Je soupirais une nouvelle fois. Où pouvait elle donc bien être passée ? Personne ne l'avait vue depuis plusieurs jours et cela devenait vraiment inquiétant. Elle n'avait laissé aucune indication à personne, pas même son père. Elle avait disparue du jour au lendemain, sans aucune trace. Bon, cela n'était peut être pas totalement vrai car on ne pouvait pas ne pas laisser de trace derrière soi.

Soupirant à nouveau, j'arrêtais ma marche et levais la tête vers les étoiles. "Si au moins je ne sais pas où elle est, j'espère que vous veillez sur elle et qu'elle va bien", pensais-je en m'adressant aux Esprits. Il n'y avait qu'eux qui pouvaient savoir où se trouvait la liarde et c'est pourquoi j'espérais qu'ils gardaient un oeil sur elle. Voire les deux.

C'est lorsque je ne l'avais pas aperçue lors d'une partie de chasse que j'avais appris que personne ne l'avait vue depuis plusieurs heures. Heures qui s'étaient finalement transformées en jours. Et plus les jours passaient, plus je m'inquiétais pour Aya.

L'inquiétude était même tellement grande ce soir que je n'avais pas réussi à trouver le sommeil. N'étant pas habituée aux insomnies, je n'avais su que faire et avais débuté par attendre d'enfin tomber dans les pattes de Morphée. Mais lorsque j'avais commencé à me tourner et me retourner et qu'il avait été évident que je ne dormirai pas cette nuit, j'avais décidé de quitter le Rocher et d'aller prendre l'air. Et puis, peut-être qu'avec un peu de chance, me dégourdir les pattes me fatiguerai et me permettrai de tomber d'épuisement lorsque je rentrerai de ma balade nocturne.

Une bonne heure devait s'être écoulée depuis que j'étais sortie mais, contrairement à ce que je pensais, cette promenade n'avait servie à rien. Pire, l'air frais m'avait revigorée et j'étais encore plus alerte que lorsque j'étais partie...

Je grimpais donc les différents paliers de roches qui menaient à l'endroit où nous étions censé nous endormir. Puisque le sommeil semblait se refusait à moi cette nuit, celle-ci allait être bien longue. Je soupirais à nouveau à cette pensée. Je n'avais aucune idée du nombre de fois où j'avais soupiré depuis le coucher du soleil mais il était certain que c'était trop pour pouvoir être compté.

Alors que je gravissais l'ultime roche qui me séparait de mon attente interminable du sommeil, j'aperçu une silhouette postée à la pointe du Rocher. Reconnaissant son propriétaire, j'hésitais entre aller le rejoindre ou aller m'allonger et tenter de m'endormir en sachant que je n'y parviendrais pas. La seconde option n'étant clairement pas la plus attirante, je me décidais bien vite et me dirigeais vers Kupendwa.

Ne cachant pas mon arrivée afin de ne pas le surprendre, je faisais volontairement plus de bruit que nécessaire. Une fois à sa hauteur, je le saluais enfin. Bonsoir, Majesté. Je laissais mon regard parcourir la Savane qui s'étendait à nos pattes et il fallait avouer que la vue que l'on avait d'ici était magnifique. Moi qui croyais être la seule à ne pas trouver le sommeil, je vois que je me suis trompée, commençais-je avec une pointe d'amusement dans la voix. J'espère que ce n'est pas moi qui vous ai réveillé, je m'en voudrais terriblement de vous priver de repos... Cette fois-ci, on pouvait clairement noter un brin d'inquiétude dans mon ton. Je ne me rappelais pas avoir fait énormément de bruit lorsque je m'étais éclipsée mais je n'avais pas non plus fait attention de savoir si je réveillais quelqu'un...

Au milieu du silence, le bruit causé par mes pas était facilement identifiable. Ainsi, le roi ne fut pas surpris de mon arrivée puisqu'il avait tourné la tête en entendant quelqu'un venir vers lui. Après que je l'ai salué et qu'une question sous-entendu ait quitté mes lèvres, le Roi prit la parole à son tour.

