Bon ... Je te la donne

Elle approchait, encore et davantage, de sa cible … du moins, si l'on prenait en compte les étapes du plan de meurtre. Talonnant sa guide d'un pas impatient, Adana jetait des coups d’œil autour d'elle, à ce paysage aride et désolant qui représentait Outland, et à toutes ces âmes perdues qui traînaient non loin de la termitière. Même si elle n'avait jamais mis les pattes dans le royaume, la brune pouvait assurément deviner que cette imposante caverne rongée par les insectes abritait les Outlanders et plus particulièrement leur chef. Enfin, ce n'est pas ce qui l'intéressait le plus pour le moment. Elle suivait le rythme de Tasa, dans l'attente de trouver cette fameuse Zary, la dame au pelage d'or. Ce voyage commençait doucement à l'ennuyer, mais elle allait devoir faire comme toutes les autres fois où elle avait ressenti ce sentiment désagréable : « Prends sur toi et avance. » Un murmure lointain, sa conscience, peut-être un murmure silencieux provenant de son père ? Pas la moindre idée. En tout cas … elle progressait dans cette perspective des choses.

Finalement, une silhouette dorée apparut dans le paysage. Zary … ? Non loin de l'entrée de la termitière. Prudente, Adana s'approcha d'elle, en compagnie de Tasa. Elle prit le temps, juste quelques secondes, d'examiner cette fameuse Outlander qui allait l'aider dans son projet de meurtre. Physiquement parlant, cette Zary avait l'air très vieille. Son pelage d'or, semblable aux orages, se fondait presque dans le paysage terreux d'Outland. Elle possédait de belles prunelles ambrées et de petites rayures noires sur les oreilles. Sinon, elle n'avait rien de plus que les autres lionnes de la Terre des Lions.

« Zary, te voilà ! Je te présente Adana. C'est une Mositus qui a soif d'aventure ! » déclara la femelle rouge, d'une voix faible mais toutefois audible.
« Enchantée. Je suis honorée de te rencontrer. » renchérit la féline sombre, dans un léger sourire.

Intérieurement, ce nouveau mensonge la dégoûtait. Lui tiraillait les tripes. Elle n'était pas plus enchantée de faire la rencontre de Zary que celle de Tasa. Elles lui étaient parfaitement indifférentes, quelconques. Mais indispensables à sa quête d'informations.

« Je suis une voyageuse et émissaire d'un clan pacifiste de la Jungle. Je suis à la recherche d'informations concernant un fameux territoire inhabité par les lions. Et puis, je m'avoue assez intriguée par les paysages d'Outland. Jusque alors, je n'ai jamais eu l'occasion de poser mes pattes sur ce royaume fort atypique. »

Bon ... Je te la donne

Tout en se présentant, Adana se fit le plaisir d'examiner silencieusement Zary. La vieille lionne avait l'air dans les vapes. Comprenait-elle au moins ce qu'on lui disait ? La brune ne se prononçait point, mais trouvait cela presque honteux de la part de Tasa de donner du travail à une vieille femelle de son clan. N'y avait-il que peu d'Outlanders gentils sur Outland pour qu'elles aient à la déranger ? Peut-être jugeait-elle trop rapidement la situation. Mais n'était-ce pas normal, compte tenu de ses projets ? Elle se devait de faire attention à tous les détails qui lui passaient sous le nez, sous peine d'être piégée dans une manigance sans finalité. Devait-elle se méfier de cette vieille dame étrange ?

