Cela faisait maintenant plusieurs mois que Junun avait quitté ses terres natales. Ce départ n'avait rien d'anodin, puisqu'il s'agissait d'un voyage initiatique avec pour objectif principal la chose suivante : Trouver sa voie. Savoir comment vivre et servir son clan sans remises en question troublantes. Pendant plusieurs années, ce dernier avait chercher à trouver sa place, en vain.

Le voyage initiatique, était un moyen de mettre les choses au clair sur ce point. En voyageant, Junun espérait trouver la place qui était la sienne sur Freeland ou peut-être même au-delà. Une deuxième hypothèse qui ne plaisait pas à vraiment à Koliya pour deux raisons.

La première, reposait essentiellement sur le fait qu'au fil du temps, Junun avait réussi à développer des compétence très intéressantes, capables de faire de lui un excellent à bras droit. À défaut de jouer le rôle d'un successeur potentiel, la féline tachetée savait pertinemment qu'elle pouvait compter sur lui sur des questions pratiques portants sur les troupes freelanders.

La deuxième quant à elle, portait sur un simple sentiment de solitude. Depuis le départ de son subordonné et ami, Koliya avait tenté de se focaliser sur l'exercice de ses fonctions, en essayant de se rendre utile du mieux qu'elle pouvait, au point d'accepter l'idée de ne pas accompagner sa reine et amie d'enfance sur Prideland.

Pourtant, les faits étaient là. La féline tachetée ne pouvait nier le fait que Junun ne quittait plus ses pensées. Au fond d'elle, l'idée d'un voyage initiatique la frustrait, dans la mesure où sa compagnie lui faisait du bien. Comme si ce dernier avait fini par devenir quelqu'un d'un peu plus important qu'un simple ami. Il était devenu une sorte "d'allié" spécial. Koliya était incapable de trouver le mot juste.

Après quelques échanges avec les proches de la famille royale, la femelle hybride quitta le rocher, afin de profiter d'une petite balade en solitaire dans la savane. Un vaste espace magnifique qui faisait la fierté des habitants de Prideland.

Sourire aux babines, la cheffe des guerriers s'arrêta pendant instant, fascinée par le paysage. Même si rien ne pouvait battre les vastes terres de Freeland, Koliya ne pouvait nier la beauté du royaume sur lequel son ancêtre Kuzali avait régnée au côté du roi Kumpa.

Soudain, à sa grande surprise, le lion auquel elle avait pensé depuis plusieurs mois, se trouvait à quelques mètres de lui. Comment était-ce possible ?

- Junun ! Quelle bonne surprise ! Comment vas-tu ?

La féline tachetée avait encore beaucoup de mal à y croire. Tout portait à croire que les quelques minutes de contemplation avaient suffis à la distraire, au point de baisser sa garde complètement.

Junun n'en revenait pas. Deux lunes auparavant, un jeune lion était arrivé avec le corps de sa mère et d'Arvea, dans un état qu'il ne pourrait jamais oublié. Il avait presque perdu sa mère, Wahrada. Il avait insisté pour aider la guérisseuse Isha dans les traitements à appliquer pour sauver les deux félines. Elles avaient survécu, Junun avait enfin pu étreindre sa mère de toutes ses forces. Avec de la réflexion, il avait fini par comprendre quelle voie son cœur avait choisi.

Arvea et lui s'étaient rapprochés, devenant de très bons amis. Rien de plus. Mais rien de moins. Ils rejoindraient Freeland, c'était certain. Restait à savoir quand, il était clair que son amie et sa mère avaient besoin de repos. Wahrada avait fini par s'enticher d'un lion, qui s'avérait être son ami d'enfance. Rafiq faisait finalement partie intégrante de sa famille recomposée. Voir sa mère aussi apaisée embaumait son cœur, Junun ne se souvenait pas d'un monde aussi doux.

Il apprenait à présent l'art de la guérison, sous la supervision d'Isha et de Gio, un ami d'Arvea qui n'était autre qu'un calao. Il était actuellement en train d'étudier les remèdes permettant d'apaiser les maux de gorge, Isha lui avait confié la lourde tâche de trouver de l'hibiscus sabdariffa. Autant vous dire que Junun avait dû scruter la plante de près pour être certain de s'en rappeler. Bien que produite en grand nombre près de la Colline du Peponi, Isha jugeait que les plants étaient de meilleure qualité dans la Savane, car plus rares.

