Le jour déjà bien avancé, Rána déambulait au sud de Prideland sans destination précise. Il avait accompli sa part de tâche pour la journée. Tôt dans la matinée, il était parti avec quelques compagnons patrouiller le long des frontières ; l'orphelin appréciait de pouvoir parcourir les terres qu'il considérait désormais comme siennes lorsque les premiers rayons du soleil apparaissaient. Ensemble, les lions avaient parcourus plusieurs dizaines de kilomètres sans rien apercevoir d'étrange ou de dangereux. Ils étaient donc rentrés, et chacun avait poursuivi sa journée comme il l'entendait. Le grand mâle n'avait rien mangé, et n'était par contre une petite proie à se mettre sous la dent, maintenant que le gibier se faisait plus présent qu'il ne l'avait été depuis l'incendie.

Il se mit donc en quête d'une quelconque proie qu'il pourrait chasser seul sans se mettre en danger, et huma l'air jusqu'à finir par trouver une piste. Cette dernière le mena a un petit troupeau d'antilope ; peu nombreuses mais largement suffisantes pour lui. Il n'en suffisait que d'une. Sa longue marche l'ayant dérouillé, Rána se sentait prêt à traquer les herbivores. Il ne tarda donc pas à se rapprocher lentement du troupeau, pas après pas, ses muscles roulant sous sa fourrure pour se faire le plus silencieux possible. Il n'était sans doute pas le plus adroit ni le plus rapide, mais il se débrouillait largement. Progressivement, l'orphelin parcouru les quelques dizaine de mètres qui le séparait du troupeau, les yeux rivés sur les antilopes les plus proches.

Lorsque - bien malgré lui - il fit rouler quelques cailloux sous ses pattes, les antilopes détalèrent sans demander leur reste. Se ramassant sur lui-même, Rána bondit à leur suite, ses larges pattes couvrant le plus de distance possible à chaque foulée. Ses muscles puissants jouaient sous son pelage tandis que sa crinière oscillait au rythme de ses foulées qui, à chaque mètre parcouru, le rapprochait un peu plus de son objectif. Aussi plongé qu'il l'était dans sa traque, le grand mâle ne s'aperçut pas qu'il venait de franchir la frontière, quittant ainsi Prideland pour se retrouver sur un territoire qu'il avait déjà foulé aupravant, mais auquel il n'appartenait pas.

Rána voyait la croupe des antilopes se rapprocher de plus en plus devant lui tandis qu'il mettait toute sa puissance dans ses foulées. Il devait avouer qu'il salivait d'avance d'un bon repas. Pourtant, alors que tout semblait en sa faveur, le troupeau vira brusquement sur la gauche sans qu'il n'y ai aucun obstacle devant lui. Surpris, l'orphelin perdit l'avance qu'il avait sur les herbivores. Quelle ne fut pas sa surprise, alors, de constater qu'à quelques mètres de là, une lionne courrait à pleine allure derrière le troupeau. C'était donc la raison du revirement du groupe d'antilopes ; un nouveau prédateur.

Bien qu'ils ne se soient pas concertés, et surtout parce qu'il n'était pas question que la lionne lui vole son repas, Rána puisa dans ses forces pour reprendre sa course et rattraper les quelques mètres qu'il avait perdu à cause de la surprise. Néanmoins, il se déporta légèrement sur la gauche tandis que la femelle se trouvait sur sa droite, préférant prévoir que de voir ses proies lui échapper. Bien qu'ils ne se connaissent même pas, sa congénère saurait peut-être déceler la stratégie qu'il lui évoquait ; assez basique chez les lions. Refermer peu à peu l'étau sur le troupeau, puis viser les derniers individus. S'il n'avait pas en tête de partager sa proie, Rána estimait qu'ils avaient une chance de parvenir à attraper chacun la leur. Quoi qu'il en soit, la lionne ne lui ferait pas louper son repas.

Ses larges pattes battant régulièrement le sol, le grand mâle se retrouva bientôt à quelques mètres à peine de la dernière antilope. Son corps commençait à fatiguer, et il était temps de saisir l'occasion qui s'offrait à lui. Bondissant aussi puissamment qu'il le pu, il parvînt à attraper la croupe du petit herbivore entre ses pattes et le fit basculer dans la poussière en l'entraînant avec lui. Tandis que les sabots battaient dangereusement près de sa tête, Rána immobilisa sa proie comme il pu et l'acheva d'un coup de crocs bien placés. Se léchant les babines d'avance, il releva néanmoins la tête, curieux de voir ce qu'il était advenu de la lionne.