La journée était belle et je me plaisais à l'apprécier à sa juste valeur. Le vent qui soufflait doucement n'était ni mordant ni piquant mais plutôt doux et c'était exactement comme cela que je l'aimais. J'étais donc de très bonne humeur et j'avais décidé de passer ma journée à me lier à mes camarades. Je ne le faisais que peu ces derniers temps, trop occupée que j'étais à chasser ou, plus fréquemment, à surveiller les déserteurs. Toutefois, je ne relâchais pas ma vigilance et je m'étais tout de même assurée qu'ils étaient bien gardés avant de profiter d'un peu de temps pour moi.

Avec ce temps libéré, j'avais déjà pu discuter avec quelques uns de mes camarades et chacune des discussions avaient été intéressante. Cela faisait longtemps que je n'avais pas fait cela et je remarquais à quel point cela m'avait manqué. Au final, j'étais une personne qui aimait la compagnie et bien que j'avais tout de même des interactions avec mes camarades, rien ne valait une bonne conversation.

C'est donc avec un sourire heureux que je laissais mon regard parcourir les alentours. Celui-ci tomba sur une jolie lionne aux marques particulières. Elle dû sans doute remarquer que je la regardais car elle s'avança vers moi et bien qu'elle arborait un magnifique sourire, je ne pu faire abstraction d'une trace de larme sur sa joue. Je n'en parlais pas, faisant comme si je n'avais rien vu. J'étais certes préoccupée par le bien être du clan et si parfois je m'autorisais à demander ce qui n'allait pas à certaines personnes, je n'avais encore jamais vraiment discuter avec cette lionne. Elle m'en parlerait si elle le souhaitait mais je ne la pousserait pas à m'avouer ce qui fut la cause de l'évasion de cette larme.

Bonjour ma chère, comment vous portez-vous aujourd'hui ?

Je notais immédiatement le ton doux de sa voix et sa façon de parler me plu immédiatement. Nous ne nous connaissions que de vue car elle vivait en ermite avec son compagnon et les parents de ce dernier mais je connaissais son nom et c'est avec un plaisir non dissimulé que je lui répondais.

Je vais bien, merci. Et vous Taygha, comment allez-vous ? La vie avec Alhef se passe toujours aussi bien je présume ?

Taygha avait la chance d'avoir un compagnon aimant et bien que j'enviais une telle situation, je n'étais pas jalouse pour autant. Au contraire, j'étais très heureuse que notre clan contienne un couple comme le leur. Et je ne niais pas que cela était un tant soit peu lié à l'espoir que j'avais que des boules de poils voient le jour dans le Nord. Car s'il devait y en avoir, j'étais prête à mettre ma patte dans un geyser que les premiers enfants que l'on ait vu au sein du Royaume du Nord seraient les descendants de ce couple si bien assorti.

L'amour que portait Taygha à son compagnon était visible dans le regard qu'elle porta sur lui l'espace de quelques instants. C'était vraiment beau et le sourire que j'avais s'agrandit devant ce bonheur palpable. Elle se portait évidemment bien, même si elle avouait volontiers que l'absence de petit la taraudait.

Je ne pouvais qu'être en accord avec elle mais elle ne se reprit bien vite, trop pour que je puisse lui répondre.

Et pour vous, comment se passe votre vie sentimentale ma chère Neva ?

Mon sourire s'effaça quelque peu. Il n'y avait pas grand chose de ce côté de ma vie et je ne voyais pas vraiment ce que je pouvais bien dire à ma congénère. S'il n'y avait rien à dire de concret, je pouvais toutefois lui partager mes pensées, tout comme elle venait de le faire.

Eh bien, je ne nie pas que l'idée d'avoir des enfants n'est vraiment pas déplaisante, au contraire...

Il était vrai que depuis l'une des discussions que j'avais eu avec Takahé, l'idée d'avoir des enfants ne quittait pas mon esprit. Au-delà de faire revivre le clan et de permettre qu'il perpétue, j'en ressentais le besoin. Enfin, je ne savais pas si "besoin" était le mot adapté mais toujours était il que je me sentais prête à être mère. Cependant, les lois de la génétique ne jouaient pas en ma faveur car jusqu'à preuve du contraire, il fallait être deux pour que des petits puissent naître et c'est ce que j'ajoutais à l'intention de Taygha.

Enfin, pour avoir des enfants, encore faudrait il avoir un compagnon mais je doute de pouvoir avoir la chance de vivre ce que vous vivez avec Alhef...

En ceci, je trouvait que ma comparse avait énormément de chance. Il n'y avait plus tant de couples que cela au sein du Nord et le fait qu'ils se soient trouvés était vraiment beau. Je n'allais pas dire que je rêvais de la même chose mais si cela venait à m'arriver, je pense que j'en serai plus que ravie.

Mes paroles semblèrent avoir attristées ma camarade si j'en jugeais par le sentiment qui put se lire pendant quelques secondes sur son visages tandis que ses oreilles se baissaient vers l'arrière. Cela n'était pas du tout dans mon intention et j'ouvris la bouche pour me reprendre. Cependant, la femelle aux jolis marquages me surprit en s'approchant de moi jusqu'à poser son front contre le mien. Ce geste d'affection plus qu'inattendu me fit perdre le fil et je restais sans rien faire jusqu'à ce qu'elle se recule.

