Prideland. La terre qui l'avait vue naître, celle qui l'avait vue grandir, mûrir. Cette terre baignée par le soleil lui laissait désormais un souvenir amer, celui de son propre départ. La sombre ne regrettait nullement son choix ; celui-ci avait été longuement réfléchi. En revanche, les circonstances n'avait pas été celles qu'elle espérait, et cela avait laissé sa marque. Inuwa errait depuis plusieurs semaines aux frontières, tantôt sur un territoire, tantôt sur un autre sans jamais oser aller plus loin. Cette terrible altercation la hantait, l'attristait, et par dessus tout elle ne parvenait pas à digérer la véritable nature de son frère, elle qui avait toujours eu espoir en lui, espoir qu'un jour tout ceci irait mieux. Le voile qui masquait le problème venait de tomber. Une profonde déception et une colère sans pareil se mélangeaient en elle, et pourtant il fallait continuer à avancer.

Il lui arrivait peu de rester campée sur un fait passé tel que celui-ci, elle avait pour habitude de toujours regarder vers l'avenir et de prendre du recule sur les événements. L'avenir étrangement semblait en partie se tourner vers le peuple de ses ancêtres maternels : Les Mositus. Ceux-ci avaient fait escale sur Prideland le temps de trouver un chemin sûr pour la suite. Sans savoir réellement pourquoi, Inuwa s'intéressait à eux et à leur devenir bien plus que son clan natal. Bien que pas mal d'événements justifiaient cela, elle aurait simplement pu partir sans laisser de trace là où personne ne la retrouverait. Pourtant, cette tentation de vouloir aider - d'une quelconque façon que ce soit - un peuple qui n'est le sien que par ses aïeux était trop importante. Y-avait-il là quelque chose à gagner ? Une quelconque gloire ou reconnaissance qu'elle n'a jamais eu ? Non. "Sang d'encre" - comme quelqu'un l'eût nommée auparavant - ne croyait pas à ces choses là. Elle s'était habituée à faire les choses dans l'ombre des autres, sans demander son reste. C'était ainsi, briller en société n'était pas son but. Reçevoir des éloges ne l'était pas non plus. En revanche, il y avait peut-être là un devoir qu'elle se devait de remplir à la place de sa propre mère, comme une tâche dont elle se chargeait sans même en avoir pleinement conscience.

La lionne divaguait entre les hautes herbes, le regard et l'esprit absorbé par l'immense spectacle qu'offrait le ciel à l'aube du crépuscule, là où le soleil laissait derrière lui de larges trainées rosées, et des nuages colorés. Toute cette pigmentation s'accentuait vers l'horizon, cetinfini de la terre qui semblait si beau, et pourtant si inatteignable. D'un pas strictement mécanique, elle avançait sans direction, sans vigilance, laissant ceux-ci la porter jusqu'où bon leur semble, sans accorder la moindre attention à ce qui se tiendrait peut-être devant elle, ou ce sur quoi elle marcherait. Elle avançait, c'était tout ce qui comptait.

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« Vita ? »

Un appel lointain qui tira la lionne brune de ses pensées profondes. Elle tourna sa tête en direction de la voix, et pu découvrir au fur et à mesure de son approche qu’il ne s’agissait pas de l’appel d’une seule personne, mais bien de plusieurs. Assez étrange quand l’odeur d’un seul individu lui parvient aux narines. En déambulant à travers les hautes herbes, elle finit enfin par se retrouver face à l’auteure de ce brouhaha qui s’amplifiait :

- Oh, bonjour.

Une lionne, rien de très original en soi, et Mositu de surcroix. Quelque chose qui n’est plus très suprenant ces derniers temps puisqu’elle-même avait su en approcher certains. En revanche, ce qui était moins commun était peut-être les oiseaux qui semblaient l’accompagner. En tant normal, beaucoup de lions préféraient avoir un oiseau dans leur assiette qu’à leur côté, ou tout autre animal. Etait-ce peut-être là une espèce de coutûme sortie de la jungle ? Difficile à dire. De son côté, il y avait Fleck, mais Fleck se trouvait être bien trop gros pour se voir dévoré sur le champ. Et puis Prideland avait encore besoin de lui et de sa sagesse.

Inuwa ne pu s’empêcher de loucher un instant sur chacun des volatiles avec curiosité pouvant aisément se confondre avec une certaine avidité vu de l’extérieur. Les avait-elle élevés seule ? Ou sauver ? Dans tous les cas, elle semblait condamnée à vivre avec eux par tous les temps. Qu’elle en ait l’envie ou non, ils étaient là. Une compagnie certainement très appréciée dans les moments de solitude, mais se pouvait-il qu’ils deviennent, à la manières des jeunes lionceaux, terriblement collants ?