Ce jour-là, il avait observé un plant viable près d'un jeune arbre, il lui tardait de le présenter à Isha; nul doute qu'elle serait fière de ses progrès. Junun venait seulement de s'approcher de la zone où se trouvait le précieux remède quand une voix le fit sursauter. Il se retourna d'un bond, ahuri, déboussolé. Son cœur battait fort, d'un rythme assommant, conquérant, son corps sembla pris d'un souffle chaud, doux et brûlant.

- Koliya ?! Qu'est-ce...

Ses grands yeux trahissaient son bonheur gigantesque. Un sourire d'une délicatesse rare se peignit sur son visage quand il réagit enfin :

- Par les Esprits, je suis si heureux de te voir ! Je ne m'attendais tellement pas à te voir, ici, maintenant ! Je... Je vais bien ! Et toi... Comment te portes-tu ? Tu accompagnes sa Majesté dans sa visite ?



Il avait sans le vouloir accentuer sa voix sur le "toi", qu'importait, il était véritablement content de la voir ici ! Il avait imaginé leurs retrouvailles, tout en se l'interdisant. Il s'était toujours dit que la revoir n'était pas possible, mais à présent, il la voyait, face à lui ! Elle était là. Elle n'avait pas changé. Et en même temps si. Il avait l'impression qu'elle aussi avait vécu beaucoup de changements, sans qu'ils ne l'aient totalement altérée.

Peu de temps après ses salutations, Koliya fut très surprise de constater que son interlocuteur semblait aussi surprise qu'elle. Une situation assez incroyable, dans la mesure où elle ne l'avait même pas entendue venir. Sur cette base, elle s'était demandé si Junun ne s'était pas simplement approché en toute discrétion à dessein.

Pourtant, tout portait à croire qu'il circulait dans la savane, sans prêter attention à la présence de son supérieur. Comme quoi, la femelle hybride n'était pas la seule à se déconnecter du monde qui l'entourait aussi facilement.

- Et bien écoute, je vais très bien merci ! Je t'avoue que je ne m'attendais pas à te revoir ici non plus ! Je me doutais bien que tu avais l'intention de passer par Prideland mais, rien ne dit que tu aurais été encore là à mon arrivée ah ! ah !

C'était un fait. Si l'on ajoutait à ça le caractère très vaste de la terre des lions, la probabilité de tomber sur la bonne personne au bon endroit et au bon moment, était très faible.

- Je suis effectivement ici dans le cadre d'une visite officielle de Ysera au rocher. Et toi ? Comment les choses avancent ? As-tu trouvé des réponses à tes questions ?

Les questions étaient nombreuses. Ainsi, après plusieurs mois d'absence, Koliya espérait au moins entendre une ou deux réponses claires sur le futur de Junun.

En effet, Koliya était sur Prideland grâce à la venue de sa Majesté. Bien que Junun aurait dû s'en douter, Koliya étant tout de même la Cheffe des Guerriers, sa présence lui avait fait l'effet d'une bombe. Elle était là, devant lui !


- Ah ! Euh, oui ! Je t'avouerai que je n'étais pas sûr de rester non plus, au début, haha !


C'était vrai, sans sa rencontre avec Alaya, sa vie aurait sans doute prit un courant plus dramatique. Il était et serait toujours reconnaissant envers la famille royale de Prideland, qui avait changé le cours de son existence.

- Oui, oui, ça va mieux. J'avoue que ça n'a pas été simple. Je suis passé par beaucoup de phases étranges, que je ne pensais pas vivre un jour. Et, j'ai trouvé des réponses, grâce à toi...

Ses joues chauffaient sous sa fourrure, il ne voulait pas vraiment le dire comme ça... C'était peut-être un peu direct comme approche, mais il ne se voyait pas le dire autrement. C'était un fait... Elle l'avait aidé, était le déclencheur de tout ça. La question mais aussi la réponse. Il avait l'espace d'un instant totalement oublié ses plantes, les expériences qui l'avaient poussé à changer de manière aussi drastique. Seuls les battements de son cœur lui rappelaient sans cesse d'où il venait, qui l'avait changé.

- Ah et... Ma mère Wahrada et Arvea sont ici aussi, elles sont parties très vite à ma recherche, après. Autant te dire que les retrouvailles n'ont pas été simples... Mais ça va mieux, maintenant, tout a changé.


Grâce à toi, toi, toi.

Le visage lumineux, Junun confirma les dires de sa supérieure et amie. Pour lui, l'idée d'un potentiel scénario de retour sur Freeland semblait flou. Son départ était d'une certaine façon un moyen pour lui de s'affirmer et trouver sa voie. Une voie qui laissait penser à plusieurs scénarios possibles et imaginables.

Dans sa crainte de ne plus revoir Junun, Koliya avait même envisagé le pire, à savoir, une situation dans laquelle le lion brun quittait la terre des lions pour toujours. Un cas de figure qui, de toute évidence, semblait inenvisageable.

Au-delà de ce choix de rester dans les parages, la femelle tachetée fut très heureuse d'apprendre que son interlocuteur, avait réussi à trouver quelques réponses à ses questions. Même si d'après lui, les choses n'avaient pas été aussi simple, le fait d'y voir un peu plus clair sur son avenir était déjà une très bonne chose.

Junun termina en précisant que sa famille se portait bien. Une très bonne conclusion pour laquelle, Koliya ne pouvait être que contente.

Silencieuse, la descendante de Kuzali fixa son congénère pendant un court instant, avant de sursauter en repensant à une phrase de son interlocuteur : *"Et j'ai trouvé des réponses, grâce à toi"*. Sur le coup, la cheffe des guerriers freelanders se rendit compte que Junun ne s'était pas penché sur ces fameuses "réponses" en détail.

Embarrassée, la femelle hybride détourna le regard en se grattant la tête :

-Ah...Euh...Et bien...Merci...Je n'ai pas fais grand chose tu sais. Je t'ai simplement écouté, compte tenu de ce qui te tracassais...Et puis...Te retenir sur Freeland aurait été égoïste de ma part.

Koliya n'était plus cette guerrière calme et sérieuse à l'excès. En présence de Junun, elle avait la sensation d'être plus libre dans ce quelle ressentait. Même en présence de sa reine et amie d'enfance, la féline tachetée avait toujours fait en sorte de rester dans une approche où certaines émotions n'avaient pas leurs places.

Junun observait attentivement Koliya, elle était calme, il lui semblait pourtant que quelque chose, quelque chose d'imperceptible, avait changé. Il y voyait la même expression, mais son ton de voix était plus doux, et ses phrases également. Comme des caresses, ses mots l'enveloppaient pour le rassurer.

- Me retenir...? Tu... Oh euh, tu sais... D'une certaine manière, tu m'as retenu. Haha... Euh... Donc...

Restait donc à annoncer son choix à sa cheffe, la tâche était terriblement lourde. Qui aurait cru que de si petits mots pouvaient l'oppresser autant ? Pas lui en tout cas. Ses yeux jaunes étaient coincés sur elle, refusant de la quitter. Alors qu'il s'apprêtait à annoncer son choix, il se sentit faiblir.

- Oh... Je... Je devrais tout te dire... J'ai bien trouvé ma voie, je rentrerai sur Freeland avec le convoi... Mais... Pour te dire ce qu'est cette voie... Je... J'y arrive pas.

Son coeur était lourd, il craignait que sa décision change tout entre eux, chose qu'il ne voulait absolument pas. Il voulait rester son ami... Son corps se raidit. Non. Non, il ne voulait pas être son ami. Il avait laissé Aniu partir, et ne l'avait plus revu.

- Je n'arrive pas à parler... Pas quand je crains que tu n'approuves pas. J'ai tant à dire... Mais... Euh...


Ses yeux jaunes brillaient de milles éclats, d'appréhension et d'insistance, d'amour et de tristesse. Il ne voulait pas la décevoir, elle, plus que quiconque. Si à présent il était convaincu d'être amoureux de Koliya, l'admettre, le penser, le vivre... La voir. Un chamboulement sans comparaison s'accaparait le cerveau du lion. Face au silence de celle qu'il aimait, il se sentit pris d'un élan de courage :

- Je... Je suis entraîné par Isha et d'autres animaux pour être guérisseur. Je n'y pensais pas avant... Ca s'est imposé à moi... Je sais que je ne serai plus sous tes ordres. Mais ma loyauté à notre reine est intacte, et... Ce que j'éprouve pour toi ne change aucunement. Tu as ma fidélité et mon alignement se calque sur le tien. Je... Voilà...

