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Warmer Körper,
Heißes Kreuz,
Falsches Urteil,
Kaltes Grab,

Auf dem Kreuze lieg ich jetzt
Sie schlagen mir die Nägel ein
Das Feuer wäscht die Seele rein
Und übrig bleibt ein Mund voll...
Asche!
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Les jours s’écoulaient tranquillement depuis la naissance de ses petits-enfants. Il avait l’impression que le temps s’était arrêté. Douce ironie, lorsqu’on voyait ses effets sur son corps malmené…

Ce soir, le prêtre était de sortie ! Il avait quitté la Combe, Hex à ses côtés, après s'être rigoureusement débarrassé de l'odeur des exilés.

Une fois à l'extérieur, il avait envoyé le Lièvre chercher un bouquet de Margousier tandis que lui, s’occuperait des baies à ramasser. La cachette dans les montagnes était un endroit extraordinaire pour la culture des plantes, mais certains spécimens locaux ne poussaient que dans le marécage. Les conditions climatiques de leur repère, qui plus est, ne permettant pas leur élevage.

Une telle entreprise était risquée, certes. Encore plus pour un vieux lion comme lui. Mais Ceset était persuadé de pouvoir mener à bien cette mission. Après tout, cela n’était pas première fois ! Malgré tout, il avait prévenu Waban de son départ. Autant prendre un maximum de précautions...

Concentré, le guérisseur avait parcouru une distance raisonnable. L’entrée de la Combe n’était qu’à dix minutes de marche, cinq pour un lion en bonne santé.

La nuit était bien avancée et la lune haute. Parfait ! Le pèlerin n’aurait pas besoin de se torturer à la recherche de son objectif tant les environs étaient éclairés. Il ne tarda pas à trouver l’objet de sa sortie et commença à cultiver les baies, les faisant tomber au moyen d’une griffe dans une feuille creuse.

Ceset

Loin de se douter d’être espionné, le vieux lion continuait sa récolte, jusqu’à ce que la feuille soit remplie. Il s’en détourna, s’étirant face à la lune dans une grimace de douleur. Avec le temps, son travail devenait de plus en plus compliqué. Il en venait même à déplorer l’absence de Tadewi. Toutefois, c’était son devoir, sa mission, il devait l’accomplir le mieux possible !

Un craquement dans son dos vint lui arracher une moue soulagée. Outre la douleur qui lui lacérait l’arrière train, cette soirée s’annonçait parfaite…Jusqu’à ce qu’une odeur ne vienne perturber la tranquillité des lieux.

Lorsqu’il la détecta, le noiraud fronça les sourcils, inspectant les environs. Cette odeur…elle lui rappelait quelque chose.

Quelque chose de désagréable…

Sierra

Les jours passaient, et Sierra ne pouvait cesser d’espérer retrouver le lion noir. Elle avait cherché, ne trouvant que de maigres pistes la menant devant des murs de roche ou débouchant sur des culs de sac. Cela n’avait aucun sens !

A force de tomber sur des fausses pistes, la lionne en était venue à la conclusion que son frère était décédé. Dans ce cas, elle tenait à retrouver sa dépouille, afin d’en avoir le cœur net.

Mais rien…

Elle était fatiguée, énervée, attristée et blessée. Ne sachant plus vers quel astre se tourner, elle s’était mise à marcher au hasard, changeant parfois de direction afin d’éviter les marres piégeuses du marécage. Elle en avait retournées quelques-unes, se figurant son aîné coincé à la merci de ces éléments trompeurs. Mais, une fois encore, les recherches étaient restées vaines.

Elle se sentait vide. Tout son monde s’était effondré et elle n’avait pas pu redresser la situation. Elle qui, pourtant, aurait tout fait pour sauver ne serait-ce qu’une partie de ce qu’elle avait. Elle avait perdu son titre, ses terres, et sans doute son frère…elle n’avait plus rien.

