Les derniers jours avaient été particulièrement riches. Après avoir retrouvé les troupeaux disparus et les avoir escortés sur Prideland, les deux apprentis gardiens et Rahisi étaient finalement revenus au Baobab. Agellos, le calao messager du Roi Kama, avait une fois de plus été sollicité pour porter message sur Freeland et avertir les lions de la situation. Les Pridelanders seraient bientôt de retour chez eux et pour la première fois depuis longtemps, les Gardiens pouvaient souffler un peu. Bien sûr toute cette histoire n’était pas encore terminée et bientôt viendrait le procès des hyènes mais au moins jusqu’à l’attente du retour des Pridelanders, Fedha et ses Gardiens pouvaient prendre le temps de se reposer et de penser à la suite des événements.

Après une longue discussion avec son mentor, Shomari décida d’aller se dégourdir les pattes aux alentours du Baobab pour souffler un peu mais très vite, il huma une odeur étrangère qui l’interpella. Ce n’était pas rare de sentir de nouveaux arrivants, des messagers de divers horizons se présentaient souvent aux Gardiens aussi s’avança-t-il d’un pas tranquille vers la source de cet odeur, songeant à peut-être croiser la route d’un Prideland envoyé par Azaan ou encore de Shagan, cet Outlander qui s’était révélé être un allié efficace mais il n’en fut rien et l’apprenti Gardien fut surpris de découvrir une petite famille. Leurs visages lui étaient vaguement familiers, sûrement les avaient-ils connus sur Prideland et il pensa d’abord à des messagers de son oncle quoique leur formation ne correspondait pas vraiment aux standards mais en approchant d’eux, il se rendit compte que l’odeur si particulière des Pridelanders ne les accompagnait en rien. Des voyageurs ? Il n’y avait qu’une façon de le savoir.

« Bonjour. » les interpella le lion doré une fois à proximité bien que gardant une certaine raisonnable – il savait les mères particulièrement farouches en présence de leurs petits et ces deux-là semblaient particulièrement jeunes –. « Est-ce les Gardiens que vous cherchez ? »

Shomari n’aimait guère tourner autours du pot, il ne s’en montrait pas pour autant insolent et sa voix naturellement chaleureuse indiquait simplement aux nouveaux venus qu’il ne leur voulait pas de mal et qu’il s’interrogeait juste sur leur présence en ces lieux où les visiteurs étaient rares.

Sourire aux babines – probablement rassuré par l’attitude inoffensive de Shomari – le père de famille le salua en retour, le qualifiant de jeune gardien. Shomari sourit, un brin amusé. Sa crinière en encore en pleine croissance devait trahir son âge mais pour ce qui était de l’inconnu, il était bien difficile de situer sa tranche d’âge tant celui était tout simplement dépourvu de crinière à l’exception d’une petite coupe. Anomalie génétique ? C’était en tout cas troublant mais Shomari avait appris à garder secrète sa curiosité et n’attarda guère son regard sur ce détail pour ne pas mettre à l’aise le lion au pelage crème.

Les inconnus ne tardèrent pas à lui confier être simplement en déplacement et qu’ils avaient espéré se reposer au pied du baobab mais que celui-ci était de toute évidence déjà pris. Shomari ne perdit pas son sourire mais celui-ci s’était un peu affaissé.

« Les Gardiens ont dû s’établir ailleurs lorsque le priderock a pris feu et puisque nous accompagnions les Mositus à ce moment-là, le Baobab semblait être le lieu parfait pour poser bagages. »

Le Baobab était un point stratégique sur la Terre des Lions et reliait bien des terres quoiqu’éloigné de Freeland, cela avait permis aux Gardiens de rester en contact avec les différents clans et de continuer à opérer. Les troupeaux revenus sur Prideland et les lions d’Azaan bientôt rapatriés, Shomari se demandait si les Gardiens retourneraient auprès de Kuzaida dans l’antre au pied du rocher ou s’ils demeureraient ici. Fedha semblait toutefois trop vieux pour un dernier voyage …

Le père de famille semblait se détendre et lâcha même sa prise sur son lionceau quoique celui-ci alla très vite se réfugier entre ses pattes arrières. Les deux petits étaient encore très jeunes et la présence d’un inconnu ne devait pas beaucoup les rassurer. Alors que Shomari lui adressait un sourire pour apaiser ses éventuels craintes, le lion sans crinière confia qu’il était heureux de constater que les Gardiens trouvaient encore de jeunes recrues. Shomari le fixa, hésitant un instant. Il était vrai que les Gardiens avaient beaucoup perdu en popularité et ils travaillaient d’ailleurs dessus mais il faudrait sûrement du temps avant que l’estime du peuple ne remonte.

