Inaya

Cela m’avait pris beaucoup plus de temps que je ne l’aurais cru mais enfin, j’y étais parvenue. Quoi que, ce n’était pas vrai à cent pour cent mais j’étais quand même plus proche de parvenir à mon but que je ne l’avais été ces derniers mois.

Lorsque la Reine Sazana m’avait octroyé ce que je désirais plus que tout au monde, j’avais été aux anges. Néanmoins, plutôt que de partir immédiatement pour la Lande des Sans Terre, j’étais restée quelques mois de plus sur les terres luxuriantes de Prideland.

En effet, un sentiment m’avait retenu. Un sentiment qui me faisait penser que, si je partais, quelque chose que j’aurais pu empêcher se produirait. Et tandis que les semaines passaient, deux évènements s’étaient produits et m’avaient prouvé que j’avais eu raison d’attendre. De cette façon, j’avais pu aider une mère guéparde à sauver sa fille et une lionne voyageuse à la limite de ses forces.

Après ces deux expériences, j’avais enfin quitté ma famille et mon territoire pour me rendre auprès du Grand Baobab, lieu où les Gardiens résidaient.

La route avait été longue mais cela n’était rien en comparaison de l’attente qui avait alors commencé pour moi. Lorsque j’avais obtenu mon audience auprès des Gardiens, ceux-ci avaient été surpris du motif de cet entretien. De nombreuses questions m’avaient été posées et enfin, une délibération avait eu lieu. Cette dernière m’avait paru interminable et, de nombreuses fois – et bien que j’avais toujours voulu être positive – j’avais pensé que cette discussion qui scellerait mon avenir était bien trop longue pour être de bonne augure.

Des regards m’étaient parfois lancés et même si je n’en menais pas large, je restais droite et tentais de garder un air déterminé. Je ne saurais dire combien de temps ces lions que j’admirais et que je souhaitais imiter pour me dévouer à la protection du Cycle de la Vie avaient discutés entre eux. Leur chef s’était alors avancé vers moi et j’avais retenu mon souffle jusqu’à ce que le verdict tombe.

Encore aujourd’hui, les mots étaient gravés dans ma tête. L’ordre des Gardiens n’a jamais vu de femelle dans ses rangs. Ces mêmes rangs sont cependant trop réduits pour que nous nous permettions de refuser l’arrivée d’une nouvelle recrue. Toutefois, il s’agit là d’une nouveauté et comme nous ne savons pas de quoi tu es faite, nous allons te mettre à l’épreuve et te tester afin de savoir si tu mérites le rang d’Apprentie. Cette période d’essai commence à partir de maintenant et nous te donnerons une décision finale dans trois mois. Si tu as ce qu’il faut, tu commenceras alors ton apprentissage parmi nous. Comme tu le vois, nous ne sommes pas si nombreux alors afin de juger au mieux de tes capacités, c’est moi qui sera ton maître pendant les mois à venir. »

Cela n’avait pas vraiment été ce que j’espérais mais au moins, cela n’avait pas été négatif. Depuis lors, je suivais Rahisi dans toutes ses missions. Il me posait de nombreuses questions sur comment je réagirais dans telle ou telle situation. Je me montrais la plus honnête possible et bien que la solution que je donnais n’étais pas toujours la bonne, Rahisi ne se montrait jamais déçu. Au contraire, il m’expliquait ce que j’avais pu louper et comment j’aurais pu répondre pour que la situation se termine mieux que celle que j’avais pu évoquer.

Cependant, aujourd’hui, alors que nous nous dirigions vers le Kasoto, la route se faisait dans un silence inhabituel. L’ensemble des Gardiens, leurs Apprentis et moi-même faisions route vers le lieu de vie des Mositus afin d’enquêter sur la secousse qui avait eu lieu récemment.

Personnellement, je n’avais aucune idée de ce dont il pouvait s’agir mais cela était assez inquiétant pour que nous allions voir de quoi il retournait. Etant peu habituée au silence en compagnie de Rahisi - surtout que cela faisait plusieurs jours que nous étions partis - je me préparais mentalement à répondre aux questions qu’il pourrait me poser une fois sur place.

Tandis que j’imaginais une fois encore toute sorte de scénarios, un pelage brun apparut dans notre champ de vision. Celui-ci se présenta sous le nom de Faraji et nous conduisit vers le cratère par un passage que je n’aurais sans doute pas vu si l’on ne m’avait pas dirigée.

Ce n’était pas encore mon rôle de m’exprimer alors je laissais cela à notre chef et je me contentais d’observer le paysage. Cela ne ressemblait à rien de ce que j’avais pu voir jusqu’alors. Il y avait de la verdure partout où je posais mon regard rubis.

La suite se déroula trop rapidement pour que je puisse tout comprendre. Je savais juste que le sol s’était soudainement mis à trembler comme si un troupeau de gnou chargeait tous en même temps alors que nous nous rendions auprès du Chef des Mositus. Cela nous avait tous surpris mais après quelques secondes, tout s’était arrêté. Il n'y avait eu aucun mal mais nous n'avions pas eu le temps de nous en remettre qu'une autre secousse, bien plus forte, se fit ressentir. Elle fut aussi bien plus longue et des craquements commencèrent à se faire entendre.

Ces craquements, que j'identifiait comme étant lointains, ne m’inquiétèrent pas plus que ça. Enfin, c'était le cas jusqu’à ce que l’un d’entre eux résonne à quelques pas de nous. Je n’eus que le temps de lever la tête pour voir les arbres – qui avaient sans doute vu passer de nombreuses générations de lions – se balancer. Ebahie, je vis alors l'un d'entre eux se diriger vers le sol, à l’endroit même où nous nous trouvions tous. La terre ne cessait de trembler et il était impossible que nous nous éloignions assez vite pour éviter cet arbre qui tombait.

Impossible également d’en réchapper vivants. Je n’eus plus que le temps d’avoir une pensé pour ma famille que j’aimais plus que tout. Elle serait à tout jamais privée de me revoir en vie car celle-ci se terminait à cet instant. Tout comme celles des Gardiens et de leurs Apprentis.