Sa marche confuse la mena dans un espace dégagé, entouré d’eaux boueuses. Les seuls arbres présents dans la clairière étaient morts, voire couchés sur le sol, sans doute à cause d’affaissements de terrains.

Grimaçant de dégout à la vue de ses pattes ensevelies de gadoue, Sierra décida de relever ses yeux de sang vers l’horizon.

Et comme si les esprits s’étaient organisés pour une blague cruelle, elle le vit.

A cet instant, son sang se figea dans ses veines, la fourrure de son dos se hérissa et ses pupilles reptiliennes s’étrécirent.

Ceset, son frère, celui pour qui elle s’était lancée dans ce périple, celui qu’elle faillit de détester, était là, devant elle, à quelques mètres seulement.

Ceset

Une tâche rosée vint à sortir des buissons. Tout d’abord, le prêtre eu un moment d’absence, peinant à croire ce qu’il voyait. Puis, faisant abstraction des troubles qui avaient gelés le temps, il reprit un air neutre, teinté d’une certaine sévérité, se tournant sans un mot face à la nouvelle venue.

De multiples questionnements vinrent l’assaillir malgré son regard indifférant. A une vingtaine de pas se tenait Sierra,"la grande Sierra". Couverte de boue, pour couronner le tout ! Quel vent maudit avait bien put l’amener ici !? Il la sonda un instant, silencieux, observant sa cadette dans les moindres détails. Elle avait l’air abîmée...Fatiguée, même ! En cet instant, elle n’avait rien de noble !

Et ce regard…était-elle surprise de le voir ici ? Sans doute que oui. Et cela était réciproque. Derrière sa façade froide, le vieux noir ne put s’empêcher d’éprouver une certaine satisfaction. Elle était sa sœur, après tout. Sa petite sœur stupide et venimeuse. Une victime parmi d’autres de l’idiotie qu’était le pouvoir sur leurs terres natales.

Les babines de la lionnes s’agitèrent sans qu’aucun son n’en sorte. Frère et sœur se faisaient face pour la première fois depuis des années. Le croyant n’aurait jamais cru que de telles retrouvailles se fassent un jour, et encore moins qu’elles ne se fassent aussi loin de chez eux. Quelle blague idiote ! Il leva les yeux au ciel, questionnant les divinités sur leur santé mentale.

- Guten abend, Ceset. Articula-t-elle après un long instant de silence, d’une voix presque hésitante.

De son côté, son aîné resta muet. Ils s’étaient quittés sur une dispute. Il ne s’attendait pas à ce qu’elle lui parle sur ce ton. Son voyage avait dut l’assommer de fatigue pour qu’elle s’adresse à lui sans même le piquer d’une remarque désobligeante.

Sierra

Ses pattes tremblaient, son sang battait contre ses tempes. Enfin, il était là, lui faisant face. Son interpellation n’eut pour réponse qu’un visage fermé et sévère. Elle hésitait, ne sachant comment l’aborder. Avait-elle fait un faux pas ? Elle songea à réduire la distance qui les séparait, voulant s’assurer que tout ceci était bien réel. Mais se ravisa bien vite.

- Guten abend, Sierra.

Ses mots eurent l’effet d’une dague enveloppée de miel. Combien de temps avait-il passé sur ce continent ?! Sa façon de parler avait changée, il avait pris l’accent des lions de cette terre !

Ceset

Un nouveau silence. Ces pauses devenaient gênantes et le prêtre était décidé à clore le dialogue quand soudain :

- Que fais-tu ici ?*

Malgré la voix chevrotante et ses yeux écarquillés de la lionne, il ne put réprimer un soupir agacé. Elle osait le questionner ? C’était la meilleure ! Néanmoins, il n’était pas ici pour la juger. Après tout, ils avaient vécus ensemble, fut un temps. Et cet imbécile de Lord Elias avait su faire preuve de jugeote, les choses auraient été différentes…oui…bien différentes. Cette simple pensée attrista le noiraud.