« Il faut bien assurer la relève. » répondit-il dans un demi sourire avant d’ajouter : « Nous sommes trois lions à les avoir rejoints récemment, on espère en inspirer d’autres mais surtout aider les Gardiens dans leur lourde tâche. »

Lui-même avait blâmé l’ordre de Fedha pour leur piètre efficacité ces dernières années mais son oncle avait marqué un point en lui confiant qu’avec un si maigre effectif, il était bien difficile de faire bouger les choses et d’accomplir de grands actes. Shomari espérait sincèrement que ce vent frais que les trois apprentis apportaient permettraient aux Gardiens de redresser a barre et il lui semblait déjà qu’en quelques mois, ils avaient accomplis beaucoup. Fedha lui-même semblait retrouver espoir et Shomari était fier d’y participer.

« Si vous espériez faire une halte au baobab pour vous reposer, vous êtes bien évidemment les bienvenus. »

Le Baobab n’était en rien réservé aux Gardiens, ils s’y étaient établis certes mais tout animal à la recherche de paix était le bienvenue et il n’allait certainement pas refuser de partager avec de jeunes parents en charges de lionceaux.

La proposition de l’apprenti Gardien semblait convenir à la petite famille dont le père le remercia d’un hochement de tête entendu. Bien sûr Shomari s’était permis de parler au nom des siens mais ils ne pensaient pas que les Gardiens y verraient un quelconque inconvénient, ils étaient là pour aider et partager un peu l’air frais du Baobab n’était en rien en comparaison de ce qu’ils avaient accomplis ces derniers temps.

Conscient que les Gardiens pouvaient se révéler être une mine d’information, le lion au pelage crème interrogea bientôt l’apprenti sur la reconstruction de Prideland, leur dernier passage sur ces terres remontant à plusieurs mois.

« Prideland renait de ses cendres. » confiait Shomari dans un sourire. « La végétation a reprit ses droits et les troupeaux sont de retour. Cet incendie ne sera bientôt plus qu’un mauvais souvenir. »

Puis à sa grande surprise, la lionne brune fit part de ses inquiétudes quant à ses proches. Oncle Azaan ? Ses yeux s’écarquillaient de stupeur tandis qu’il fixait avec plus d’intention la jeune mère. Il lui semblait l’avoir déjà vu sur Prideland … Shomari ne se souvenaient malheureusement plus de son nom mais il se rappelait maintenant que cette lionne n’était autre que la fille de Sadaka, le demi-frère de sa mère et par conséquent une sorte de cousine à lui. Oh. Il se sentait bien bête de ne la reconnaitre que maintenant mais après tout, ils n’avaient de commun qu’un sang éloigné et cela ne faisait pas d’eux des proches pour autant.

« Votre compagnon a raison, vous n’avez aucune raison de vous en faire. Le Roi a été informé de la situation et peut-être qu’à l’heure où nous parlons, les Pridelanders sont déjà en route pour rentrer chez eux. »

Il pensait notamment à sa mère et à son frère. Il était quelque peu attristé de ne pouvoir partager avec eux la joie de rentrer au bercail mais il se satisfaisait amplement d’avoir rendu cela possible avec les Gardiens. Bientôt sa famille ne serait plus qu’à quelques lieux de lui et il serait bien plus facile de les voir. Shomari s’était bien rendu quelques fois sur Freeland mais c’était tout de même une sacrée route. Peut-être la famille de voyageurs avait elle-même pour projet de se rendre sur Prideland … Il lui semblait que les autres enfants de Sadaka demeurait auprès des Pridelanders mais il n’en avait pour autant aucune certitude, il n’avait jamais été proches de ce côté-là de la famille et son cercle familial était plutôt restreint à l’essentiel.

