Le soleil était à son zénith et la vie battait son plein. Au loin résonnaient les cries des oiseaux et l'ont pouvait même entendre les barrissements des éléphants. Tout pour se faire remarquer ceux-là. Je marchais d'un pas lent, plongée dans une profonde réflexion. Samekh m'avait enfin dévoilé la vérité à propos de ce complot qui sévissait sur Prideland mais, je n'aurais jamais imaginé que la vérité pouvait être si lourde à porter. Conformément au souhait de mon mentor, je me devais de retrouver mon ami originaire du Nord pour partager avec lui les nouvelles et l'inciter à les apporter au roi des neiges mais encore me faudrait-il savoir où trouver ce dernier... [HRPG : par soucis de logique et tout le tralala, je situe ce RP avant mes retrouvailles avec Rono.] Nul doute que Rono ne manquerait pas à la tâche qui lui serait confier mais une question persistait ; Samekh m'avait en effet demandé de me joindre à mon ami et ainsi trouver dans le Nord le temps que les choses se tassent or j'ignorais si je pouvais exaucer sa prière. Laisser Samekh derrière m'engoissait. Nous n'avions jamais vraiment été séparé depuis la formation de notre duo et maintenant qu'il était devenu si cher à mon cœur, je ne pouvais dissimuler mes craintes à son égard. Alors que faire ?

Longeant le précipice, j'observais d'un air absent l'horizon qui s'en détachait. Derrière ce gouffre imposant se tenait le royaume du Grand Désert, si proche et pourtant si différent. L'on pouvait également voir le Mochanga qui s'en écoulait fièrement jusqu'à s'étendre parmi les dunes du désert. Ces deux clans avaient beau être opposés, cette rivière commune les liait d'une manière ou d'une autre tout comme elle s'écoulait jusqu'à la Jungle des Gorilles. Sans frontière, elle suivait simplement le cours de sa vie. Si seulement nos vies pouvaient être si simples...

Ce ne fut que quelques mètres plus tard que je remarqua ce jeune lion au pelage sombre qui s'était dangereusement approché du vide. Son manque de crinière révélait sa maigre expérience de la vie. Que faisait-il si près du gouffre ? Simple inconscience ou sombre intention ? Bien qu'arpentant les terres de Prideland, son odeur n'était en rien similaire. Trop occupé par sa propre introspection, il ne semblait pas m'avoir remarquée. Je me demandais bien ce qu'il fabriquait. Intriguée par ce pelage peu ordinaire, je m'approchais à sa rencontre et l'avertit d'une voix dénuée d'hostilité :

« Prend garde à ne pas tomber. Ce serait un voyage sans retour. »

Respectant une certaine distance, je m'arrêtais un peu plus loin, le regard rivé sur ses grands yeux bleus qui contrastaient joliment avec son pelage. Sa personnalité était-elle aussi sombre que son pelage ébène ou bien aussi pure que ses prunelles céruléennes ? Sans doute n'allais-je pas tarder à le découvrir.

Le jeune mâle semblait presque intimidé et sûrement en étais-je fautive, il fallait avouer qu'il me manquait encore un certain tact. Je hochais de manière brève la tête en guise de salutation. Après ses paroles timidie, j'esquissais un léger sourire. En voilà qui savait tourner sa langue dans la bouche avant de parler et qui ne manquait pas de respect. C'était toujours agréable de tomber sur de tel individu. Prenant alors conscience de la dangerosité de son geste, le mâle se ravisa et décida de retourner les quatre pattes sur la terre ferme. Une sage décision. Adoptant alors une attitude pacifiste, l'adolescent s'excusa pour son intrusion. Un de mes sourcils de haussa de surprise. Me prenait-il pour une Prideland ? Damned... A force de traîner sur ces terres, sans doute m'étais-je accaparer leur odeur.

« Les Gorges appartiennent en effet au territoire de Prideland mais n’aie crainte, je ne suis pas là pour t'en chasser. Et contrairement à ce que tu as l'air de penser, je ne suis pas d'ici. »

Il semblait confus et une telle réaction me laissait comprendre que ce mâle n'avait aucune mauvais intention. Il était simplement curieux de ce qui l'entourait et s'était laissé distraire par ses observations. Soucieux de bien faire les choses, le lion déclina son identité ainsi que les raisons de sa venue ici. Son nom était donc Tamariu et il me confessait être un voyageur qui, avec sa mère, cherchait un territoire où s'établir. Je me demandais où se trouver cette dernière et si elle possédait le même pelage atypique que son fils.

