Il était revenu sur la Lande des Sans Terres depuis quelques jours après avoir croisé une lionne dans le Désert qui lui avait expliqué qu’il ne pourrait pas poursuivre plus loin en territoire Jangowa au risque de se faire salement amoché par les violents lions des sables et ce même s’il ne leur cherchait pas de mal. Il avait tenté de négocier un peu mais ce n’était sûrement pas la peine de risquer la mort simplement pour pouvoir examiner de plus près la lueur venu du ciel. Peut-être pourrait-il tenter d’attiser la sympathie de quelques Jangowas et leur demander de lui faire des rapports de ce qu’ils voyaient à l’endroit de l’impact puisque c’était à priori un caillou qui s’était écrasé là.

Le mâle s’était prélassé paresseusement toute la journée car il faisait bien trop chaud pour bouger et à présent que la nuit tombait il était temps pour lui de trouver de quoi se mettre sous la dent. Il avait jeuné le temps du voyage mais il fallait qu’il trouve quelque chose pour reprendre des forces. Il se souleva de son nid de poussière dans lequel il s’était couchée et s’ébroua vigoureusement. Un nuage de fine particule rouge orangée s’éleva autour de lui, arrachant un éternuement à Shirikiana.

Il sillonna la plaine d’un regard, le soleil était en train de se coucher, baignant la plaine aride d’une lumière orangée. Le voyageur appréciait ce moment de la journée où tout devenait un spectacle d’ombre chinoise. Il étira ses pattes en avant adoptant la position du chien tête en bas avant de faire quelques pas. Le mâle leva le museau et huma l’air à la recherche d’un fumet d’herbivore. Peut-être pourrait-il tomber sur un impala égaré ou même quelques restes laissés par un autre prédateur, il n’était pas regardant. Quand on avait été élevé comme lui, chaque ressource aussi peu ragoutante qu’elle semblait, était à prendre ! Il commença à avancer dans le crépuscule à la recherche de son prochain repas.

Les herbes sèches crissèrent tandis qu’une silhouette fine les traversait. Le regard du mâle fut attiré par les prunelles réfléchissantes de l’animal qui venait d’éviter sa route. Il resta immobile flairant l’odeur d’un herbivore, c’était sûrement ce après quoi le prédateur en avait. Respectueux de la chasse de chacun Shirikiana décida d’attendre que le guépard ait tenté sa chance avant de reprendre sa route, ce serait bête qu’il effraie accidentellement la proie.

La chasse se passe à une vitesse spectaculaire, ce n’était pas un mythe que les guépards soient des créatures plus rapides que le vent. Le lion observa la traque jusqu’à la mort de l’herbivore afin de prendre note de la façon de chasser du carnivore, peut-être qu’il pourrait tirer des leçons de cette méthode. Alors qu’il s’apprêtait à reprendre son chemin Shirikiana entendit une voix s’adresser à lui, il s’agissait de la guéparde.

« Et bien j’étais sur le point de partir à la chasse, mais si vous êtes d’accord pour partager un peu de votre repas avec moi, je serai ravi d’accepter. Ne vous inquiétez pas, vous n’avez pas à vous justifier, je prendrai seulement ce dont j’ai besoin. En temps que voyageur j’ai appris à utiliser au mieux mes ressources. »

Dit-il avec un sourire avenant avant de s’approcher un peu.
Il réfléchit à ce qu’elle venait de dire à propos du fait qu’on ne l’ait pas encore chassé ou au moins demandé ce qu’elle faisait ici, cela signifiait-il qu’une histoire se cachait derrière sa présence sur la lande ? Si l’opportunité se présentait il lui demanderait peut-être des explications sur le sujet.

Lorsqu’il arriva à sa hauteur, Shirikiana s’abaissa doucement dans une révérence polie avant de s’asseoir en face de la guéparde. Il lui adressa de nouveau un sourire.

« Merci beaucoup, c’est vraiment généreux de votre part d’accepter de partager votre proie. Je m’appelle Shirikiana, je suis un voyageur, ravi de vous rencontrer. »

Se présenta-t-il courtoisement.

Shirikiana observait la guépard avec curiosité, généralement assez farouche, il n’avait pas eu trop l’occasion de discuter avec cette espèce. Il détaillait ses réactions comprenant qu’il devait sans doute être intimidant de par sa carrure plus forte. Cela dit, elle le perdrait vite si elle se mettait à courir bien que si cela devait arriver, elle abandonnerait sa proie pour laquelle elle avait durement travaillé. Le lion ne comprenait pas tout ce que racontait la guéparde puisqu’elle semblait visiblement croire qu’il venait du même territoire qu’elle alors que ce n’était pas le cas. Bien que Shirikiana ait beaucoup voyagé à travers l’Afrique, il n’avait pas vu tout le continent, oh non. Il rêvait de tout voir mais ce n’était pas avec une vie courte comme la sienne qu’il en serait capable. Il plissa un sourcil avant de dévier les yeux, il ne souhaitait pas être impoli mais il faudrait bien expliquer à la guéparde qui n’avait pas pris la peine de se présenter qu’il ne la connaissait pas.

« Si je puis me permettre charmante guéparde, je ne suis pas originaire des terres que vous évoquez. Je viens de loin cependant pas du royaume des guépards. Et même si vous semblez croire que ce sont les lions qui gouvernent ici, sachez que je ne suis pas comme les autres. Et j’imagine ne pas être le seul à croire que nous sommes sur un pied d’égalité dans la savane. Je ne tiens absolument pas à imposer quoi que ce soit. »

Dit-il d’un ton toujours aussi courtois et calme.
Le Voyageur était parfaitement posé, à son aise ce qui n’était pas le cas de la tachetée qui semblait plutôt sur le qui-vive. Cela n’étonnait pas le lion fauve puisqu’elle avait évoqué une jeune famille ce qui ne devait pas être bien reposant. Toujours de l’inquiétude à avoir. Il s’installa et attendit qu’elle entame la proie mais non, elle ne bougea pas alors il se permit de commencer. Il mangea à sa fin, dévorant une bonne partie de l’animal mais il fit bien attention à ne pas consommer plus de ce dont il avait besoin, surtout que la guéparde gardait l’oeil et sembla s’agiter lorsqu’il finit son repas. Il s’éloigna donc de la carcasse en la remerciant à nouveau.

« Outland ? J’en ai seulement entendu parlé mais je n’y ai jamais mis les pieds. Je serai sur mes gardes, merci de vos précieux conseils. C’est toujours un plaisir de converser avec les habitants de la plaine. »

Déclara-t-il en souriant.
Il étira ses muscles quelque peu endormi après son diner et se redressa.

« Pour vous remercier que diriez vous que je vous aide à transporter cette carcasse plus près de votre famille. Je ne m’approcherai pas trop pour ne pas que cela pose de risque, vous n’aurez qu’à me dire quand nous arrivons à une distance suffisante de votre repère et je m’en irai aussitôt. Mais si je peux donner un coup de pâte n’hésitez surtout pas à demander. »

Proposa-t-il afin d’exprimer sa gratitude pour l’aide qu’elle lui avait porté.

Le mâle fauve écouta les paroles de la guépard qui se présenta finalement sous le prénom Alijiuzulu, et il hocha doucement de la tête pour la remercier de ce partage d'information qui rendait l'interaction plus sympathique. Pour sa part, ayant toujours vécu dans une caravane de voyageur il avait du mal à comprendre le concept de traverser illégalement un territoire. Les animaux étaient bien trop attachés à des concepts parfois abstraits. Pour lui, à partir du moment où les ressources étaient suffisante pour survivre alors à quoi bon chasser les autres et les traités comme des clandestins. Il se sentait un petit peu attristé que la guéparde se sente ainsi et si peu rassurée par sa situation. Il espérait qu'elle puisse trouver un territoire sur laquelle sa petite famille pourrait s'épanouir.

La suite de la conversation confirma réellement la sympathie qu'il ressentait pour Ali'. Elle était dans un état de détresse si intense, il avait envie de la rassurer mais de par sa condition de lion, il était sans doute le moins à même de pouvoir rassurer la svelte athlète.

" Rassurez-vous, motus et bouche cousue de ma part. J'interragis peu avec les animaux de mon espèce ici. Prenez soin de votre famille, c'est ce qu'il y a de plus important. Allez Alijiuzulu, retournez auprès de vos filles qui doivent vous attendre avec impatience, je partirai de mon côté pour vous assurer que je ne vous suis pas. "

Déclara-t-il en hochant sa tête et remuant le bout de sa queue.
Il tint aussitôt parole après son au revoir gestuelle et se retourna dans la direction par laquelle il était arrivé, disparaissant entre les buissons rachitiques de la lande. Il ne tenait pas à causer plus de soucis à la mère des petites protégées et préférait donc lui laisser tout l'espace dont elle avait besoin. Cela avait été une rencontre intéressante.