Personne n'avait eu ce genre de geste envers moi depuis la mort de mes parents et de mon frère et un sentiment étrange me parcourut. Il me fallu plusieurs secondes pour comprendre ce dont il s'agissait : du contentement.

Rien n’est impossible ma chère, il faut garder espoir, l’élu de votre cœur se trouve probablement autour de nous, il faut laisser le temps nous surprendre, au début cela semble impossible, puis il devient une évidence.

Cela avait l'air tellement simple décrit comme cela que j'avais envie de la croire. Alors que je me sentais peinée de l'avoir attristée, voilà que c'était elle qui me réconfortait sur ma vie sentimentale inexistante et son sourire était tellement sincère que je me surpris à lui sourire en retour.

Avez-vous quelqu’un en vue ?

Voilà une question à laquelle je ne m'attendais pas. Enfin, le sujet de conversation voulait que nous passions par là mais je ne me serais pas attendue à voir une lueur de curiosité mêlée à une certaine excitation. Tout d'un coup, j'avais l'impression de voir en face de moi une adolescente qui cherchait à savoir quel mâle avait attiré l'attention de son amie.

Ceci, en plus du geste de réconfort qu'elle m'avait prodigué quelques instants plus tôt, me poussa à dévoiler des pensées que je n'avais encore partagées avec personne jusqu'à maintenant.

Eh bien, vous voyez ce lion là-bas ? Je désignais alors du regard un Nordique aux prunelles de la couleur du soleil et à la crinière dont l'aspect en crète était particulier afin de rester discrète avant de reprendre. Il s'appelle Wakiza et je dois avouer qu'il ne me laisse pas indifférente...

Rien que le fait de l'observer, je sentais mon cœur s'emballer. Et avec la discussion que nous avions Taygha et moi, je ne pu m'empêcher d'imaginer ce que donnerait un lionceau ayant pour parents Wakiza et moi. Le résultat était vraiment plaisant et le rouge me monta aux joues instantanément. Heureusement que ma fourrure épaisse cachait cette réaction car je ne savais pas comment expliquer cela à mon interlocutrice.

Enfin, je ne pense pas que lui me voit autrement que comme une simple amie et je n'oserai pas lui avouer ce que je ressent au risque de perdre son amitié. Je préfère me sacrifier en me taisant plutôt que de le perdre totalement.

J'avais tenté de masquer mon trouble en me raclant la gorge avant de reprendre la parole mais j'ignorais si cela avait fonctionné car ma voix était légèrement tremblante. L'appréhension n'y était pas étrangère et je craignais quelque peu que Taygha ne m'encourage à faire le premier pas. Certes je pouvais gagner le bonheur mais d'un autre côté, je pouvais le perdre. A cet instant et sans que je ne m'y soit attendue au début de notre conversation, j'étais perdue...

Cette discussion avait pris un tournant auquel je ne m'étais pas attendue lorsqu'elle avait débutée. Je n'imaginais pas que nous serions amenées à parler de ma vie sentimentale et encore moins que cela me troublerait à ce point.

J'avais donc désigné à ma camarade celui qui faisait battre mon cœur et celle-ci s'était montrée très discrète lorsqu'elle avait à son tour posé son regard sur Wakiza. Ce dernier ne remarqua donc pas que nos regards étaient posés sur lui et qu'il était le sujet de notre discussion. J'en remerciais silencieusement Taygha car je n'aurais vraiment pas su comment lui expliquer ce que nous faisions si Wakiza s'était invité dans notre conversation.

Désirez-vous que je discute avec lui pour prendre la température en toute discrétion ?

La seule idée de savoir ce que Wakiza pensait de moi me fit monter le rouge aux joues et c'est en butant sur les mots que je répondais - trop vivement d'ailleurs, ce qui était une preuve supplémentaire de ce que je ressentais - à mon interlocutrice.

Je... N-non, cela ira... C'est très gentil de me proposer une telle chose mais... eh bien... je ne veux pas qu'il soit pris au dépourvu et que cela le mette mal à l'aise...

J'avais pris excuse de Wakiza mais en vérité, et bien que l'argument que j'avais fourni était tout à fait valable, je n'étais pas prête à entendre ce que Wakiza ressentait pour moi. S'il m'aimait, cela serait forcément une excellente nouvelle mais serais-je prête à lui offrir mon coeur comme il se devait ? Et s'il ne m'aimait pas, étais-je prête à encaisser le coup ? La réponse était clairement non.

La vie est une aventure perpétuelle, il faut prendre des risques. Je peux comprendre que l’inconnu puisse être effrayant, mais je vous encourage à écouter votre cœur. Si vous avez besoin, je répondrai présent pour vous épauler dans vos choix.

J'écoutais avec attention ma camarade et ses mots firent écho dans mon esprit. Elle avait raison mais c'était bien là tout le problème : j'avais peur.