Les nouvelles semblaient bonnes à entendre et le couple remercia à nouveau l’apprenti Gardien de ses informations, le mâle confiant qu’il était très heureux de l’apprendre avant que sa femelle n’ajoute qu’une autre devait être moins ravie. Shomari haussa un sourcil, ignorant de qui elle parlait mais sûrement que sa plaisanterie devait être à destination de son compagnon qui ne tarda pas à l’interroger sur l’identité de cette personne et Sahasi, si tel était bien son nom, répondit bien vite qu’il s’agissait de « la petite cousine Moha ». Oh, elle connaissait donc aussi Moha ? Ce ne devait pas être vraiment étonnant puisqu’Azaan était aussi son oncle, il ne l’avait simplement jamais vu traîner près de sa petite princesse. Shomari était un peu mal à l’aise, Sahasi ne semblait pas l’avoir reconnu et il n’avait pas vraiment envie de lui confier les liens du sang qui les liaient, c’était trop … bizarre. Sûrement était-il gêné du fait qu’elle ne le remettait pas, après tout il avait bien changé depuis son enfance.

Le lion sans crinière – ou du moins à la courte crinière -, rit gaiement à la plaisanterie de sa compagne, confiant que sa connaissance de la famille royal s’arrêtait aux trois enfants de Kumpa. C’était étrange, il semblait à Shomari avoir déjà aperçu ce lion au pelage atypique sur Prideland mais s’il n’avait pas connaissance de la fille d’Azaan, sûrement avaient-ils quitté les Pridelanders avant l’incendie.

Celui-ci semblait d’ailleurs s’intéresser de près aux activités des Gardiens et demanda à l’apprenti ce qu’ils comptaient faire maintenant et s’ils avaient pour objet de retourner au repère des Gardiens. Shomari haussa des épaules, l’air pensif.

« Les dommages causés par l’incendie semblent être en voie de guérison mais reste encore le problème des hyènes. Celles-ci ont volontairement porter atteinte au Cycle de la vie et les Gardiens ne peuvent laisser tel crime impuni mais pour l’heure, nous attendons des nouvelles du Roi Azaan pour envisager la suite des choses. » Il fallait d’abord que les Pridelanders rentrent chez eux puis une fois que ce serait chose faite, ils décideront avec Azaan, principal concerné par l’affaire, de la marche à suivre. Moins certain, il ajouta : « J’ignore si nous allons retourner nous établir au repère des Gardiens de suite, Fedha n’a pas encore donné de directives à ce propos mais il est vieux et fatigué, je crains qu’il n’ait pas la force pour un tel voyage. »

Son mentor n’était assurément plus en âge pour un tel voyage et si les Gardiens devaient se rendre sur Prideland pour opérer avec le Roi quant au problèmes des hyènes, sûrement s’y rendraient-ils en petit nombre. L’âge avancé de Fedha les bloquait en quelque sorte au baobab pour le moment et Shomari craignait qu’un tel voyage ne soit trop pour lui. Une question lui brûlant le bout de la langue depuis un moment, il demanda :

« Êtes-vous tous les deux originaires de Prideland ? »

Il connaissait déjà la réponse quant à Sahasi, c’était surtout celle du mâle qu’il voulait entendre. Son pelage lui rappelait bien un vague souvenir mais il n’était sûr de rien, Shomari avait longtemps vécu en marge du clan et ses souvenirs d’autres membres du clan étaient plutôt limités.

A la question de l’apprenti Gardien, le lion au pelage crème lui confia qu’ils étaient tous deux originaires de Prideland, lui fils d’un voyageur et d’une Pridelander, et quant à sa compagne, celle-ci précisa être la fille de Sadaka, fils de l’ancienne reine Kuzali, tandis que sa mère était une Mositus. Ah oui, il s’agissait donc bien de Sahasi. C’était étrange qu’ils soient tous des deux inconnus alors qu’ils partageaient le sang de la même reine soleil. Shomari n’avait jamais connu sa grand-mère maternelle, elle était morte bien avant sa naissance et sûrement même était-ce sa mort qui avait engendré la naissance du lion aux oreilles tigrées.

« Des origines bien diverses. » commenta-t-il simplement dans un bref sourire.

Suite logique à sa question, le jeune père lui demanda si lui aussi était originaire de Prideland. Il trouvait cela un peu gênant de ne confier que maintenant qu’il appartenait à la même famille que Sahisi mais bon.

