Quelques minutes plus tôt, mon entretien avec la Reine Sazana s'était terminé. Je n'avais pas obtenu de réponse à ma requête mais j'avais eu l'assurance que la suzeraine du Glorieux Royaume viendrait à ma rencontre ce soir même. Je ne doutais donc pas qu'elle tiendrait sa parole et il me tardait que le soleil termine sa course. En attendant, je l'avais laissée à ses obligations et je m'étais mise en quête des membres de ma famille pour leur expliquer ce qui était ressorti de cette entrevue.

Aucun ne s'était offusqué du fait que je n'ai pas obtenu de réponse et, lorsqu'ils avaient su que la Reine viendrait ce soir, les réactions n'avaient pas été démesurées. Tous avaient pris conscience de l'importance de la chose pour moi et chacun m'avait assuré de son soutien.

Dans cette ambiance, je n'avais eu aucun regret à les laisser pour vaquer à mes propres occupations. J'avais commencé par aller me désaltérer à l'Etang, j'avais discuté avec quelques amis avant de vagabonder tranquillement. Une seule pensée occupait mon esprit : ce soir, je saurais si je pourrais aller à la rencontre des Gardiens et leur demander de me prendre comme apprentie.

Me laissant porter par mes pas, je fus surprise de voir où j'avais atterri. Je me trouvais au pied du Rocher de la Fierté, non loin de l'entrée de la grotte qui servait autrefois de Repère aux Gardiens. Je savais qu'à cette époque, seuls les Gardiens ainsi que la mandrill Kuzaidia avaient le droit d'y entrer. Bien que désormais, les Gardiens n'occupaient plus les lieux, je n'avais jamais osé braver la loi de l'époque et y entrer.

Sauf que la curiosité me poussait. Comment était l'atmosphère à l'intérieur ? Est-ce que les dessins représentant l'Histoire de la Terre des Lions figuraient toujours sur les parois de la grotte ? Ou alors l'incendie avait-il tout noirci de suie ? J'hésitais de longues secondes avant de m'avancer. Après tout, je ne doutais pas de devenir Gardienne à mon tour donc je pouvais légitimement y aller. En plus, elle n'était plus utilisée alors la règle ne s'appliquait plus, non ?

J'avançais doucement lorsqu'une fragrance inconnue me parvint. Je ne savais pas à qui elle appartenait mais je n'étais pas leurrée pour autant. Il s'agissait d'une jeune femelle pridelander. Ne souhaitant pas lui faire peur, je décidais de m'arrêter et de l'interpeller.

Il y a quelqu'un ? Qui que vous soyez, je ne vous veux aucun mal, vous pouvez vous montrer.

J'avais mis toute la douceur possible dans ma voix afin de ne pas effrayer la jeune féline qui devait se situer non loin. Je m'asseyais en attendant qu'elle me réponde ou qu'elle se montre, consciente que si j'avançais un peu plus, je pouvais lui faire peur, bien qu'il n'y ait aucune raison pour cela.

Assise non loin de l'entrée de la grotte, j'attendais que la jeune féline située dans les parages ne sorte de sa cachette. Je lui avais signalé que je ne lui voulais aucun mal il y avait quelques secondes de cela mais pour le moment, rien ne se passait. Il n'y avait que le silence qui nous entourait, brisé par le souffle de nos deux respirations.

Après quelques minutes où j'étais restée immobile, un mouvement me parvint enfin. Une femelle lionceau qui ne devait pas être âgée de plus de six à huit mois s'avançait d'un air penaud, les oreilles baissées. Son attitude me laissait croire qu'elle pensait avoir fait une bêtise et qu'elle s'attendait à être réprimandée. Il n'allait cependant rien arriver de tout cela puisqu'en réalité, elle n'avait vraiment rien fait de mal.

Bonjour. Désolée, je devrais pas être ici.

Sa voix tremblait et si j'avais été amusée par la situation quelques secondes plus tôt, mon air mutin disparu pour une expression qui se voulait rassurante.