- Hé bien ? Je fuis le logis familial ! Dit-il tranquillement, sur un ton sec. Puisque, visiblement, il n’y a pas de place pour les "faibles", chez vous…

Inutile de passer par quatre chemins. Plus que des retrouvailles, c’était là une occasion en or de vider son sac et faire table rase de tous les tracas qui encombraient l’esprit de Ceset. Il se détourna de sa cadette, préférant s’occuper de son paquet de baies.

- Ne t’en fais donc pas pour moi. Je suis très heureux ici ! Enfin, je dis ça, pour s’y tant est que tu te sois souciée du bonheur d’une autre personne que la tienne, un jour.

Il n’avait pas envie de faire trainer la discutions. Au diable les coïncidences saupoudrées de larmes touchantes. Il n’avait jamais été sentimental, encore moins face au sujet de ses souffrances. La pincée de joie qu’il avait ressentie en la voyant venait s’être noyée sous un flot d’indifférence. Gare à elle si elle projetait de lui faire la morale !

Sierra

Les mots de son frère continuaient de la blesser. Lorsqu’il tourna le dos, confirmant son absence d’intérêt pour la parole, Sierra laissa son regard tomber sur le sol. Il est vrai qu’aucun membre de leur famille n’avait su le considérer à sa juste valeur, alors que, depuis son jeune âge, elle savait que son aîné avait beaucoup de talent…Mais elle avait préféré se leurrer dans les dires de son paternel, afin de rester dans les bonnes grâces de celui-ci. Se remémorer une telle chose était déchirant, honteux, même ! Mais Ceset la mettait en face de ses décisions, comme il le faisait quand ils étaient jeunes. Quand ils étaient…un frère et une sœur.

- L…Lord Elias est mort… Fini-t-elle par dire, esquivant la remarque du noiraud.

Ceset

- Paix à son âme. Répondit se dernier avec détachement, sans même daigner accorder un regard à la femelle. En espérant que là où il est, il saura pardonner à mère.

Personne ne pouvait le nier, Ceset n’était pas de Lord Elias. Quand il était lionceau, le noir ne comprenait pas le mépris de ce grand félin, seule figure paternelle qu’il avait, à son égard et celui de sa génitrice. Quoi qu’il faisait, cette brute trouvait toujours à redire, quitte à s’inventer des raisons d’en vouloir à celui qui, par bienséance, acceptait d’appeler "fils". Oh, ça, Ceset en avait visité, des proches capables de lui apporter des réponses ! Mais à chaque fois, la seule réplique qu’il recevait était un visage désolé et un sempiternel "Tu comprendras quand tu seras grand".

Et en soit, ils n’avaient pas eu tort…

Sierra

Les sourcils de la cadette se froncèrent. Petite, elle savait que quelque chose clochait chez sa famille. Lors Elias était incroyablement froid avec son fils tandis qu’il adorait sa fille, quitte à la monter contre le cendré. Elle l’avait compris bien tard, toutefois. Et une telle chose apportait un déshonneur palpable à leur famille. Si le terrible guerrier qu’était son père n’avait pas eu de titre, nul doute que leur lignée aurait été moquée par beaucoup. D’ailleurs, certains ne devaient pas s’en être privés, dans leur dos…

Malgré cela, le sang noble de Sierra ne pouvait tolérer de telles paroles.

- N’oublie pas qu’il s’est occupé de toi en dépit de cela ! Dit-elle avec une certaine hargne, osant réduire de moitié la distance qui les séparait. Il aurait très bien pu te renier et t’envoyer creuser avec les esclaves.

Ceset

- Oh oui ! Tu as parfaitement raison ! Quel saint homme ! Ricana nerveusement le prêtre, que cette discutions ennuyait profondément en plus de mal tourner. C’est sûr qu’il était préférable d’être traité comme un moins que rien et voir sa petite sotte de sœur se laisser embobiner ! Jusqu’à ce que celle-ci aussi vienne me cracher dessus !

