De nombreux mois s'étaient écoulés depuis la Purge initiée par l'Impératrice, ceux qui n'étaient encore que des enfants témoins des prémices se trouvaient maintenant être quasiment adultes et bientôt eux-mêmes acteurs dans cette conduite. Nul doute que l'engrenage lancé d'une série de changements n'était qu'à ses débuts, et que le nouveau pouvoir en place promettrait de grandes choses à la jeune génération comme à la plus ancienne. Chukia comme beaucoup d'autres se laissait volontiers guider par cette tournure, et y trouvait même un certain confort. Malgré tout, malgré les grandes nouvelles et le bénéfice que le peuple Jangowa pouvait en tirer, certaines choses restaient manquantes, comme une carence qui s'installe et se développe sans qu'on puisse y remédier.

Une faiblesse diriez-vous ? Alors peut-être la plus grande de Chukia. Certes elle détenait cette la faculté parfois déroutante de ne rien laisser transpasser, que ce soit les émotions sur son visage, ou ses propres pensées. La fille de Kaya avait naturellement appris à contrôler ce qu'elle voulait bien laisser entrevoir, quitte à n'être qu'une pure façade aussi souriante et charmante soit-elle. Mais à la longue, cet exercice en était pesant et plus le mal était grand plus il se muait en un fardeau toujours plus difficile à masquer au fil des jours. Chukia contenait, mais jusqu'à quand ?

Ainsi ce désir peut-être de vider son sac loin des regards l'avait poussée en direction des frontières du royaume, là où le sable s'amenuise et où l'horizon se révèle moins perceptible. Elle y serait bien là pour son introspection d'elle-même, avait-elle pensé. Mais l'endroit était-il si anodin ? Espérait-elle intimement peut-être y croiser la silhouette de son frère bien aimé en exil ?... De toute évidence, c'était en partie le cas, et ses iris turquoises trahissaient ce désir en scrutant le paysage des terres voisines. Et s'il était mort ? S'il était déjà trop tard ? Et s'il ne revenait tout simplement pas ?... Des craintes fondées qui la rongeaient depuis le premier jour de départ de ce dernier. Elle avait quand même gardé un grand espoir au point de rester à l'écart de toute envie de lui subvenir en aide. Mais il fallait se faire une raison, Jehara était fragile et différent, il était comme le petit joyau que l'on couve dans la soie pour ne pas l'éffriter... Il ne s'en sortirait pas. Non. Et Chukia était désormais bien résolue à retrouver sa trace avant que le Désert ne l'emporte définitivement.

Pourtant, une image familière et bienveillante persistait dans son esprit : Qu'aurait fait Wema à sa place ? Aurait-elle prévu elle aussi de bafouer les lois & les coutûmes du clan pour son frère ?.. Ou serait-elle simplement restée sagement à sa place aveuglée par l'espoir ?.. Oh, elle lui manquait tant, elle aussi ... Un autre détail qui détenait une place tellement importante dans le coeur de la fille de Kaya. Si le Grand Désert avait su rendre poussière sa grand-mère en un claquement de doigts, sa disparition restait toujours ancrée dans les pensées de sa petite fille qui ne parvenait toujours pas à s'en défaire et à accepter le sort. On aurait pu emporter n'importe qui d'autre à la place, mais pas sa chère et tendre Mamie.

Assise face à cette contrée inconnue, Chukia fixait dans le vide depuis un long moment, et aurait pu rester ainsi des heures durant, avec le poids de toute la misère du monde sur ses épaules courbées. De la tristesse et de la nostalgie trempaient son esprit perdu, et ni la fine brise ni les grains de sable emportés ne semblaient pouvoir la tirer de cette absence A part peut-être qu- ..

- Qui va là ?

