Leur instinct les avait menés jusqu’ici, mais leurs corps ne pouvaient pas aller plus loin. Voilà où les jumeaux en étaient rendus après des années de fier service à la protection des leurs. Des carcasses vides, n’osant même plus se regarder l’un l’autre. Eux qui avaient été de parfaits reflets l’un de l’autre, ayant poussé le vice jusqu’à réussir à prononcer les mêmes mots en même temps, à ne plus pouvoir se faire différencier, voilà qu’ils n’étaient plus des os à peine maintenus les uns aux autres par de maigres muscles. Un triste spectacle lorsqu’ils tentaient de se remémorer leurs rêves d’enfants. Voilà pourquoi ils refusaient en silence de se regarder, tas d’os recouverts de peau nue par endroit, souillés de croutes de boue séchée qu’ils n’avaient plus eu la force de nettoyer depuis des lustres.

Aucune neige ne se trouvaient à leurs pattes, mais ils sentaient au fond d’eux-mêmes qu’ils étaient de retour à l’intérieur des frontières de leurs ancêtres. La trahison de Wetiko avait été inutile, la maladie se propageant et s’aggravant trop vite pour que de quelconques soins extérieurs puissent aider les Nordiques. Comme des fantômes, les Jumeaux s’étaient éclipsés une nuit, les têtes vides, sans commander à leurs pattes où aller. Une bonne moitié des leurs était morte, et leur tour approchait à grand pas. Comme leurs deux parents, leurs instincts leur avaient dicté de s’éteindre à l’intérieur des frontières qu’ils avaient gardées toute leur vie. Aucune pensée n’émanait d’eux aucun regret, aucune tristesse, plus rien.

Lorsque la maigre carcasse de Makoa s’écroula sur le sol, Ysafi se coucha simplement contre lui. Puis, comme ils avaient donné leurs premier cris ensemble jadis, ils rendirent leur dernier soupir de concert.