« Oui, Azaan m’a choisi pour représenter notre clan au sein des Gardiens et d’ailleurs je précise que je suis encore apprenti et non confirmé, mon intégration à l’ordre est encore récente. Et euh … en parlant d’Azaan c’est également mon oncle. Je suis le fils d’Ahva. »

Habitude pour un lion élevé seul par sa mère, Shomari n’évoquait jamais son père lorsqu’il se présentait. Cela ne regardait personne après tout et il préférait éviter les regards provocateurs, le simple nom de sa mère suffisant généralement à lui faire cadeau de quelques regards déplacés. Son regard bleuté glissa vers la fille de Sadaka, ne sachant trop comment la considérer. A ses yeux elle n’était qu’une inconnue mais leur sang avait bien des gènes communs. Cela la troublait un peu mais pas autant que la petite lionne sablée qui venait de se loger entre ses pattes. Surpris, le lion sursauta et recula d’une patte. Shomari n’avait pas de problèmes avec les enfants et généralement il était apprécié de ces derniers mais celle-ci était bien curieuse et intrépide pour un si jeune âge. Ne sachant trop comment réagir, il glissa un coup d’œil aux deux parents.

« Hmm… elle se faufile en toute discrétion cette petite. »

Un peu gêné et surtout indécis quant à l’attitude à adopter – les parents n’appréciaient généralement pas que leurs enfants s’approchent d’inconnus -, Shomari se gardait bien de répondre aux demandes de la petite qui semblait vouloir jouer avec lui non pas que l'envie lui manquait mais il lui glissa tout de même un petit sourire. Elle était mignonne avec ses grands yeux dorés, ils lui rappelaient ceux d’Azaan.

La parenté du jeune apprenti gardien fit vivement réagir les visiteurs et après un petit silence estomaqué, Sahasi chemina rapidement leur parenté commune et pensa d’abord qu’il s’agissait de Djedkara avant de rectifier le tir et de l’appeler Shomari. Le lion doré confirma son nom d’un hochement de tête tout en observant la fille de Sadaka, un peu nerveux. Leurs réactions étaient diamétralement opposées … Shomari avait été plutôt de la gêné de la reconnaitre tandis que Sahasi, elle, semblait avoir fait une découverte incroyable. Peut-être était-elle très famille.

De son côté, le lion au pelage crème confia que sa fille avait peut-être compris que Shomari était de la famille et s’était donc aventuré naturellement vers lui, les deux parents semblant serein à cette idée.

« Vous pensez qu’à cet âge ils en sont capables ? » s’estomaquait-il.

Son regard azuré coulait vers celui doré de la petite lionne qui ne cessait de le dévisager. Il rit doucement, chahutant doucement le lionceau de sa patte maintenant qu’il avait l’accord des parents. Elle était mignonne et si petite à côté de sa grande patte. Il prenait soin de l’embêter avec beaucoup de précaution pour ne pas la blesser.

Maintenant qu’il était certain du nom de la lionne brune, ce fut à son compagnon de se présenter sous le nom de Kyu et par la même occasion, ce dernier confia avoir quitté Prideland la veille de la destitution d’Awena. Shomari n’était encore qu’un enfant, pas étonnant qu’il n’ait que peu de souvenirs de lui mais Kyu semblait bien se souvenir des deux sœurs soleil et demanda à l’apprenti des nouvelles de sa mère. Ils se connaissaient ? D’abord surpris, il lui répondit bien vite :

« Elle se remet des évènements de Prideland mais la mort de sa sœur l’a beaucoup affecté. Ma mère est, si je puis dire, usée par la vie mais c’est une battante. Les relations avec son frère se sont beaucoup améliorées et je crois que ça l’aide à aller mieux. »

Shomari n’aimait pas vraiment parler de sa mère, il savait que les Pridelanders lui avaient porter une rancune terrible et il se méfiait souvent de leurs intentions mais il ne voyait guère d’animosité dans le regard de Kyu. Une question le taraudait toutefois, le jeune père ne semblait pas vraiment d’un âge avancé et s’il avait quitté les Pridelanders avant la destitution de l’ancienne reine, il avait dû partir très jeune … Enfin le supposait-il. Curieux, il lui demanda :

« Puis-je me permettre de vous demander pourquoi vous avez quitté les Pridelanders ? »

La plupart quittait leur clan pour voyager mais certains avaient d’autres raisons plus obscurs. Son regard fut contraint de quitter celui du lion lorsque la petite réclama de nouveau son attention, mordillant les bouts de crins de son poitrail. Il sourit, usant en douceur de sa patte pour la faire tomber sur le dos et lui chatouiller le ventre.

Kyu semblait tout aussi surpris que l’apprenti gardien des démonstrations de la petite lionne mais tous ne pouvaient que succomber au charme du lionceau, Shomari le premier. