Quelques jours plus tôt, la Reine Ysera avait émit l’idée qu’il serait bien pour le royaume de Freeland d’assurer la continuité des relations cordiales et de la bonne entente avec nos voisins les pridelanders. De ce fait, elle souhaitait rencontrer le Roi de Prideland et cela lui permettrait également de se présenter en tant que souveraine.

En effet, depuis qu’elle avait ceint la couronne il y avait un an de cela maintenant, de nombreuses choses s’étaient produites et notamment sa gestation ainsi que sa mise bas. Ysera avait réussi à concilier son rôle de mère avec celui de souveraine et désormais âgés de six mois, Kuro et Fura ne nécessitaient plus une vigilance particulièrement accrue à chaque seconde qui passait.

Il était donc temps d’organiser une rencontre et, à la surprise générale, Ysera n’avait pas choisi de se rendre sur Prideland en compagnie d’une délégation. Elle avait plutôt opté pour l’envoi d’un émissaire qui se chargerait d’organiser la fameuse rencontre. Et cet émissaire fut choisi en la personne de Koliya.

J’étais étonnée que notre Reine et mon amie d’enfance ait choisit sa Cheffe des Guerriers plutôt que sa Conseillère Royale pour cette mission mais après réflexion, je comprenais sa décision. Bien qu’elle se séparait de Koliya, Freeland était toujours protégée par les autres guerriers ainsi que les hyènes. Et qui mieux que la meilleure guerrière du royaume pour se rendre sur les terres voisines où les pridelanders avaient quelques soucis avec le groupe des rebelles. Ainsi, quelle que soit la situation, Koliya était la plus à même de s’en sortir.

De mon côté, je m’occupais donc comme à mon habitude et après avoir fait ma toilette et avoir passé du temps avec ma sœur et ses jeunes enfants, je m’attaquais à ma première ronde afin de collecter des informations et possiblement rencontrer des personnes qui auraient des problèmes qu’il me faudrait tenter de résoudre voire de remonter à ma Reine.

Quittant le Repère des Lions, j’arpentais en premier lieu les Terres du Sud. Étant la zone la plus peuplée de Freeland, c’était ici que j’avais la plus forte probabilité de pouvoir apporter mon aide si jamais quelqu’un en avait le besoin. J’engageais donc la discussion avec chaque animal que je croisais mais aucun d’entre eux n’avait besoin d’aide, de conseil ou de problème à régler, ce qui était évidemment une très bonne chose.

Décidant alors de rebrousser chemin, je ne rentrais pas pour autant au Repère et dirigeais mes pas vers le Pays Verdoyant. Toutefois, la route était longue et bien que la chaleur était plus supportable sur Freeland, il n’était pas bon de faire autant de marche sans s’hydrater. C’est pourquoi je m’arrêtais au point d’eau le plus proche. Et quelle ne fut ma surprise lorsque, relevant la tête, je posais mon regard bicolore sur le pelage tacheté d’une personne que je reconnu de suite.

Un sourire illuminant immédiatement mon visage, je m’approchais gaiement de cette silhouette que je connaissais depuis ma naissance. M’approchant doucement vers le léopon, j’engageais rapidement la conversation.

Bonjour oncle Minei ! Comment vas-tu aujourd’hui ?

Je ne l’avais pas encore croisé ce matin et bien que je me doutais de la réponse qu’il allait fournir, je préférais m’assurer de son bien être avant d’aborder n’importe quel autre sujet.

A l'entente de ma voix, mon oncle ouvrit les yeux et me sembla me reconnaitre aussitôt. Logique puisque nous avions un lien familial - certes éloigné - mais aussi puisque nous n'étions pas nombreux au sein du clan à arborer un pelage flamboyant comme le mien.

Tiens tiens ! Mais qui voilà ? Ne serait-ce pas cette petite Kai ?

Le sourire de mon oncle était communicatif et son homologue étira bien vite mes babines. Rares étaient les personnes qui m'appelaient de la sorte - elles pouvaient se comptes sur les griffes d'une patte - mais cela prouvait l'attachement fort qui me liait à elles.
Jusqu'alors allongé sur le dos, Minei se retourna et s'étira avant de répondre à ma question.

Et bien écoute, je peux dire que ça va plutôt bien pour quelqu'un de mon âge ! Ah ! Ah ! Et toi ?

La politesse retournée, j'attendais qu'il enchaine la conversation mais il n'en fit rien. Comprenant donc qu'il me laissait l'initiative, je tâchais de réfléchir au sujet que j'allais aborder avec lui aujourd'hui. Toutefois, avant cela, j'allais tout de même lui répondre avant tout car c'était la moindre des choses.

