La lionne grise, tapie dans les hautes herbes, ne bougeait pas le moindre muscle. Cillant à peine, respirant le plus légèrement possible, les yeux fixés sur un zèbre concentré sur son propre repas, rien ne semblait pouvoir briser sa concentration. Elle resta parfaitement immobile pendant longtemps, puis, sans prévenir, elle bondit. Toujours sans quitter sa proie des yeux, elle s'élança en longues foulées sur l'herbivore, qui releva brusquement la tête, affolé, avant de se mettre à galoper aussi vite que ses jambes le lui permettaient. La femelle, cependant, se rapprochait, ses griffes acérées brillant dans le soleil de l'après-midi, ses crocs découverts par ses babines, et il semblait bien que le zèbre n'en avait plus pour longtemps. Celui-ci n'avait, pourtant, pas encore dit son dernier mot: mu par l'énergie du désespoir, il décocha une ruade à la prédatrice, qui fut obligée de déraper sur le sol poussiéreux pour éviter de justesse les sabots de l'animal. Déséquilibrée, elle se trouva forcée de ralentir pour retrouver son aplomb, et pour repartir à l'assaut.
Elle avait cependant perdu du terrain sur sa proie, et elle eut beau forcer autant qu'elle le pouvait sur ses muscles, il était trop tard: l'herbivore était trop loin, et il se tenait prêt, vigilant, cette fois.

Uzazi, exaspérée, feula avec fureur. Elle avait encore raté sa proie! Ce n'était pas la première fois de la journée, au contraire. Elle s'était levée plus tôt que d'habitude - beaucoup plus tôt, en réalité - dans l'espoir de trouver de quoi manger: cela faisait plusieurs jours qu'elle n'avait presque rien mangé, à peine une ou deux charognes, à la limite un oiseau... Elle s'affaiblissait de plus en plus, cela se faisait cruellement sentir. Mais ce n'était pas le pire. Ce qu'Uzazi ne supportait pas, c'était de voir son fils, Azari, qui devait lui aussi se priver de nourriture. Elle était prête à le laisser manger les proies qu'elle réussissait à attraper, mais il n'y avait pas de proie qu'elle réussissait à attraper, justement. Elle n'était pas vraiment une mauvaise chasseuse, elle était même plutôt bonne, mais elle n'avait rien d'exceptionnel non plus, et de plus elle n'avait rien mangé de consistant depuis un certain temps déjà...
Ah, si seulement elle pouvait bénéficier de la protection d'un clan... Son fils aurait mangé à sa faim, autant que les autres lionceaux. Or elle n'avait rien, elle vivait seule, et encore devait-elle s'estimer heureuse que Misaada, le majordome du roi de la Terre des Lions, vienne de temps en temps leur fournir à manger.
Mais justement, il n'était pas revenu depuis ce qui semblait très longtemps à la jeune mère affamée, et c'était pourquoi, poussée par la faim, elle s'était aventurée loin dans les terres du roi Farao... Elle savait ô combien c'était risqué pour elle, si un lion du Rocher de la Fierté la trouvait là, mais elle n'avait pas eu le choix, elle refusait de voir Azari mourir sous ses yeux. Ça, jamais. Uzazi s'était donc risquée jusqu'à l'étang, là où elle savait qu'elle avait le plus de chances de dégoter un bon repas pour elle et son lionceau.

Malheureusement, cela faisait déjà un petit moment qu'elle tentait d'attraper ne serait-ce qu'une jeune gazelle, sans succès. Mais elle n'allait pas abandonner si facilement, ça non! Il fallait qu'elle ramène une proie ce soir, cela devenait de plus en plus urgent. Aussi se remit-elle en chasse, plus déterminée que jamais. Elle se tapit de nouveau au sol, tout en cherchant des yeux une proie suffisamment fragile pour qu'elle puisse l'avoir malgré sa propre faiblesse.
Elle finit par repérer un vieux gnou à l'air maladif, qui se déplaçait lentement, s'éloignant de l'étang après avoir bu.