Comme un coquillage qui brusquement se referme, l'attention de Chukia se manifesta de façon soudaine, comme un radar alerté par un objet suspect. Elle braqua un regard éveillé en direction d'effluves familières légères mais perceptibles non loin d'elle. Mais qui osait venir la troubler dans un moment si intime et délicat ? L'avait-on suivie depuis le départ ? Tout son corps un instant plus tôt si non-chalamment tenu, se voyait désormais tendu. Est-ce qu'on l'avait découverte ainsi ? Est-ce qu'on était venu l'espionner à son insu ? .. Non, elle n'était qu'en train de patrouiller de toute façon. Oui, c'était bien ca.

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Le temps passait trop vite et malheureusement Hassun ne pouvait que constater l’inaction qui régnait depuis la Purge. Il en était mécontent et c’est de cette frustration que naissait une envie de combattre sans le moindre ménagement. Alors depuis plusieurs mois, il menait la vie dure à Skaro et à d’autres Jangowas, multipliant les entraînements autant qu’il le pouvait pour garder la forme. Hors de question qu’il se la coule douce comme certains depuis que les impures avaient été bannis. Agir, c’est ce qu’il avait demandé à l’Impératrice. Dans un sens, cela avait plutôt bien commencé mais il avait espéré qu’elle ne s’arrêterait pas en si bon chemin. Mais non. Une année venait de s’écouler depuis cette démonstration de force et puis plus rien. Viendrait bientôt le jour où la patience d’Hassun atteindrait ses limites et où il retournerait voir l’Impératrice. Si elle n’avait pas une solution à lui proposer dès sa prochaine entrevue, alors pour lui ce serait un signe qu’elle n’avait été que destinée à purger le Désert des abominations aux sang-mêlé.

Mais aujourd’hui, alors qu’il venait de terminer un énième entraînement qui lui avait laissé quelques égratignures bien fraiches, le lion des sables chercha l’un des membres de sa famille du regard. Il avait aperçu Lewa en début de matinée mais pas Chukia. Il finit par l’apercevoir bien plus loin et fronça les sourcils. Sans la moindre hésitation, il suivit sa nièce dans l’espoir de comprendre son isolement. Voyait-elle un garçon en cachette ? D’un air renfrogné à l’idée qu’elle ait pu lui cacher cela, l’oncle bougon força l’allure afin de ne pas lui laisser trop d’avance et une occasion de le semer. Mais le but était tout de même de la surprendre, aussi il resta le plus discret possible.

Finalement, sa petite terreur du Désert finit par s’arrêter. C’était peut-être uniquement son jour de patrouille. Hassun se faisait peut-être des idées et en même temps, qu’est ce qui pouvait bien l’empêcher de retrouver un mâle pendant l’une de ses rondes ? Puis soudain, quelque chose lui traversa l’esprit. C’était bien un mâle qu’elle devait chercher du regard mais malheureusement, il valait mieux pour lui de ne pas traîner si près du camp. Hassun ne doutait pas de la survie de Jehara, c’était un Jangowa, un véritable enfant du Désert et malgré ses faiblesses, son oncle était persuadé qu’il saurait trouver ses forces ailleurs. Finalement, ne voyant aucun prétendant pointer le bout de son nez, Hassun se permit d’approcher. Sa nièce ne mit pas longtemps à le repérer et sa réaction fut … Violente ? Un léger sourire en coin s’empara du visage d’Hassun tandis qu’avec une pointe d’humour, il déclara :

« Ce n’est que moi, petite terreur ! Remballe tes crocs. »

Malgré leur âge et le fait qu’il ne cessait de grandir, Hassun n’avait jamais pu se détacher des ces surnoms. Que quelqu’un vienne lui en tenir rigueur, juste pour voir ! Il continua d’avancer en direction de Chukia et finit par s’asseoir à côté d’elle. Finalement, il ne tourna pas autour du pot et alla droit au bout, l’air plus ou moins faussement sévère :

« Que fais-tu toute seule ? Tu attends un garçon ? »

Hassun. C'était Hassun. Toutes ses craintes semblaient s'apaiser à mesure que son oncle se rapprochait pour s'asseoir à ses côtés. Heureusement, il n'avait pas l'air de prendre trop à coeur cette réaction un tantinet violente à son encontre, si bien qu'il gratifia sa nièce de son sobriquet habituel. Un détail qui fit lever les yeux de la jeune lionne en l'air, à la fois de lassitude et d'amusement.