Il referma sa feuille de baie avec une rage contenue. Ses yeux se plantèrent dans ceux de la féline, sévères.

- Sache que j’aurais préféré mourir à la besogne et sous les coups de griffes !

Sierra

La remarque piqua les nerfs de la Noble déchue. Celle-ci laissa échapper un grognement rauque.

Il avait raison. Elle avait été stupide et infantile. Mais sa fierté ne pouvait se résoudre à accepter une telle chose, encore plus lorsqu’elle était insultée !

Elle qui était ravie de le voir, elle sentait que son corps avançait machinalement contre ses émotions. Toute la colère accumulée depuis le début de son voyage, la sensation d’être abandonnée de tous, la mort d’Harold, tous ces sentiments se lièrent pour ne former qu’une boule indigeste et amère. Une énergie sale et incontrôlable qui tendit ses muscles jusqu’à les rendre douloureux. Ce n’est pas ce qu’elle voulait, ce n’était pas ce qu’elle avait prévu ! Mais son corps ne lui obéissait pas.

Sierra bondi en avant, engloutissant la distance qui protégeait leur espace privé, et poussa le lion noir de toute ses forces.

Dans un rugissement sinistre, la silhouette de Ceset disparu de son champ de vision. Dès lors, la guerrière réalisa, les yeux ronds et le souffle coupé, ce qu’elle venait de faire.

Dans un hoquet de surprise qui se transforma en cri, elle s’approcha de la crevasse boueuse dans laquelle elle venait de précipiter, dans un excès de colère, son frère.

Sierra

Plongée dans la confusion qui étreignait son esprit, pareille à un serpent écrasant lentement sa proie, elle se senti vaciller lorsqu’elle s’approcha du gouffre, peinant à remplir ses poumons correctement.

"Ça ne peut pas être vrai !" Se rabâchait-elle.

Mais, avant qu’elle n’ait pu rejoindre le piège de terre au fond duquel gisait Ceset, deux petits rugissements se firent entendre.

Des lionceaux !

Elle s’arrêta net, reculant de surprise et de peur, ses yeux rouges écarquillés au maximum et les oreilles basses. Ces gamins…étaient les petits enfants de son aîné ?!

- TU N'AVAIS PAS LE DROIT DE FAIRE CA !!!!! TU N'AVAIS PAS LE DROIT!!!"

Sa tête était sur le point d’exploser. Tous étaient dans un état second. Pertinemment conscients de ce qu’il c’était produit, tout en refusant de le croire.

-TU L'AS TUÉ! TU... TU L'AS TUÉ !

Chaque mot prononcé par l’enfant eu pour effet d’attiser le feu qui consumait la guerrière. Elle avait envie de vomir, de se débarrasser de toute la colère qu’elle ressentait contre elle-même, mais également celle qui lui était jetée au visage.

Face à ces petits en pleurs, ne sachant quoi faire, presque paralysée devant la scène qui s’offrait à elle, la lionne recula, les pattes tremblantes. Un autre protagoniste s’ajouta à cette représentation macabre, se positionnant entre la monstrueuse créature qu’elle était et les lionceaux.

- Vous… Vous devriez partir ! Oui ! Et vite ! Mon… Leur père va arriver ! Et il vous le fera payer !…

- Tu ne comprends pas! Elle… Elle l'a… Tout est de sa faute! Continua l’enfant rouge. Mon père.. Il va te tuer ! Tu vas mourir !!! Lança-t-il à nouveau, à l’intention de Sierra. Avec Une colère telle, qu’elle se sentie submergée par une vague enflammée.

Le désespoir et l’incompréhension dans leurs yeux étaient si forts, que les sentiments se personnifiaient, ajoutant à la triste peinture, un duo de figures inquisitrices.