Et il s'assit, son thorax se soulevait et s'affaissait à un rythme discontinu, c'était ainsi. Soit elle le rejetterait, soit...?

En voyant la réaction de Junun, Koliya se sentait soudainement moins seule dans cette situation si particulière. Depuis sa nomination en tant que cheffe des guerriers, la léopon s'était contenté de vivre en essayant de dissimuler ses émotions du mieux qu'elle pouvait. Pourtant, malgré les efforts accomplis jusque-là, il existait des situations dans lesquelles, la femelle tachetée ne pouvait rien faire. Surtout lorsqu'il s'agissait des échanges avec Junun depuis quelques mois.

Attentive, la descendante de Kuzali reporta toute son attention sur son interlocuteur qui, de toute évidence, avait été retenue sur Freeland par elle d'une certaine façon. Un premier point assez embarrassant, compte tenu de la place importante que Junun occupait dans le cœur de Koliya depuis un certain temps.

Le lion brun enchaîna sur ce que le voyage initiatique lui avait fait comprendre quant à son avenir. Difficilement, ce dernier avoua qu'il avait beaucoup de mal à parler, avant de finalement se lancer. Après plusieurs mois d'abscence au-delà des frontières de Freeland, Junun avait développé une vocation pour le rôle de guérisseur.

Autrefois, la femelle hybride aurait considéré ce choix comme une véritable trahison. Néanmoins, à force d'envisager le pire, cette dernière avait fini par se faire à l'idée que le choix de Junun pour la seconder, n'était peut-être pas le bon.

Presque instantanément, la féline aux yeux d'or laissa échapper un long soupir de soulagement. À partir du moment où Junun revenait sur Freeland, c'était tout ce qui comptait.

-Je suis très heureuse de l'apprendre Junun. Avant ton départ, tu semblais complètement...Déboussolé. Maintenant, je constate avec soulagement que ce voyage initiatique a été très positif. Je peux le constater dans ta façon de parler.

Au-delà des hésitations récurrentes dans ses phrases, l'évocation de ce rôle de guérisseur avait été réalisé avec une certaine forme d'assurance. Une assurance courte certes, mais évidente.

Timidement, la cheffe des guerriers freelanders commença à réduire la distance qui la séparait de son interlocuteur, avant d'enfouir sa tête dans la crinière de ce dernier.

-J'ai hâte de te revoir parmi nous. Tu...Tu m'as beaucoup manqué tu sais ? Au départ, je te voyais comme une sorte de bras-droit potentiel auprès des guerriers. Cependant, ce voyage initiatique a permis de nouvelles rencontres et aussi, l'ouverture d'une porte vers une voie complètement différente.

Koliya préférait être honnête sur ce point. Même si cette information ne s'apparentait pas à un sermon, le simple fait d'exposer sa vision des choses lui faisait du bien.

Les surprises s'accumulaient. Le lion voyait son angoisse se muer en un océan de joie, comme si le soleil illuminait plus ardemment cette partie précise du territoire de Prideland. Son souffle se coupa lorsque la léopon lui répondit, plus douce qu'il n'aurait pu l'imaginer. Ces mots étaient basés sur des observations claires, pourtant, il ne pouvait arrêter d'y trouver un sens plus profond; aussi profond que celui qu'Elle donnait à sa vie.

La suite parut aussi inattendue qu'un cadeau des Grands Esprits, Koliya s'était rapprochée de lui, se collant à sa crinière. Elle n'avait jamais été aussi proche de lui, jamais. En l'entendant parler, il se sentit coupable, il ne s'était jamais douté qu'elle l'estimait autant. Seul un ronronnement coincé dans sa gorge parvint à quitter sa gueule :

- K-Koliya...

Ses émotions prenaient le dessus, pour un peu, il en aurait pleuré. La situation ne lui permit pas, il ne voulait pas pleurer, pas maintenant, plus jamais. Il voulait rire et la voir sourire. Elle plus que n'importe qui était désormais la personnification de son bonheur. Un parfait rayon de soleil, orné de taches. Il profita de cette étreinte, un temps, avant de se reculer, confus :

- Koliya ! Il faut que je te dise... Quelque chose... Tu...

Il se coupa, repensant à son voyage. Les fois où il avait manqué de mourir, où plus rien ne parvenait à le guider, à l'exception de son souvenir. L'hypothèse de la revoir fière de lui, l'avait gardé en vie.