« Je me nomme Kuzali. Mes seules intentions sont de converser alors ne sois pas si crispé. » révélais-je, tentant de rassurer le mâle.

Ce dernier ne semblait guère à son aise et j'ignorais si j'en étais la cause ou bien était-ce simplement un manque de pratique. Certains de nos congénères n'étaient guère prospères en compagnie de semblable et peut-être était-ce le cas de celui-ci.

« J'ignore ce que toi et ta mère comptez faire mais Prideland semble être une terre idéale et prospère. Quelques manigances ont récemment chamboulés le royaume mais c'est bien ici que la vie est la plus facile. »

Quand bien même je n'aimais pas ces terres pour raisons personnelles que la plupart trouverait idiotes, je ne pouvais niais ses avantages. Ce n'était pas pour rien que Samekh l'avait choisi comme prix à payer auprès de Misaada. Je ne pouvais m'empêcher de me sentir responsable de l'implication de mon mentor avec le majordome. S'il n'avait pas voulu m'offrir un lieu prospère où il faisait bon d'y vivre, Samekh n'aurait jamais accepter de marchander avec Misaada. Si nous n'étions pas considérés comme des Pridelanders -et heureusement- nous avions la permission de nous y établir mais également d'y chasser. Un peu comme les fantômes de la communauté... Tous savions que nous étions quelque part sur ces terres mais personne ne nous voyait. Et sûrement était-ce mieux ainsi, ce clan était assez perturbé par les récents événements et il était préférable de ne pas leur ajouter d'autres inquiétudes.

Souhaitant le mettre plus à l'aise, je m'assis à mon tour, ma queue venant sagement entourer mes pattes. S'il m'arrivait de me rendre odieuse et arrogante, tous ces traits négatifs de ma personne disparaissaient en présence de jeunes gens. Sans doute était-ce appeler la tolérance.

Loin d'être sourd aux ragots, le jeune lion me fit part de ses connaissances sur le sujet. Tous connaissions leur existence mais aucun n'avait pu la confirmer d'un regard. Ils étaient là et pourtant, nous leur restions aveugles.

« Les Nyeusis. » clarifiais-je.

Oui, les rumeurs que l'on racontait les désignait comme les responsables de la mort de Farao mais, ce n'était pas le cas. Or, seul cinq d'entre nous détenions la vérité et celle-ci n'était pas encore prête à être divulgué. Les assassins n'étaient pas les Nyeusis mais nul doute que l'on entendrait parler d'eux bien prochainement. Cette bulle de mensonge et de trahison ne faisait que grossir et bientôt, elle finirait par éclater. Ne restait plus qu'à savoir quand... Dans un langage plus que correct pour son jeune âge, Tamariu me confia alors les répercutions de ces rumeurs auxquelles il avait du faire face. Son pelage ne laissait personne indifférent et si certains en était fasciné comme pour ma part, d'autres et en plus grand nombre en étaient horrifiés de voir là l’œuvre des Nyeusis. Pourtant, nul doute que ce lion n'était pas un descendant de ces lions. La pureté de son regard en témoignait... il n'y résidait aucune trace de malveillance. J'aurais pu être tenté de révéler la vérité à Tamariu et ainsi mettre fin à ses souffrances mais cela revenait à trahir Samekh et j'étais incapable d'une telle chose. Peu importe ce qui pouvait m'entourer ou ce que je pouvais entendre, mon allégeance au lion de feu était éternelle.

« Les Pridelanders sont un peuple fier mais également très attaché à leur famille royale ce qui les rend aussi stupides. Ils ne chercheront pas à comprendre le pourquoi du comment mais accuseront simplement les faits qui leur sont exposés. »

Car si certains comme Kumpa, Damu, Malkia ou Rono cherchaient à voir l'envers du décor et trouver des réponses là où il y avait incohérence, d'autres se contentaient de la version de Misaada et tenaient les Nyeusis pour coupables. Bien que cela m'était pénible pour Kumpa que j'avais appris à connaître et à apprécier, je ne pouvais nier que cela m'arrangeait dans un sens car ainsi, tous ces lions tenaient à l'écart leurs griffes de mon mentor. Je ne comprenais toujours pas la décision de Samekh... Pourquoi vouloir révéler la vérité à Theluji ? Quand bien même cela aiderait les Pridelanders à se débarrasser du fourbe Misaada, la vérité quant aux actions passées de mon mentor seront elle aussi rendues publiques et tous sauront que Samekh a tué Farao. Ou du moins y a participer.