- Prend garde, on dirait un ancien qui parle. Lui glissa-t-elle, non sans étirer un large rictus moqueur bien visible, étouffant alors toutes les émotions qui la faisaient tant réfléchir dans sa solitude initiale.

Un sourcil levé, le regard azuré de Chukia porté sur Hassun le questionnait déjà sur sa présence. Que faisait-il ici ? Pourquoi l'avait-il trouvée là ? Et avant même que celle-ci ne puisse ouvrir la bouche à ce sujet que ce dernier coupa court à toute interrogation par une seule question des plus gênantes. Extrêmement gênante.

« Que fais-tu toute seule ? Tu attends un garçon ? »

Ah. Il fallait donc que Chukia attende un garçon pour être ici. Très bien. Qu'il en soit ainsi. La fille de Kaya buta un instant sur ce point, une hésitation naturelle peut-être, mais qui lui fit monter le rose aux joues à mesure que l'attention sur elle était plus forte.

- Non.. Je ne crois pas .. Enfin, je suis bien seule.

Ses yeux balayèrent autour d'elle, fuyards, à la recherche d'une porte de sortie ou de quelque chose pour disparaître en un éclair. Mais il n'y avait rien, et sa queue s'agitait nerveusement. Croirait-on à sa comédie ? Peut-être. Même s'il y avait là une part de vérité cachée, il l'intriguait de savoir jusqu'où son oncle serait prêt à creuser pour la découvrir.

- Pourquoi cette question ?..

L'assurance naturelle de la fille de Kaya paraissait l'avoir totalement quittée, et elle se retrouvait là dans une posture vulnérable qui la rendait bien mal à l'aise. A l'image d'une proie tentant de se faire la plus petite possible face au prédateur qui la guette, Chukia se tenait de façon à prendre le moins de place possible, avec espoir que le Grand Désert l'engloûtisse.

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Chukia chuchote en #086A87

« Eh, tu sais ce qu’il te dit l’ancien ? »

Le lion gris avait fait mine de s’offusquer quant à la remarque de sa nièce et il lui avait même donné un léger coup d’épaule – ils n’avaient pas tant que ça d’écart mais Hassun restait leur oncle et par conséquent s’était toujours vu bien plus grand que ce qu’il n’était par rapport à cette tâche.

Il était toujours aux petits soins pour ses neveux et nièces et faisait en sorte qu’ils soient toujours à l’aise, qu’ils ne manquent de rien et que ceux qui osaient un peu trop l’ouvrir, le regrettent amèrement. Bref, un oncle surprotecteur en somme. Néanmoins, lorsque vint le moment des explications, l’hésitation de sa nièce lui fit arquer les sourcils et un sourire en coin étira ses babines. Autant continuer de la taquiner un peu.

« Comment ça, tu ne crois pas ? Me cacherais-tu des choses, à moi, ton oncle adoré ? »

Puis plus il la questionnait plus il approchait sa tête de sa nièce comme pour faire pression sur elle. Il avait passé une année entière sans pouvoir les voir, les taquiner, les entraîner. Il se contentait, dans un sens, de rattraper le temps perdu, même si au fond, il n’aimait pas l’idée qu’un congénère vienne profiter de sa famille. Kaya avait déjà fait les frais d’un menteur, d’un manipulateur sans nom et sans le moindre scrupule. Hassun voulait juste se montrer prudent, aussi quand la question du pourquoi franchit les babines de sa nièce, le lion gris se recula légèrement avant d’annoncer :