-Parfait, murmura-t-elle pour elle-même. Celui-là, je n'ai pas le droit de le rater.

Lentement, avec beaucoup de prudence, elle obliqua vers lui, se rapprochant peu à peu... Elle était maintenant suffisamment proche... Elle déglutit, plaquée au sol, et s'apprêta à bondir, quand une odeur qui lui disait vaguement quelque chose, sans qu'elle en connaisse le propriétaire, parvint à son nez, et la mettant en panique. Quelqu'un venait par là!
Elle fit une brusque volte-face - tant pis pour la proie... - pour s'enfuir, mais c'était déjà trop tard: l'intrus, quel qu'il soit, venait vers elle, lui coupant toute retraite, et il n'y avait aucun endroit où se cacher. Uzazi, la peur au ventre, se tint prête à toute éventualité. Elle n'avait aucune envie de se trouver forcée de partir loin de la Terre des Lions avec son lionceau parce qu'elle avait commis l'erreur stupide d'aller dans un endroit aussi fréquenté, et elle espérait bien pouvoir profiter de tout ce qu'elle pouvait pour éviter d'en arriver là. Cependant, elle sentait la peur lui glacer peu à peu le sang. Elle n'avait aucune compétence en combat, si son ennemi potentiel décidait d'attaquer, elle n'aurait pas la moindre chance.
Elle n'aurait jamais dû venir ici...

Spoiler:

Uzazi, piégée par cet animal inconnu qui venait vers elle - à toute vitesse, d'ailleurs - eut la surprise de découvrir... un guépard. Et un tout jeune guépard, même. Il semblait n'être qu'un adolescent, environnant sa première année sans doute.
Il se trouvait sous le museau de la lionne grise, tout proche, ce qui lui permit de voir parfaitement distinctement son expression effrayée, juste avant qu'il ne fasse un bond en arrière pour s'éloigner.
Un air désolé plaqué sur son visage, aplati sur le sol en signe de soumission, il dit être désolé et l'avoir confondue avec sa proie.

Uzazi n'était pas certaine de comprendre son attitude. Pourquoi avait-il l'air si terrifié par elle? Un souvenir s'agita vaguement au fin fond de sa conscience, quelque chose... Elle se rappela soudain d'une chose qu'elle avait entendue dire, comme quoi il y avait eu un marché qui avait été passé entre des guépards et des lions, il y avait un certain temps de cela, un marché disant que les lions laissaient les guépards tranquilles si ceux-ci leur rendaient un service quand on leur demandait, ou s'ils acceptaient de leur donner à manger... Cette histoire était-elle vraie? Uzazi avait toujours pensé qu'il s'agissait d'un vieux conte parmi tant d'autres. Cependant, cela pouvait expliquer l'attitude de ce jeune félin.

La lionne au pelage sombre aurait pu se servir de ce dont elle venait de se souvenir - si cela s'avérait vrai. Elle aurait pu utiliser cette histoire à son avantage, faire ce qu'elle voulait à ce jeune guépard. D'ailleurs, une partie d'elle-même lui criait de le faire, lui disait qu'elle devait se servir de ça pour garantir sa sécurité, et celle de son fils.
Mais Uzazi, malgré toute l'envie qu'elle avait de protéger son fils, ne pouvait se résoudre à se comporter en une lionne arrogante et sûre d'elle qui pouvait commander ce guépard. Ce n'était pas dans sa nature, tout simplement.

-Ce n'est rien... dit-elle doucement, ses yeux s'adoucissant devant l'air pitoyable du félin tacheté. Il lui semblait si jeune et si vulnérable, dans cette posture! Ce n'est pas grave, ne t'inquiète pas.

Elle hésita. Elle devait quand même faire quelque chose, pour éviter qu'il ne risque de raconter à tous les lions qu'il croiserait sur son chemin de parler d'elle.