Me sortant de cette profonde réflexion qui ne trouvait jamais de fin, Tamariu m'interrogea sur les raisons de ma présence sur ces terres. Oui, sans doute cela devait-il l'intriguer. L'air détaché le temps d'un instant, l'adolescent laissait son regard traîner en direction d'un troupeau de gnou. Je ne manquais pas une miette du spectacle. J'avais connu cela moi aussi, cette faim omniprésente et un estomac qui criait sans cesse famine sans pour autant être pleinement rassasié. Alors quand bien même mon aversion pour ce peuple, je ne pouvais nier avoir bien profité des avantages de leur terre. Mieux valait-il profiter d'une belle période, on ne savait jamais quand le vent allait tourner.

« De passage, oui et non. Disons que mon mentor a passé un accord avec un lion influant et que cela nous a permis de nous établir sur ces terres. Mais entre nous, je doute que cela dure éternellement. Ce serait trop beau. » terminais-je sur une légère note ironique avant de répondre à son interrogation sur une éventuelle terre : « Autrefois oui. Mais contrairement à toi et ta mère qui avait du choisir cette vie par préférence, je n'ai guère eu le choix. Tu rencontrera divers type de lions ici, Tamariu : des Pridelanders, des Freelanders, des lions du Nord ou bien des lions du Désert mais également des Exilés. Certains d'entre eux se sont rassemblés pour former les Outlanders mais d'autres, plus rares, ont choisis de rester seul. Je fais partie de cette dernière catégorie. »

Le regard calme, j'observais la réaction du jeune lion. Peut-être était-ce sa première rencontre avec un exilé et je ne souhaitais pas l'effrayer mais en règle générale, les Voyageurs portaient moins d'importance au titre qui nous précédait. Ou du moins, ceux que j'avais rencontré jusqu'alors.

« Aussi je peux comprendre ton mal aise vis à vis de ces lions qui te jugent sans même te connaître. »

Malgré la dureté du sujet, j'esquissais un regard doux à l'intention du jeune mâle. Il n'avait pas à me craindre car il ne risquait rien. De tous les exilés présents sur la Terre des Lions, j'étais probablement celle qui était le moins à craindre mais, ce n'était pas une raison pour me chercher. Mes prouesses au combat avaient beau être critiquables, je n'en maniais pas moins la force des mots avait aisance et savais appuyer là où ça faisait mal. Mais, il n'y avait aucune raison d'en venir à un tel point. Pas vrai ?

Il était évident, de par ses paroles, que le jeune lion avait en haute estime sa mère. Quand bien même il m'avouait ne pas être toujours en accord avec elle, il respectait tout de même ses choix. Une belle relation devait lier ces deux-là. J'aurais aimé qu'il en soit de même avec ma propre mère. Attentif à mes paroles, le lion avait su y déceler mon animosité pour les autres lions. En même temps, je ne m'en cachais pas vraiment... J'ignorais les origines de Tamariu mais ce dernier semblait étranger aux coutumes royales tout comme à l'autorité d'un roi. Peut-être était-il né voyageur.

« Actuellement la situation est quelque peu compliqué. Depuis la mort de Farao, le pouvoir est restée à sa compagne Malkia mais en toute honnêteté, cette dernière ne fait rien pour son peuple. Avec la mort de son compagnon, elle semble dépouillée de tout jugement aussi est-ce Misaada qui a prit les commandes et personne ne semble s'y être opposé aussi continue-t-il à dicter ses ordres. Bien sûr il y a Kumpa, le prince héritier mais, ce dernier est encore trop jeune pour réclamer son dû. »

