Bitter memories [Junun joue Wahrada]

- Maman, attends moi !



Wahrada sourit, le petit Junun la suivait avec enthousiasme, tandis qu'elle traversait le Pays Verdoyant en compagnie de son compagnon, Rubin, qui la regardait d'un œil distrait. La lionne sablée s'arrêta pour laisser son fils les rattraper. Il atterrit lourdement au milieu de ses deux parents et sourit de tous ses crocs : du haut de ses un an et six mois, il ressemblait toujours à un lionceau de six mois.



Ses yeux jaunes contemplaient sa mère avec tout l'amour du monde, cette dernière lui lécha le front avec tendresse. Rubin se joignit à l'étreinte, se concentrant plus sur Junun que sa compagne, mais cette dernière ne lui en tenait pas rigueur. Elle était consciente qu'il n'aimait pas son côté passif, et qu'il pensait qu'elle avait transmit cela à leur fils. Il était normal qu'il soit contrarié.




- Tu es toujours aussi doux, pas vrai ?
souffla Rubin en ébouriffant la petite touffe de poils qui servait de crinière à son lionceau.



Junun rit doucement et se mit à mordiller son père, qui grogna gentiment. Wahrada, quant à elle, était mal-à-l'aise. Cette phrase, celle de Rubin... Elle avait presque l'impression qu'il s'agissait de quelque chose qu'il lui adressait à elle. Elle se reprit pourtant bien vite, elle ne voulait pas que Rubin lui reproche d'assombrir cette journée.




- Ta mère et moi avons décidé de te montrer les Montagnes Humides. Pour ça, on va devoir passer par la Jungle des Gorilles, ça te va ?



Les oreilles du petit brun se plaquèrent vers l'arrière en entendant où ils se rendaient. Il consulta Wahrada du regard, comme s'il cherchait son soutien. Soutien, qu'elle ne pouvait lui donner. Rubin avait une telle emprise sur elle que s'opposer à lui n'était pas une option.


- On est... Vraiment obligés ?




Le compagnon de Wahrada se tendit d'un coup; la lionne intervint :



- Nous ne risquons rien, trésor. Fais nous confiance. Nous ne ferions jamais rien qui te mettrait en difficulté.



Elle n'en était pas totalement sûre cela dit. Rubin devenait tellement obsédé par la faiblesse de Junun et son manque de "vitalité" qu'il pouvait arriver à véritablement perturber son fils. Le lionceau était au courant que quelque chose chez lui dérangeait son père. Il n'arrivait juste pas à savoir "quoi".


- Si... Si je le fais vous serez contents ?



Rubin leva les yeux au ciel, Wahrada connaissait ce regard et s'empressa de répondre avant que ce dernier ne lance une bombe.



- Chéri, bien sûr que nous serons contents. Mais tu devras aussi être content pour toi. Car tu te seras dépassé aujourd'hui.


Le petit lionceau réfléchit quelques secondes, toujours aussi peu rassuré puis répondit :


- Alors... Je vais le faire... Pour... Vous.



Rubin parut récupérer un semblant de sourire, Wahrada manqua de soupirer de soulagement. Ces moments-là étaient particulièrement éprouvants pour la lionne, qui se sentait testée en permanence, partout, tout le temps. La petite famille se dirigea donc vers la Jungle, la mère essayait de détendre autant son fils que son compagnon, pour que tout se déroule convenablement.



- On... se débrouille plutôt bien... Non ?



Rubin arqua un sourcil, comme s'il ne comprenait pas où elle voulait en venir. Il l'interrogea du regard, attendant plus de clarifications.



- Eh bien... Compte tenu de tout ce qui nous est arrivé... On a plutôt réussi à s'en sortir...



La lionne aperçu l'espace d'un instant un rictus presque moqueur se peindre sur le museau de Rubin, qui marqua une distance entre eux pour prendre la tête de la marche.




- C'est une façon de voir les choses.



Une heure s'écoula sans qu'aucun d'entre eux ne se parlent véritablement, ils se contentaient de mettre une patte devant l'autre pour arriver à destination, c'était bien assez. Lorsque Junun arriva devant l'entrée de l'imposante jungle, il s'immobilisa, forçant la lionne à ralentir.



- J-Junun ?



Le lionceau n'arrivait pas à bouger, il regardait Wahrada, l'implorait du regard, un regard qui voulait dire "Aide-moi, je ne veux pas y aller." et peu importait combien la mère voulait l'aider, elle ne pouvait pas se le permettre, au risque de provoquer un cataclysme. Elle s'approcha de son fils et lui donna un coup de museau.