Soudain, un rugissement, semblable à un tremblement de terre. Un énorme lion gris surgi des buissons, barrant la route de la guerrière. A cet instant, la femelle comprit qu’elle n’aurait jamais l’occasion de s’excuser auprès de son frère, ni même de se recueillir sur sa dépouille.

- J’espère que vous ne cherchez pas une excuse, je doute que vous en ayez ne serait-ce qu’une de valable à mes yeux…

- Tue la Papa !!!


Les joues détrempées, le corps tendu et tremblant, Sierra recula d’avantage. Son regard passait du géant au gouffre qu’il protégeait, comme si elle le suppliait de lui laisser une chance de revoir le prêtre. Même si elle craignait cette vision plus que tout.

Mais ils savaient tous deux que non, elle ne le reverrait jamais…

Rassemblant le peu de forces qu’il lui restait, la meurtrière se détourna de ces inconnus. De ces êtres dont elle ne connaissait pas même le nom, mais dont elle venait de détruire la famille.

Et de la vie qu’elle avait prise.

Elle se mit à courir au hasard, disparaissant dans la noirceur des marécages d’où elle était venue, suppliant son étoile de la soutenir une dernière fois pour ne pas s’effondrer.

Ceset

Il était frigorifié ! Et ces cris….d’où venaient-ils ?

Entrouvrant ses yeux de charbon, Ceset toussa bruyamment, réveillant les maux qui sévissaient son corps. La tête lui tournait… il n’avait pas la force de se relever ! Essayant vainement de se dresser sur ses quatre pattes, le vieux lion se senti soudain assailli d’une douleur vive qui lui coupa le souffle.

- ARGH !

Son dos…il était brisé ! Et cette sensation humide derrière son crâne, était-ce ?

Non. Il ne voulait pas savoir ! Même si ses talents de médecins lui permettaient de deviner la nature du fluide.

Il se laissa choir dans la boue, la respiration saccadée. Tout c’était enchaîné si vite. Il peinait à remettre les événements dans l’ordre. Mais se remémorait le visage de sa sœur, tout d’abord tiré de tristesse puis soudain affublé d’un rictus de colère.

Et puis, la chute. Elle l’avait poussée dans ce ravin, et sa carcasse avait roulé contre les parois glissantes avant de se fracasser sur les rochers en contrebas.

- *kof* *kof*

Puis, soudain, des cris, de plus en plus net, comme si ses oreilles s’ouvraient aux événements. Que se passait-il, là-haut ?! Il crut reconnaitre, dans la cacophonie, les voix de Waban et du Lièvre sauteur…et les pleurs de ses petits-enfants.

Son cœur se serra. Qu’avait-elle fait à ses petits chéris ?!

- Machli, Vorsakh ! Appela-t-il d’une voix faible et chevrotante, essayant de redresser en vain son corps brisé. Il devait leur venir en aide, coûte que coûte !

Il était épuisé. Jamais de sa vie il n’avait connu pareille fatigue ! Cela n’était comparable à aucune autre sensation. Comme si toute l’énergie de son corps s’en allait, remplacée progressivement par un froid désagréable, mais curieusement apaisant. Il se laissa retomber, grimaçant de douleur quand son crâne fendu vint se poser sur le sol.

"C’est terminé."

Telle fut la pensée qui s’imposa à lui, l’évidence macabre qui l’incita à puiser dans ses dernières ressources.

"Je ne peux pas partir maintenant ! Pas sans leur avoir fait mes adieux !"

Il leur devait bien ça. Après tout, ils étaient une famille.

-Ceset, calme-toi, Ils vont bien… Intervint Hex, qui déboula devant son visage.

- Ohhh, Hex ! Je suis si heureux de te voir ! Expira le vieillard, un faible sourire aux babines. Une violente quinte de toux vint secouer son corps, lui arrachant une douleur vive dont il peina à dissimuler les effets. Il lutta pour reprendre son souffle. On peut dire que cette soirée aura été mouvementée !