Oh arrête, tu n'es pas si vieux. Je suis certaine que tu sillonneras Freeland pendant encore de nombreuses années. Je marquais une légère pause pendant laquelle je tentais d'appuyer mes mots par le regard que je posais sur mon oncle avant de reprendre. Je vais bien aussi, merci. Mais en même temps, donne-moi un jour où je ne me suis pas bien portée, ajoutais-je en riant. Excepté les jours de deuil où mon moral n'était pas au top, je pouvais dire que je ne connaissais que peu les problèmes de santé. J'avais une santé de fer et je pouvais donc en profiter pour arpenter tous les jours le territoire et ainsi remplir ma fonction de Conseillère.

Et en parlant de ça, je pouvais déjà commencer par là avant de trouver un sujet que je voulais aborder avec mon oncle léopon.

J'étais en train de faire le tour du territoire afin de collecter les différents soucis et requêtes des freelanders. Aurais-tu quelque chose dont tu souhaiterais me faire part ou qu'il faudrait que je remonte à la Reine ?

Je n'avais encore rien collecté jusqu'à présent et à vrai dire, c'était mieux comme ça car cela signifiait que tout le monde allait bien. C'était tout simplement parfait et j'espérais que cela continue. De ce fait, j'espérais sincèrement que mon oncle répondrait négativement à ma demande, m'assurant ainsi que pour lui aussi, aucun problème n'était à signaler.

Suite à ma question, mon oncle sembla réfléchir un instant. Le fait qu'il ne réponde pas de suite m'inquiéta et j'étais déjà des plus attentive pour écouter ce que mon oncle avait à me dire et ainsi, réagir au plus vite pour l'aider à résoudre son souci.

J'ai...J'ai besoin d'un massage. En général, c'est Koliya qui le fait mais...Comme elle est partie...Tu sais à mon âge, c'est important ce genre de chose...

Je... J'étais complétement perdue et je ne savais pas comment réagir. Cela devait d'ailleurs se voir à ma mine totalement désabusée. Pour autant, je n'allais pas baisser les pattes avant même d'avoir commencé ne serait-ce qu'à tenter quelque chose, même si je ne savais pas vraiment comment m'y prendre.

Eh bien... Je... hum... Dans quelle zone voudrais tu ce... ce massage ?

Je n'étais visiblement pas à l'aise avec cette histoire mais j'étais prête à faire ce qu'il fallait pour soulager mon oncle. Soudain, ce dernier se mit à ricaner avant d'être pris d'un énorme fou rire.

Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Pardon ! C'était trop tentant ! Bon...Euh...Sérieusement... Mon oncle reprit son souffle avant de continuer sou mon regard hébété. Non, je n'ai aucune requête particulière à faire. Tout va bien de mon côté merci. Parmi tout ceux qui tu as rencontré aujourd'hui, j'imagine qu'il n'y a rien de spécial à signaler non plus ?

Toujours sous le coup de l'hébétement, je comprenais que j'avais été l'objet d'une petite farce et que mon oncle n'avait absolument pas besoin d'un massage. Pas rancunière, je souriais volontiers au tour qui venait de m'être joué avant de répondre à la question qui m'avait été posée.

Ah, ah ! Très drôle mon Oncle. J'avoue que je ne l'ai pas vu venir ! commençais je sur un ton léger avant de continuer de façon plus sérieuse. Non, personne ne semble avoir de problème ou, en tout cas, ils ne trouvent pas cela assez sérieux pour en discuter avec la Conseillère. Je pensais ensuite à ma propre situation et j'en fis part à Minei avant que celui-ci ne pose la question. Et tout va bien pour Liorah et moi. On est émerveillées devant Taraka et Khanya qui grandissent chaque jour un peu plus. C'est fou comme je les adore ces petits, ils sont merveilleux !

On entendait clairement dans ma voix à quel point j'aimais mon neveu et ma nièce. Ils étaient extrêmement importants à mes yeux et il était clair que je ferais n'importe quoi pour eux. L'espace d'un instant, j'imaginais comment je serais s'il s'agissait de mes enfants et non de ceux de ma sœur. La réponse était toute trouvée : je blêmirais à chaque instant à l'idée qu'ils se fassent mal. Toutefois, cela n'était pas près d'arriver au vu de la situation actuelle et à cette pensée, une ombre voila mon regard d'ordinaire si enjoué.