Si j'avais déjà pris conscience de la situation politique catastrophique de Prideland, la rapportait de vive voix à un inconnu ne rendait cette situation que d'autant plus amère. Comme s'il n'y avait pas assez de problème comme ça... Si j'avais toujours eu des doutes sur la personne de Misaada, les récentes révélations de Samekh n'avaient fait que confirmer mes pensées. Il n'était qu'un sale serpent fourbe et avide de pouvoir. S'il ne dégageait rien par sa faible corpulence, son esprit était néanmoins à redouter. N'ayant pas vraiment répondu à la question de l'adolescent, je conclus par quelques mots sur le futur roi :

« Mais lorsque Kumpa montera enfin sur le trône, je suis sûr que les conflits s'apaiseront. Je l'ai déjà rencontré et c'est un lion aussi brave que déterminé. Il fera un bon roi. »

En ce jeune lion, je retrouvais quelques similitudes avec Fleck, mon ami lycaon. Lors de notre première rencontre, Fleck avait été lui aussi très avare de réponse à ses questions. Si certains n'aimaient pas trop ce genre de dialogue, cela ne me dérangeait pas pour ma part, du moment que cela ne tirait pas du registre personnel. Mon passé était un sujet tabou et je n'aimais pas trop en parler. Fort heureusement, le jeune lion semblait trop intéresser par le fait de comprendre ces terres pour en venir à me questionner sur mes propres origines.

Croisant alors le regard bleuté du lion, ce dernier m'interrogea sur mes précédentes révélations. En voilà un qui était bien bavard et perplexe face à ce monde étrange. Mais après tout, qui ne l'était pas ? Esquissant un léger sourire, j'entrepris de répondre à l'interrogation de ce lion. Heureusement pour lui, je n'étais nullement gênée par ses questions. Il était encore jeune après tout. Je repris alors la parole, voulant clarifier un point que le lion noir n'avait peut-être pas compris :

« Comme tu l'as précédemment dis, pour espérer avoir une meilleur vie, il nous faut un clan et des terres. Ce n'est donc pas par amour pour ses habitants que je reste sur ici mais tout simplement pour survivre. Cependant mon mentor et moi-même ne nous mêlons pas à la populace. Nous nous contentons de vivre sur ces terres sans pour autant côtoyer les Pridelanders. Un peu comme des fantômes... »

J'avais beau vivre actuellement sur Prideland, je n'étais pas une des leurs. Disons simplement que par un accord passé entre Misaada et Samekh, je me permettais d'exploiter leur terre sans gêne. J'ignorais tout simplement jusqu'à quand cette situation allait durer aussi du moment que je pouvais remplir mon ventre, j'en profitais. Ces jours de famine était partiellement derrière moi et je pouvais de nouveau manger à ma faim ce qui était un pur bonheur. Quel vagabond ou exilé n'en rêvait pas ?

N'ayant pas lâcher ce sujet qui semblait lui tenir à cœur, Tamariu évoqua à nouveau les Nyeusis. Légende ou faits réels ? Qui pouvait le savoir... A ce jour, personne n'avait pu affirmer de leur existence. Si ces lions étaient souvent utilisés comme un mythe visant à effrayer les lionceaux peu obéissant, il ne fallait pas pour autant douter de leur existence. Les Nyeusis existaient bel et bien. Et si à défaut de les voir on en parler, c'était sûrement mieux ainsi. Continuant avec d'autres questions, l'adolescent m'interrogea sur les clans voisins ainsi des potentiels histoires de conquêtes et/ou de dominance. Décidément, il était très curieux. Mais conscient de son impatience de connaître ce qui l'entourant, Tamariu s'excusait de son attitude par un regard bien plus percutant que des mots, ce que je pardonnais. Si j'avais été dans la même ignorance, sans doute aurais-je tenu à savoir moi aussi. Ne disait-on pas que le savoir était la clé ?