« Ah … Euh … Bonjour Tasa ... Ravie de faire ta connaissance Adana ! » déclara la femelle d'or, avant d'enchaîner. « Vous êtes bien courageuse ma chère Adana. Outland est une des zones les plus dangereuses de la terre des lions ... Qu'est-ce qu'il y a de si intriguant sur ce territoire boueux en période pluvieuse et complètement sec sous un soleil de plomb ? »

Ce qu'elle trouvait à Outland ? Pas grand-chose. Il y avait déjà ce meurtre qu'elle prévoyait – puis peut-être un peu de curiosité naturelle, celle d'une voyageuse libre, qui l'avaient poussé à se rendre sur Outland. En revanche, elle se demandait si le royaume avait toujours eu cette réputation dangereuse. Vita lui avait déjà vanté, le jour de leur rencontre, la férocité de sa famille et celle de son peuple … on dirait bien que oui. Toutefois, la remarque de Zary ne la fit pas vaciller. Kutoa était déjà un être dangereux. Elle le tuerait, puis ne reviendrait plus jamais sur Outland. Pas tant que son clan vivrait ici, du moins. Elle vivrait quelque part, peut-être sur Prideland, qui sait, en compagnie de Vita – et elle n'entendrait plus jamais parler de ce territoire aride. Elle haussa légèrement les épaules, ouvrant doucement la bouche, préparant son discours, naïf, afin de satisfaire la curiosité de sa nouvelle interlocutrice. Hélas, Tasa s'empressa de le faire à sa place.

« Adana recherche des informations pour son Clan, les Mositus. Je ne sais pas si tu en as entendu parler, Zary. Ils recherchent un nouveau territoire. Je me suis dit que tu pourrais couvrir Adana pendant qu'elle voyage un peu ? »

Adana hocha la tête.

« Oui, c'est cela. Promis, je ne te gênerais pas durant le voyage. » promit la femelle à masque, naturellement. « Et puis, je ne suis pas un danger pour les vôtres. Mes intentions sont pacifistes. Je repartirais au plus vite lorsque j'aurais obtenu mes informations et visité un peu votre territoire. »

Qui sait si elle refusait de nourrir un tel complot. Peut-être les dénoncerait-elle à son clan ? Dans tous les cas Adana ne prenait pas de risque. Elle insistait – peut-être à tort – sur son pacifisme, par crainte d'être rejetée par la lionne d'or.

« Pour répondre à ta question … Outland n'est qu'une destination temporaire. Elle est peut-être dangereuse, mais je me dois d'accomplir mon rôle d'émissaire et puis, on ne va pas se mentir, ce royaume est physiquement intéressant. Tu l'as dit toi-même : il est très boueux en période pluvieuse et dur comme le roc sous un soleil d'aplomb. Ces caractéristiques mêmes font d'Outland une terre unique en son genre. Quoi de mieux pour une voyageuse comme moi, me diras-tu ? »

Bon ... Je te la donne

« Mmmmh … Je vois … Mais … Votre chef ne vous a pas donner de critères précis pour ce futur territoire ? » s'interrogea la vieille femelle au pelage doré.

Adana afficha un léger sourire amusé. Pour une fois, elle ne souriait pas pour se donner un genre ou pour accentuer son mensonge. Elle était sincèrement amusée face à la réflexion de l'ancêtre. Assurément, Zary ne semblait pas connaître tant que ça les Mositus. Elle semblait déconnectée de tout. C'était un fait. Il était vrai que la plupart des Mositus rêvait d'une Jungle où s'installer à nouveau mais, de toute évidence, ils n'en trouveraient pas une seule sur la Terre des Lions. La Jungle, c'était fini. Ils allaient devoir s'adapter au premier territoire qu'ils trouveraient. Cela faisait déjà un bon moment que les Mositus vivaient aux crochets des Pridelanders et des Freelanders – inutile d'espérer davantage venant de leur initiative. De toute manière, Tenzin n'avait pas donné de critères absolus concernant la Terre Promise. Elle pouvait être un tout à la fois. Tant qu'ils pouvaient y élever leurs enfants et survivre, que demander de plus ? Calmement, Adana répondit, comme le ferait un professeur à son élève :

« Non. Nous ne sommes pas très difficiles. Le plus important est de survivre. »

C'était tout simplement logique. Mais ce genre de chose s'oubliait lorsque l'on n'était pas concerné par la situation. La brune à masque tendit l'oreille. Tasa avait quelque chose à dire.

