Après un long moment d'attente en compagnie de la reine Alaya et son fils Natak, Kito avait finalement eu la chance de voir son audience auprès du roi accordée. Sur le coup, le félin tacheté se réjouissait à l'idée de pouvoir échanger avec son parent éloigné. Cependant, au fil des minutes, le fils de Sahaas en était arrivé à se demander s'il n'était pas préférable de reporter le rendez-vous. Après tout, c'était pas comme si Kupendwa allait disparaître tout de suite...N'est-ce pas ?

Compte tenu de la situation, Kito comprenait qu'il était impossible de revenir en arrière. Il était temps pour lui de faire part de son intérêt pour l'avenir de ce beau royaume qui l'avait vu naître et grandir, d'exprimer sa reconnaissance pour le clan qui l'avait accueilli indépendamment de son héritage de léopard. Malgré son appartenance à la famille royale, son statut de descendant d'hybride aurait pu suffir à justifier un sentiment de rejet parmi les lions. Pourtant, Moha et Kupendwa avaient fait preuve d'une certaine ouverture d'esprit et un accueil que le descendant de Kuzali n'oublierai jamais.

L'air sérieux, le félin tacheté inspira profondément, avant de plonger son regard dans celui du souverain de Prideland. Une situation qui lui rappela la différence de taille importante entre les lions et les léopards. Pourtant, le petit fils de Wanda se contenta de maintenir sa position.

Sourire aux babines, Kito s'inclina, avant de prendre la parole en disant :

- Je tiens à vous remercier d'avoir accepté cette demande d'audience majesté.

C'était la moindre des choses. Le fils de Sahaas était parfaitement conscient des difficultés liées au programme journalier du roi. Une raison pour laquelle il était préférable d'introduire ses propos par des remerciements.

Après la naissance de ses enfants, Kupendwa s'était donné la naïveté de penser que ses tracas royaux étaient terminés. Son royaume n'était plus au coeur d'une guerre, il avait épousé Alaya, une lionne merveilleuse, et les héritiers de Prideland étaient venus au monde. Le roi avait atteint une sorte de paix intérieure et il se plaisait à vivre ces derniers mois non seulement comme un roi mais surtout comme un père. Il pensait que, peut-être, ce bonheur enfin mérité allait durer. Qu'il allait pouvoir couler ses vieux jours plus tranquillement que toute sa vie passée.

Hélas, rien ne durait jamais sur la Terre des Lions. Et si le visage du roi était illuminé d'un bonheur sans pareil depuis la naissance de Takris et Natak, l'odieux assassinat de Kuvira l'avait remis à fleur de peau. Un assassinat sur Freeland, un lieu incompréhensible puisqu'ils sont en paix avec le peuple d'Ysera. Pourquoi auraient-ils fait cela ? Et si ce n'est pas eux, alors qui ? La naissance de son troisième enfant, Thamani, l'a maintenu à flot au bon moment, mais ses inquiétudes royales ont fini par reprendre le dessus sur la vie de famille qu'il essaye malgré tout d'avoir.

Kupendwa avait perdu sa cheffe des guerriers, mais surtout une amie. Loin d'être un lion ordinaire, il n'avait pas le droit à la tranquilité du deuil qu'on laissait généralement aux autres. Il avait des devoirs. Attendant l'arrivée de Kito à qui il avait accordé une audience, Kupendwa se préparait a renfiler son masque. Celui qu'il avait toujours tenu auparavant, le faisant parfois passer pour froid ou insensible auprès de certains. Il continuerait à être le roi qu'on attendait de lui.

À l'arrivée de l'hybride, il le laissa s'incliner et engager la conversation.

-Kito, cela fait bien longtemps. Malgré les années, Kupendwa n'avait pas de mal à le reconnnaitre. Il connait bien sa famille puisqu'ils partagent une branche en commun. Celle de Kuzali. je te souhaite, avant toute chose, un bon retour sur Prideland.

