Jehara avait quitté les siens sans le moindre au revoir, sans se retourner. Chukia avait bien été au courant, mais elle n'avait rien fait pour l'en empêcher. Et Myriam lui avait demandé de partir, pour son bien. C'était quelque peu égoïste comme choix, mais Jehara savait que sa troupe s'en sortirait très bien sans lui. Son départ en exil était la réponse censée à son existence : est-ce que le désert l'acceptait bel et bien ? Si oui, Jehara serait la conscience tranquille. Si non, il mourait, c'était ainsi. Dans les deux cas, il avait décidé qu'il ne reviendrait pas parmi les siens. Premièrement, parce qu'ils ne comprendraient pas son choix ; deuxièmement, parce qu'il avait rejeté la loi du désert en partant, ce qui faisait de lui un lion du désert, mais plus un Jangowa.

Sa marche l'avait déjà mené loin dans ce champ de sable et de mort, il était d'ailleurs étonné de si bien vivre la brûlure du soleil et la morsure de du froid en pleine nuit. Au final, il était robuste... Mais ce n'était que le début.
Quand les champs rocheux furent en vue, il fit demi-tour vers le mur de roche, à l'est, pour ne pas enfreindre les délimitations de l'exil.

Le voyage était loin et Jehara commençait à fatiguer. Il ne comptait même plus les jours qu'il avait passé loin des siens, mais étrangement, son esprit voyageait vers Kaya et ses sœurs, pensant parfois à Myriam, ses cousins... Peut-être que le soleil commençait lui brûler la cervelle, mais Jehara se rappelait des moments heureux et il se disait qu'il avait finalement eu une belle vie, malgré tous les rebondissements. Il avait survécu à une attaque de vautour, à plusieurs empereurs différents, à son exil, à Nazhir... Il n'avait pas échoué. C'était une certitude. Il était un véritable Jangowa.

Malheureusement, son voyage se finira ici, à l'ombre d'un arbre mort, planté au milieu du désert. Des traces de griffes décoraient l'écorce, laissant Jehara penser que d'autres avaient dû passer et mourir ici. C'était un bon endroit.
A bout de force, le lion maigre et affaibli tomba sur le flanc. Il posa sa tête dans le sable, à l'ombre, et attendit. Cette fois-ci, il était prêt, prêt à faire face à l'esprit du désert en personne.