Il m'enjoignait à cesser de la vouvoyer pour passer au tutoiement. J'en étais surprise mais dans le bon sens du terme. Ca n'allait pas être facile mais je m'emploierai à essayer. Comme vous... Je me mordis la langue avant de reprendre. Comme tu voudras, fis-je avec un petit sourire. C'était vraiment étrange mais d'un autre côté, c'était agréable de pouvoir le tutoyer. Cela avait pour effet d'effacer une certaine "distance" imposée par le vouvoiement et j'avais l'impression d'être plus proche du Roi rien que par le simple fait de passer au "tu".

Kupendwa me rassura ensuite en me confirmant que ce n'était pas à cause de moi qu'il ne dormait pas mais à cause des soucis qu'avaient les Rois. Je ressentis immédiatement du soulagement. Comme je le lui avais dit, je m'en serais énormément voulu dans le cas contraire. Mais tout allait bien puisque ce n'était pas le cas et je pouvais me sentir plus légère. Le soulagement pouvait donc laisser toute la place à l'inquiétude qui était la cause de mon insomnie. A laquelle se rajoutait désormais l'inquiétude de savoir que mon souverain n'avait pas l'esprit tranquille. Si je me devais de répondre à la question qu'il m'avait posé, je mettais de côté ma propre interrogation sur ce qui le tenait éveillé. Pour l'instant.

Je suis très inquiète pour l'une de mes amies qui n'a pas donné signe de vie depuis plusieurs jours. Et ce soir, l'inquiétude était trop forte pour que je puisse trouver le sommeil. Je me suis donc dit qu'une balade me serait bénéfique mais... et bien je ne pense pas que cela ait eu l'effet escompté, concluais-je, un brin sarcastique envers moi-même.

Comment avais-je pu croire qu'une promenade me ferait du bien ? Cela ne me donnait que plus de temps pour laisser mon esprit se poser mille et une questions au sujet d'Aya. Enfin, puisque j'étais sûre de ne pas dormir et qu'il semblait que le Roi n'irait pas se coucher dans la seconde, peut-être que je pouvais écouter ce qui le tourmentait et que cela m'aiderait à me changer un tant soit peu les idées.

Je comprendrais si tu ne veux pas partager ça avec moi mais... peut-être que je pourrais t'aider avec ces tracas de Roi ? J'avais quitté la contemplation du paysage pour regarder le dirigeant du peuple pridelander. J'avais volontairement réutilisé ces propres mots dans le but de le faire sourire et à cette idée - et bien que l'inquiétude dominait toujours - une lueur d'amusement dansait dans mes prunelles bleutés.

Prideland comptait bon nombre de félins mais il n'y en avait qu'une qui correspondait à la description que j'avais donnée. Et puisqu'un Roi se devait de connaitre ce qu'il se passait sur son territoire, Kupendwa comprit immédiatement que je faisais référence à Aya. Aussi, lorsqu'il me demanda confirmation, je me contentais de hocher la tête de haut en bas en un signe d'assentiment.

Le sourire qui était né sur le visage de Kupendwa quelques instants plus tôt disparu trop rapidement à mon goût. Personnellement, je trouvais que cela lui allait bien mieux que l'air sérieux qu'il arborait désormais. Toutefois, je comprenais qu'une telle situation nécessite une attitude adaptée.

J'écoutais alors mon Roi m'expliquer que c'était également Aya qui l'empêchait de dormir mais sans doute pour des raisons différentes. Vraiment ? Intriguée par ses paroles, j'attendais qu'il continue son explication et cela ne tarda pas. J'étais cependant loin de me douter de ce qui m'attendais et lorsque le Roi se tut, je n'étais pas en mesure de répondre de suite.

En effet, j'avais les yeux écarquillés de stupeur et ma bouche s'était ouverte pour former un Oh qui refusait de franchir la barrière de mes lèvres pour se faire entendre. Les informations que m'avaient confié Kupendwa ne cessaient de tourner dans ma tête. Attenter à la vie d'Itawuma ? Impossible ! Cela ne pouvait être la même Aya. Je ne concevais pas un seul instant qu'il puisse s'agir de la même personne que celle avec qui j'avais discuté à la Colline du Peponi. Retrouvant une attitude plus digne, je réagi enfin.