Le roi, malgré ses pensées intrusives, était prêt à écouter le tacheté.

D'un air solennel, Kupendwa pris la parole en rappelant le temps qui s'était écoulé depuis le départ du tacheté, avant de lui souhaiter la bienvenue. Par moment, Kito avait beaucoup de mal à imaginer qu'il était partie de chez lui si jeune. Pourtant, avec Kara à ses côtés, le voyage s'était avéré beaucoup plus intéressant et formateur.

Avec du recul, ce voyage avait son utilité. Ce chapitre important de son existence avait eu le don de lui ouvrir les yeux sur le fait qu'en tant que léopard, vivre au milieu des lions était impossible. Grandir parmi eux avec une mère léopon était une chose. Vivre en tant qu'adulte bien après la mort de cette dernière en était une autre. Malgré le contexte tragique de la situation, son départ s'inscrivait dans l'ordre des choses.

- Merci infiniment. Ma présence au rocher éveille de beaux souvenirs du temps que j'ai passé ici. Malgré le contexte un peu tendu du règne de votre mère, j'ai eu la chance d'avoir une enfance marquée par une excellente intégration au sein du groupe.

Avoir un petit léopardeau parmi les lions semblait invraisemblable. Pourtant, Kito était la preuve vivante du fait que cette situation s'était déjà produite au moins une fois dans l'histoire de la terre des lions.

- Cependant, je sais pertinemment qu'en revenant ici, ma vie ne sera plus la même. En tant que léopard, vivre parmi les lions serait absurde.

Malgré toute la gentillesse de Kupendwa, un léopard restait un léopard. Un prédateur de nature solitaire qui n'avait pas sa place au sein d'un groupe de lions. Cependant, cette différence notable avec le lion n'avait rien d'un obstacle à la perspective d'une coopération bénéfique pour le roi et ses sujets.

- Au-delà de mon désir de renouer les liens avec les descendants de Kuzali ici et sur Freeland, j'aimerai m'impliquer d'avantage dans le futur de ce glorieux royaume qui m'a vu naître et grandir.

Il était temps pour Kito d'entrer dans le vif du sujet. Même si un rappel du contexte s'imposait, le tacheté devait faire preuve de transparence dans ses intentions.

- Sire...En quoi puis-je vous être utile ? Vous servir serait un moyen pour moi de vivre pour cette terre qui m'a tout donné...

Lentement, le descendant de Kuzali s'inclina à nouveau. Kupendwa devait comprendre qu'il n'avait pas en face de lui un simple touriste prêt à repartir sans une quelconque forme de gratitude. Le roi avait en face de lui un parent, mais aussi, un serviteur potentiel.

-Je comprend. Après avoir vécu autant de temps en solitaire, la vie de clan ne te correspondrait plus. Après tout, voyager c'est d'abord grandir. Il était plutôt normal que Kito n'ait plus le même état d'esprit qu'avant son départ. C'est une très bonne chose que tu sois parvenu à t'épanouir en temps que léopard.

Il semble que Kito ait toujours été en paix avec les deux cotés de son sang. Cela n'a pas toujours été le cas de Kupendwa et encore aujourd'hui, les Pridelanders semblent marcher sur des oeufs pour maintenir une bonne relation avec le desert. Il n'a jamais été intérieurement en bonne harmonie avec ce côté, son coeur avait toujours été pridelander. Et les Jangowas s'en étaient bien rendu compte.

-Ton engagement fait chaud au coeur Kito, je suis touché que tu n'ai jamais oublié Prideland. Néanmoins, le roi ignorait si le léopard connaissait les dernières deboires du royaume. Pas qu'il était totalement méfiant envers l'un des membres de sa grande famille, mais Kito était parti depuis longtemps. Il était primordial que le roi comprenne dans quoi Kito semblait vouloir s'engager. Même si ce dernier ne voulait pas redevenir, à proprement parler, Pridelander.

-Qu'as-tu appris de ce qui se passe au royaume ?

Une chose supplémentaire semblait attiser la curiosité du roi autant qu'elle le titille. Kito affirmait renouer également avec Freeland. Il était vrai qu'une part de son histoire se trouvait sur cette terre.

Kito ne pouvait nier l'impact de son voyage sur sa perception de Prideland et la vie qu'il avait menée là-bas. Pourtant, au-delà du voyage lui-même, ce dernier avait constaté le développement d'un instinct qui réduisait cette forme d'attachement à son héritage de lion. Un phénomène auquel sa mère Sahaas avait fait allusion à plusieurs reprises.

Peu de temps après avoir écouté la requête de son interlocuteur, Kupendwa exprima sa gratitude. Il était visiblement touché d'apprendre que le descendant d'Awena n'avait pas oublié Prideland aussi vite. Une chose qui aurait été très difficile pour lui. Kito avait beaucoup de mal à savoir comment il aurait pu oublier cette terre qui l'a vu naître et grandir dans de très bonnes conditions.

Dans l'hypothèse où le fils de Sahaas s'engageait à servir le roi, il était impératif pour lui de s'informer des derniers événements au sein du territoire. Un élément sur lequel le fils de Moha revint très brièvement en l'interrogeant sur ce point précis.

- Et bien...Mis à part la disparition soudaine de la cheffe des guerriers, j'avoue ne pas être à jour sur les derniers évènements ici. Que pouvez-vous me dire sur ce point ?

Cette disparition soudaine faisait partie des quelques informations obtenues grâce à Vilayan. Cependant, Kito n'avait pas cherché beaucoup plus loin, estimant qu'il était préférable de laisser le nouveau chef de digérer cette perte particulièrement lourde. Par conséquent, il était incapable de dire dans quelles circonstances cette lionne avait perdu la vie.

-C'est justement le sujet, Kito. Kupendwa ne voulait pas faire passer cela comme une chose anecdotique dans la conversation. C'était peut-être même ce qu'il y avait de plus important a discuter avec ses sujets en cette période. Il ne voulait laisser personne dans la peur ou l'interrogation malgré sa douleur. Sais-tu où le corps de Kuvira a été retrouvée ?

Il laissa passer quelques secondes avant de continuer. Il ne doutait pas que cela risquait de faire réagir le léopard car du sang Freelander coulait dans les veines de sa famille.

-Sur Freeland. Et cela risque d'impliquer énormément de choses selon où se dirigera l'enquête. Kupendwa ne croyait pas particulièrement à l'hypothèse que cela soit le fait d'un ou d'individus isolés. Il se gardait bien de confier toutes ses convictions pour ne pas effrayer le peuple, mais il craignait que cela implique bien plus qu'une poignée d'individus. Kuvira était l'une des meilleures guerrières du royaume, on ne tuait pas une lionne comme cela de manière fortuite. Il y avait quelque chose d'étrange dans cette affaire.

-J'ai foi en la reine Ysera. Leur coopération s'est toujours déroulée sans encombres et en confiance. Le roi n'avait pas de raison pour le moment de douter de la lionne qu'il connait de longue date. Elle se montre engagée dans la résolution de ce crime. Mais tant que nous n'aurons pas le fin mot de cette histoire, je ne peux garantir comment cela va evoluer.

Kupendwa faisait de son mieux pour tenir informé son peuple. En revanche, il communiquait rarement voire jamais avec des Freelanders en dehors d'Ysera. Il ne connait pas réellement l'ambiance qui règne sur Freeland.

-J'ignore comment le vivent les citoyens de Freeland. As-tu des nouvelles de ta famille là-bas ?

Sans grandes surprises, la suite des propos du roi porta essentiellement sur la disparition de l'ancienne cheffe des guerriers. Une réaction qui en disait long sur le caractère soudain et mystérieux du décès de la lionne. Dans ce contexte, Kito comprenait toute l'importance d'une enquête minutieuse. Après avoir régné sur un peuple divisé par la guerre contre les rebelles, Kupendwa était confronté à une crise de nature tout aussi inquiétante pour la sécurité de son peuple.

L'air sérieux, le fils de Moha chercha à savoir si son interlocuteur avait connaissance de la localisation du cadavre. Une question dont la réponse était évidente. Après avoir appris la disparition tragique de la lionne, Kito avait préféré garder le silence sur le sujet en présence de Vilayan. Le félin tacheté avait douté de la capacité de son jeune interlocuteur à répondre à chacune de ses questions, du fait de la charge émotionnelle importante.

D'après Kupendwa, le cadavre avait été découvert sur Freeland. Une information qui rendait toute cette situation encore plus effrayante qu'elle ne l'était déjà. Trouver le cadavre d'une citoyenne pridelander en territoire allié semblait absurde. Pourtant, le lion brun ne plaisantait pas.

Kito ne savait pas quoi dire ou même penser. L'hypothèse d'un assassinat commandité par un freelander haut placé semblait impensable. Pourtant, il était impossible d'écarter une des nombreuses hypothèses envisageables sans preuves solides.

Malgré ces révélations, le semi jangowas reconnu qu'il avait foi en son homologue de Freeland. De toute évidence, cette dernière avait fait preuve de sérieux dans la conduite de l'enquête. Cependant, il était impossible pour lui de savoir comment les choses étaient susceptibles d'évoluer dans les jours et semaines à venir.

De plus, il était incapable de dire comment les freelanders vivaient. Une raison pour laquelle il chercha à savoir si le félin tacheté avait des nouvelles de sa famille là-bas.

- Hélas non, je n'ai aucune nouvelle de ma famille depuis mon départ de Prideland. Je comptais justement me rendre sur Freeland après notre entretien.

Même si Kito aurait préféré revoir Minei et Koliya dans d'autres circonstances, il n'avait pas le choix. Au-delà des retrouvailles, le fils de Sahaas pouvait sûrement aider au maintien d'un dialogue honnête sans attiser les tensions d'ores et déjà existantes.

- Même si l'idée d'une responsabilité de la part de citoyens freelanders me paraît absurde, je pense que maintenir le dialogue dans de telles circonstances ne doit pas être une mince affaire pour vous. Par contre, pour quelqu'un comme moi, les choses seront beaucoup plus simple.

Contrairement à la plupart de ses amis pridelanders, Kito avait un avantage lié à son sang de léopard. Il était libre d'interagir avec un freelander sans évoquer le souvenir d'une quelconque appartenance au clan pridelander.

- Rien ne m'empêche de récupérer quelques informations auprès de ma cousine. Si rien n'a changé depuis mon départ, elle devrait toujours être en charge des troupes sur Freeland. Contrairement à vous, j'ai l'avantage d'avoir une apparence physique qui me donne la marge de manoeuvre nécessaire pour interagir sans évoquer le souvenir d'une appartenance au pridelanders. Cela permettrait le maintien d'un dialogue efficace sur l'enquête en cours sans attiser les tensions. Qu'en pensez-vous ?

Un telle proposition avait l'avantage de décharger le roi d'un poids considérable. Grâce à Kito, Kupendwa aurait des "oreilles" un peu partout sur Prideland et bien au-delà des frontières à travers la terre des lions.

La proposition de Kito paraissait assez alléchante, il fallait le dire. Cependant, cela s'apparentait à de l'espionnage si Ysera n'était pas mise au courant d'un tel lien entre Kito et Kupendwa. Mais risquait-elle de se froisser si Kupendwa l'en informait? C'était délicat, car cela pouvait lui signifier que le roi ne lui faisait que moyennement confiance pour lui glisser un mouchard dans ses rangs, même un mouchard 'honnête' et uniquement connu d'elle. D'un autre côté... Retrouver le corps d'un Pridelander sur leurs terres était un fait grave. Les Freelanders n'étaient pas non plus irréprochables sur la sécurité et surveillance du territoire. Ysera en avait probablement conscience.

-C'est une proposition qui peut s'avérer intéressante, mais elle n'est pas sans risques. Ni pour l'entente des deux royaumes, ni pour Kito lui-même. Il suffisait que quelqu'un remonte le lien entre Kito et Prideland pour potentiellement mettre le roi dans l'embarras. J'en discuterais avec Alaya avant de t'apporter une véritable réponse. Même si l'idée est pavée de bonnes intentions, je n'aimerais pas que cela soit mal interprêté et que l'on vienne à la regretter.

Alaya, en dehors d'être sa reine, sa compagne et mère de ses enfants, était également sa conseillère. Il se rassurait à se faire guider par ses paroles quand la situation le voulait. Ils prendraient certainement la décision ensemble.

-Je souhaiterais que l'on revienne à ton implication dans cette histoire également. Ton dévouement fait honneur à ton ancien clan, c'est indéniable. Cependant, ta cousine a un poste important et les responsabilités qui vont avec, mais il n'en est rien pour toi. Sache que rien ne t'oblige à te mêler à cette affaire plus que nécessaire si tu n'en ressens plus l'envie ou que le danger se rapproche trop de ton entourage.

Kito n'était plus un Pridelander et Kupendwa n'avait plus l'autorité sur lui depuis bien longtemps. Il ne souhaitait pas lui forcer la patte et que le léopard finisse par se sentir obligé d'endosser un rôle.

-Peut-être que les responsables ont, eux aussi, des oreilles partout. Je te recommande une certaine prudence dans tes gestes et paroles lors de tes prochaines visites sur Freeland.

Peut-être Kuvira se pensait-elle en sécurité lorsqu'elle a été attaquée. Etait-t-elle seulement avec des gens de confiance ? Des gens qu'elle pensait être ses alliées ? Cela ne servait à rien pour Kupendwa de continuer à se tordre les méninges, mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Si elle n'avait pas été assez prudente alors il préférait, sur le moment, mettre millle fois trop Kito en garde. Il était déjà passé pour un paranoiaque dans le passé au yeux de certains, ce n'était pas une nouveauté.

L'idée consistant à se servir de Kito comme un lien nécessaire à la transmission d'informations importantes était très intéressante. Au-delà de cet objectif visant à en savoir beaucoup plus sur l'identité potentielle du meurtrier de Kuvira, avoir des oreilles un peu partout sur la terre des lions restait aussi d'une importance capitale pour Kupendwa.

Dans l'hypothèse où Kuvira avait été tuée dans le cadre d'un plan visant à éliminer toutes les personnalités importantes du royaume, Kupendwa et sa famille n'étaient bien évidemment pas à l'abri d'une nouvelle attaque.

Cependant, travailler en tant qu'espion n'était pas sans danger pour Kito non plus. Malgré son sang de léopard, le responsable de la mort de l'ancienne cheffe des guerriers avait sûrement ses propres sources d'informations à travers la savane. Par conséquent, le fils de Sahaas devait bien évidemment faire preuve de discrétion et de prudence. Ces espions pouvaient être des léopards, guépards ou toute sorte de créatures volantes. Avec tout ça, les terres de Prideland et Freeland n'étaient plus aussi sûres qu'avant.

Pourtant, le félin tacheté ne craignait rien. Ses liens de famille avec Koliya lui conférait un avantage sur n'importe quel autre espion. Le fils de Moha avait tout intérêt à accepter la proposition de son jeune parent.

- Merci infiniment sire. J'apprécie votre inquiétude quant à ma sécurité. Votre position sur le sujet est tout à fait compréhensible.

Même si Kito ne ressentait plus le besoin de travailler pour Kupendwa, le scénario de trajets réguliers entre Prideland et Freeland était inévitable. Entre les retrouvailles et le besoin de renouer les liens avec sa famille des deux côtés de la frontière, rien ni personne ne pourrait l'arrêter dans ses déplacements.

- Mais comme vous le savez, j'ai une dette envers ces terres et le peuple qui m'a vu naître et grandir. C'est justement la raison pour laquelle je souhaite m'impliquer dans cette affaire malgré les risques associés.

Koliya n'avait pas besoin de connaître le contexte d'engagement au service de Kupendwa. Pour mener l'enquête sans éveiller les soupçons, Kito pouvait se contenter de simples questions.

- Il est fort probable que je sois amené à faire des trajets entre Prideland et Freeland de toute façon. Alors si ces trajets peuvent être utiles à la sécurité et la stabilité du royaume, je serai ravi d'ajouter ma pierre à l'édifice.

C'était à prendre ou à laisser. Pour une enquête aussi complexe que celle-là, le semi jangowas aurait forcément besoin d'un espion libre de se déplacer un peu partout sur la terre des lions.

- Entendu. Tu auras de nos nouvelles sous peu dans ce cas.

Il se demandait ce qu'allait en penser Alaya. N'y aurait-il que lui qui verrait le côté risqué de la chose ? Il savait que son avis ferait pencher la balance. Mais pour l'heure, il était temps que cette discussion se termine. Pas que Kupendwa voulait mettre Kito à la porte, mais il gardait toujours un planning particulièrement chargé.

-J'aimerais beaucoup continuer mais je crains de ne pas avoir d'avantage de temps à t'accorder aujourd'hui, malheureusement. J'ai d'autres entrevues à avoir avec mes sujets quelque peu inquiets de la situation.

Depuis le début de l'entrevue, Kupendwa afficha son premier minuscule sourire. Sincère. Il était réellement heureux du retour du léopard. C'est l'un des petits evènements qui tissait un petit rayon de soleil dans ces moments sombres.

-Je serais ravi de t'accorder plus de temps une prochaine fois, de manière moins... officielle ? Et par là il voudrait plutôt dire comme membre de la famille plutôt que roi. Pas au rocher, à l'endroit prévu pour les audiences. Peut-être pourras-tu me parler de ton long voyage passé. Mon fils et mes filles sont bien curieux de l'extérieur, je te les présenterais à l'occasion.

Au fil de la conservation, Kito avait fini par se rendre compte que l'essentiel avait été dit. À partir du moment où la mise en garde du roi était prise en compte, il ne voyait aucun élément pertinent à ajouter. Il ne restait plus qu'à attendre l'avis du fils de Moha après une consultation auprès de sa compagne.

Malgré le caractère assez complexe de la situation, Kito n'avait aucune inquiétude quant à la perspective de réalisation de missions d'espionnage. En réalité, il avait beaucoup de mal à voir le monarque refuser sa proposition. Grâce à lui, ce dernier aurait tout naturellement des oreilles un peu partout sur l'ensemble du territoire de Prideland et au-delà.

D'une certaine manière, le simple fait de s'informer sans obliger le roi à se déplacer loin du rocher, était aussi essentiel à la garantie de sa propre sécurité et celle de sa famille. Compte tenu du statut de Kuvira, tout portait à croire que l'assassin cherchait à déstabiliser le royaume en brisant le moral de son peuple. Dans ce contexte, il était tout à fait possible de voir le couple royal et leurs enfants comme des cibles potentielles.

Sourire aux babines, Kupendwa révéla qu'il serait ravi d'accorder à son interlocuteur un peu plus de temps. Mais cette fois, il n'était pas question d'un scénario de rencontre entre un roi et un de ses sujets. Le fils de Moha voulait voir son jeune parent lui raconter ce qu'il avait vécu pendant son voyage. Un récit susceptible de plaire à ses enfants.

- Ce serait avec plaisir majesté !

Satisfait de l'issue de cet entretien, Kito pris le temps de s'incliner en guise de salutation, avant de prendre congé du monarque. Malgré l'absence d'une décision finale sur son statut chez les pridelanders, Kito avait d'ores et déjà une idée de ce qui l'attendait. La situation était beaucoup trop grave pour ignorer sa proposition.