La disparition de Sahàsi remontait déjà à quelques semaines. Pourtant, le félin couleur sable, ne pouvait s'empêcher de penser que les choses, auraient pu se passer autrement. Même si ce dernier, avait fini par prendre conscience des risques engendrées par la différence d'âge avec sa bien aimée, Kyu aurait préféré un scénario dans lequel, la vieille lionne brune partait, en laissant deux enfants assez grand pour se débrouiller seuls et vivre selon leurs propres idéaux.

Malheureusement, contrairement à ce que l'ex pridelander espérait, la fille de Sadaka avait quittée le monde des vivants, en laissant un compagnon et deux lionceaux. Deux petites créatures pleines de vie, beaucoup trop jeunse pour être confronté à toutes ces questions relatives à ce phénomène naturelle de fin de vie.

Néanmoins, à partir du moment où, il était impossible de retourner dans le passé, Kyu devait étouffer sa tristesse, au profit du bien être de ses enfants. Non seulement, le pseudo jangowas devait tout mettre en œuvre pour assurer la protection de sa progéniture mais aussi, il était plus que nécessaire pour lui, de soutenir et aiguiller Kanisa et Lokito dans leurs rêves et aspirations. À aucun moment, il était question de s'opposer frontalement aux plans de ses petits, sans justifications valables.

Après avoir passé un début de matinée paisible avec ses enfants et le jeune Shomari, Kyu confia ses enfants à ce dernier, avant de s'isoler pendant quelques instants, désireux de réfléchir à la suite des évènements. La question qui se posait à lui, était de savoir si, après plusieurs mois loin de sa famille sur Prideland, il n'était pas préférable de retenter un dialogue paisible et sans arrières pensées.

Soudain, peu de temps après avoir commencer sa balade en solitaire, son regard bleu-ciel se posa sur un lion brun.

Sans chercher à comprendre le pourquoi du comment de la présence du vieux mâle au baobab, Kyu s'installa confortablement, avant d'engager la conversation dans un registre banal.

-Bonjour monsieur !

À l'odeur, le vieux mâle aux yeux vert n'avait rien d'un pridelander, d'un outlander ou d'un freelander. Tout portait à croire que ce dernier, était un voyageur de passage sur la Lande.

Le visage lumineux, le vieux lion brun se présenta sous le nom de Shirikiana, avant confirmer le fait, qu'il n'était rien de plus qu'un humble voyageur de passage sur la Lande. Une dernière révélation qui, au final, n'avait rien d'extraordinaire. Beaucoup de voyageurs prenaient du repos au baobab sans y rester trop longtemps. Néanmoins, il existait un certain nombre d'exceptions dont Kyu et sa petite famille, faisaient parties.

-Ravi de faire votre connaissance Shirikiana. Mon nom et Kyu. J'habite ici, au pied du baobab depuis quelques années. Vous venez de loin ?

Une fois de plus, Kyu ne savait pas trop quoi dire d'extraordinaire. S'interroger sur la provenance de son interlocuteur restait selon lui, le meilleur moyen de faire durer la conversation, en tachant de rebondir sur un potentiel élément de réponse. Le fils d'Amaya, ne voyait que deux possibilités. Soit, Shirikiana était originaire d'un des nombreux clans de savane de la terre des lions, soit, ce dernier était originaire de terres lointaines, situées bien au-delà des frontières de la terre des lions.

À défaut de pouvoir profiter d'un moment de balade tranquille, Kyu aurait la chance de profiter d'une conversation avec un lion, extérieur à sa vie de famille au baobab. Grâce à lui, le fils d'Amaya serait en mesure d'oublier cette douleur, occasionnée par la disparition récente de Sahàsi pendant quelques instants.

Sans grandes surprises, le vieux lion répondit avec un visage qui, d'une certaine manière, en disait long sur sa volonté d'échanger un peu plus longtemps avec lui. Ce n'était pas plus mal. Même si il était tout-à-fait possible d'imaginer un scénario dans lequel, Kyu coupait court à la conversation, le fils d'Amaya préférait passer un peu plus de temps avec l'inconnu, histoire de changer d'air et aussi, de penser à autre chose.

Cette rencontre inattendue restait pour lui, un excellent moyen de retourner à ce qu'il était pendant ses jeunes année, à savoir, un lion curieux et assoiffé de connaissance.

Shirikiana était originaire d'un territoire lointain, au sud de la terre des lions. D'après lui, il s'agissait d'une terre de prairie herbeuse aride, où les bêtes passaient au cours des migrations. Une terre qui selon les descriptions, n'avait de rien de particulièrement extraordinaire.

Tout naturellement, le vieux félin aux yeux vert retourna la question posée, en interrogeant son interlocuteur sur sa provenance exacte. Une question pour laquelle, Kyu ne voyait aucun intérêt à cacher quoi que ce soit.

-Je suis originaire de Prideland, royaume situé au sud de la Lande des sans terres. Cela dit, si vous êtes originaire d'un territoire lointain, bien au-delà des frontières sud de la terre des lions, je suppose que vous avez d'ores et déjà eu l'occasion de faire un tour là-bas. Je me trompe ?

À partir du moment où, Shirikiana venait du sud, sa traversée de la terre des lions, devait obligatoirement inclure Freeland et Prideland. Avec un pelage aussi fourni que le sien, il était impossible d'imaginer que ce dernier ait pu traverser le grand désert.

La simple évocation de Prideland comme territoire d'origine, eu un effet négatif sur le lion brun. Malgré les quelques années écoulées après l'incendie, le ton employé par Shrikiana, laissait voir un sentiment de tristesse profond lié aux derniers évènements. Peut-être que ce dernier, avait eu le malheur de vivre un calvaire similaire aux lions pridelander et mositus, à savoir, la perte d'êtres chers. Un sentiment de tristesse que le pseudo jangowas pouvait comprendre.