- Tu es celle qui m'a gardé en vie.

Petit à petit, Koliya avait l'impression que le temps s'était arrêté. Cette proximité si soudaine avec Junun, était vécue comme un moment particulièrement long et agréable. Une situation, qui semblait s'inscrire dans un contexte où la féline tachetée avait perdue toute notion de temps. La question qui se posait maintenant, était de savoir combien de temps la femelle hybride comptait maintenir cette position. Une interrogation pour laquelle, cette dernière ne préférait pas réfléchir en profondeur. Elle pouvait rester proche de Junun encore des heures si le déroulé du programme ne tenait qu'à elle.

Surpris, Junun laissa échapper un ronronnement affectueux, avant de s'écarter de quelques centimètres. Hésitant, le mâle brun révéla qu'il avait quelque chose d'important à dire à sa supérieure et amie. Chose pour laquelle, Koliya resta silencieuse. Compte tenu du caractère visiblement sérieux de l'annonce à venir, cette dernière ferait tout pour ne rien manquer de ce que Junun avait à partagé.

Après quelques secondes d'attente, le futur guérisseur avoua que son interlocutrice était celle qui l'avait gardé en vie. Une révélation forte et surprenante à la fois. Sur le coup, Koliya garda les yeux grand ouvert, avant de reprendre la parole en s'emmelant les pinceaux.

- Ndenge nini? Olobi nini?...(1)

Malgré la rareté du phénomène, il lui arrivait de se perdre dans ses langues d'usage. Une situation embarrassante ou comique. Tout n'était qu'une simple question de point de vue.

-Drat! Pardon...Excuse-moi. Je suis juste...Très très heureuse de l'apprendre ! C'est tellement extraordinaire que je n'ai pas d'autres mots pour d'écrire mon ressenti sur la question !

Désireuse d'éviter une aggravation de la situation, Koliya préféra repartir sur le cœur de son interrogation initiale d'une manière claire et concise.

-Si je puis me permettre...Dans quel sens ?

Être plus explicite dans ce genre de situation pouvait paraître compliqué. Pourtant, la femelle hybride ressentait le besoin d'en savoir plus. Elle avait besoin de savoir comment de simple mots, avaient réussi à relever la tête d'une créature probablement découragée et à bout de force.

(1):

Elle était là, la fameuse question. Dans quel sens l'avait-elle gardé en vie ? Ces questions ne trouvaient réelles réponses que dans son coeur qui rugissait son amour grandissant à chaque seconde. Mais, la situation, ces retrouvailles... Permettaient-elles à Junun de se libérer aussi vite ? Il n'en était pas sûr. Elle n'éprouvait peut-être pas la même chose, même s'il avait presque l'impression que c'était le cas. Ses yeux jaunes se fermant, il soupira :

- Dans quel sens...

Il rouvrit les yeux, ils étaient humides, ses pattes tremblaient. Quand il y repensait, la première vraie conversation qu'il avait eu s'était déroulée à ses côtés. A présent, il en était certain, ses sentiments dépassaient tout ce qu'il avait pu ressentir auparavant, parce qu'il l'aimait.

- C'est compliqué à décrire. J'ai manqué de mourir plusieurs fois dans cette expérience. Sans les Souverains de Prideland, je n'aurais pas pu me remettre à temps... Qu'importe. Même dans la mort, ton souvenir m'a hanté, comme un rugissement lointain, qui... Me disait de revenir. Parce que je te suis loyal. Et... Mon coeur l'est aussi. Parce que ce voyage m'a fait comprendre que... Que je suis amoureux de toi, Koliya.


Il grimaça avant de cracher ces mots péniblement. Il devait le dire, pourtant, il ne pouvait s'empêcher d'avoir peur de la réponse de la léopon :

- J-Je comprendrais largement si ce n'était pas réciproque, je n'attends rien, seulement... Il fallait que je le dise. Pour ne pas avoir de regrets.

Le regard fixé sur son interlocuteur, Koliya garda le silence. Elle attendait avec impatience la réponse de ce dernier. Ses propos semblaient s'apparenter à une sorte de révélation dont le sens semblait trouble. Elle était incapable de dire s'il s'agissait d'une déclaration de loyauté renforcée envers elle, malgré son choix de devenir guérisseur.

Des propos qui pourraient très facilement se comprendre comme un moyen de rassurer. Même si le plus gros de cette sensation de frustration avait disparu, Junun voulait sûrement faire comprendre que sa proximité avec elle ne changerait pas.

Hésitant, le mâle brun avoua que le sens de ses propos était difficile à décrire. Pourtant, malgré la complexité du sujet en lui-même, il développa le sens de ses dernières révélations en expliquant qu'il était loyal envers sa supérieure. Aussi bien dans sa tête que dans son coeur. Une deuxième élément pour lequel, Koliya resta sans voix.

Junun venait de lui déclarer sa flamme. La descendante de Kuzali avait encore beaucoup de mal à y croire. Pourtant, tout ce qu'elle venait d'entendre faisait bel et bien partie de la réalité.

Perdue, la femelle hybride laissa son regard parcourir la savane pendant un court instant, avant de se ressaisir sans réussir à caché sa joie pour autant.

-Junun. Je suis très touchée par ses paroles. Depuis quelques temps, j'ai vécu avec le souvenir d'un lion qui n'a jamais quitté mes pensées. Ce lion...C'était toi. Lorsque tu as partagé tes soucis pour la première fois, j'ai fais de mon mieux pour t'écouter et t'aider selon ce que je pouvais te conseiller à l'époque. À ton départ, je m'en voulais...Je m'en voulais dans la mesure où j'avais la sensation de ne pas avoir fait assez.

Koliya inspira profondément, avant de poursuivre en disant :

-Mis à part ces sensations de tristesse et solitude sans toi dans les parages...Je...Je me disais que j'aurai toujours pu faire mieux pour te préparer au voyage. Au final, je constate avec joie que ce voyage a porté ses fruits. Les réponses obtenues au court de ce voyage, ont montré que j'étais plus qu'une simple guerrière pour toi...Merci...

Avec Junun, la féline aux yeux d'or avait l'impression d'être vue sous un angle qui ne la réduisait pas qu'à son simple statut de guerrière. Sans le savoir, elle avait réussie à suivre le conseil de Ysera à plusieurs reprises : Se détendre et penser à autre chose que son rôle au sein du groupe de temps en temps. Seulement, ce cas de figure ne s'était manifesté qu'en présence de Junun.

Junun sentait un poids s'enlever de son poitrail. Koliya lui parlait d'une voix si douce et ses paroles étaient si réconfortantes... Il ne l'avait jamais entendu avec un ton pareil. Il sourit doucement, il n'avait pas imaginé qu'elle aurait pu un jour ressentir quelque chose comme ça... Pour lui ?

- Je suis tellement heureux de te revoir, si tu savais...

Son regard brillait comme jamais auparavant, il était si heureux ! Il lui sembla un instant qu'il pouvait déplacer des montagnes, là, tout de suite, si elle lui demandait.

- Tu es bien plus qu'une simple guerrière, Koliya. Tu es plus, beaucoup, beaucoup plus.

Il laissa échapper un long soupir plein de tendresse, totalement envoûté par ce qu'il ressentait. Il aurait voulu se rapprocher d'elle, lui donner un coup de museau, avoir un contact physique plus prononcé, mais ne s'en sentait pas prêt. Il avait l'impression d'être dans un rêve et avait peur de se réveiller.

- Et... Et du coup, le retour sur Freeland est pour bientôt... ?

Il essayait de changer de sujet, pour qu'ils puissent se remettre de leurs émotions, après quoi, il lui annoncerait qu'il rentrerait avec elle.

Au fil de la discussion, Koliya avait fini par comprendre que ses sentiments étaient bien réciproques. Après plusieurs mois de silence sur la question, la descendante de Kuzali en était certaine. Junun était le seul lion pour lequel elle était prête à tout. Par sa loyauté et sa douceur, le lion brun avait pris une place importante dans le cœur de sa supérieure hiérarchique.

Maintenant, il ne restait plus qu'à annoncer la nouvelle à l'oncle Minei. Chose pour laquelle, la cheffe des guerriers freelanders était confiante. Le connaissant, le vieil hybride serait incapable de s'opposer à cette relation.

Désireux d'en savoir un peu plus sur la suite du programme de la reine, Junun chercha à connaître le timing précis de retour sur Freeland. Une question banale qui pourtant, n'était pas si simple que ça. Tout dépendait de l'avancement des échanges avec son homologue.