« J'ai entendu dire que votre chef était Tenzin. C'est bien cela ? » hasarda Tasa. « C'est lui qui t'a envoyé en mission ? »

Eh bien. Tasa semblait plus renseignée que Zary. Ce n'était pas très étonnant, elle détenait le rôle de garde-frontière au sein de son Clan ! En revanche … Sa question s'avérait plutôt décevante. Voyons, qui d'autre aurait pu envoyer la femelle sombre en mission ? Il n'y avait pas dix mille supérieurs au sein du Clan. De son propre chef ? Elle ne se serait pas présentée sous le nom de sa tribu, alors.

« Oui, il s'appelle Tenzin. Et c'est bien lui qui m'a envoyé en mission. Qui d'autre ? » ironisa-t-elle, penchant la tête légèrement de côté.

Maintenant qu'elle avait répondu à leurs questions, il était temps que Zary réponde à la sienne ; voulait-elle bien lui présenter les régions d'Outland ? Il lui faudrait connaître ses petits tracas concernant Kutoa. Elle était proche du but. Elle ne pouvait pas se laisser aller de la sorte !
Se tournant vers Zary, saisie d'un souffle nouveau, Adana s'enquit :

« Trêve de bavardage ! Zary, veux-tu bien me faire découvrir Outland ? Évitons de nous attarder ici … Je risquerais de me faire découvrir par les Outlanders. Je ne voudrais pas vous causer d'ennuis à toutes les deux. Il faut que tu saches que j'ai quelques vieux différents avec un lion de votre Clan, Kutoa … si possible, j'aimerais éviter de le rencontrer afin de taire les conflits inutiles. Tu n'y vois pas d'inconvénients ? »

Bon ... Je te la donne

Coup de théâtre. Adana avait pourtant pensé que dire les choses de cette façon sonnerait convenablement dans les oreilles des deux lionnes et, éventuellement, pousserait Zary à lui servir de guide pour le reste du voyage. Mais la vieille lionne dorée, gentille, oui, connaissait toutefois une façon propre à elle de montrer sa bonté de cœur. Oh oui, elle misa son refus par l'argument de la « sécurité ». Elle ne pouvait accéder à la requête d'Adana afin d'assurer la sécurité de tout le monde. Qu'il était inutile de procéder à une quelconque visite puisque les lions de la Jungle ne pouvaient survivre à Outland. Quelle surprise ! La lionne brune manqua de faire claquer sa langue contre son palais, l'air méprisant. Personne n'aimerait survivre sur un tel territoire, pas en compagnie d'une bande de lions ayant lâchement chassé la famille de son compagnon de route. Elle trouvait de l'originalité à Outland, certes, mais de quel droit cette Zary se permettait-elle d'insinuer une telle chose ? Adana souriait doucement, l'air naïf, bien qu'intérieurement son cœur brûlât de colère. Zary ajouta qu'il était préférable qu'elle s'en aille si un Outlander lui posait problème. Elle parlait justement de Kutoa. Adana se répéta en boucles, dans sa tête, qu'il ne fallait pas succomber à ses pulsions de frustration. Elle avait encore la maîtrise sur la situation. Elle vaincrait.

« Tasa … Il serai plus judicieux de ramener Adana à la frontière au plus vite … Inutile de mettre sa vie en danger plus longtemps. » conclut Zary, se tournant vers Tasa.