« Disons que si tu attends un garçon, autre que ton frère, il est possible que je lui arrache la tête pour avoir osé s’approcher de toi. »

Si c’était une plaisanterie ? Peut-être, peut-être pas. Qui pouvait savoir si ce n’est Hassun ? Dans tous les cas, il ne montra ni trait d’humour ni sévérité, préférant son éternel masque de neutralité. Chukia n’était pas spécialement la seule à bénéficier de ce traitement. S’il s’était avéré qu’Hassun avait trouvé Lewa à sa place, il lui aurait tenu le même discours. Décidant de se montrer insistant, Hassun reposa la question à laquelle il n’avait pas eu de réponse :

« Alors, qu’est-ce que tu faisais ? »

- Oh, Moi Chukia, te cacher des choses ? Ô jamais. Ce serait terrrrrriblement mal me connaître.

Elle redressa la tête, ajustant exagérément sa posture face à son oncle, telle une princesse pimbêche se jouant des dires des petites gens, la malice tordant son sourire. La fille de Kaya n'avait pas peur de se confier sur la plupart des sujets, mais comme d'habitude cela dépendait de l'interlocuteur d'en face. Jusqu'à présent, les sujets profonds ne se voyaient partagés qu'avec Lewa et Jehara, bien qu'en grandissant la lionne ne souhaitait plus les inquiéter avec ses propres problématiques. Il n'y avait eu qu'avec Wema qu'elle avait su véritablement vider son sac, un temps révolu depuis des mois déjà.

Mais bien plus que seulement cacher des choses, c'est cette question de "garçons" qui préoccupait davantage le jeune mâle. Si bien qu'il lui présenta sans plus de formalité à quelle sauce pourrait être mangé les éventuels prétendants de sa nièce. Autant dire qu'en terme de figure paternelle protectrice, il était difficile de trouver mieux qu'Hassun pour porter ce rôle. Un détail que Chukia préférait prendre à la légère pour le moment - même si elle savait qu'au fond son oncle ne rigolait pas - cela l'amusait plus qu'autre chose.

- Peut-être que tu seras déjà fort âgé avant de pouvoir renvoyer ce garçon six pieds sous terre ... Pour tout t'avouer, j'avais simplement besoin de réfléchir à l'écart des autres le temps de quelques heures...

Certains agissaient toujours de façon spontanée, dans l'action, dans le présent. Une attitude et une façon de penser qui présentait autant d'avantages que d'inconvénients. Il est des jours où Chukia aimerait leur ressembler, mais l'on ne trompe jamais définitivement sa nature, et réfléchir sur le passé et penser au futur lui permettait de construire son présent. Néanmoins, fidèle à elle-même et par pudeur d'exposer ses craintes et ses inquiétudes à son oncle, elle en esquiva bien vite les détails pour poursuivre sur le fameux sujet qu'il avait initié en venant vers elle.

- Cela dit, en tant que meilleur Oncle désirant protéger ses nièces avec ferveur des avances potentielles de ces Messieurs, je tiens à mettre un point d'honneur à en faire de même. Car il serait bien dommage que n'importe quelle demoiselle ne vienne troubler toute cette attention qu'on nous donne afin de se l'approprier pour elle seule. Elle se leva et entreprit de rôder autour d'Hassun pour accompagner ses dires, le regard vif, tel un prédateur le ferait autour d'une proie. Puis elle vint reprendre sa place à ses côtés. L'air léger mais néanmoins sérieux. Alors ? Qu'en penses-tu ?

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« Fort âgé ou non, je suis sûr que le Désert me laissera encore assez de force pour protéger ma chère nièce. »

Et ce n’était pas l’âge ou des vieux os qui l’empêcherait d’être protecteur envers sa famille, bien au contraire. Néanmoins, le sujet bascula bien vite et Hassun posa un regard inquiet sur sa nièce, imaginant bien pourquoi elle avait fait tout ce chemin pour se retrouver seule. L’absence de Jehara se faisait ressentir pour toute la fratrie et pourtant, Hassun ne voyait pas comment il était possible que son neveu ne survive pas à l’exil.

