de clan mais pas que. Il n'y avait pas que des lions sur Prideland et je voulais que chacun puisse m'aborder lorsqu'il le souhaite, qu'il y ait un problème ou même simplement pour discuter. Donc si Hadithi n'avait pas osé m'aborder, il fallait que je sache si cela venait de l'image que je renvoyais ou non.

En attendant d'obtenir ce savoir, je me concentrais sur le sujet qui m'amenait devant le descendant de Fleck aujourd'hui. Il avait répondu favorablement à ma demande et m'avait même encouragé d'un signe de la patte, ce qui m'avait amusé. Adoptant une expression légèrement plus sérieuse malgré le sourire que je gardais, je continuais la discussion.

Le Roi m'a informé de l'entrevue que vous aviez eu avec lui. Je sais qu'il vous a mené à l'intérieur de l'ancien Repère des Gardiens et que cela n'a pas duré très longtemps... Je marquais une légère pause à cet instant pendant laquelle je me pinçais les lèvres. Je pouvais parfois comprendre ses réticences mais à d'autres moments, cela frôlait la paranoïa non justifiée. Je sais aussi ce qu'il vous a demandé pour pouvoir y retourner et c'est ce qui m'amène aujourd'hui. J'offrais cette fois un sourire encourageant à mon interlocuteur et continuais. Vous vous êtes investi auprès du clan et vous avez transmis vos histoires même si je ne doute pas que vous en avez encore beaucoup en réserve. De fait, je vous autorise officiellement à consulter les peintures du Repère à votre guise.

Hadithi attendait cela depuis quelques temps et il me tardait de voir sa réaction face à cette nouvelle sans doute attendue.

Tandis que je commençais à aborder le sujet qui tenait beaucoup au cœur du lycaon, celui-ci sembla en premier lieu tendu avant qu'une expression bien plus joyeuse n'apparaisse sur son visage. Il était indéniablement ravi et je me félicitais d'avoir pris la décision de faire avancer cette affaire.

Hadithi poussa une exclamation qui m'amusa et je m'attendais à le voir bondir de joie. A cet instant, il ressemblait à un jeune enfant à qui l'on venait d'offrir le plus beau des cadeaux. Une lueur toujours amusée dans le regard, j'observais le canidé se maitriser puis se racler la gorge avant de me remercier chaleureusement. Tandis qu'il s'inclinait devant moi, je pris la parole rapidement. Il n'y a pas de quoi. L'Histoire mérite que l'on s'y intéresse et il serait bien dommage que certains évènements soient oubliés. Avec la visite de Minei, je m'étais rendu compte que Kupendwa lui-même ne connaissait pas si bien que ça l'histoire qui avait vu la destitution de la Reine Awena, ayant pour conséquence qu'il monte lui-même sur le trône lorsque son tour était arrivé...

Hadithi me promettait alors qu'il traiterait les œuvres avec le soin et le respect qu'elles méritaient. Je n'en doutais pas un seul instant mais la suite de ses propos m'étonnèrent. Je ne m'étais pas attendu à une telle proposition et, pour être franche, j'en étais ravie. Il me semble qu'il y a bien longtemps qu'aucune nouvelle peinture n'a vu le jour sur ces parois. Ce serait merveilleux que cela soit à nouveau possible.

Il me tardait de voir ce qui serait ajouté par les soins de Hadithi mais une question me taraudait. Je savais qu'un incendie avait ruiné une partie des dessins et qu'ils étaient perdus à jamais mais, avec la suie qui recouvrait toujours certaines parois, était il toujours possible d'ajouter des oeuvres à celles déjà existantes ? Dites moi, puisque vous êtes allés dans cette grotte, la suie due à l'incendie sera t-elle un problème dans votre entreprise ou existe t-il des parois intacte où vous pourrez apposer ces nouvelles peintures ?

N'ayant jamais pu accéder à cette grotte avant et n'ayant pas encore profité de mon nouveau statut pour m'y rendre, je n'avais pas cette connaissance et par cette question, j'avouais sans détour mon ignorance. J'étais toutefois déterminée à ce que cela change et pour cela, j'attendais la réponse de mon interlocuteur.

Le lycaon arborait un sourire qui valait mille discours. Sa joie de pouvoir étudier les peintures de l'ancien Repère des Gardiens et de pouvoir en ajouter de nouvelles était presque palpable. Toutefois, cette expression de bonheur fut remplacé par un air sérieux lorsque je lui demandais s'il y avait toujours des endroits qui pourraient accueillir ces potentielles nouvelles peintures que Hadithi ajouterait.

Ecoutant avec attention, je fus soulagée d'entendre que le canidé avait vu des parois intactes, notamment celles en hauteur, là où Hadithi supposait que les flammes n'avaient pas pu parvenir. Il marqua un temps d'arrêt avant de reprendre pour m'avouer qu'il ne pensait pas avoir encore le niveau pour créer des peintures. Cela ne m'étonnait pas. Comme je l'avais dit, il y avait longtemps que rien de nouveau n'avait été ajouté et je doutais que le savoir de créer les couleurs nécessaires à de nouveaux dessins se soit transmis aussi facilement.

J'appréciais les précautions prises par Hadithi afin de ne pas "abimer" les endroits encore vierges. Et lorsqu'il parla d'essayer de découvrir un moyen d'enlever la suie, je ne pu empêcher l'émotion de faire trembler ma voix. Si vous parveniez à réaliser un tel exploit, vous auriez toute ma gratitude. Je ferais également tout ce que vous voudrez pour vous remercier.

Mon interlocuteur me promit qu'il ferait tout pour étudier et préserver les peintures qui existaient déjà. Il ajouta également que, si un jour les Esprits lui permettaient d'ajouter d'autres dessins, il ferait cela avec tout le soin possible et mon accord. C'est avec joie que je vous donne ma bénédiction, Hadithi. Je serai heureuse que les futures générations puissent avoir de quoi se rappeler leur Histoire, autrement que par les simples récits. Bien que cela soit également important, une peinture ne pourra détourner la vérité. Il était en effet simple d'ajouter quelques détails à une histoire ou, au contraire, en enlever. Mais dans un sens comme dans l'autre, la vérité s'en trouvait déformée et donc, fausse. Une peinture, elle, ne saurait raconter autre chose que ce qu'il s'était réellement passé. Il n'est pas nécessaire de me faire un rapport régulier mais j'aimerais que vous me teniez au courant de vos avancées, si cela ne vous ennuie pas.

Je pensais que nous avions fait le tour de cette discussion et je n'attendais plus que l'assentiment de Hadithi à mes dernières paroles avant de mettre fin à cet entretien.