Bonjour à toi aussi. Tu n'as pas à t'excuser, tu sais ? Tu n'as fait aucune bêtise, vraiment. Après tout, cet endroit n'est plus utilisé par ceux qui y vivaient alors nous avons parfaitement le droit de nous trouver là. Voulant rendre le sourire à cette petite dont j'ignorais le nom, je me permis même d'ajouter une touche d'humour comme mon frère aîné savait si bien le faire. Et puis, en admettant que nous n'ayons pas eu le droit d'être ici, je suis fautive également. C'est rassurant d'être deux dans ce cas, non ?

Tandis que je parlais, la petite regardait le sol et ne semblait pas oser me regarder. Souhaitant la mettre en confiance, je décidais de me présenter.

Au fait, je m'appelle Inaya. Et toi, quel est le nom qui accompagne une si jolie féline ?

Avenante, c'est un regard doux que je posais sur elle. Après tout, si elle levait la tête pour me voir, mieux valait apercevoir un visage amical pour être rassurée.

Pendant tout le temps où j’avais parlé, j’avais tenté de me montrer réconfortante. J’essayais aussi de retranscrire cela dans ma posture et dans mon expression afin que la jeune lionne qui se trouvait en face de moi ne se sente pas intimidée et coupable lorsqu’elle aurait la force de me regarder.

Ce fut enfin le cas après que je me sois présentée et que je lui aie demandé son nom. Je pu alors découvrir un joli regard de la couleur du ciel et cela ajouta encore à la beauté de la jeune féline.

Moi c’est Upepo. Sinon, quel est ce lieu ? A quoi il servait ? Pourquoi sont-ils partis ? Ça a l’air de faire un moment qu’ils sont partis donc on peut aller voir ce qui se trouve à l’intérieur ?

Ayant retrouvé un certain entrain, Upepo, puisque c’était son nom, me bombardait de question. J’avais moi-même été très curieuse au même âge mais je ne me souvenais pas que je posais autant de question d’un coup à mon interlocuteur. Amusée, j’observais la petite aux couleurs fauves regarder à l’intérieur avec envie.

On va voir s’il y a quoi que ce soit d’intéressant à l’intérieur ? Vu que si on est fautives, quitte à ce que ce soit pour quelque chose, non ?

Pour ma part, je savais qu’il y avait quelque chose d’intéressant à l’intérieur mais il me tardait de découvrir si le feu avait tout ravagé ou s’il restait des vestiges des fameuses peintures faites par Kuzaidia. Sans doute aussi excitée que ma camarade, c’est avec un enthousiasme contenu que je lui répondais.

Cela fait effectivement longtemps que plus personne ne vit ici. Et puis tu as raison, si on se fait attraper, autant qu’il y ait une raison à notre culpabilité ! m’exclamais-je tout en lançant un clin d’œil à mon acolyte du jour. Alors, pendant que je réponds à tes autres questions, je te propose que nous entrions, d’accord ?

Il ne fallu pas longtemps pour qu’elle réponde par l’affirmative et c’est donc d’un pas assez lent pour qu’elle puisse me suivre que je me dirigeais vers l’entrée de l’ancien Repère des Gardiens.

Ce lieu est le Repère des Gardiens et c’est ici qu’ils s’étaient établis lorsque leur ordre a été créé. Ils sont restés ici pendant des années mais lorsque Prideland a été incendié, ils ont été forcés de quitter ce lieu. Et depuis, ils ne sont pas revenus car ils sont désormais établis sur la Lande des Sans Terre.

Nous étions désormais bien enfoncées dans le Repère et, bien que le temps ait passé, les marques de l’incendie étaient toujours présentes. Je pouvais toujours distinguer sur les murs des restes de dessins retraçant l’Histoire de la Terre des Lions mais certaines parties étaient noircies de suie et de ce fait, illisibles. Tout ce travail anéanti et ces images perdues pour la mémoire des générations futures eurent l’effet de me nouer la gorge. Le cœur gros, c’est en silence que je contemplait les restes plus ou moins détruits des évènements passés.