Il avait déjà vécu de nombreuses choses – un an en solitaire, livré à lui-même, ce ne serait pas plus impressionnant que de frôler la mort à cause d’un vautour. Ou peut-être que Hassun dédramatisait trop la situation. Mais il préférait garder une confiance aveugle en Jehara. Il n’était pas de la famille pour rien. Mais alors qu’il aurait souhaité la réconforter, le sujet bascula de nouveau et cette fois la surprise sut se lire parfaitement sur le visage du Jangowas. Il tenta de marquer son embarras par un peu d’humour.

« Moi, trouver compagne ? Je suis bien trop exaspérant pour ça. J’ai d’autres priorités de toute façon, tu ne verras pas ton Oncle s’éloigner pour une conquête. »

En vérité, il n’avait jamais pensé à trouver quelqu’un pour partager sa vie bien que cela soit l’un des devoirs d’un Jangowas. Néanmoins, l’idée que sa nièce l’ait à l’œil l’amusa quelque peu, aussi il consentit à son petit marché :

« Mais si ça peut te faire plaisir, je te laisserai me surveiller alors ! »

Mais en tant qu’Oncle, il n’était pas dupe. Il n’était pas difficile pour Hassun de percevoir les inquiétudes de Lewa, alors Chukia ne devait pas être bien différente de sa sœur. Il savait que Kaya avait fait pareil lorsqu’il était parti en exil, guettant son retour lors de ses patrouilles. Aussi, sans prendre de gants, il demanda :

« Tu t’inquiètes pour lui ? »

A nouveau, Hassun posa sa griffe sur un sujet sensible. Après avoir assuré à Chukia qu'il était bien trop occupé et préférait s'occuper de la famille plutôt que de prendre une compagne tout de suite, il dériva sur le cas de Jehara. Comme si finalement ce besoin de le revoir se traduisait dans tous les faits et gestes de sa nièce. Une question qui retira bien vite le sourire espiègle qu'elle arborait plus tôt, faisant place à une mine durçie.

- Je ne vois pas de quoi tu parles.

Elle détourna la tête, le regard fuyant et la queue battante. Le genre même de situation que Chukia détestait au plus au point : Que quelqu'un cherche à savoir ce qu'elle pense. Mais ce qui l'agaçait bien plus était surtout le fait que son oncle avait visé juste. Alors elle niait, au moins le temps de trouver un autre sujet de conversation peut-être, ou quelque chose pour la sortir de ce terrible embarras. Une solution que la souris peinait à trouver quand celle-ci se voyait acculée par le chat.

Un profond soupir d'exaspération s'échappa de la bouche de la jeune lionne qui finit par reposer les yeux sur son interlocuteur, non sans une pointe de déception dans la voix :

- Je n'aime pas faillir ainsi devant quelqu'un, et encore moins devant toi. Elle fit une pause, emplie de honte. Mais oui, ils me manquent tous les deux. Terriblement.

Les morceaux de la carapace qu'elle luttait pour maintenir en place au jour le jour tombèrent finalement un à un. Son coeur se serra, et ses yeux devenaient humides. Oh, quelle faible je fais là ... Pensa-t-elle, elle préféra alors se retourner pour fixer au loin, et essayer de garder encore un minimum de dignité aux yeux de son oncle sans craquer. Le message était beaucoup plus évident, et les réelles raisons de sa venue ici également.