Tasa se mit à soupirer. Nerveusement, Adana jeta un coup d’œil dans sa direction. Allait-elle se mettre du côté de sa comparse et la ramener à la frontière ? Elle ne se laisserait pas faire, ceci dit. La rebelle faillit rétorquer, mais la femelle rouge assura de façon surprenante :

« Ne t'inquiète pas Zary, Adana sait se défendre. » assura-t-elle tout en considérant Adana d'un œil sévère. Elle reprit : « ... Mais je suis sûre qu'elle n'aura pas à le faire ! N'est-ce pas, Adana ? »

Ouf. Et en même temps, la fille de Kimiria se demandait pourquoi elle tenait tant à l'aider. N'était-elle pas une garde-frontière, après tout ? Voir une étrangère décamper de son territoire lui aurait fait le plus grand bien. Mais il fallait croire que Tasa était de son côté. Elle n'allait pas cracher sur cette aide si généreusement offerte, n'est-ce pas ? La féline à masque profita de cette ouverture pour convaincre sa comparse dorée.

« Zary. Mon Clan ne compte pas s'installer sur votre territoire. Et bien que notre réputation ne soit pas des plus louables en matière d'arts martiaux, ne t'inquiète pas, je saurais me défendre. Je n'aurais même pas à le faire tant je resterais discrète à tes côtés. S'il te plaît … J'ai fait tant de chemins pour arriver jusqu'ici, espérant obtenir de l'aide. On peut faire un petit bout de chemin puis revenir à la frontière, non ? Promis, tu ne verras plus jamais ma tête dans les parages après cela ... » implora-t-elle, l'air faussement attristé.

Que lui restait-il à visiter ? Le cœur d'Outland. Elles auraient juste à visiter un peu la termitière … puis elle rentrerait chez elle. Sa curiosité, d'habitude insatiable, serait satisfaite et elle pourrait planifier son meurtre sans rien demander à personne.

« Nous pourrions simplement visiter la termitière, qu'en dis-tu … ? Enfin, j'veux dire, je m'en doute que ce n'est pas un lieu touristique. Mais on pourrait s'arrêter à l'entrée … comme ça je saurais à quoi ça ressemble. »

Intérieurement, elle sentait la colère lui revenir ; et si ces arguments ne plaisaient pas à l'ancêtre ? Et qu'elle insistait sur le départ de la lionne brune ? Si ça n'en avait tenu qu'à elle, à l'ombre des regards indiscrets, elle l'aurait bien volontairement tué. Hélas, l'art du meurtre demandait davantage de patience et de réflexion.

Bon ... Je te la donne

Décidément, la femelle au pelage orageux était déterminée à pourrir l'existence d'Adana. Elle sursauta en entendant les supplications de sa cadette brune. Elle jeta un coup d’œil en direction de sa camarade rouge avant de replonger son regard ambré dans celui doré de la voyageuse.

« Tiens tiens … À mon sens un émissaire ne se montre pas aussi insistant … Procéder à une visite de la termitière ? Il n'en est pas question. Il s'agit de l'endroit le plus fréquenté d'Outland. »

Adana ne savait que comprendre de tout cela. Zary aurait pu être intelligente, dans d'autres circonstances, hélas il s'avérait qu'elle ne comprenait pas la moitié de sa requête. Elle n'avait pas demandé à taper la causette avec les Outlanders dans la termitière, elle avait simplement demandé à ce qu'elle puisse s'y arrêter juste devant afin de savoir à quoi cela ressemblait à l'intérieur. Aurait-elle dû se taire par rapport à Kutoa ? Les choses s'étaient plutôt bien passées avec Tasa, curieusement. Pourquoi cette ancêtre se méfiait-elle à ce point ?
Surtout que, elle remettait en cause sa fonction d'émissaire. Adana avait pourtant certifié qu'elle était également une voyageuse désireuse de découvrir Outland. On aurait dit que la vieillesse n'arrangeait pas la mémoire de la femelle dorée.

« Adana … Je ne doute pas de tes capacités en tant que guerrière cependant ...Visiter la termitière … C'est du suicide !  » renchérit Zary.