- Et bien pour honnête avec toi, c'est difficile à dire. Tout dépendra des échanges entre Ysera et Kupendwa. Mais je pense que nous repartirons sûrement demain dans l'après midi. Je ne vois pas pourquoi notre reine accepterai de passer deux nuits ici.

La compagnie de Kupendwa et sa reine, n'avait rien de fondamentalement déplaisant. Néanmoins, en tant que reine, Ysera ne pouvait se permettre d'étendre son séjour hors de Freeland d'avantage. Il était impératif pour elle de revenir auprès des siens, afin de les informer de la situation actuelle entre les deux clans.

- Si tu veux...Je pourrais t'en dire un peu plus ce soir...Si tu es toujours dans les parages bien sûr. Ysera me fera un briefing de ses échanges. Rien ne m'empêche de l'interroger sur notre programme de trajet à cette occasion. Qu'en penses-tu ?

Cette idée n'avait rien d'extraordinaire. Tout n'était qu'une simple question de transmission des informations au bon endroit et au bon moment. La question qui se posait maintenant, était de savoir ce que le lion brun comptait faire. Peut-être que ce dernier avait déjà un programme de retour bien ficelé.

Koliya expliqua alors à Junun que le départ de Prideland n'était pas encore totalement fixé. Chose compréhensible en soit, les affaires politiques ne se faisaient pas aussi aisément qu'une partie de chasse !

- Oui, je vois.

Junun se demandait comment il allait annoncer tout ça à Isha, sa mère, et Arvea. Il s'imaginait bien que sa mère allait rester sur Prideland, mais il n'avait pas de réponse pour la situation d'Arvea. Elle saurait prendre la bonne décision, mais il ne pouvait s'empêcher de se demander quelle serait cette "décision". Lorsque Koliya lui proposa de se croiser après leur rencontre, il acquiesça immédiatement :

- Oui, je serai ravi de te voir, si tu... Si tu trouves le temps ! En plus, vu que je vais rentrer avec vous, il vaut mieux que je sache pour quand est le départ !

Ses yeux brillaient mais il ne pouvait s'empêcher d'être intimidé. Il était amoureux mais ne savait pas comment faire, comment agir. Devait-il lui demander quelque chose ? Comme...?

- Par rapport à ce qui a été dit, tout à l'heure... Je...

Il prit une grande inspiration.

- Je ne sais pas trop comment prononcer ça. Je ne suis pas assez expérimenté en amour pour te faire une déclaration stupéfiante, dont tu te souviendras toute ta vie. Mais je sais ce que je ressens. Je sais ce qui m'a fait vivre, survivre, ce qui m'a animé ces derniers mois. Tu m'animes, me change. Je... Je voudrais te demander... Si tu voulais... Bien... Me laisser une chance. Une chance de te rendre heureuse, de faire ce chemin à tes côtés, envers et contre tout. Parce que tu es tout sauf une simple guerrière, tu es la féline que j'aime.

Junun était parfaitement conscient du caractère imprévisible du programme à venir. Même si Ysera n'avait clairement pas vocation à s'éterniser sur Prideland en compagnie de son homologue, Koliya ne pouvait nier l'existence de problématiques assez importantes pour retenir l'attention de sa monarque.

Ainsi, même si cette dernière le voulait, il était impossible pour elle de donner une réponse précise quant au départ pour Freeland.

Désireux de ne rien rater sur la suite des évènements, le lion brun accepta la proposition de sa supérieure et amie. Dans l'hypothèse où cette dernière avait un peu de temps, il n'était pas contre une petite mise à jour sur les plans de Ysera.

Satisfaite, la féline tachetée laissa échapper un long soupir de soulagement, avant de reporter toute son attention sur son interlocuteur. Elle n'eut pas besoin de réfléchir très longtemps avant de se rendre compte que le futur guérisseur avait quelque chose à dire. Une hypothèse confirmée par une grande inspiration.

En entendant les deux premières phrases, la descendante de Kuzali se contenta d'un simple hochement de tête, avant de s'immobiliser complètement. La suite de ses propos n'avait rien d'une simple suite de phrases assez banales.

Même si Junun s'était consacré à la délivrance d'un long discours avec courage, son message pouvait se résumer qu'à un simple constat : Il l'aimait.