« Évidemment qu'ils existent. Et si tu tiens vraiment à le savoir, saches qu'ils ont un jour tenter d'envahir le Nord mais ont été repoussés par Theluji, le roi nordique. Depuis ce jour, plus personne ne les a vus. Ils se sont évanouis dans la savane tout simplement bien que certains disent qu'ils préparent leur retour. » lui dis-je, clôturant ainsi le chapitre Nyeusis avant de reprendre sur les clans de manière générale : « Comme partout ailleurs il y a des conflits entre clans. Dans le désert, les Mositus et les Jangowas sont en guerre depuis la nuit des temps et sans doute cela ne cessera-t-il jamais. Freeland est actuellement dirigé par un tyran qui a chassé le roi légitime ainsi que son fils aussi la situation est-elle quelque peu tendue de ce côté de la Terre des Lions. Quant à Prideland, les conflits politiques les accaparent assez pour y rajouter des problèmes de frontières. Si les Outlanders posaient autrefois problème, ils se sont fait chasser de leur terre par les hyènes aussi errent-ils dans l'espoir de récupérer un jour leur foyer. »

Les problèmes ne se limitait pas au territoire de Prideland. La Terre des Lions semblait être rentrer dans une spirale à problème qui n'annonçait rien de bon. Je balayais les gorges d'un regard songeur avant de l'étendre au-delà des frontières, observant les lointaines dunes de sable. Les tensions entre les Jangowas et les Mositus semblaient atteindre leur paroxysme aussi étais-je contente que Fleck en soit parti. C'était rassurant que de le savoir loin de toute cette agitation. Continuant alors mon observation, mon regard coulait en direction du royaume du Nord. Eux n'avaient de problème avec personne et menaient une vie simple vouée à la paix. Et pourtant, à la demande de Samekh, j'allais m'en aller dévoiler la vérité à Rono pour qu'ensemble, nous partions quérir l'aide de Theluji. J'éprouvais un profond respect pour ce lion aussi me sentais-je désolée d'être résous à implorer son aide pour sauver mon mentor. Qu'il accepte j'en serais ravie mais qu'il refuse, je le comprendrais tout autant.

Tournant alors mon regard vers Tamariu, je lui adressa un petit sourire presque peiné. Lui qui ne cherchait qu'une terre d'accueil allait sans doute en voir son choix entaché mais Prideland restait tout de même le meilleur choix à mes yeux.

« Toi et ta mère n'êtes pas arrivés dans les temps les plus sereins malheureusement. »

« Probablement en fin d'adolescence, il possède déjà les traits d'un adulte... mais viendra le jour où il réclamera son héritage. Du moins si Malkia acceptes de le lui céder. » répondis-je tout en terminant sur une certaine note amère.

Ah Malkia... il avait suffit d'une simple rencontre pour ne pas la placer dans mon cœur. Néanmoins les propos de Kumpa avait quelques peu alléger mon jugement et je me rendais que, peut-être, j'avais été trop dure avec la reine. Celle-ci n'avait pas eu une vie de tout repos mais bien que je pouvais compatir à son sort, je ne le prenais pas pour autant en pitié et cela n'était pas une raison pour oublier notre échange. A moins d'une nouvelle rencontre dans un climat plus calme, je restais sur mes positions. Oui, je pouvais me montrer têtue moi aussi.

Je songeais alors à Kumpa qui devait être impatient de monter sur le trône et ainsi porter l'héritage léguer par son défunt père. Bien qu'encore jeune, il savait se montrer mâture et réfléchi. La mort de son père l'avait malheureusement arraché à l’insouciance de la jeunesse plus tôt qu'elle ne l'aurait du. Cependant, le jeune prince n'était pas le seul à faire preuve de maturité puisqu'à vrai dire, Tamariu semblait lui aussi très terre-à-terre. Son physique avait beau être celui d'un adolescent, ses mots étaient ceux d'un adulte.

« En large et en travers. » commençais-je dans un léger rire. « Avant de ne pouvoir trouver refuge sur Prideland, j'ai longuement parcouru ces terres bien que le désert ne sois encore guère familier. »

Tous le savaient, il était plus que périlleux que de s'aventurer dans le désert sans un guide. Si l'on perdait son chemin, notre sort était fixé. Soit l'un mourrait des pattes d'un Jangowas, soit le désert nous fauchait-il avant. Une simple question de probabilité. Me montrant un côté surprenant de sa personnalité, Tamariu se lança dans des réflexions philosophiques et me fit part de sa théorie sur le genre félin. Sa jeunesse était trompeuse puisque son esprit était aussi vif que celui d'un adulte. Après tout, le lion ébène avait vu juste.

« Les lions sont des éternels insatisfaits et ce qu'ils n'ont pas, ils le voudront par tout les moyens, peu importe son utilité et le confort déjà acquis. Mais quand bien même leur désir de pouvoir peut s'avérer affolant, viendra toujours ce moment où la solitude deviendra pour eux un poids. »

Car quand bien même certains lions s'estimaient heureux de leur vie solitaire, tous nous savions que cela n'était que mensonge. Par nature, les lions étaient voués à vivre en communauté et à moins d'une capacité à survivre hors du commun, il était condamné à mourir. Arrogant était celui qui pensait vivre seul. A notre rencontre, j'avais vu en Samekh la même solitude qui m'habitait à l'époque et sans paraître insolente, sans doute l'avait-il vu lui aussi. Consciente de mes chances réduites de survie, j'avais demandé son aide et sans doute était-ce son instinct qui l'avait poussé à accepter. Nos premiers en tant que binôme avaient été maladroits mais nous avions appris à puiser notre force dans l'autre et ce qui auparavant n'était qu'un ensemble fragile était devenu un véritable roc.

Presque invisible et maladroit, je pus néanmoins discerner ce léger sourire que Tamariu me rendait et ce dernier semblait même reconnaissant envers ma personne pour l'avoir éclairé sur les quelques questions politiques préoccupantes du royaume bien que n'importe qui d'autre aurait pu faire de même.

« Si j'ai pu t'être d'une quelconque aide, j'en suis heureuse. »

Mais alors que mon état d'esprit n'était nullement enjoué, les dires de Tamariu me firent rire aux éclats. Samekh et moi, un couple à la tête d'un nouveau clan ? Qu'est-ce qui avait bien pu pousser le jeune mâle à de telles déductions ? Peut-être était-il trop jeune pour saisir la nuance qu'était un mentor et celle d'un compagnon ou bien étais-je tout simplement la seule à avoir mal interpréter les paroles de mon interlocuteur. Quoi qu'il en soit, je mis en tête de répondre à l'adolescent ébène lorsque mes rires se furent étouffés.

« Samekh n'est nullement 'mon' mâle et je ne pourrais consentir à le voir de la sorte. Il est celui qui m'a sauvé de cette solitude qui me rongeait. Il m'a apprit à survivre et je lui dois la vie. » commençais-je sur ton doux qui trahissait mon attachement pour ce dernier. « Actuellement, Samekh a œuvré pour que nous permettre de rester sur Prideland malgré notre statut. Bien que nous vivons pas avec les Pridelanders, nous pouvons chasser sur leur territoire sans encourir de risques alors pourquoi partir ? »

Tout trait d'amusement parti, je souriais avec gentillesse à l'adolescent. Son idée était loin d'être absurde mais, cela n'était aucunement compris dans nos plans. Sans l'avoir souhaiter, nous nous étions bien trop impliqués sur ces terres. Cela me rappelait ma promesse faite à mon mentor... Je devais retrouver mon précieux ami Rono et lui dire la vérité quant au meurtre de Farao pour qu'enfin nous puissions prendre la route vers le Nord y quémander l'aide du grand roi Theluji et de ses guerriers blancs. Les paroles du jeune lion continuèrent à me faire sourire et sa gentillesse envers une inconnue à peine rencontrée me touchait.

« Je te remercie pour ton attention Tamariu mais je n'ai nul besoin d'un nouveau territoire où fonder un nouveau clan. J'ai longuement erré tel un fantôme mais aujourd'hui, je ne me sens plus tel quel. Aux côtés de Samekh et sur ces terres viables, je me sens … vivante. »

J'en avais également appris un peu plus sur Tamariu comme le fait que sa mère avait pris un lionceau -sûrement orphelin- sous son aile. Une famille de voyageur recomposée qui ne semblait guère ordinaire. Comme ce lionceau secourue par la mère de mon interlocuteur, Samekh était celui qui m'avait délivré d'une vie voué à la misère.Il avait donné un nouveau but à mon existence et peu importait les événements à venir, ma place serait toujours à ses côtés. Jusqu'à la fin.

« Elle est reine et Kumpa son héritier. Hmm mais je doute qu'elle veuille garder le trône pour elle seule, ce n'est pas une lionne avide. »

Quand bien même mon aversion pour cette dernière, je n'allais pas en venir à inventer des mensonges sur elle. Je n'étais pas de ces lionnes à déformer l'images des autres et qui sait, peut-être dans d'autres conditions nous serions-nous bien entendus. J'avais grandi et mûri depuis cette rencontre, le souvenir persistait mais ma répulsion s'estompait. Reprenant la parole, Tamariu me confiait des souvenirs de son père et de la personne qu'il était. La description qu'il en faisait me rappelait celle de mon propre père. Ce lion ébène était bavard mais aucun de ses mots étaient dénués d'intérêt et balancer dans l'air juste pour combler le vide. Je gardais mes positions : malgré son jeune âge, il faisait preuve d'une grande maturité et il était agréable de converser avec lui.

« Ton père devait être un lion très ambitieux. » commentais-je simplement.

Était-ce l'esprit traditionaliste et insatisfait de son géniteur qui l'avait conduit à une telle sagesse ? Être voyageur à son âge ne devait pas être une simple affaire et sans doute avait-il vu du pays. J'ignorais son histoire mais cela avait du forger son caractère si noble. Je me perdis dans les paroles du jeune mâle et mon esprit s'égarait à l'encontre de mon mentor. Oui, il m'avait bel et bien sauver de cette solitude. Je lui devais tant... L'ignorant sans doute, Tamariu me surpris à me dire que j'étais si sage. Était-ce dans ce sens qu'allait ses pensées ? Je me sentais flattée. A la suite de ses paroles, un sourire éclaira doucement mes babines. Il avait raison, nous ne pouvions rester ici à converser des heures durant. Princesse dans l'âme, je n'étais pas indifférente à ses nombreuses marques de respect qui faisait ressurgir dans mon esprit ce temps où j'étais plus qu'une simple lionne. Voilà combien de temps qu'on ne s'était pas incliné face à moi avec tant de respect ? Une pointe avare, ce court instant me mit du baume au cœur. Était-ce prétentieux de dire que cela me manquait ? Un brin nostalgique, j'adressais un sourire bienveillant à l'adolescent.

« Les lions ne sont pas fait pour être seul, la solitude est un fardeau bien trop lourd à porter. » répondis-je après m'être légèrement incliner à mon tour. « Libre à toi de choisir où t'établir, le mieux étant que tu sois à l'aise sur ces terres qui deviendront ton foyer. Je suis ravie d'avoir pu te venir en aide. »

Une noble rencontre que je n'oublierai pas, sentiment partagé que me confia le lion ébène.

« Serais-tu un brin charmeur, jeune lion ? Gares à toi, je n'oublierai pas tes paroles. » prévenais-je le lion sur le ton de l'humour. « Je te souhaite bonne route Tamariu et prends soin de ta famille. Sans doute nos chemins se croiseront-ils un jour nouveau. »

Répondant à son sourire, j'observais le dos du mâle s'éloigner à pas lent. C'était en effet une sage décision de s'éloigner de Prideland... Je me remémorais ma dernière discussion avec Samekh ainsi que la requête à laquelle il m'avait soumise. Je ne pouvais laisser partir le jeune lion sans le prévenir...

« Tamariu... une dernière chose. » interpellais-je le mâle. « Une guerre se prépare sur Prideland et l'Ombre semble plus proche que jamais. Si je peux me permettre un dernier conseil, emmènes ta famille loin de ces terres quelques temps. J'ignore de quoi demain sera fait mais vaut-il se préparer au risque. » lui confiais-je quelque peu inquiète.

« Puisse cela être un au revoir et pas un adieu. »

Sur ces dernières paroles, je laissa partir le lion ébène pour reprendre moi-même ma route. Cette rencontre hasardeuse avait permis à mon esprit de se détacher des troubles de la guerre et je me sentais plus sereine. Je lui souhaitais sincèrement de trouver de belles terres où s'établir avec sa famille. Il était bon de savoir que parmi tous ces lions avides de pouvoirs et de terreurs persistaient d'autres au cœur pur et aux intentions nobles. Je ne pouvais laisser ce genre de personne subir les conséquences d'une défaite face aux Nyeusis. Je me posais beaucoup de questions sur ces fameux lions noirs et comme je redoutais leur arrivée, une pointe de curiosité s'éveillait. Il était temps de partir à la recherche de mon précieux ami pour lui faire part des événements à venir et de cette mission qui nous attendait.