- C’est bien la première fois que je vois quelqu’un d’aussi bien accompagné… Ils vivent avec vous ?

Après tout, il pouvait tout aussi bien s’agir que d’une simple visite en cours de migration, ainsi ils repartiraient sans trop trainer. Durant un instant, la Pridelander détailla son interlocutrice du regard avant d’incliner respectueusement la tête.

- Pardonnez-moi, j’en oublie les bonnes manières ; Je me prénomme Inuwa, et vous ? Enfin.. Vous tous ?

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Ainsi donc la brune partageait son quotidien avec quatre drôles d'oiseaux. Une sorte d'alliance pour une mission très importante selon eux. Quel genre de mission pourrait lier des volatiles à une lionne de la sorte ? Inuwa n'en avait pas la moindre idée, et ce qui l'intéressait pour le moment était davantage l'état d'esprit de son interlocutrice que des affaires d'oiseaux. Celle-ci d'ailleurs se comportait d'une façon bien plus familière qu'espérée et si la fille de Damu tenait à préserver une certaine retenue dans ses propos en guise de respect, il n'en était rien de la lionne aux moineaux.


- De toute évidence, oui, je suis Pridelander. D'une certaine façon, nous sommes ravis de vous accueillir en nos terres et cela attise la curiosité de pas mal d'entre nous.

Bien sûr, l'habitante du Rocher n'avait pas vraiment conscience du boulversement que ceci pouvait représenter pour le peuple Mositu, si bien qu'elle tentait tant bien que mal de peser ses mots à travers quelques hésitations.

- Enfin ... Ne voyez pas là une curiosité malsaine, mais ... Comment vous sentez-vous, ici ? Je veux dire, c'est un grand changement alors ...

Sa phrase resta en suspend, et la gêne était aisément palpable. Elle avait peur de gaffer, d'être trop intrusive dans une situation qui à première vue ne la concernait nullement. Au même moment, ses pensées se tournèrent vers les plus jeunes lionceaux du groupe. Comment perçevaieent-il leur nouvelle vie ? Quel serait leur avenir ? Autant de questions qui taraudaient la lionne chocolatée, et qu'elle se gardait d'exposer pour le moment.

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Comment expliquer le sentiment et les impressions d'Inuwa face à autant de réactions simultanées de personnes différentes ? Certes, une pointe de déception lui traversa le coeur sur l'entente des paroles d'Adana au sujet de Prideland et de son éternel paix ennuyante. Mais l'un des oiseaux rattrapa vite le coup en évoquant l'envie de voyage de son interlocutrice, un détail qui arracha un fin sourire à la Pridelander. Un sourire rapidement mué en un rire gêné face à l'opinion un peu trop vite tranché de l'autre volatile.

- Alors comme ca, vous aussi vous rêvez de voyages et de découvertes ? D'une vie rythmée des choses sans arrêt nouvelles ?

Aussi les deux lionnes, en dehors de leur couleur, avait-elles peut-être trouvé un point commun. Inuwa brûlait déjà d'envie de lui demander ses prochaines destinations, mais elle fut vite devancée par sa semblable, interpellée par le pelage si sombre qu'elle arborait. Une question d'une banalité déconcertante et à laquelle la concernée s'empressa de répondre sans hésitations. Mais sans non plus épiloguer sur ce sujet, l'idée même de parler de sa propre personne la mettait plus mal à l'aise que n'importe quel sujet de conversation même les plus douteux.

- Ma mère est une Mositu, en effet. Forcément, ca ne passe pas inaperçu par ici. Fit-elle, un sourire gêné en coin.

Presque immédiatement la métissée redirigea la conversation vers un sujet qui lui tenait plus à coeur, et dont - elle espère - son interlocutrice saura lui donner plus de détails.

- Pour ma part, j'espère un jour parvenir à visiter et apprendre de chaque royaume de la Terre des Lions. C'est un peu ambitieux, mais c'est ce qui me donne envie d'avancer un peu plus chaque jour. D'une certaine façon, je trouve que le voyage est quelque chose de formateur, la plupart des adeptes ont toujours des tonnes de choses à raconter, vous ne trouvez pas ? Enfin.. Vous avez déjà une idée de l'endroit où vous souhaitez aller ?

C'était à la fois étonnant et logique pour une Mositu telle qu'Adana d'aimer les voyages. Il était clair que rester perpétuellement dans une Jungle cachée ne pouvait que contenir ces envies peut-être controversées, voire les accentuer. Maintenant que les lions bruns avaient le nez dehors, la tentation de voir au delà de leurs fougères & immenses arbres s'était peut-être accentuée chez certains.

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