Je suis désolée d'apprendre tout ça mais... Devais-je continuer ? Si je le faisais, j'allais ouvertement exprimer une opinion différente de celle du Roi. Pourtant, si je me taisais, Aya aurait certainement des problèmes et elle ne le méritait pas. J'étais convaincue qu'elle n'était pas une mauvaise personne et je ne pouvais laisser une innocente être désignée coupable. Relevant la tête que j'avais baissé le temps de réfléchir, le "oui" l'emporta et je repris. J'ai été amenée à passer du temps en compagnie d'Aya, au cours de nos chasses ou même rien que toutes les deux pour discuter. A travers ce temps, j'ai pu me forger un avis sur elle et je suis intimement persuadée qu'elle ne pourrait faire du mal à autrui. C'est une personne généreuse et qui a le cœur sur la patte. Je prenais une inspiration afin de tenter de me donner du courage avant de conclure. N'y aurait-il pas des explications qui pourraient élucider cette situation ?

La liarde était quelqu'un de profondément bon et j'en étais certaine. Je ne disais pas que j'étais capable de juger une personne de manière infaillible mais Aya me ressemblait tellement que j'avais l'impression de me voir en elle. Et si elle était comme moi, toute cette histoire ne devait être qu'un horrible malentendu.

Le Roi écoutait avec attention ce que je disais mais ce n'était pas suffisant pour lui faire voir les choses différemment. Je ne m'attendais certes pas à ce qu'il change d'avis dans l'instant mais j'espérais au moins qu'il remette les choses en doute.

A mon tour, j'écoutais ses paroles et le discours qu'il tenait ne dépeignait pas un tableau favorable pour la féline tachetée. Je le laissais s'exprimer mais lorsqu'il évoqua les sentiments d'Aya pour Kuvira et qu'il les qualifia de ridicules, je faillis l'interrompre pour lui lancer "L'amour ne se commande pas !" d'un ton assez critique. Toutefois, je me contentais de me pincer les lèvres pour ne pas réagir, ce n'était pas le moment et ne servirait pas la cause d'Aya. Légèrement moins attentive à la suite des propos de Kupendwa, je repensais à ce que m'avait dit mon amie lors de notre discussion à la Colline du Peponi. La seule raison pour laquelle elle aurait aimé être un mâle était que cela lui aurait permis de conquérir le coeur de celle qu'elle aimait. Je comprenais aujourd'hui qu'il s'agissait de la Cheffe des Guerriers pridelanders et cela ne me choqua pas plus que ça. J'étais même très contente pour Aya.

Le silence nous avait entourés et je remarquais qu'il était temps pour moi de réagir. Un peu honteuse de m'être laissée embarquer par mes pensées, je reprenais la conversation. J'admet que les faits ne sont pas en sa faveur, commençais-je. Toutefois, je reste convaincue qu'elle ne peut pas faire de mal aux autres. Si mes paroles ne suffisaient pas, mon ton ne laissait aucune place au doute : j'étais réellement assurée de ce que je disais. Et non, je ne sais pas où elle se trouve. Je ne serais pas aussi inquiète pour elle dans le cas contraire, ajoutais-je dans le but de lui prouver ma bonne foi. Oui nous étions amies et non je ne la trahirais pas mais sa localisation m'était inconnue. C'était d'ailleurs l'une des questions qui provoquait mon insomnie et qui faisait que je me trouvais aux côtés de Kupendwa à l'heure actuelle. Kupendwa qu'il fallait tenter de raisonner un tant soit peu, ce que je m'attelais à faire.

Pour ce qui est de l'Iboga, j'avoue que je ne suis pas une experte mais je crois savoir que cela peut provoquer des hallucinations, non ? Imagine un instant que cela ait été le cas lorsque Itawuma en a pris et que Aya ait été témoin d'une hallucination. Je crois qu'à sa place, j'aurais eu peur de ce que j'avais sous les yeux... Peut être est-elle partie car cela l'a profondément choquée ?

Je n'étais absolument pas certaine de ce que j'avançais. Seules deux personnes pouvaient affirmer ce qui était réellement arrivé ce jour-là et la Conseillère Royale ne s'en souvenait pas. Aya était donc la seule à pouvoir donner des explications mais je doutais qu'elle revienne rapidement pour le faire. Aller à sa recherche n'était pas une mauvaise idée mais il fallait que cela soit pour les bonnes raisons et non pour la lyncher dès son retour. C'est pourquoi il fallait nuancer les faits ou tout du moins, essayer.

Tu sais, il ne faut parfois pas plus que la simple satisfaction de se sentir utile pour venir en aide à quelqu'un, peu importe son clan. Je l'ai déjà dit mais Aya est une personne généreuse et qui a le cœur sur la patte. Si elle peut apporter son aide, elle le fait, c'est tout. Je suis certaine que cela ne va pas plus loin que ça et qu'il n'y avait pas de raison particulière à son geste.

Cette fois-ci, j'étais beaucoup plus sûre de ce que je disais. Aya et moi étions identiques sur ce point : nous aimions aider les autres. Elle l'était peut être même plus que moi car je ne gagerais pas que je pourrais aider un jangowa dans le besoin, ma peur d'eux étant encore ancrée en moi.

Pour ce qui est des sentiments d'Aya envers Kuvira, je peux t'assurer que cela n'a rien de ridicule, fis-je doucement afin de ne pas le froisser. Je t'ai dis que nous avions déjà discuté quelques fois et elle m'a confié qu'elle avait avoué ses sentiments mais que ceux-ci ne semblaient pas partagés car la lionne brune ne la voyait que comme une bonne amie. Et Aya était prête à se contenter de cette situation pour que Kuvira soit heureuse. Si être prête à se sacrifier pour la personne qui fait battre votre cœur ce n'est pas de l'amour, il faut que l'on m'explique ce que c'est. J'avais terminé doucement, presque un peu rêveuse. Cela pouvait me faire passer pour une fleur bleue mais j'admirais l'état d'esprit d'Aya à ce sujet. Elle était forte et je ne savais pas si je serai capable d'en faire autant.

En tout cas, j'espérais que tout ce que je venais de dire allait faire réfléchir mon interlocuteur. Tout ne pouvait être comme les faits semblaient l'indiquer. Il y avait trop de zones d'ombre pour ne pas chercher un peu plus loin et j'étais prête à parier qu'Aya n'était pas une espionne ou quelque chose du même genre.

A aucun moment, je ne fus interrompue. Kupendwa écoutait tout ce que je disais et même si certaines explications que je donnais ne lui plaisaient pas, il n'en montra rien. Tout ce qui apparu sur son visage fut une mine stricte et des mots que j'aurais dû me douter qu'il prononcerait. Il semblait contrarié que j'ose le contredire et, même si je m'empourprais, je soutenais son regard afin de lui faire comprendre que mon point de vue ne changerait pas. C'est alors qu'il se mit à rire. Est-ce qu'il venait de se moquer de moi ? Eh bien, voilà qui était inattendu ! Et puisque son rire était contagieux, je me mis à rire doucement avec lui.

Reprenant un peu de sérieux, il me confia qu'il trouvait qu'Aya avait de la chance de m'avoir comme amie. Souriante, je pensais que j'aurais fait de même pour n'importe laquelle des personnes à qui je tenais et en plus, j'étais certaine que si nos situations avaient été inversées, Aya m'aurait défendue de la même manière.

La suite des paroles du Roi me soulagèrent. Il prenait en compte mon avis et si je supposais bien, la liarde pourrait expliquer ce qu'elle avait vu et ressenti. Je ne doutais pas que cela ne pourrait que lui être bénéfique et que tout s'arrangerait.

Attentive aux paroles de mon souverain, j'accueillais sa mise en garde avec un hochement de tête. Je n'imaginais pas une seconde qui sur Prideland pourrait user de moi de la sorte mais je n'oubliais pas non plus que la Terre des Lions n'était pas uniquement peuplée de personnes bien intentionnées...

Imitant Kupendwa lorsque celui-ci reposa son regard sur la savane, je ne pu m'empêcher de me faire la même réflexion qu'un peu plus tôt : la vue était magnifique. Sous l'éclairage de la lune, le territoire avait un aspect onirique et semblait nimbé de mystères. Cela me fit sourire et bien que j'aimais ce que j'avais sous les yeux, je pensais que, de jour, le spectacle devait être tout aussi beau.

C'est alors qu'arriva une nouvelle chose à laquelle je ne m'attendais pas. Si je pensais ne pas tarder à prendre congé du Roi, celui-ci me demanda si je voulais me promener avec lui pour continuer à discuter avant d'ajouter qu'il appréciait ma compagnie. Toujours peu habituée à recevoir des compliments, je rougissais de nouveau. J'espérais toutefois qu'avec la luminosité de la nuit, Kupendwa ne le remarquerait pas. Désireuse de cacher mon trouble, je toussais légèrement avant de répondre et de lui annoncer ma décision.

J'en serais ravie ! Ta compagnie est tout aussi appréciée, ajoutais-je en me fendant d'un grand sourire. Il était vrai que je revenais tout juste d'une balade mais puisqu'il était désormais admis que je ne dormirais pas, autant en profiter pour passer un agréable moment avec une agréable compagnie.

Me dirigeant vers les premiers paliers qui mèneraient au pied du Rocher, je me demandais ce dont nous pourrions bien parler durant cette balade. Je ne voulais pas l'embêter avec des sujets dont il pouvait avoir l'habitude en tant que Roi, aussi cherchais-je un sujet plutôt léger. N'ayant pas vraiment d'idées, je lui posais une question que l'on pouvait sans contexte qualifier de "banale". Alors dis-moi, commençais-je avec une attitude un brin espiègle, le Roi aurait-il des passions que l'on ne connaîtrait pas ?

S'il n'y avait pas grand chose de plus banal, j'espérais au moins que discuter d'autre chose lui changerait les idées et que cela lui permettrait d'être juste "Kupendwa" et non le Roi de Prideland le temps d'une balade.

Seul le bruit de nos pas s'élevait dans le silence qui avait suivi ma question. Le Roi semblait réfléchir sérieusement à ce que je lui avais demandé. J'étais intérieurement étonnée qu'il prenne autant de temps pour me répondre. Était il en train de choisir entre plusieurs activités qu'il aimait ? Nous avions eu le temps de descendre de plusieurs mètres lorsqu'il m'avoua enfin qu'il n'était pas sûr car il n'avait que très peu de temps libre.

Cette fois-ci, l'étonnement me fit marquer un léger temps d'arrêt. Il ne pouvait pas réellement passer tout son temps à s'occuper de ses responsabilités royales, si ? Je ne niais pas le fait que cela devait lui prendre pas mal de temps mais il y avait bien quelques heures où il s'attelait à faire autre chose. Bien qu'interloquée, je me remis vite en marche afin de ne pas me faire distancer et alors que je reprenais ma place aux côtés de Kupendwa, celui-ci me proposa en quelque sorte de l'aider à découvrir ses passions. Il arbora même un air taquin tout en me donnant un léger coup d'épaule que je considérais comme un geste complice.

Son attitude me ravissait car il avait l'air plus détendu et une autre facette de sa personnalité semblait s'exprimer. Toutefois, son apparition fut des plus furtive car le souverain pridelander reprit bien vite une expression plus sérieuse qui, étrangement, me chagrina quelque peu. Je l'écoutais donc me retourner la question avant qu'il ne me confie qu'il ne savait quasiment rien de moi. Cette remarque, tout comme la disparition de son expression plus heureuse quelques instants auparavant, m'attrista légèrement. Si je comprenais qu'il ne pouvait connaitre la vie de l'ensemble de ses sujets, je ne comprenais pas pourquoi cela me touchait autant.

Chassant cette désagréable impression, c'est avec enthousiasme que je commençais par répondre à sa question. J'adore courir, dis-je tout simplement. Sentir le vent s'engouffrer dans ma fourrure, l'herbe qui glisse sur et sous mes pattes, cela a le don de me vider l'esprit. Je ne pense alors plus à rien. Dans ces moments-là, je n'éprouve plus qu'un sentiment de liberté et ça me procure une sensation de bonheur, expliquais-je, un sourire aux lèvres en repensant à ce que j'éprouvais lorsque je me mettais à courir.

Sans que je ne sache pourquoi, je souhaitais vraiment que Kupendwa puisse ressentir ce genre de choses en effectuant une activité qui n'avait rien à voir avec ses missions de souverain. Je m'appliquais donc à l'aider dans sa découverte, comme il me l'avait proposé. Je suis sure que tu n'as pas toujours eu très peu de temps libre. J'imagine que l'ancienne Reine t'a formé pour devenir le Roi que tu es mais il devait bien y avoir des instants où tu n'étais pas en leçon, non ? Que faisais-tu dans ces moments là ? Cela pourrait nous donner une piste sur tes passions.

Cela ne faisait que quelques temps que nous conversions plus souvent mais je ne pensais pas me tromper en disant que le courant passait bien entre nous. De fait, j'avais vraiment à cœur de pouvoir l'aider, ne fut-ce qu'en trouvant ce qu'il aimait faire de son temps libre.

La discussion n'avait pas le temps de s'interrompre et à peine une question était elle posée que l'autre y répondait. C'était encore le cas lorsque je lui demandais ce qu'il faisait alors qu'il avait du temps libre étant enfant.

Kupendwa m'expliqua qu'il passait son temps avec Afka, Isha et Itawuma bien que la mère de cette dernière la couvait bien trop. Je ne remarquais pas qu'il allait dire autre chose au sujet d'Upepo et mettais simplement ça sur le fait que le Roi était gêné de parler ainsi de la génitrice de son amie d'enfance.

Il m'indiqua qu'ensemble, ils faisaient des activités communes à tous les lionceaux, à savoir courir, grimper aux arbres ou encore chasser les petits animaux. Il ajouta ensuite que cela ne devait pas beaucoup m'aider. Ce n'était pas faux mais cela me permettait d'en apprendre plus sur la période lionceau de Kupendwa et n'était pas déplaisant.

La suite fut beaucoup plus personnelle puisque Kupendwa me confia qu'il aimait regarder les étoiles, se disant que sa mère était peut être parmi elles à l'observer, avant de me demander si ce n'était pas un peu cliché. Je n'eu pas le temps de répondre qu'il reprit en disant qu'il aimait discuter avec moi et qu'en ma compagnie, il pouvait être lui-même. Oh... Voilà qui était très touchant. Et il n'en fallu pas plus pour que mes joues s'enflamment. C'était fou le don qu'il avait de me faire rougir avec de simples paroles.

Pas du tout. Au contraire, je trouve ça plutôt charmant de voir que ta mère est toujours dans ton cœur même si elle n'est plus là. Cela prouve à quel point tu tiens à ta famille. J'étais fière d'avoir réussi à ne pas bégayer une seule fois et cela me permis de pouvoir continuer plus facilement. Moi aussi j'aime discuter avec toi. Et quitte à me répéter, je serai toujours disponible pour toi. A n'importe quel moment du jour ou de la nuit...

Ne me rendant absolument pas compte du sous-entendu que pouvait avoir la phrase que je venais de prononcer, j'étais complètement absorbée par la contemplation de mes pattes. Je n'arrivais pas à le regarder dans les yeux bien que j'en avais envie. Qu'était il en train de m'arriver ?

Ce n'est que lorsque le Roi se racla la gorge à maintes reprises que je pu enfin le regarder dans les yeux. Etait il souffrant ? Fallait il réveiller Isha pour voir ce qui n'allait pas ? Je n'eu même pas le temps de prendre une décision que la suite des évènements s'enchaina bien trop rapidement pour moi.

Kupendwa commença par me remercier avant de dire que le soleil ne tarderait pas à se lever. Ce que je ne croyais pas au passage puisqu'il ne me semblait pas que la nuit était si entamée que cela. Toutefois, je le laissais parler, ne pouvant de toute façon rien rétorquer.

Il finit par bailler à s'en décrocher la mâchoire, annonça qu'il était épuisé mais qu'il avait passé un bon moment avec moi et que j'étais une bonne amie. Une bonne amie ? Je ne savais comment prendre ça, d'autant plus que Kupendwa venait de faire demi-tour et de me planter là. La situation avait dérapé en si peu de temps. Et dire qu'il y avait à peine quelques minutes, il m'avait proposé une balade...

Sachant que je ne trouverais pas le sommeil, je me mis alors à courir à en perdre haleine. J'avais besoin de me vider l'esprit et de faire un truc, n'importe quoi, afin de ne plus penser à ce qui venait de se passer. Est-ce que j'avais dit quelque chose de mal ?