L'apprenti guérisseur exprimait simplement le désir de devenir son compagnon, malgré ses faiblesses et son manque de connaissance sur tout ce qui concernait l'amour de manière générale. Un point qui, paradoxalement, était plutôt rassurant dans la mesure où Koliya ne s'y connaissait pas trop non plus.

Pendant plusieurs mois et années, Koliya s'était rendue compte que le simple fait de passer du temps en compagnie de Junun lui faisait du bien. Cependant, elle était incapable de décrire cette sensation agréable. Peut-être que tout ceci, n'était rien de plus que "l'amour". Un concept dont elle avait entendu parlé auprès de sa mère, Adva et Ysera, sans manifester un intérêt particulier.

Sourire aux babines, Koliya se rapprocha de quelques centimètres, avant de poser sa patte sur une des pattes antérieures de son interlocuteur.

- Ta déclaration était parfaite Junun, ne t'inquiète pas. Elle sonnait comme une douce mélodie que je n'oublierai jamais. Je n'oublierai jamais les mots du seul et unique lion, capable de me voir sous un autre angle que celui de la "guerrière".

Junun et Koliya s'étaient bien trouvés, dans la mesure où l'amour, n'avait rien d'un concept acquis.

-Pendant des mois...Je dirai même des années, j'étais incapable d'expliquer l'origine de ce sentiment de bien-être à tes côtés. Le simple fait de passer du temps avec toi me faisait du bien. Et aujourd'hui...Je pense avoir trouvé cette origine si mystérieuse : l'amour.

Après avoir dit l'essentiel, il était impératif pour Koliya de rassurer son prince charmant.

- Tu disais que tu n'avais pas d'expérience dans le domaine. Permets-moi de te rassurer : Moi non plus. Mais...Je suis sûre qu'à deux, nous serons capable de faire des progrès. Tu ne crois pas ?

La réponse était évidente. Pourtant, Koliya ressentait le besoin d'entendre une confirmation de la part de celui qui était officiellement devenu son compagnon.

Une fois la confirmation donnée, la femelle hybride devrait réfléchir à la façon dont elle allait expliquer la situation à son vieil oncle. Même si elle ne doutait pas une seule seconde de son approbation, la forme avait une importance.

Junun avait l'impression d'être sur un nuage, il se sentait si haut, plus haut que jamais. Il sourit à sa compagne et fit un pas vers elle :

- Je pense que nous ferions une très bonne équipe. Un très beau couple.

Le lion brun voulait étreindre Koliya, ronronner contre elle et ne plus jamais être séparée d'elle. Mais il était trop timide pour être physiquement proche d'elle. Il ne voulait pas la brusquer; il voulait tout ce qui y avait de plus beau pour elle, voulait être le lion qu'elle choisirait envers et contre tout.

- En tout cas je nous vois comme tel.

N'y tenant plus, il lui donna un coup de museau, sentit son parfum et ronronna. Après quoi, il recula, les yeux pétillants d'amour et un sourire malicieux sur le visage :

- Je vais devoir y aller, mais nous nous voyons ce soir, donc ? Pour repartir à Freeland, ensemble ?

Junun ne pu que confirmer les dires de la léopon. Après tout, à partir du moment où les sentiments étaient réciproques, les deux félins étaient déterminés à franchir l'obstacle que constituait ce manque d'expérience générale sur l'amour. Au-delà de cette difficulté à identifier l'origine d'un tel sentiment, Koliya et Junun devaient maintenant vivre cet amour pleinement en toute circonstance.

Le visage lumineux, le lion brun donna un léger coup de museaux à sa bien aimée, avant de l'intérroger sur le programme du soir. Un programme qui, en réalité, n'avait rien d'extraordinaire. L'idée d'un tel rendez-vous, reposait sur le besoin de connaître le déroulé du programme de retour vers Freeland.

- Je pense que nous repartirons demain à l'aube. Je confirmerai ça ce soir justement.

Sourire aux babines, la descendante de Kuzali recula de quelques centimètres, avant de reprendre la parole en disant :

- Je comptais me rendre à l'étang...Nous pouvons faire un petit bout de chemin ensemble si tu veux !

Certaine de la réponse positive de son compagnon, Koliya lui tourna autour en trottinant, avant d'ouvrir la marche vers sa destination. Même si Junun avait plutôt l'intention de se rapprocher du rocher, la zone autour de l'étang, restait une étape incontournable.

Hrp: