« Vous voyez, j’ai perdu le combat, mais je suis toujours en vie ! Il ne frappait finalement pas si fort, le bougre ! »
Zafi ne s’était pas attendu à ce que Nguvu et Wajanja apparaissent devant ses yeux ébahis ! Il ne savait plus combien de temps s’était écoulé depuis que Shan l’avait défié. À la fin du combat, plus personne n’avait fait attention à lui, et il s’était faufilé aussi vite que la poussée d’adrénaline le lui permettait, avant d’arriver non loin de l’Oasis Oubliée. Il était surpris de constater que ses deux enfants l’avaient suivi, sans n’avoir aucune mauvaise attention ; il était tout autant surpris, de constater qu’ils étaient si petits. N’avaient-ils pas commencé leur Exil ? Ne l’avaient-ils pas fini ? Peut-être avait-il rêvé toute cette partie. Il n’avait pas les idées claires, il ne voyait pas très bien, il avait un mal de tête atroce. Peut-être qu’il devrait aller boire un peu d’eau. Oui, c’était ça, il avait soif ! Et tant qu’il n’avait pas bu, il était hagard. C’était donc normal qu’il les voyait si petits ! Il ne les voyait juste pas bien.
« Je trouve que je me suis bien battu. » continua fièrement Zafi. « Il n’a pas pu gagner si facilement, vous avez vu ? »
Les lionceaux avaient effectivement vu tout le combat, et avaient été très impressionné ! Nguvu couvrait son père de louanges, fixant les cicatrices de Zafi, que ce dernier n’avait même pas pris la peine de nettoyer depuis le combat ; pourquoi faire ? Enfin, il avait essayé, pour être plus présentable devant les deux lionceaux, mais ça l’avait dégoûté. Ça avait un goût atroce ! Hors de question de toucher à ça ! La petite silhouette de Wajanja vacilla alors qu’une bourrasque de vent traversa le sable ; il sembla à Zafi que quelques-uns de ses poils s’envolèrent avec le vent. Nguvu perdit même sa petite touffe sur la tête. La soif lui faisait vraiment voir des choses étranges. La jeune femelle prit d’un coup la parole ; elle s’excusait de ne pas avoir passé de temps avec lui.
« Oh ! Ce n’est rien, Wajanja. » répondit doucement Zafi. « Je t’avais déjà pardonnée. Je vous avais déjà pardonnés… »
Le vent emporta encore un morceau de fourrure des deux lionceaux. Wajanja en perdit même une oreille. Zafi ouvrit la gueule, et un bâillement en sortit. Sa tête continuait de le faire souffrir, tout autour de lui tournait. Pourquoi, déjà ? Ah, oui. Il était fatigué.
« Papa va aller faire une sieste. » dit Zafi dans un murmure. « Ensuite, quand je serais réveillé, on ira tous chasser. Vous voulez venir faire une sieste avec moi ? Kynaïa nous attend plus loin. »
Il tourna le dos à ses lionceaux, fit deux pas, avant de s’effondrer au sol.
« Voilà, c’est ici… » continua-t-il. « Regardez, Kynaïa est juste là. »
Il n’y avait personne devant lui.
Et il n’y avait personne derrière lui.
L’illusion n’avait plus lieu, maintenant qu’il ne regardait plus dans cette direction. Une nouvelle bourrasque eut fini d’achever Nguvu et Wajanja, deux copies ensablées des lionceaux, dont tous les grains s’envolèrent et disparurent dans le désert.
Il n’y avait jamais eu personne. Il était seul.
Wuta et Rawuya avaient compté sur lui. Il les avait abandonnés.
Nguvu et Wajanja avaient eu besoin de lui. Il les avait évités.
Le combat contre Shan était fini. Il serait mort dignement devant les Jangowas, comme un vrai lion du désert. Mais il avait fuit.
Il était seul.
Il avait été un lâche.
Il avait échoué.
Il ferma les yeux, et se retrouva dans l’obscurité.
Il n’y avait personne.
Il était seul.