Je n'y voyais rien à plus d'un mètre, c'était complétement dingue ! Il faisait encore très beau le matin même et bien que le ciel s'était rapidement couvert, je n'aurais jamais cru que la neige pourrait tomber aussi soudainement et avec autant d'intensité !

J'avais été prise au dépourvue alors que je marchais pour rejoindre le clan et surtout, mon compagnon. Effectivement, depuis quelques semaines, j'avais eu la joie d'apprendre que les sentiments que j'avais pour Wakiza étaient réciproques. Sa déclaration avait été inattendue et pourtant, cela n'enlevait rien à la beauté du moment.

J'avais mis quelques jours à accepter le fait de ne plus être célibataire et à me dire que ce n'était pas un rêve. Je commençais enfin à croire que le bonheur m'était permis et c'est pourquoi j'avais quitté le clan pour faire une petite promenade ayant un but bien précis. En effet, bien qu'ils m'aient quittés tous les trois et que j'étais persuadée qu'ils me regardaient du haut des aurores boréales, j'avais ressenti le besoin d'aller me recueillir sur la tombe de mes parents et sur celle de mon frère pour leur annoncer la nouvelle de vive voix.

Je m'étais donc dirigée vers la Caverne aux Esprits et une fois sur les lieux, je n'avais pas mis longtemps avant de retrouver les trois monticules qui correspondaient à l'endroit où l'on avait enterré les corps de ma famille. Le cœur m'était devenu lourd à mon arrivée sur les lieux. Il ne se passait pas un jour sans que je pense à eux mais je n'avais jamais eu le courage de revenir depuis la mort de mon frère, dernier chagrin qui m'avait accablée.

Il m'avait fallu un peu de temps avant de trouver les mots mais une fois que les premiers avaient été prononcés, le flot de mes paroles n'avait pas cessé avant un bon moment. Ce n'est que lorsque la luminosité avait commencé de décroitre que je m'étais résolue à rentrer, me promettant cependant de revenir plus souvent.

Et c'est sur le chemin du retour vers le clan que j'avais été surprise par cette soudaine chute de neige ! Je savais heureusement à peu près où je me trouvais et si je ne me trompais pas dans mon estimation, il devait y avoir une grotte sur ma droite. Bien que cela était idiot - je le savais - je marchais plus lentement qu'à l'accoutumée. Je trouvais effectivement une paroi rocheuse mais je dû rebrousser chemin de quelques pas afin de trouver l'entrée que je cherchais.

Mes foulées s'allongèrent afin de m'abriter plus rapidement et, une fois bien protégée, je m'ébrouais à quelques pas de l'entrée afin de chasser la neige qui s'était accumulée avant que celle-ci ne se transforme en eau et ne me trempe jusqu'aux os. Je m'enfonçais ensuite dans la caverne avant de m'allonger dans un coin, condamnée à attendre ici seule jusqu'à ce que le temps se calme au dehors...

Coincée par le blizzard à l'extérieur, je m'étais réfugiée au plus profond de la grotte dans laquelle j'avais trouvé refuge. L'attente promettait d'être longue et c'est donc allongée dans l'ombre d'une paroi que je fermais les yeux. Puisque j'étais seule ici et que je ne pouvais rien faire d'autre, je me laissais aller au repos.

Un bruit me sortit de ma somnolence. Je redressais les oreilles, gardant les yeux fermés. J'écoutais avec attention mais comme il n'y avait que le son du vent au dehors, je pensais avoir rêvé le bruit trahissant une présence. J'allais de nouveau essayer de me plonger dans le sommeil lorsqu'un autre bruit résonna. Cette fois-ci c'était certain, je n'étais plus seule ici.

Des bruits de pas semblèrent avancer dans ma direction. J'espérais un instant qu'il s'agisse de Wakiza mais, en humant l'air, je me rendis compte qu'il ne s'agissait pas de mon compagnon. En revanche, c'était bel et bien un lion mâle qui était venu s'abriter au même endroit que moi. Et pas n'importe lequel.

Celui qui venait de trouver refuge dans la même grotte où je m'étais installée pour éviter la tempête était le même lion qui, me semblait-il, me fuyait depuis quelques temps.

Neva, est-ce que tu es là ? C’est Teferi, j’ai été coincé dans la tempête … J’espère que je ne te dérange pas.

Sa voix se répercuta sur les parois, finissant de me convaincre de l'identité de mon "visiteur". Je n'avais toujours pas ouvert les yeux mais je finissais par le faire, posant alors mon regard violacé dans les pupilles bleutées de Teferi. Quittant ma position, je me levais pour aller à sa rencontre. Je profitais de ces quelques pas pour lui répondre.

Tu ne me déranges aucunement, je ne faisais rien de bien intéressant, commençais-je. Eh bien je dois avouer que nous sommes deux à nous être laissés avoir... Moi aussi cette tempête m'a surprise. Je laissais quelques secondes en suspens avant d'ajouter une question. Comment vas-tu ?

J'allais ajouter "depuis le temps" mais me retins finalement. Je ne voulais pas commencer sur une note de reproche et passer le reste de cette tempête dans une ambiance morose.

Le nouvel arrivant détailla les lieux, considérant chaque coin afin de déterminer s'il y avait le moindre danger probable. Son frère avait soudain disparu un jour et, si je n'en connaissais pas les détails, je ne pouvais que comprendre les motivations de Teferi. Je le laissais faire, bien que pour ma part, je ne craignais rien du tout de l'endroit où nous nous trouvions.

J'avais avancé durant ce temps et en avais profité pour parler, lui indiquant qu'il ne me dérangeait pas. Je fus surprise de voir la gène dans ses yeux lorsqu'il les reposa sur moi. Je n'étais pourtant pas si proche que cela et me demandait ce qui pouvait bien déclencher une telle réaction.

Il m'indiqua qu'il avait été pris dans la tempête car il pensait avoir plus de temps avant qu'elle ne se lève. J'acquiesçais à ses propos, moi-même ayant été surprise de la même manière, je pouvais largement comprendre. Sur ce, il s'éloigna de sorte à ce que je ne sois pas éclaboussée par la neige fondue qu'il projeta lorsqu'il s'ébroua.

Je vais bien quoiqu'un peu mouillé, et toi ?

En effet, cela semblait logique. Je n'avais pas passé tant de temps que cela sous la neige qui tombait donc le froid n'avait pas eu le temps de tremper entièrement mon pelage, ce qui ne semblait pas être le cas de mon camarade. Je hochais la tête pour lui signifier que j'avais entendu avant de répondre à mon tour, choisissant mes mots avec soin.

Je vais parfaitement bien. Rien ne vient troubler ma santé et mon moral ne pourrait être plus haut. J'ai eu la chance d'apprendre que les sentiments que j'éprouvais pour Wakiza étaient réciproques et depuis, lui et moi sommes un jeune couple heureux.

Soudain, une série d'évènement me revinrent en flashes dans mon esprit. Les discussions que j'avais avec Teferi, la conversation avec Taygha qui m'avait poussée à être plus entreprenante avec Wakiza, le jour où ce dernier m'avait emmenée au Cristalac pour m'avouer ses sentiments et l'absence de conversations avec mon interlocuteur du jour depuis lors. Un déclic se fit alors et je posais une nouvelle question. Bien que mon ton était plus bas, la promiscuité que nous avions et au vu de l'endroit où nous nous trouvions, le moindre petit bruit était amplifié. J'étais donc certaine qu'il m'avait entendue.

Mais je suppose que tu en as entendu parler, non ?

Après tout, les nouveaux couples se faisaient rares dans le Nord et lorsqu'il y en avait un, la nouvelle se répandait extrêmement vite. Il aurait donc fallu être un ermite pour ne pas être au courant de ma nouvelle situation.

Alors que je finissais de répondre à sa question sur mon état de forme et avant lui avoir demandé s'il en avait entendu parler, il me sembla apercevoir comme une ombre d'envie dans le regard de Teferi. Néanmoins, au vu de la faible luminosité, je ne l'aurais pas juré et sans doute était-ce mon imagination qui m'avait joué un tour. Je laissais donc cela de côté avant de le questionner et d'attendre sa réponse.

Je t’avoue que j’ai passé beaucoup de temps loin du groupe ces quelques semaines mais effectivement j’ai eu vent de votre relation. Je vous souhaite beaucoup de bonheur à tous les deux !

Ah, voilà qui expliquait en partie pourquoi je ne l'avais que peu vu ces derniers temps. Toutefois, il n'avait pas été tout le temps loin car je l'avais vu à plusieurs reprises. Mais alors, pourquoi n'était-il pas venu pour discuter comme nous le faisions avant que je ne sois en couple avec Wakiza ? Avait-il peur de nous déranger dans ce début de relation ? Souhaitait-il tout simplement nous laisser tranquilles ? Cela se pouvait mais plutôt que de faire des suppositions, je préférais m'en tenir à la vérité. C'est pourquoi je le questionnerait après l'avoir remercié.

Je te remercie, c'est très gentil de ta part.

Il ne s'agissait pas d'une exclamation car mon ton était posé mais l'on pouvait clairement entendre que j'étais contente et que je souriais. Suivant le regard vers l'extérieur comme le faisait Teferi, je remarquais que l'intensité ne décroissait pas et, pour ne pas passer le reste de cette tempête dans un silence embarrassant et gênant, je tâchais de relancer la conversation. Et, puisque nous parlions de mon tout nouveau couple, je ne pouvais m'empêcher de continuer sur le même sujet de conversation, bien que la personne concernée serait, elle, différente.

Bon, puisqu'il semblerait que nous allons rester là un moment et puisque ça fait un moment que l'on ne s'est pas parlé, autant en profiter pour arranger ça. Alors dis-moi, si j'ai trouvé ma moitié, qu'en est-il de toi ? Est-ce qu'il y aurait une jolie lionne qui ferait battre ton coeur plus vite et à qui tu ne pourrais t'empêcher de penser ?

J'avais adopté le même ton léger que j'avais lorsque, avec Taygha, nous discutions de tout et de rien comme deux adolescentes complices.

Il ne fallu pas longtemps à mon ami pour réagir à la dernière question que je lui avais posée. Après quelques secondes de silence pendant lesquelles il dû sans doute se demander si j’étais sérieuse ou non, il laissa échapper un rire que je ne savais interpréter. Était-ce un rire ironique ? Connaissant Teferi, j’en doutais fortement.

Moi ? Qu’est-ce que j’aurais à offrir à une lionne ? Je suis cynique, distant, solitaire… Ne parlons même pas de ma stature d’adolescent qui ne grandira jamais. J’ai du mal à croire que si j’éprouve quoi que ce soit pour une lionne, elle me retourne son affection.

Je ne l’avais jamais entendu parler de lui de cette façon. J’étais donc assez étonnée de voir à quel point il ne voyait pas les côtés positifs de sa personnalité. Comprenant qu’il n’en avait pas terminé, je le laissais continuer sans chercher à l’interrompre.

Et puis, j’ai toujours du mal à me remettre de la perte de ma famille, j’admire ceux qui se tournent vers le futur, … comme Wakiza et toi par exemple… moi je n’y arrive pas. Je doute qu’une lionne apprécie que la majorité de mes pensées soient occupées par une autre : ma sœur, que j’espère retrouver tel le rêveur idiot que je suis.

J’opinais du chef à ses propos. Néanmoins, je ne pensais pas qu’il se résumait au tableau qu’il dépeignait de lui-même. Peut-être avait-il besoin que quelqu’un lui ouvre les yeux ? Je savais ce qu’il me restait à faire mais voyant qu’il allait reprendre la parole, je le laissais terminer.

Bref, avant que tu ne crois que je passe mon temps à pleurer sur mon existence, quelles sont les nouvelles de ton côté ? J’imagine que tu dois être bien occupée avec Wakiza, peut-être que vous partez à l’aventure tous les deux ?

Des aventures ? Pas vraiment en fait, les seules choses qui avaient réellement changées depuis que nous étions en couple étaient le fait que nous allions parfois à la chasse ensemble, que nous faisions de longues balades pendant lesquelles nous discutions de tout et de rien mais il se passait aussi des choses beaucoup plus intimes que je ne pouvais décemment pas lui dévoiler. Rien que le fait d’y penser, je sentais mes joues se teinter de rouge. Heureusement que mon pelage et la faible luminosité environnante pouvaient cacher mon trouble. M’éclaircissant la gorge, je tâchais de lui répondre, me concentrant particulièrement sur lui et sur ce que je pensais de lui.

Je ne suis pas tout à fait d’accord avec toi. Je pense que tu as énormément de choses à offrir et que la lionne qui parviendra à s’emparer de ton cœur sera une lionne avec beaucoup de chance. Je laissais volontairement quelques secondes de silence avant d’enchainer. Tu es une personne qui a un regard juste sur ce qui l’entoure, tu es aussi quelqu’un de fidèle et qui donne tout ce qu’il a pour le clan. Tu es aussi serviable et tu ne refuses jamais d’apporter ton aide. Et lorsque l’on passe la barrière de distance que tu imposes, on découvre un lion très gentil, souriant et aimable. Franchement, il faudrait être folle pour ne pas vouloir de quelqu’un comme toi. Encore une fois, j’instaurais un petit silence avant de reprendre, continuant sur ma lancée pour lui prouver qu’il était quelqu’un qui méritait le bonheur que j’avais. Et certes, tu rêves de retrouver ta sœur. Mais qui n’en rêverait pas ? Tu as la force, le courage et la détermination de continuer à y croire et ça, c’est une qualité incroyable : ne jamais laisser tomber. Je trouve qu’il n’y a vraiment rien d’idiot là-dedans

Pendant tout mon discours, j’avais fixé Teferi dans les yeux. J’espérais ainsi que, par-delà mes paroles, il verrait dans mon regard violacé toute la sincérité qui m’habitait.

Quant à Wakiza et moi, nous nous contentons simplement de passer du temps ensemble. Que ce soit pour apporter notre aide au clan en chassant ou seulement pour profiter de la présence de l’autre tout en discutant. Nous gardons aussi notre indépendance et ne faisons pas tout ensemble afin de garder un certain équilibre dans nos vies. Toutefois, je ne nie pas qu’il est très agréable de savoir que l’on retrouvera une personne que l’on aime et qui vous aime en retour lorsque l’on revient de notre journée passée loin l’un de l’autre.

C’était réellement ce que je ressentais et je devais avouer que je m’étais rarement sentie aussi bien dans ma vie que depuis que j’étais en couple avec Wakiza.

Après toutes les bonnes choses que j'avais dites sur lui, je m'étais attendu à ce qu'il réagisse ou me remercie mais il n'en fut rien. Peut-être était il surpris, peu habitué à ce que cela arrive ? Bien que j'aurais espéré un simple sourire, mon ami se contenta de rebondir sur le sujet de mon tout jeune couple. Je comprenais donc qu'il souhaitait mettre fin à cette partie de la conversation et je le respectais.

C'est bien, je suis content que vous vous entendiez bien et que vous trouviez un équilibre qui vous convienne, c'est important. En tout cas, tu souris beaucoup plus depuis que Wakiza partage ton quotidien, c'est agréable de voir que tout les deux vous vous tourniez vers le futur et qu'une lueur d'espoir allume votre regard.

Ah ? Il était vrai que je me sentais bien en compagnie de Wakiza mais je n'avais pas remarqué que je souriais plus qu'à l'accoutumée. Enfin, rien de plus normal étant donné mon bonheur actuel. Et en parlant de se tourner vers le futur, il ne manquait plus qu'une chose pour que notre joie atteigne son paroxysme : devenir parents. Je ne doutais pas que cela se ferait, naturellement, mais j'avais hâte de pouvoir contribuer à créer une nouvelle génération de Nordiques. Je ne m'en ouvrais cependant pas à mon camarade, préférant garder cela pour moi.

A la place, je suivais son regard vers l'entrée de notre refuge contre la tempête et je remarquais que celle-ci semblait se calmer. Après avoir interrogé mon ami du regard, je me dirigeais vers l'entrée afin de me faire une meilleure idée de ce qui allait se passer en terme de météo. Nous étions habitués aux chutes de neige et, au regard de l'accalmie qui se présentait, je pensais qu'il était sans danger pour nous de sortir, le temps de retrouver le clan en tout cas.

Il semblerait que le pire est passé et que nous pouvons rentrer... M'accompagnes-tu ou as-tu d'autres projets ?

Quelle que soit sa réponse, il était temps pour moi de rentrer auprès du groupe. Il ne restait plus qu'à savoir si je serais accompagnée ou non.