Trois lions débarquèrent non loin de notre lieu de vie avant que l'un d'entre eux ne prenne la parole.

Qui vous dirige ? Nous exigeons lui parler.

Je grognais à leur simple vue si proche de nous et j'étais très en colère qu'ils aient pu réussir à s'approcher aussi près. J'avais personnellement pris sur moi de protéger le clan depuis que je n'avais plus de famille et il était plus que frustrant de voir qu'aujourd'hui, j'avais échoué.

Je regardais autour de moi pour voir les réactions de mes camarades et je ne fus que peu surprise de voir que la plupart réagissaient comme je m'y attendais.

Plusieurs secondes passèrent sans qu'aucun des vrais nordiques ne veuille répondre. Déjà, parce que j'estimais que, comme moi, ils n'avaient pas vraiment envie de leur parler mais aussi parce que nous ne pouvions leur répondre. Nous n'avions pas de chef depuis que les Nokosis avaient décidés de fuir la Montagne et nous nous en sortions très bien comme cela.

Je cherchais parmi mes camarades celui qui prendrait la parole mais il semblait qu'aucun ne souhaitait le faire. Personnellement, je n'avais qu'une seule envie : qu'ils s'en aille. Je soupirais avant de prendre mon courage à deux pattes puis je m'avançais pour m'adresser à Agadir et ses deux acolytes.

Nous n'avons pas de chef. Si vous avez quelque chose à dire, vous pouvez vous adresser à nous tous. Je gage cependant que vous parveniez à nous convaincre de quoi que ce soit. Vous feriez mieux de retourner d'où vous venez...

A ma grande surprise, je m'étais montré plus courtoise que ce que j'aurais cru. Néanmoins, on entendait clairement à l'intonation de ma voix que ce n'était pas de la gentillesse et de l'amitié que je ressentais pour eux...

Taygha vient se poster à mes côtés et je lui offris un regard de remerciement. Elle ne dit rien mais il était clair qu'elle pensait comme moi. Takahé et son frère se placèrent également à mes côtés, tous les deux aussi hostiles que je l'étais. Aucun des deux ne pris la parole, laissant cela à un autre mâle.

Vous n'avez rien à exiger de nous. Nous ne voulons pas de vous, les Esprits non plus. Vous êtes un danger pour notre clan. Nous ne pouvons prendre ce risque ! Vous ne pouvez revenir.

Celui qui venait de parler était Whakautu. Nous n'avions échangé que pour des banalités et je voyais aujourd'hui que lui aussi ne portait pas les intrus dans son cœur. En même temps, il aurait fallu avoir un esprit tordu pour ne pas les détester. J'étais bien d'accord avec ses paroles, que j'appuyais d'un hochement de tête.

C'est alors qu'il eut le culot de répondre, défiant ce que nous venions de lui dire, prenant sur nous de ne pas les chasser purement et simplement.

Non. Nous refusons de faire demi-tour. En l'absence de symptômes sur une durée conséquente, nous avons estimé qu'il était temps pour nous de rentrer. Le nord a accepté de reprendre ses enfants !

Un rire cynique s'échappa de moi. Comment osait-il ?! Je ne pouvais me retenir davantage et c'est avec une certaine véhémence que je rétorquais.

Enfants du Nord ? Vous ? Laissez-moi rire ! Vous avez perdu le droit de vous appeler ses Enfants lorsque vous avez délibérément décidé de quitter le Nord. En choisissant la facilité et en quittant les Montagnes lorsque les proies ont désertées, vous avez simplement révélé ce que vous étiez en réalité : des lâches ! Des déserteurs incapables d'affronter une difficulté lorsqu'elle se présente ! Vous ne savez pas ce que nous avons vécus ici... Mais nous, malgré ce que nous avons enduré, nous sommes restés. Nous avons affrontés toutes les épreuves que nos ancêtres nous ont envoyés et nous y avons survécus. Alors ne croyez surtout pas que nous allons vous accueillir parmi nous parce que vous revenez la bouche en cœur, fiers de ne pas être morts de l'épidémie !

Mon ton avait été cinglant et il était clair pour tout le monde que, quoi qu'il arrive, je m'opposerai toujours à leur retour au sein du clan. Pour ma part, j'estimais qu'ils auraient dû mourir eux aussi. Cela aurait été bien mieux pour tout le monde et aurait évité cette désagréable discussion...

Après mon discours enflammé, Taygha fut la suivante à prendre la parole. Bien qu'elle était moins véhémente que je ne l'avais été, ses paroles étaient toutes aussi lourdes que les miennes. De plus, il était clair qu'elle non plus ne changerait pas d'avis.

Ce fut ensuite le tour de Teferi de prendre la parole. Lui aussi laissait ses émotions s'exprimer, allant même jusqu'à sous-entendre qu'Agadir et ses deux compères n'étaient pas innocents dans la mort de ceux qui les avaient accompagnés.

La réaction du chef des traitres ne se fit pas attendre car je pouvais presque apercevoir la colère qui l'animait tant cette dernière était grande. Je n'en tenais cependant pas rigueur, sachant pertinemment qu'il n'oserait rien faire. Après tout, ils n'étaient que des lâches et, c'était bien connu, les lâches n'affrontaient jamais les problèmes et se contentaient de fuir.

Cependant, à ma grande surprise, il ne semblait pas prêt à partir cette fois-ci. D'après ses propos, il semblerait qu'il ne renoncerait pas et cela ne fit qu'augmenter mon irritation. Pourquoi vouloir s'acharner à ce point ? Cela aurait été bien plus simple pour tout le monde s'ils étaient restés dans le monde d'en bas pour y attendre la mort.

Après quelques échanges entre les trois lions, l'un d'entre eux fini par faire demi-tour et s'échapper en courant. Bien, si les deux autres pouvaient en faire de même maintenant... Mais rien n'était jamais aussi simple et il apparaissait clairement qu'Agadir et celui qui était resté avec lui ne partiraient pas. Pas à moins que nous les y obligions. Et comme le disaient les dernières paroles flottant dans l'air, il n'y avait qu'un seul moyen pour nous débarrasser d'eux à jamais...

*****

La neige et les pelages immaculés quelques dizaines de minutes plus tôt n'étaient plus. Tout comme Agadir et celui qui était resté avec lui. En effet, à peine quelques secondes après qu'il ait eu fini de parler, tout était allé très vite. Les uns s'étaient jetés sur les autres et tout n'avait plus été qu'une échange de coups confus. Etant en supériorité numérique, nous n'avions récoltés que peu de blessures tandis que le sang coulait de leur côté. Enfin, tout s'était calmé lorsque la vie les avait quittés.

Posant un regard empli de dégoût sur les cadavres, je ne restais pas une seconde de plus en leur compagnie. Je m'éloignais de la scène de carnage qui venait d'avoir lieu et à laquelle j'avais participé pour me diriger vers les Sources Chaudes. Il existait là-bas des flaques d'eau que nous ne buvions pas et j'avais bien l'intention de me servir d'elles pour me débarrasser du sang des traitres qui tâchait mon pelage.