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Chukia chuchote en #086A87

Enfin les véritables raisons de l’isolement de Chukia se firent entendre et Hassun fut plus attentif que jamais. Il fronça même les sourcils lorsque sa nièce admit la difficulté qu’elle avait à en parler, surtout avec lui. Si un Jangowas était un être fier dont les faiblesses pouvaient faire de lui n bouc émissaire, Hassun trouvait qu’un Jangowas qui se disait invincible était le dernier des idiots. Ou un suicidaire, mais ça c’était une autre histoire ! Aussi il n’hésita pas à conforter sa nièce sans pour autant lui dire de venir pleurnicher à chaque coin de dune :

« C’est en avouant ses faiblesses que l’on devient capable de les surpasser et de faire mieux. Tu n’as pas à avoir honte. » - le lion gris marqua une pause avant de reprendre : « Et puis, je suis ton oncle, pas un Jangowas lambda. Je comprends tu sais. »

Cette phrase était peut-être bateau et probablement que Chukia ne le croirait pas, mais c’était vrai. Plus que n’importe qui, il comprenait. De plus, il ne serait pas du genre à aller crier les moments de faiblesse et d’émotion que sa nièce vivait. Hassun avait perdu son père alors qu’il n’était encore qu’un lionceau. Il avait vu le Désert lui arracher sa figure paternelle d’une façon assez horrible et pourtant, il était toujours là. Hassun avait aussi vécu l’exil, il savait ce que ça faisait et bien qu’il sache également que ce ne serait pas facile pour Jehara, il lui faisait confiance. Comme pour appuyer cette ressemblance, Hassun déclara :

« Ils me manquent aussi. »

Et ce malgré l’air neutre et stoïque qu’il affichait en quasi permanence. Et si jamais la jeune lionne ne s’avérait pas convaincue par ce que disait son oncle, alors peut-être que la suite ferait effet :

« J’ai eu la même réaction que toi lorsque j’ai perdu mon père. C’était plus facile d’être seul. Pas plus apaisant, mais plus facile c’est certain. »

Et puis, si Chukia avait perdu sa grand-mère, Hassun avait perdu sa mère. Probable que sa nièce ne cherche pas plus loin au niveau des sentiments de son oncle. Mais c’était ainsi, on ne pouvait revenir en arrière ni changer les choses. De plus, Hassun ne pouvait que se réjouir pour Wema dans un sens. Elle ne souffrait plus, ne vieillissait plus et serait aux côtés d’Alibi et du Grand Désert pour l’éternité. Un repos bien mérité selon le jeune mâle.

« Si tu le souhaites, je peux te laisser en tête à tête avec le Grand Désert. »

Ses mots étaient réconfortants, et surprenants à la fois. Elle qui croyait qu'on pouvait aisément l'incendier, ou se moquer de faire preuve d'autant de faiblesse. Ce fut finalement bien loin d'être le cas, et pour une fois peut-être une oreille autre que celle de sa soeur se dévoua à l'écouter et Chukia devait bien l'avouer ; cela faisait un bien fou. Comme si le rocher des maux que l'on traine s'était brusquement allégé. Hassun comprenait ce qu'elle vivait.

Ravalant ses larmes qui menaçaient de tomber, la fille de Kaya porta ses yeux vers le ciel avec apaisement, avant de reposer ceux-ci sur son oncle.

- Tu crois que Wema sera fière de ce qu'on deviendra ? Je veux dire, la Purge, tout cela ... Tu crois qu'elle l'aurait voulue ?

Une question dont elle savait qu'aucune réponse réelle ne pourrait être donnée, mais elle avait besoin de l'avis de quelqu'un, elle avait besoin de se rassurer et savoir si elle pouvait continuer à vivre à travers elle ou si cela n'avait tout bonnement plus aucun sens.

- C'est peut-être étrange, mais je préfère penser qu'elle est toujours avec nous, quelque part. Je n'aimerais pas que ma mémoire balaie son image comme le Désert l'a si bien fait et puis j- ..

Elle s'arrêta brusquement en secouant la tête. Puis elle soupira :

- Pardon.

Dans cet élan de nostalgie, Chukia en avait presque oublié qu'elle n'avait fait que remuer son propre couteau dans la plaie, ainsi que potentiellement celui de son oncle. Honteuse, elle se mua un instant dans un lourd silence, avant de reprendre :

- Je peux rentrer avec toi ?

L'idée de rester seule avec son Désert et ses tourments était alléchante, mais est-ce que cela la soulagerait ? Pas sûr. Des heures pourraient encore s'écouler que Chukia serait toujours là, à maudire secrètement l'étendue sablonneuse et à prier le retour de son frère. Jusqu'à ce que la nuit tombe ou jusqu'à ce qu'elle décide qu'il en serait assez pour aujourd'hui.

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Chukia chuchote en #086A87

« Elle sera toujours fier de vous, c’est comme ça depuis que vous êtes nés et cela ne risque pas de changer. »

Pour ce qui était de la purge, Hassun ne répondit pas. Il ne savait pas bien comment sa mère aurait pu prendre la nouvelle malgré le fait qu’il ait toujours été élevé dans les bonnes valeurs des Jangowas. Les ragots sur la lionne ont toujours été florissants et même s’il s’était contenté de les ignorer étant enfant, il s’en souvient toujours. De plus, sa mère était également connue pour toutes ses histoires, ses connaissances sur les autres clans, ses aventures. N’était-ce que des histoires ou quelque chose de bien réel ? Forcé de grandir trop vite, Hassun ne s’y était jamais réellement intéressé. Peut-être aurait-il dû. Mais il était bien trop tard pour les regrets et Hassun avait bien d’autres choses en tête pour penser à tout ceci. Sa mère l’avait toujours encouragé à suivre ses convictions et c’est ce qu’il comptait faire. Ne rien lâcher. Il tiendrait également la promesse qui lui avait fait juste avant de mourir, à savoir prendre soin de sa famille.

« Le Désert n’a pas balayé son image, il l’a gardé éternellement en son sein. »

En tout cas c’est ce que Hassun préférait penser. Le Désert ne faisait que garder ses enfants en mémoire, il les reprenait après la vie qu’ils avaient passé à fouler le sable chaud. En parlant de fouler ce sol, il était temps pour Hassun de retourner au camp et à la question de sa nièce, il laissa un très léger sourire lui étirer les babines avant de répondre :

« Bien sûr. »

En route vers le restant du clan, Chukia ne pouvait que prendre en compte les paroles sages de son aîné. Le Désert ne pouvait pas engloutir définitivement ses enfants, bien que l'idée la laissait dubitative de temps à autre. Si Wema n'était pas réellement partie, pouvait-elle seulement veiller sur ceux qu'elle aime de là où elle est ? Chukia l'espérait de tout son coeur, comme elle espérait pouvoir devenir à son image et marcher dans ses traces à sa façon. Elle espérait aussi qu'elle puisse la guider et lui éviter les faux pas. En attendant, il lui faudrait encore apprendre.

- Peux-tu me promettre une chose, Hassun ?

Oui, elle apprendrait de tout ca, même à s'ouvrir davantage. Mais pas aujourd'hui, il y avait là comme un besoin, un réflexe de vouloir occulter les choses par peur peut-être qu'on n'y découvre une faille.

- J'aimerais que tu gardes tout ceci pour toi s'il te plait. Juste pour toi.

Bien plus que sa propre santé mentale et psychologique, il lui importait de s'assurer que son image ne s'écorne pas, que cette réputation subtilement tissée à travers les années continue de s'étendre doucement. Il est après tout plus facile d'alimenter l'audience de paillettes et de belles postures pour la garder écartée de projets secrètement menés, quitte à faire croire qu'aucune faiblesse ne l'habite.

- Et .. Je te remercie, pour ton attention, pour ton écoute. J'en avais peut-être besoin, au final. Se confia-t-elle avant de lui adresser un dernier sourire timide reconnaissant.

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