Sarcastique jusqu’aux portes de la mort. Il fallait bien essayer de les rassurer…et de se rassurer soi-même.

Les voix de Machli et Vorsakh ne tardèrent pas à suivre. Les yeux du vieux lion se tournèrent vers eux, soudain remplis d’une infinie tendresse. Ils n’avaient rien ! Voilà qui le soulagea considérablement. Mais les voir ainsi était difficile à supporter. Si, autrefois, la perte d’un proche lui semblait la plus douloureuse, le rôle du mourant était tout aussi pénible à tenir. Voilà une leçon tardive, mais qui ne manquerait pas de retenir. Par où commencer ? Tant de choses devaient être dites, tant de choses devaient être avouées…Il ne parvenait pas à mesurer la priorité des pensées qui se bousculaient dans sa tête.

- Les enfants…Dit-il entre deux toussotements. Il était si heureux de les voir ! Et ce malgré le fait que les chenapans se soient mis dans une situation dangereuse. C’était de sa faute, il aurait dû être plus attentif ! Etaient-ils conscients de la situation ? Que pouvaient-ils bien penser ?

Ceset du lutter contre lui-même afin de garder les yeux ouverts. Il manquait quelqu’un…Il manquait Waban et Tadewi ! La famille n’était pas au complet.

Tout devenait flou. Il sentait son corps s’engourdir progressivement, à mesure que ses forces le quittaient. Pourtant, il résistait. Il avait envie de mémoriser leurs voix, leurs odeurs, partir en étant sûr d’avoir conservé une empreinte indélébile de ces animaux merveilleux auquel il s’était lié.

- Je vais te soigner…Et appeler de l'aide. Tout ira mieux quand tu seras sorti de là !

Il voyait, au travers de ses yeux mi-clos, les visages enfantins de Machli et Vorsakh. Et au-dessus de ces dernier, celui de Tadewi. Un sourire fatigué vint étirer ses babines une nouvelle fois. Malgré la panique qui sévissait parmi ces êtres chers, lui se sentait de plus en plus léger.

Cette fois-ci, c’était le dernier suris. Il devait leur parler, maintenant.

Ses lèvres bougèrent faiblement, sans qu’aucun son n’en sorte. Dans un effort qui lui parut sur-lionesque, le vieux prêtre tandis sa patte, la posant sur celle de sa fille de cœur.

- On est là Papy ! Intervint le petit mâle. On va t'aider… Hein Machli ? Papy va guérir… Pas vrai Maman..? Il est fort et Sha'haar va l'aider aussi!!

- Vorsakh…Il prit une profonde inspiration. Chaque mot qu’il prononçait représentait un défi colossal. Mon cher petit…je crains que mon voyage dans ce monde ne s’achève ici, malheureusement…

Il toussa bruyamment. Il abandonna la patte de la fille du feu pour venir essuyer les larmes du lionceau.

- Mais ne sois pas triste. Car peu importe... ce qu’il adviendra de moi, une partie de mon être vous protégera tous… le corps est faible... mais les liens du cœur, eux, sont à l’épreuve de tout ! N’oublie jamais ça, mon petit.

Sa patte retomba lourdement au sol. Il avait tellement de choses à leur dire ! Et si peu de temps ! Ses yeux allaient de Hex, à la petite grise et son frère. Ils se posèrent finalement sur Tadewi.

- Je…je serais toujours là pour vous. Parce que nous sommes une famille ! Pour toujours !

Une douce sensation de chaleur vint envelopper son corps, le plongeant dans une torpeur agréable, balayant toute douleur et toute colère. Il ne parvint pas à lutter contre, mais trouva la force de murmurer, dans un ultime soupir, tandis qu'un sourire radieux se figeait sur son museau :

- Je suis si heureux …