Du suicide ? Parce qu'il y avait une forte concentration – probable – d'Outlanders en ces lieux ? Adana comprenait bien où elle voulait en venir. Mais elle voulait s'arrêter devant l'entrée. Ce n'était pas pour rien qu'elle avait déclaré avoir conscience que ce n'était point un lieu touristique … m'enfin. Ce qui était sûr, maintenant, c'est que cette vieille gênait le passage et si ce Monde n'était pas à ce point rythmé par le sens de justice, Adana l'aurait bien volontiers étranglé pour faire taire pour de bon l'Outlander. Mais elle ne pouvait pas. Ça ne lui rapporterait rien de bon. Elle songea, quelques instants, à la possibilité d'assommer cette vieille pie, sauf qu'elles n'étaient pas seules : Tasa veillait sur elles. Le fait que la garde-frontière taise cet incident ne sonnerait plus à ses yeux comme de la sympathie, mais bien comme de la traîtrise vis-à-vis de son propre clan. C'était trop risqué.
Elle allait devoir ruser un peu. Bien que les idées qui se bousculaient dans sa tête n'étaient pas des plus rassurantes. Elle forcerait un peu le passage, puis si Zary refusait encore, elle rebrousserait chemin. Mais la guerre n'était pas terminée. Parce qu'il fallait toujours s'attendre à voir Adana revenir. On ne lui refusait pas quelque chose. Sinon son esprit rebelle et têtu se chargerait du reste.

« Elle sera discrète. » jura Tasa.

La compagne de Vita louait le soutien de Tasa mais savait pertinemment qu'une telle promesse ne ferait pas changer d'avis Zary. A vrai dire, Adana ne savait même pas comment la convaincre de la laisser s'approcher de la termitière. On aurait dit qu'elle lisait dans l'esprit d'Adana comme dans un livre ouvert. C'était assez insupportable.

« Zary, n'oublie pas que je suis une voyageuse et une émissaire. L'un n'empêche pas l'autre. Mes facultés d'émissaire se serviront de vos informations quant à la recherche de terres et mon esprit voyageur se meurt devant son incapacité à atteindre la termitière. Bien que je sois consciente que ce désir, personnel, n'est en rien prioritaire sur le bien-être des vôtres. C'est pour ça que j'appuierais ma demande une dernière fois : j'aimerais juste atteindre l'entrée de la termitière. Et ne pas y entrer pour éviter de trop te contrarier. Mais si tu refuses … eh bien, que veux-tu que je fasse. Je ne vais pas te bousculer et y aller de force. J'abandonnerai ... » soupira-t-elle, partagée entre l'ennui et la déception. « Mais je ne comprends pas pourquoi tu ne veux pas ? Tu as peur que je gêne les autres Outlanders ? Ou que je croise Kutoa ? … J'aurais pu tout aussi bien venir à une heure où il n'y a personne dans le termitière. M'enfin, j'ose pas insister, de peur que tu me prennes encore plus pour une forcenée. »

Voilà. Sa dernière tentative, vaine ; si Zary refusait, Adana n'aurait d'autres choix que de s'éloigner de la termitière afin de parler de son nouveau plan à Tasa. Et là, Zary ne pourrait pas se mettre en travers de son chemin. Elle n'avait pas encore épuisé toutes ses ressources.

Bon ... Je te la donne

« Désolé de te l'apprendre Adana mais les incohérences dans tes propos son trop flagrantes pour croire à ta petite histoire "d'émissaire". De plus, il faut être particulièrement stupide pour croire qu'il est possible de se rendre devant la termitière sans se faire repérer. Pour la dernière fois, il est préférable pour toi de quitter Outland sur-le-champ sans discuter plus longtemps. » insista la vieille lionne au pelage d'orage, sur un ton ferme.

Sur ces mots, la vieille femelle poussa un long soupir. Un long soupir qui hérissait lentement mais sûrement l’ego de la brune. Cette bécasse osait se la jouer hautaine et maligne. Quel délicieux cocktail d'adjectifs négatifs. Des fois, Adana regrettait de ne pas pouvoir la tuer. La mentalité des Mositus interdisait la violence et valorisait la discussion ; la compagne de Vita répondait de moins en moins à ce dicton. La simple parole ne suffisait pas. Il fallait frapper, humilier et terroriser pour se faire comprendre. Cette Zary avait une chance inouï d'être entourée d'un clan. Dans d'autres circonstances elle n'aurait pas tenu quelques secondes face à la voyageuse à mèche. Toutefois, il lui fallait garder sa couverture quoiqu'il arrive. Ainsi, face aux propos de l'Outlander, la femelle sombre exprima un air mi-perplexe, mi-indigné à entendre de telles accusations.
Zary l'énervait. Adana ne savait pas d'où elle tenait ce « super-pouvoir », mais il lui semblait que la lionne d'or pouvait aisément deviner ses intentions grâce à la simple pensée. Et surtout grâce à sa super-intelligence d'ancêtre. Bien sûr. C'était logique ! La brune venait même à se demander si elle ne discutait pas avec une illuminée. Elle lui avait dit qu'elle était également voyageuse, mais non, Zary ne retenait qu'une chose « il y a des incohérences dans ses propos d'émissaire ». Comment exprimer le ressenti de la fille de Kimiria en cet instant ? Elle avait juste envie de la gifler et de lui répéter, une nouvelle fois, qu'il y avait aussi sa curiosité personnelle qui jouait dans sa demande. Qu'elle ne veuille pas qu'elle pénètre dans sa termitière était une chose … Mettre en doute les prétentions de la fille de la Jungle, en revanche, en était une autre. Elle n'était pas non plus censée connaître les heures de pointe de la termitière. Après tout, elle n'y avait jamais mis les pattes auparavant. Mais ça, la femelle d'or ne pouvait pas le comprendre pas vrai ? Ben oui. Ça la rendait trop fière de pouvoir balancer des arguments ci et là, acclamant son autorité face à une étrangère. Mais Adana retenait un sourire particulièrement vicieux quant à la suite des choses. Si elle ne pouvait pas se venger sur Zary, elle le ferait sur Kutoa. Elle lui prodiguerait trois-quatre coups ou cicatrices en plus, histoire de se venger de sa propre camarade. Ce serait son petit réconfort à elle, sa petite victoire.

« Si c'est ton choix, je ne t'en empêcherai pas. » déclara Tasa.

Adana poussa un soupir exaspéré. Elle coula un regard courroucé en direction de Zary, avant d'en revenir à Tasa.

« Zary, je viens de te dire que je suis une voyageuse. Mais soit. Je vois qu'on ne peut pas exprimer certains désirs sans se faire juger injustement ici. Merci toutefois de ne pas m'avoir envoyée promener tout à l'heure quand je vous ai salué. » dit-elle, tâchant de garder le plus de calme possible. Mais elle savait pertinemment qu'un réel voyageur n'aurait pas plus toléré qu'elle que l'on se méprenne de ce qu'il était réellement. « Tasa ? Pourrais-tu me raccompagner à la frontière ? Il est temps pour moi de quitter Outland. Merci encore pour tout ce que tu as fait pour moi. »

Elle n'osa pas lui jeter un regard d'entente de crainte que l'autre « perspicace » ne le remarque et l’interprète d'une façon douteuse. Elle espérait, dans le plus grand des secrets, que Tasa daigne accepter sa requête et la raccompagne jusqu'aux frontières. Avant qu'elles ne se quittent, elles avaient besoin de discuter d'un dernier point ensemble. Et ce point-là, elle n'avait certainement pas envie d'en discuter non loin de la présence insupportable qu'était celle de la vieille Outlander. La demoiselle aux prunelles dorées voyait bien que Zary n'arrangerait pas sa situation.

Sans attendre une réponse de la lionne au pelage dorée, la brune commença à se mettre en marche, l'air courroucé et outré, attendant que Tasa la rejoigne. Elle n'avait pas envie de discuter davantage avec Zary. Cette discussion finirait sûrement dans un bain de sang si elle s'étendait encore.