Je vous remercie, Taygha. Je sais que je pourrais compter sur vous.

Je lui offrais un sourire ravi avant de prendre une grande inspiration visant à balayer toutes ces pensées qui parasitaient mon esprit.

Je sais que vous avez raison et, bien que cela m'effraie, je vous promet que je vais faire avancer les choses. Je ne sais pas comment je vais m'y prendre mais il est temps de mettre mes peurs de côtés. Il n'est pas impossible qu'il me repousse mais au moins, je serais fixée et je pourrais tenter de passer à autre chose. Et si, dans le meilleur des cas, mes sentiments sont partagés, je vous promet que vous serez la première au courant de l'existence d'un nouveau couple, terminais-je dans un sourire confiant.

Je me laissais aller à imaginer ce que la vie de couple avec Wakiza pouvait donner et cela était vraiment très plaisant. Des images de lionceaux apparaissaient dans mon esprit et je ne pouvais masquer mon envie. Je voulais que le Nord renaisse et pour cela, il lui fallait du sang neuf. Et pour que cela puisse se produire, il n'y avait qu'une seule méthode : que des couples se créent et que ceux-ci aient une descendance.

Puis-je me montrer indiscrète ? Vous n'êtes pas obligée de me répondre si cela vous dérange mais j'aimerais savoir... Comment cela s'est passé pour Alhef et vous ? Cela s'est fait naturellement ou l'un de vous deux a-t-il fait le premier pas ?

J'étais réellement curieuse, non pas pour glaner des informations pour mon propre compte, mais d'apprendre ce qui était l'un des moments les plus importants de la vie de ma congénère. Quoi de mieux pour apprendre à se connaître mieux que de partager ce genre d'expérience ?

Un doux sourire toujours affiché sur son beau visage. Nous ne parlions que depuis quelques minutes et je n'avais pas eu beaucoup d'interactions avec elle auparavant mais je pouvais déjà gager qu'elle était vraiment une personne douce, affectueuse, désireuse d'aider les siens et surtout, généreuse et gentille. Ces signes qui m'avaient permis de brosser si rapidement une représentation du caractère de ma congénère ne trompaient pas. Je lui accordais toute ma confiance et j'étais certaine que je nous pouvions devenir des amies bien proches.

Après l'avoir remerciée de l'aide qu'elle voulait m'apporter, je décidais de mettre de côtés mes peurs. Certes, je pouvais tout perdre, mais je pouvais aussi tout gagner. Oh, je ne disais pas que j'allais faire ça aujourd'hui, mais j'allais prendre les devants. Ou en tout cas, j'essayerais.

Je laissais ensuite mon cas de côté pour évoquer celui de ma camarade. Puisqu'elle m'était très sympathique et que j'avais vraiment envie d'en savoir plus sur elle, je me risquais à lui demander comment cela s'était passé pour elle. Comment ALhef et elle s'étaient retrouvés ensemble ?

Je dirais plus que c'était une évidence. Nous nous sommes rencontrés souvent durant nos entraînements, quelque chose nous poussait l'un vers l'autre, c'était mystérieux et intriguant, comme aujourd'hui. J'ai fait le premier pas, il y a un an, je lui dis ce que je ressentais et voilà où nous en sommes. Nous nous respectons autant, que nous nous aimions, gardant aussi notre espace personnel. Nous avons trouvé un parfait équilibre, je dirais... Je ne sais pas si vous comprenez mes paroles, j'ai du mal à décrire cette connexion qu'il y a entre nous...

Je l'écoutais sans l'interrompre, me rendant compte au fur et à mesure qu'elle parlait que ce qu'elle disait, je le comprenais parfaitement. Ou en tout cas, je pensais le comprendre car c'était ce que je ressentais à l'égard de Wakiza. C'est donc avec un sourire compréhensif que je reprenais la parole.

Ne vous inquiétez pas, je pense que je comprend ce que vous voulez dire. Nous ne sommes pas un couple mais, à l'heure actuelle, je pense que c'est de cette façon que je vois notre relation d'amitié à Wakiza et moi.

Je regardais mon interlocutrice aux jolies marques sur le visage et continuais la discussion avec plaisir, simplement contente de passer du temps en aussi bonne compagnie.

Bon, et si nous laissions ce sujet de côté ? Je me fais une joie de discuter avec vous de toute sorte de choses. Vous êtes assurément une personne de bonne compagnie et j'ai hâte que nous échangions plus afin de nous connaitre mieux l'une, l'autre. Nous pourrions ainsi devenir de grandes amies, qu'en dites-vous ?

Cela pouvait sembler étrange dans un clan aussi restreint que le nôtre mais, bien que nous soyons toutes les deux adultes depuis un temps, le fait que Taygha vivait un peu en marge du clan avec son compagnon faisait que nous ne nous connaissions au final pas si bien que cela. Et je souhaitais que cela change. Cependant, je lui laissais le choix, lui laissant voir si elle était en accord avec ma proposition ou si cela lui semblait bien trop présomptueux de ma part après si peu de temps passé ensemble.