-Écoute, je vais te laisser partir tranquillement, je veux juste que tu... Nouvelle hésitation. Si elle lui disait qu'il fallait à tout prix qu'il fasse comme s'il ne l'avait jamais vue, il se poserait des questions. Et il irait sans doute dire à la première personne venue qu'il avait rencontré une drôle de lionne qui ne voulait pas qu'on sache qu'elle était là... Mais elle n'avait pas le choix. Si elle ne lui disait rien, il y avait encore plus de risque que le guépard parle d'elle, alors que dans le cas contraire, elle avait une petite chance, infime, certes, mais une chance tout de même, de ne pas être inquiétée. Je veux que tu m'oublies. Que tu fasse comme si je n'avais jamais été là. Je ne t'en veux pas, tu ne me dois rien.

Elle espérait de tout coeur qu'il la prendrait au mot et qu'il ne penserait plus du tout à elle, il le fallait! Si jamais Malkia - ou tout autre lion du Rocher de la Fierté - apprenait qu'elle n'avait pas quitté la Terre des Lions, Azari et elle iraient à leur perte...

(HJ: Sans rancune, ma propre réponse ayant été encore plus attendu que la tienne . Par contre, bonne nouvelle, ma présence devrais rapidement revenir régulière ^^)

À mon plus grand bonheur, les premiers mots de la lionne ne sont ni des invectives, ni des grognements. Elle ne semble pas en colère contre moi, juste... Déçu. Pour le coup, je dois dire que j'avais pensée avoir à faire à une vieille lionne. Mais le son de sa voix fait vibrer mes tympans. C'est plutôt la voix d'une jeune féline, ou tout du moins, pas encore une vieille bique. Et pourtant. Je me permets de me redresser un peu, moins soumis, mais toujours pas d'égal à égal. Mes pupilles d'or regarde les traits épuisés de la femelle et alors je comprends. Elle n'est pas vieille, mais vraiment juste fatiguer... Voir épuisé et un peu maigre aussi. Enfin, je crois. Dure de dire puisque les seuls barème que je connaissent vraiment son ceux des guépards. Mais n'empêche pour une lionne de cette taille, j'ai l'impression qu'il lui en manque un peu.

Soudain, sa voix brise à nouveau le silence. Elle semble n'avoir vraiment rien contre moi et vouloir me laisser partir, mais elle s'interrompt. Elle hésite? Étrange, je croyais tout les lions fiers et certains. Quoique... Même si s'était le genre de Lrya et de tous ceux qui prenait nos proies, Wafu lui avait démontrer une légère tendance à l'hésitation. Certainement, j'avais tords de placer tout les lions dans la même catégorie. Tout comme nous, il était logique que leurs personnalités diverges. Mes oreilles grandes ouvertes, j'attendais donc sa demande qui ne venait pas, déjà près à la réalisé. Non seulement était la mon contrat, mais aussi mon désir personnel. Aider les gens me plaisait à la base, alors s'il était d'une lionne qui semblait fatigué à en paraitre malade...

Puis elle demande enfin. Et moi, et bien, je la regarde sans comprendre. L'oublié? Pourquoi? Je ne comprends ni le sens de sa demande et le reste de sa phrase est encore plus confus. Elle ne m'en veux pas et je ne lui dois rien. Hein? Suis-je le seul à ne rien y comprendre? À moins que... Parce qu'elle ne m'en veux pas de l'avoir confondus avec mon phacochère? C'est de sa qu'elle parle? C'est alors que mon arrivé surprise me repasse en tête, je revois tout les détails, cherchant ce qui me semble cloché. Et je le remarque enfin. Levant la tête pour voir au dessus des herbes, je fixe le vieux gnous blesser que la lionne devait chasser, mais que mon arrivé à fait fuir. Bon sang, je lui es fait raté sa chasse. C'est de sa qu'elle parle, de sa dont elle ne m'en veux pas... Mais moi, je m'en veux tout seul! Je connais trop bien les problèmes de la fin pour ne rien ressentir lorsque je vois se genre de chose arrivé à un autre. Les oreilles basses, je reporte mon attention sur la lionne. C'est alors qu'une idée me viens en tête. Avec un faible sourire, incertain de la réaction de l'inconnu, je réponds enfin:

