J'aime chasser. C'est dans mes veines. Le frisson de la course, le sang qui coule dans mes veines, juste la proie et moi contre le reste du monde... c'est tellement bon ! D'un bond final, toutes griffes sorties, je me jetais sur le vautour. Cet étourdit s'était blessé à l'aile. Un oiseau à terre, ça ne fait jamais long feu, et c'est tellement rare de manger de la viande de volatile que je n'ai pas résisté en le voyant. D'un coup de crocs, je lui arrache la tête, écourtant son agonie. Le sang gicla, éclaboussant une partie de mon poitrail alors que je prenais mon dîner dans la gueule pour le transporter, direction Rocher de la Fierté.

Je marchais donc, tranquille et contente, la bave au lèvre à cause du sang qui m'avait coulé dans la gueule et qui éveillait mes sens, lorsque quelque chose heurta ma patte avant. Surprise, je fis un bond de côté. Mais qu'est-ce que c'est que ce petit truc ? Bon, déjà, ça bouge, donc c'est vivant. Mais... c'est un lionceau ! Je pris un peu de temps pour le détailler : une petite femelle brune avec des tâches blanches aux yeux et des iris émeraudes. Un seul mot : a-do-ra-ble ! Mon instinct de mère se mit aussitôt en route devant une aussi choupinette boule de poil. Je posais ma proie et me penchais vers la petite.

< tu t'es fais mal ? ça va ? Où sont tes parents ? >

Ce n'est pas une petite du clan, mais elle est sale, elle a l'air paniquée et affamée... j'ai un très mauvais pressentiment en ce qui concerne les parents de cette petite, mais ce qui est sûr, c'est que je ne peux pas laisser un enfant aussi mal en point tout seul ! Et surtout une aussi jolie petite lionnette !

Quel pauvre petit être ! Quel malheur de voir dans quel état tu est ! J'ai pitié de ce bébé, perdue, toute seule, sans parents. Qu'est-ce que je peux faire ? Partir à la recherche de ses parents ? Avec elle sur le dos, ça va pas la tête ! elle est exténuée, ça se voit. Non, ce qu'il faut à cet enfant, c'est du repos, de la nourriture et de l'eau. Ses parents... je n'ai vu personne depuis pas mal de temps ; en tout cas, pas de vagabonds. Mais c'est qui, au juste, ses parents ? S'ils laissent leur petite ainsi, soient ils sont très mauvais en tant que géniteurs, soit il leur est arrivé malheur. je descends ma tête à la hauteur du bébé.

< Je suis désolée, jolie, je n'ai vu personne. Mais si tu veux, je peux t'emmener dans un endroit où il y a de la nourriture et de l'eau. Tu t'y reposera pendant que des adultes iront chercher tes parents, d'accord ? S'ils sont sur notre territoire, on va les trouver. >

Oui, c'est encore le mieux à faire : envoyer une escouade de lionnes et de lions adultes et expérimentés, et donner le signalement des parents de cette petite à tout le clan, et même aux vagabonds de passage. En faisant circuler l'information, on aurait plus de chances de retrouver la famille disparue de ce lionceau abandonné. Ma proie repose à deux pas de moi, je sens son odeur alléchante, et probablement qu'elle aussi. Mais il y a plus important pour le moment.

< Je suis Malkia. A quoi ressemble tes parents ? Tu peux me le dire ? >

Cette petite était exténuée, ça se voyait. Et d'un coup, comme ça, la petite s'endormit sur sa patte ! Je sentis mon cœur fondre en moi. J'avais envie de lui dire : 'si jusque là ils ne sont pas venus, alors ils ne viendront plus, jolie', mais c'était impossible. D'une parce que cela aurait ravagé l'enfant, de deux parce qu'elle dormait. Alors je me pencha vers son oreille et murmura, comme une de ces berceuses que j'avais autrefois chanté pour Kumpa et Duma, lorsqu'ils étaient plus jeunes :

< Je vais essayer, jolie. Je vais essayer. >

Je pris délicatement l'enfant et la posa du mieux que je pu sur mon dos, puis je pris ma délicieuse proie en bouche et me mit en route vers le rocher de la fierté. Qu'allait-je faire de cet enfant ? D'abord, la laisser dormir, puis la nourrir et l'abreuver, ça c'est une affaire entendue, mais après ? D'un côté, je ne peux pas la laisser partir toute seule, en pleine nature, mais d'un autre, ce n'était pas ma fille et je n'avais vraiment aucun droit de la garder ! Si mon escouade ne trouvait aucune trace de ses parents, que faire de la fillette ? Je ne peux tout simplement pas envoyer mes lionnes au-delà des limites de nos terres, ce serait les envoyer à la mort ! Mais comment dire en face de ce lionceau que j'abandonne les recherches, que ses parents sont probablement morts ? Je secoua légèrement la tête. Pas la peine de se projeter aussi loin. Peut-être les retrouvera-t-on, ces parents !

[HS : dernier post. On continue au rocher de la fierté ou on arrête là en une ellipse narrative ?]