Désireux de ne pas entrer dans un sujet de conversation trop pesant pour son congénère, l'ex pridelander détourna le regard, avant de reporter son attention sur son interlocuteur, visiblement curieux de savoir si il vivait seul où en groupe. Une question pour laquelle, les deux cas de figures restaient possibles. Certains lions voyageaient seuls, désireux vivre leurs vies, sans les potentielles contraintes liées à l'organisation d'un groupe. D'autres, préféraient voyager en groupe avec de la famille ou des amis. Finalement, tout dépendait du contexte et des aspirations de chacun.

-Non, je ne suis pas seul. Je peux même dire que je suis bien entouré ! Avec mes enfants et les gardiens dans les parages, difficile de n'avoir personne avec qui parler ! Ah ! Ah !

Cette toute nouvelle vie de voyageur en solitaire loin des siens, avait été vécu dans un tout premier temps, comme une sorte de libération. Une vie sans limites, toutes plus ou moins issues de règles ou traditions ridicules et impertinentes. Néanmoins, au fil des mois et des années, Kyu avait fini par comprendre que cette joie liée à la liberté et la solitude, restait très éphémère.

Tout naturellement, l'évocation de l'existence de sa petite famille au baobab, illumina le visage de Shirikiana. Sourire aux babines, ce dernier confirma le fait que vivre en famille, était une très bonne chose, sur la base de sa propre expériences de babysitter avec ses nièces et neveux.

Même si Kyu ne pouvait pas se vanter d'avoir eu la chance de grandir au sein d'une famille stable, le simple fait d'avoir réussi à construire quelque chose avec Sahàsi, en se fondant sur ses propres idéaux, le rendait heureux. Avec elle, le pseudo jangowas avait réussi à faire un trait sur le passé, avec pour objectif principal, d'oeuvrer à l'éducation et l'épanouissement de sa progéniture.

Lorsque le vieux lion brun l'interrogea sur les gardiens, l'ex pridelander se gratta la tête pendant quelques instants, avant de reposer son regard sur son interlocuteur en disant :

-Il s'agit d'un groupe de lions indépendants, créé pour protéger la paix et la justice sur la Terre des lions...

Une réponse relativement simple qui, d'une certaine façon, permettrait à Shirikinana de se faire une petite idée du pourquoi du comment de l'existence d'un tel groupe. Un groupe pour lequel, l'ex pridelander ne portait aucun intérêt particuliers. Respecter la paix et la justice sur la Terre des lions, relevait purement et simplement de l'utopie. Une tâche beaucoup trop lourde pour un groupe dont l'éfficacité, était discutable.

En répondant à la question de son interlocuteur, Kyu s'était contenté de propos simples, en se consacrant à une très brève présentation générale des gardiens sans mettre en avant son avis personnel sur ce groupe de lion qui, depuis plusieurs années, n'avait pas réussi à attirer grand monde. Un phénomène compréhensible. Comment consacrer toute son existence à l'exercice d'une tâche relevant purement et simplement de l'utopie ?

Une question pour laquelle, le pseudo jangowas n'eut guère le temps de répondre, en raison d'une autre interrogation posée par Shirikinana qui, de toute évidence, semblait intéressé par l'avis du félin à crinière courte sur eux. Une question pour laquelle, Kyu ne voyait aucun intérêt à mâcher ses mots.

-Pour être tout-à-fait honnête avec vous mon cher Shirikinana, les gardiens n'ont pas réussi à me convaincre depuis leurs créations. Bien sûr, leurs intentions sont louables. L'existence de médiateurs entre les partis, reste un principe très intéressant. Néanmoins, les actions des gardiens sont très limités dans le temps et dans l'espace.

C'était une réalité. Maintenir la paix sur un espace géographique important, était impossible pour un si petit groupe. S'ajoutait à ce détail, le manque de crédibilité aux yeux de certaines espèce comme les hyènes ou les herbivores les plus méfiants. Une fois de plus, les intentions de ce groupe restaient louables...Néanmoins, tout ceci ne relevait purement et simplement que de l'utopie...

En répondant aux interrogations de son interlocuteur, Kyu savait pertinemment, qu'il était inutile de cacher quoi que ce soit. Pourquoi se retenir ? Le positionnement du vieux lion brun sur le sujet relevé, n'avait aucune importance. À partir du moment où ce dernier, avait réussi à avoir les réponses à chacune de ses questions, c'était tout ce qui comptait.

Sourire aux babines, Shirikiana repris la parole en remerciant son interlocuteur d'avoir été honnête dans ses réponses, avant de poursuivre en faisant part de sa joie d'avoir trouver un lion intéressant avec qui discuter.

-Le plaisir est partagé mon cher Shirikiana !

Lentement mais sûrement, le vieux lion aux yeux émeraude se redressa, avant d'interroger le pseudo jangowas une nouvelle fois, désireux de savoir si il était possible pour lui, de rencontrer les gardiens en personne. Rien de plus facile pour le félin à crinière courte qui, depuis quelques années, vivait au baobab, nouveau quartier général des gardiens.

-Je vis au pied du baobab, également connu pour être le quartier général des gardiens ! Suivez-moi !

Souriant, l'ancien compagnon de Sahàsi ouvrit la marche vers ce lieu de vie qui était le siens depuis un certain temps. Ainsi, Shirikiana aurait la chance de communiquer avec ces gardiens qui, de toute évidence, avaient réussi à susciter sa curiosité.

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