-Écoutez... Je sais pas pourquoi vous voulez que je vous oublie mais si sa vous vas, alors soit... Aujourd'hui, près de l'étang je n'es croisé personne... Par contre, j'ai vue ce vieux gnous qui semblaient si mal en point. Habituellement je ne chasse pas les gnous, mais je me suis dit "pourquoi pas essayer?" alors je me suis mis en chasse, mais manque de bol... Je l'es envoyé tout droit sur ce qui semblait être un prédateur aux aguets. Une hyène peut-être? Je ne sais pas trop, mais cela as tué le vieux gnou et j'ai préféré partir plutôt que vérifier ce qui l'avait tué...

Je lui fais un dernier sourire, espérant qu'elle m'avait compris et je m'éloignais. J'avais parler comme si je racontais à une tierce personne ma journée d'aujourd'hui. J'avais préciser que je l'oubliais, mais aussi qu'un prédateur inconnu aurais tué le gnou que j'aurais envoyé, sans savoir dans sa direction. La lionne avait beau dire ce qu'elle voulait, je me sentais redevable, aussi, je marchais rapidement. J'allais faire un grand tour pour contourner le vieux gnous, le prendre en chasse et avec un peux de tactique, réussir à l'envoyer droit sur la lionne qui l'attendrait en guet-apens. À condition, bien évidemment qu'elle est compris mon intention de l'aider et que la "hyène" que j'avais proposer comme prédateur potentielle à mon futur interlocuteur se révélait être nulle autre qu'elle.

Spoiler:

Le jeune guépard semblait plutôt incertain, comme s'il ne comprenait pas ce que lui avait dit la lionne grise. En même temps, le sens de sa phrase était assez mystérieux, pour qui ne connaissait pas sa situation...
Finalement, son regard s'éclaira d'une lueur de compréhension, et il parut soudain désolé. Puisqu'il avait regardé le gnou qui constituait la proie d'Uzazi encore quelques instants auparavant, il avait sans doute compris qu'elle avait raté sa chasse - encore une fois, pensa-t-elle amèrement.
Elle n'en voulait pas au jeune guépard, ou bien si peu qu'elle ne s'en rendait même pas compte, après tout, il n'avait pas pu savoir qu'elle était là; ou du moins, il n'avait pas pu savoir qu'elle était une lionne en pleine chasse, ce n'avait pas été volontaire...

Et puis, sans qu'elle sache vraiment pourquoi, le guépard eut un léger sourire. Pas trop large, quand même, mais tout de même. Cependant, elle comprit sa signification dès les premières phrases qu'il prononça ensuite. Il lui proposait de rabattre vers elle un vieux gnou, pour qu'elle rapporte, finalement, une proie chez elle...
Uzazi fut touchée. Ce jeune mâle aurait tout à fait pu choisir de la laisser seule et de repartir aussitôt sans un regard en arrière, ainsi qu'elle le lui avait suggéré. Ou même, il aurait tout aussi bien pu décider d'aller immédiatement voir le roi et la reine de la Terre des Lions pour leur raconter l'étrange rencontre qu'il avait fait au cours d'une chasse... Cela aurait pu lui permettre de gagner une certaine estime aux yeux du couple royal - et surtout de Malkia, puisqu'après tout, c'était Farao qui, aidé de Misaada, avait caché Uzazi et son bâtard de fils loin des yeux des autres habitants du royaume.

Cependant, si elle avait bien compris ce qu'il avait voulu dire, il proposait de l'aider à faire une chasse fructueuse! Si elle était couronnée de succès, elle pourrait enfin donner à manger à son fils, qui en avait si désespérément besoin...
Pour Uzazi, il n'y avait aucune hésitation à avoir. Tandis que le jeune félin s'éloignait sans tarder, elle murmura un léger "merci" avant d'aller se mettre elle aussi en position, prête à recevoir comme il se devait sa proie...
Là, elle se tapit dans les herbes hautes, et attendit sans faire ni bruit ni mouvement, attentive à l'arrivée prochaine du gnou.