- Junun, chéri. Il faut que tu avances...



La lionne espérait qu'il se mettrait en route avant que Rubin ne réalise qu'ils étaient à la traîne. Il fallait absolument qu'il ne voit rien, qu'il se taise, qu'il...




- Wahrada ? Pourquoi vous êtes arrêtés ?


Trop tard. La mère jeta un coup d'oeil dans la direction de son compagnon, qui s'avançait déjà.[/font][/size][/color]




- Junun, qu'est-ce qu'il se passe ?




- J-Je veux pas y aller...



Rubin grimaça, son museau se tordit sous l'effet de la frustration tandis qu'il grommelait :


- Nous avons tous peur de temps en temps, Junun. Il faut que tu arrives à surpasser ça, cela dit. Tu n'arriveras à rien sinon.



Le petit lionceau, après moultes complaintes, accepta de se mettre en marche. La jungle, il fallait le dire, était impressionnante et effrayante pour ceux qui n'y était pas habitués. Il restait collé près de sa mère et sanglotait silencieusement. Wahrada savait qu'elle était en train de traumatiser son fils, mais la peur d'attiser la colère de Rubin était si forte qu'elle ne savait plus ou donner de la tête.

Le guerrier ne faisait pas plus d'efforts que cela pour arranger la situation. Il soufflait bruyamment, fouettait l'air avec sa queue. A la longue, même Wahrada était en colère. Rubin ne faisait réellement aucun pas vers son fils, qui culpabilisait de plus en plus. Lorsque ce dernier trébucha sur une racine, Rubin feula :



- Bon sang, Junun, fais un effort, s'il te plaît.




Le lionceau rabattit ses oreilles en arrière :


- Mais Papa... Je fais de mon mieux...



- Eh bien parfois il ne faut pas juste "faire de son mieux", il faut se bouger, Junun. Tu ne pourras pas être sous les jupons de ta mère toute ta vie !


Wahrada gardait le silence, du moins pour le moment. Elle espérait que Rubin saurait se mesurer, au risque de devoir prendre position s'il dérapait trop.



- Junun, tu es un lion. Tu dois arrêter d'être passif; la sensiblerie ne mène à rien et tu vas juste perdre ton temps et faire les mauvais choix.


Mauvais choix ? Wahrada eut l'impression d'être foudroyée. Que venait-il de dire ? Elle se positionna quasi automatiquement devant son lionceau, se mettant face à Rubin.



- Arrête immédiatement, Rubin. Je comprends que tu sois en colère, frustré ou que sais-je. Mais laisse notre fils en dehors de tout ça.



C'était quelque chose qu'elle ne connaissait pas, elle n'avait pas peur. Elle savait qu'elle devait le faire.




- Ne fais pas le mauvais choix, Rubin.



Le mâle jaugea sa compagne, elle ne s'était jamais opposée à lui avant. Ou du moins, pas depuis leur jeunesse. La lionne en était consciente, mais ne bronchait pas. Rubin resta silencieux l'espace d'une seconde, puis s'avança. Wahrada banda ses muscles, prête à parer un coup de la part de son compagnon, mais se dernier colla son museau au sien.





- Tu as raison... Désolé. J'ai... Tendance à oublier, que nous sommes toujours deux...



Wahrada arqua un sourcil, que voulait-il dire ? Elle n'y fit pas attention.



- Il faut être patient avec lui, s'il te plaît. Il a besoin de temps.

Rubin posa son regard sur Junun et s'abaissa près de lui :



- Pardon, mon grand. Papa... Papa s'est laissé emporter. On peut rentrer si tu le souhaites, si tu n'es pas prêt, nous pouvons attendre que tu le sois.



Le lionceau sourit et donna un coup de langue à son père :


- Merci beaucoup Papa... Mais... On y est déjà !



Il leva le museau et pointa la direction des Montagnes Humides, chose qui arracha un sourire à Wahrada. Rubin bondit jusqu'à la sortie de la Jungle et fit signe à sa petite famille d'avancer.



- Aller, en route ! On a une montagne à explorer !


Wahrada souriait de tous ses crocs en rejoignant son compagnon. Elle adressa un coup d'oeil à son fils... Elle en était profondément fière. Il l'avait fait, il pouvait le faire. Il avait tout pour devenir quelqu'un de bien. Un lion heureux... Un lion qui rendrait fier son père... Il avait juste besoin... Qu'on lui laisse le temps.