DECOUVERTE MACABRE

ft. Koliya, Bosimamiwe & Machweo (PPC)

Le soleil s'était levé, peignant le ciel de teintes douces et prometteuses. Cette matinée portait avec elle l'inhabituel, avec la convocation matinale de Sikio par Koliya pour une patrouille. Une mission à l'aube, une tentative de sécuriser les frontières et d'être les sentinelles vigilantes dans le cœur de la savane. Les tensions persistaient, créant un climat où la confiance était aussi rare que l'eau dans un désert aride. Sikio nourrissait une méfiance particulière envers les Jangowas, réputés pour leur inclination parfois violente à l'aliénation. Même au sein de Prideland, une puissante multitude, les alliances se formaient et se brisaient comme les vagues fugaces d'un océan impétueux. Chuja n'avait pas instruit Sikio sur les menaces du monde extérieur, elle avait simplement appuyé sur le fait qu'il méritait les menaces intérieures. Il était condamné à rester sur ses gardes, même au cœur de son chez-soi, là où la sécurité aurait dû être incontestable.

Rejoignant le point de rendez-vous sous les premiers rayons du soleil, l'expression de Sikio se décomposa en croisant le regard de Machweo. Planté là, assis, la tête haute, le regard hautain et les yeux vifs, la brute exhiba un sourire narquois et sadique qui s'étirait d'une oreille à l'autre dès qu'il aperçut Sikio. Soupirant, le métis s'avança pour le rejoindre, choisissant de s'installer à une distance prudente.

« - Alors, le bâtard? Je sens que ça va être une suuuper journée! »

Les mots de Machweo résonnèrent comme des coups invisibles, faisant plier un peu plus l'échine de Sikio. Les crocs serrés, il savait qu'il allait devoir endurer cette journée. Machweo trépignait sur place, ricanant bruyamment. Un coup d'œil sur la gauche, son salut venait de Koliya, qui se découpait déjà de la foule. Elle prit la tête de la patrouille, et le groupe disparut dans la savane.

Le chemin s'étira longuement pour Sikio, qui ne prononça pas un mot. Machweo monopolisait la conversation, paradant devant Koliya comme un coq arrogant dans une basse-cour, se vantant de ses exploits dans l'espoir de voler la couronne. Sikio marchait aux côtés de ses deux camarades, la tête baissée, les épaules lourdes, ressemblant à un chien battu.

« - Vous savez, Koliya, mes parents affirment que je suis l'héritier illustre de ma lignée! Je suis le portrait craché de mon arrière-grand-père, lequel était, cela va de soi, l'un des guerriers les plus éminents à l'époque de Sumu! Évidemment, Ysera doit être parfaitement au courant, on raconte qu'i- [...] »

Les paroles de Machweo se perdaient dans le néant pour Sikio, qui ne prêtait plus attention à ses fanfaronnades. Les sens aiguisés, il observait les environs, attentif, les oreilles basses mais alertes. Machweo voulait se mettre en avant lors de cette patrouille, mais Sikio ne perdait pas de vue son objectif plus noble de se faire remarquer par Koliya pour les bonnes raisons.

Des minutes s'étiraient, Machweo continuait son barouf. Soudain, une odeur familière caressa les narines de Sikio qui redressa la tête.

« - Tais-toi. »

« - Pardon? Tu veux quoi, toi? »

« - Shht. »

Un échange de regards avec Koliya, Sikio tentait de lui signaler que quelque chose n'allait pas. L'odeur était puissante mais indéfinissable. Un mélange de peur, terreur, inquiétude et stress flottait dans l'air. Mais une autre odeur, plus lointaine, plus sinistre, enserrait Sikio à la gorge, l'odeur incontestable de la mort. Instinctivement, Sikio se mit en position de défense, les crocs dévoilés.

587 mots.

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La patrouille se figea à l'indication de Sikio. Il prit quelques instants, sa fourrure se hérissant sur son échine. Calmement, il respira profondément; l'air était empreint de l'odeur putride et étouffante de la mort. C'était le parfum d'une carcasse laissée au soleil depuis plusieurs jours, en train de se décomposer. Sikio avait déjà rencontré cette odeur sur les cadavres de proies ou de prédateurs défunts dans la savane, mais cette fois-ci, elle portait quelque chose de plus sinistre. Il la connaissait, d'une certaine manière. C'était une senteur légère, masquée par la puanteur de la mort. Il y avait une autre odeur, mêlée à ces fragrances désagréables ; celle d'un Freelander. Quelques respirations de plus ; non, d'une Freelander.

Koliya fit signe aux deux autres de la suivre à travers les broussailles pour découvrir l'origine de ces odeurs. Quelque chose gisait mort à quelques mètres, c'était certain. Désormais, ils devaient déterminer quelle créature avait rencontré sa fin près de leur frontière. Prêt à la suivre, Sikio fut rapidement arrêté par Machweo, qui se dressa devant lui, lui bloquant le passage. Les crocs découverts, il saisit le visage du métis d'une patte griffue, le forçant à rencontrer son regard. Un regard menaçant, tordu, sinistre.

« - La prochaine fois que tu m'coupes la parole, petite merde, j'te tranche la langue, » lui murmura-t-il près du visage.

La pression des griffes suffit à entailler légèrement la peau de Sikio, laissant une unique goutte de sang perler. Machweo relâcha violemment Sikio, le forçant presque au sol. Le mâle sable se recoiffa, arborant de nouveau son sourire arrogant, avant de suivre Koliya à travers les buissons. Sikio gronda, attendant quelques instants pour reprendre ses esprits. « - Un jour, je te tuerai, » se murmura-t-il. Secouant tout l'avant de son corps, il rejoignit ses camarades.

Passant au travers des buissons, Sikio tourna son regard vers Koliya dans l'espoir d'y trouver du réconfort ou au moins de la solidarité. Cependant, tout ce qu'il trouva fut de l'horreur. Jetant un œil là où elle regardait, il découvrit une scène inimaginable. Bosimamiwe, une des nourrices, était déjà là. Derrière elle, gisait la source des odeurs atroces : une dépouille en état de décomposition. Compréhensible, étant donné qu'il était étalé au soleil sous la chaleur écrasante de la savane. Sikio mit quelques instants à reconnaître ce que c'était. Une lionne, plus précisément ; Kuvira, la cheffe des guerriers de Prideland. Que faisait-elle ici ? Pourqu-

« - C'EST TOI ! C'EST TOI QUI L'A TUÉE ! ORDURE ! »

Sikio fut bousculé, s'écrasant au sol. Hoquetant sous la surprise et la douleur aiguë du choc entre ses côtes et le sol poussiéreux, il releva les yeux pour voir Machweo, à quelques centimètres de lui, qui se tenait droit et haut, montrant les crocs, griffes sorties. Son regard était inquisiteur, empli de jugement.

« - C'EST TOI ! TU T'ÉCLIPSES TOUS LES JOURS ! C'ÉTAIT POUR ÇA ? HEIN ? TRAÎTRE ! »

Sikio ne dit rien, redressant son regard fatigué pour croiser celui de son agresseur. Avant de le tourner lentement vers Bosimamiwe, puis vers Koliya. Il n'affichait aucune émotion, pas de tristesse, pas même de peur. Simplement du vide. Il savait qu'il n'avait rien fait, mais il savait aussi que personne ne l'écouterait s'il prenait le temps de le dire. Alors, il se laissa faire, sans chercher à se défendre, que ce soit contre cette agression physique ou contre cette accusation. Il resta là, étendu sur le sol poussiéreux.

Les murmures morbides de ses pensées résonnaient en écho dans l'obscurité de son esprit. "J'vais te tuer.", une incantation sinistre qui dansait comme une mélodie déchirante au creux de sa conscience. Ces mots, chargés de colère et de résolution, semblaient résonner avec la pulsation de son propre cœur. Glissant son regard vers le corps inerte de Kuvira, Sikio s'amusait à imaginer avec un plaisir morbide le visage de Machweo à sa place.

670 mots.

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Sikio gisait là, étendu sur le flanc, demeurant immobile, son corps imprégné de poussière. Machweo, dominant la scène, ne daigna accorder qu'un bref regard à Bosimamiwe, la lionne cherchant désespérément la présence réconfortante de sa mère. Le grand mâle crème roula des yeux, manifestant clairement son agacement, avant de ramener son attention sur Sikio. Le brun ne fit rien, ne dit rien, il regardait simplement Koliya, attendant la sentence. Cependant, la correction ne fut pas infligée à Sikio, mais à Machweo lui-même. La léopon s'approcha de son bourreau et lui asséna deux gifles cinglantes.

Un grognement rauque s'échappa des babines de Machweo, mais il ne riposta pas face à la punition de sa supérieure. Jetant un regard en coin à Sikio, qui commençait à se relever, Machweo laissa transparaître dans ses yeux la promesse d'une revanche imminente. Le métis, sans détourner le regard, sentait les lames acérées de la vengeance qui planaient dans l'air. Il ne baissa pas les yeux, mais l'attention de Machweo fut rapidement détournée par Koliya qui lui adressa une remontrance bien méritée.

« - Entendu, Koliya. » répliqua sobrement Machweo.

La cheffe des guerriers fit volte-face, recentrant son attention sur Bosimamiwe. Sikio fit de même, posant son regard compatissant sur la lionne cerise. Il ne pouvait qu'imaginer la panique qui s'emparait de sa camarade. S'il n'avait pas été si rapidement bousculé au sol, il aurait peut-être subi le même sort. En y repensant, le métis glissa un coup-d'œil à la dépouille de Kuvira. Un frisson parcourut sa colonne vertébrale, dressant les poils de son échine, accompagné d'un relent qu'il ravala aussitôt. La lionne, étendue sous le soleil impitoyable de la savane, n'avait plus du lion que le souvenir que les autres avaient d'elle. L'odeur qui s'en échappait faisait tourner la tête de Sikio, sa peau étaient décolorée, des zones où le poils était tombé, ses flancs s'étaient ouverts, son cadavre n'était plus qu'une carcasse. Les stigmates de la mort avaient effacé toute sa grandeur, laissant derrière elle une carcasse décomposée.

Sikio fut tellement déstabilisé par cette vision qu'il ne remarqua même pas si Bosimamiwe était partie ou non. Un bourdonnement assourdissant emplissait ses oreilles, rendant les paroles des autres lointaines. Son esprit était obnubilé par cette vision d'horreur. S'approchant à pas hésitants, Sikio flaira la dépouille, réprimant difficilement une nausée. L'odeur de la mort, nauséabonde, était accompagnée d'un autre parfum plus discret, de plus lointain, qui se détachait de ces exhalations. Une odeur familière, mais indéfinissable, désagréable. Cette fragrance était présente sur chaque plaie de la lionne brune, ces blessures étaient une preuve indéniable qu'elle avait été assassinée.

« - Koliya, j'vous prie de bien vouloir accepter mes excuses.. Mes plus sincères condoléances pour la perte de votre amie, mais.. Il y a une odeur singulière sur son corps. Je peine à l'identifier, mais elle ne correspond ni à celle de Prideland ni à celle de Freeland. »

Se reculant de quelques pas, Sikio se plaça aux côtés de Koliya, maintenant une distance respectueuse avec la léopon. Un nouveau regard échangé avec Machweo révéla la colère déformant le visage du mâle, Sikio soutenu son regard quelques instants, avant de reporter son attention sur sa supérieur. Il attendait respectueusement le signal de Koliya pour s'occuper de la dépouille de Kuvira, laissant à la cheffe des guerriers le temps de donner son avis sur l'odeur mystérieuse, et le temps de faire ses adieux à son amie.

596 mots.

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Le jeune lion se tenait là, silencieux, hésitant à ajouter davantage. Son regard errait dans la confusion, et les effluves étouffantes qui dansaient dans l'air semblaient troubler sa truffe délicate. Machweo avait déplacé son attention vers Bosimamiwe, laquelle, tétanisée, refusait catégoriquement d'aller chercher la reine, craignant de subir le même destin funeste que Kuvira. Les échanges verbaux entre les trois lions se poursuivaient, mais Sikio restait plongé dans ses pensées, cherchant à dévoiler l'identité de cette fragrance florale délicate, subtilement masquée par l'odeur persistante de la mort. Il n'était guère motivé pour participer à la conversation. Même s'il avait éprouvé une once de sensibilité envers Bosimamiwe, il n'aurait jamais envisagé de l'accompagner jusqu'au Repaire. Non seulement il ne se sentait pas assez proche d'elle, mais l'idée même d'un contact physique avec cette lionne lui était répugnante. Elle n'occupait pas une place suffisamment importante dans sa sphère personnelle pour justifier une telle proximité.

Les paroles de Koliya brisèrent le fil de ses pensées, ramenant Sikio à la réalité. La cheffe des guerriers annonçait que ce serait Machweo qui aurait la charge du fardeau. Un échange de regards fugaces se produisit entre Sikio et le lion à la crinière bicolore, qui, dans un geste théâtral, roula des yeux autant que ses orbites lui permettaient. Sikio détourna son attention du spectacle, reportant son regard sur la dépouille inerte à ses pieds. Koliya souligna avec sagesse que le cadavre ne pouvait être transporté en l'état jusqu'à Prideland. Sur ce point, le lion acquiesça mentalement, partageant le constat réaliste de sa camarade. Sikio acquiesça silencieusement aux paroles de sa camarade. La perspective de traîner les restes de Kuvira sur plusieurs kilomètres ne laissait entrevoir qu'un scénario cauchemardesque. À peine engagés dans cette lugubre entreprise, il pouvait anticiper le moment où ils se retrouveraient à ramasser les morceaux éparpillés de la défunte lionne.

Koliya s'avança vers le cadavre après la remarque de Sikio, attirée par ce qu'il semblait avoir découvert. Le jeune lion se retira respectueusement pour laisser place à la léopon, reconnaissant qu'elle pouvait apporter son expertise et qu'elle avait sûrement besoin d'un dernier moment avec son amie. Pendant ces instants de recul, Sikio prit le temps de scruter à nouveau la dépouille de celle qui avait été la grande cheffe des guerriers Pridelanders. La fourrure de Kuvira exhibait une teinte brune, évoquant étrangement celle du métis. Les premiers signes d'une crinière apparaissaient sur son front, où les quelques poils encore présents se dressaient en bataille. Même dans la mort, ses yeux, bien que décolorés et obscurcis, semblaient avoir été d'une nuance noisette. Son ventre, autrefois d'un crème presque doré, présentait désormais des plaies béantes et des affaissements, altérant la beauté qui aurait pu émaner de cette couleur. Malgré la détérioration, on pouvait voir les souvenirs de deux tâches crèmes en arpège sous ses yeux, ajoutant une touche singulière à sa physionomie.

Les pensées du mâle furent interrompues lorsque Koliya échafauda des hypothèses sur l'identité du meurtrier, en lien avec l'odeur que Sikio peinait à identifier. C'était un parfum lointain, empreint d'une essence végétale persistante, mais le lion était incapable de préciser laquelle. Sikio n'était pas particulièrement versé dans la botanique. Finalement, la cheffe des guerriers se redressa, ordonnant aux trois autres lions de prendre des initiatives. Sikio se tenait déjà à quelques pas de la dépouille, tandis que Machweo était un peu plus loin, près de Bosimamiwe. Le regard qu'il posait sur elle était à la fois carnassier et empreint d'un profond dégoût, c'était une expression que seul le métis pouvait déchiffrer. Machweo, usait comme à son habitude de son sourire le plus sincère, dissimulait ainsi ses véritables intentions à ses camarades.

Sikio se redressa d'un geste empreint de respect, se rapprochant rapidement de Koliya. Il s'installa à ses côtés, entreprenant avec précaution d'examiner la dépouille de Kuvira du bout des crocs, cherchant une prise qui ne céderait pas. L'odeur suffocante de la putréfaction lui montait aux narines, une puanteur qui parvenait même à humidifier ses yeux. Machweo, quant à lui, les avait devancés pour trouver un lieu propice à l'inhumation. Initialement, il avait opté pour un endroit dénué de végétation, où la terre était sèche et poussiéreuse. Cependant, après une brève réflexion, il avait changé d'avis, optant pour un lieu plus apaisant. Là, il s'attela à creuser le sol avec des gestes puissants et déterminés.

761 mots.

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Sikio observait la scène depuis la distance, prenant note des problèmes supplémentaires que Bosimamiwe semblait apporter à une situation déjà compliquée, avec son attitude insubordonnée et son caractère puéril. Une nouvelle patrouille s'était jointe à la réunion, dirigée par Vumbi, l'un de ses collègues guerriers, qui semblait être accompagné d'un de ses mouflets. Le nom de ce dernier lui importait peu, et il n'avait aucune intention de le retenir. Son attention était davantage focalisée sur l'aide qu'il apportait à Koliya pour traîner le cadavre, plutôt que sur les émois inutiles. Un regard en coin fut accordé à la léopon, vérifiant silencieusement si l'arrivée d'autres spectateurs ne la dérangeait pas davantage. Il aurait pu exprimer qu'il la comprenait, que c'était un moment difficile pour elle et qu'elle avait besoin d'être seule pour recouvrer ses esprits. Cependant, il n'avait jamais eu d'ami, et il ne pouvait donc pas la comprendre pleinement, se contentant d'imaginer les tourments qu'elle devait ressentir. Contemplatif, il se laissa penser à ce qu'il ressentirait s'il trouvait un jour la dépouille de Vurugu.

Tiré de ses pensées par l'agitation qui régnait lors de la réunion familiale à quelques mètres de lui, Sikio laissa échapper un soupir sonore entre ses crocs. Il faisait attention à ne pas relâcher la prise qu'il avait si péniblement acquise sur la dépouille de Kuvira. Le manque de respect des autres lions l'irritait profondément, et cette frustration pesait lourd sur son esprit. Le tueur qui avait causé ce drame n'était plus présent depuis bien des jours, voire des semaines, à en juger par l'état de la cheffe des guerriers Prideland. Il n'y avait plus de menace imminente sur leurs terres, du moins pas sur le chemin de leur patrouille récente. Sikio roula des yeux, observant Vumbi qui se joignait à eux pour le cortège funèbre. Son regard fixe et ses sourcils froncés trahissaient son irritation face à la situation déplaisante, lui laissant comprendre que son comportement avait été particulièrement déplacé. Cependant, il détourna rapidement son attention lorsqu'ils atteignirent la tombe, où ils descendirent lentement le corps de Kuvira vers sa dernière demeure. Un coup d'œil à Machweo lui révéla l'expression vide de ce dernier, dont il soulignait la haine qui faisait vibrer ses pupilles. Mais Sikio ne baissa pas les yeux face à la menace, refusant de fléchir devant cette hostilité masquée.

Koliya détourna l'attention de Machweo, invitant le métis et le lion doré à reprendre leur tâche macabre de recouvrir la tombe de Kuvira. L'atmosphère était imprégnée de tension et de deuil alors qu'ils s'affairaient à accomplir ce dernier devoir pour la défunte, permettant à ses restes de retourner à la terre, de se fondre dans l'éternité. Un tchip moqueur s'échappa des lèvres du lion doré, exprimant son agacement face à l'insolence de Sikio. Finalement, il fit volte-face, se plongeant dans la tâche qui s'étalait devant lui. Sikio suivit le mouvement, détournant son attention de son bourreau, accordant une dernière pensée à Kuvira. Un regard furtif vers Koliya révéla la profonde affection que la lionne avait pour la défunte cheffe. Le métis souhaitait sincèrement ressentir de l'empathie pour elle, mais il se retrouvait incapable d'éprouver de la compassion, de la tristesse pour une lionne qu'il n'avait pas réellement connue. Aux yeux des Grands, il n'était qu'une ombre parmi la foule, un être sûrement insignifiant aux yeux de Kuvira. Elle n'avait jamais pris connaissance de son existence, ni de son nom, de sa voix, de ses gestes, de sa nature profonde. Elle ne se serait jamais intéressée à lui. Il n'était personne pour elle, qu'un simple point dissimulé dans la masse.

Cette pensée lugubre s'enroula autour de lui comme un étreinte de colère, tordant ses babines dans une expression de frustration. Une vision sombre s'empara de son esprit, imaginant le jour où il pourrait se trouver à la place de Kuvira, étendu sur le sol aride, les flancs exposés et le regard voilé. L'idée seule était suffisante pour faire grincer ses crocs dans un accès de désespoir. Une certitude s'ancra en lui : si jamais son destin le menait à cette fin tragique, personne ne prendrait la peine, ni n'aurait l'intérêt, de creuser une tombe pour lui. Sa queue, battant derrière lui comme un métronome d'émotions, accompagna les gestes bruts qu'il effectuait pour recouvrir de terre la dépouille de la Pridelander. Une fois la tâche accomplie, il resta là, immobile, ses pattes enfoncées dans la terre retournée, le regard perdu dans un vide intérieur. Les secondes s'écoulèrent lentement, mais dans son esprit tourmenté, elles semblaient une éternité. Il contempla un avenir incertain, sachant qu'un jour viendrait où il partirait, et ce jour-là, personne ne se souviendrait du prénom qu'il avait un jour porté.

Koliya laissa s'échapper un long soupir, qui brisa le silence peusant du cimetière. Le métis détourna son regard de la tombe fraîchement recouverte, ses oreilles s'abaissèrent en signe de respect, et ses yeux demeurèrent toujours empreints de frustration, ses babines serrées dans une expression sombre. Son regard se posa sur Koliya, et dans son esprit, il ne put s'empêcher de la voir dans un autre contexte. Des images se formèrent, peignant un tableau où des dizaines, voire des centaines de lions, viendraient se recueillir sur sa tombe. Des générations futures conteraient ses exploits dans des récits empreints de fantaisie : Koliya, la Grande Cheffe des Guerriers, la Valeureuse Hybride. Celle qui avait tout affronté, tout vaincu, celle qui avait toujours réussi. Une pointe de jalousie s'insinua dans le cœur du métis. Oui, il ressentait de la jalousie. Il aspirait à être comme elle, à être reconnu, à être mémorable. Il souhaitait que les autres le voient pour ce qu'il était réellement, au-delà de son physique et de ses origines. Il désirait qu'on se souvienne de son nom et qu'on le célèbre comme un héros.

Les paroles de Koliya, douces comme une brise mélancolique, vinrent briser le silence, mais Sikio était emprisonné dans un labyrinthe de pensées intérieures. Son visage, bien que masqué par une façade imperturbable, trahissait la profondeur de son introspection. Ses yeux, dirigés droit devant lui, glissèrent subtilement vers Vumbi sans que son visage ne les accompagne, amorçant une plongée dans le royaume imaginaire de la mortalité. Dans cette toile mentale, Vumbi reposait sur la terre africaine, une toile funèbre qui le laissait derrière lui avec une veuve portant la douleur dans son regard et des enfants orphelins de la chaleur rassurante de leur père. Les camarades de Vumbi se remémoraient des anecdotes pleines de rires étouffés, et ses frères et sœurs se rassemblaient, évoquant avec une émotion palpable la générosité et l'altruisme qui avaient tracé le chemin de sa vie. Sikio, englouti par ces visions imaginaires, tenta vainement de chasser ces pensées persistantes en agitant l'une de ses oreilles. Comme s'il cherchait à expulser les ombres de son esprit, à libérer la tension qui tendait ses muscles, laissant entrevoir les émotions tourbillonnantes qui serraient ses lèvres.

Finalement, l'assemblée se leva d'un geste synchronisé, et Sikio se laissa emporter par le mouvement de foule. Un ultime regard se posa sur la tombe de la Pridelander, mais il ne subsistait plus la moindre parcelle de pitié en lui. Profondément, il sentait que cette lionne avait mérité son destin funeste. Son trépas, empreint de douleur, était une rétribution bien méritée pour avoir osé goûter au bonheur, pour avoir eu l'orgueil d'être supérieur à d'autres, de n'avoir prêter aucune attention à ceux qu'elle jugeait inférieurs. Non, il ne verserait pas de larmes pour celle qui n'aurait jamais versé une goutte pour lui. D'autres, sans doute, viendraient déposer des pleurs dénués de sens à sa mémoire. Pivotant dans un geste languide, il suivit le cortège qui s'ébranla, fermant la marche d'un pas lourd de réflexions macabres.

OUT POUR SIKIO

1359 mots.

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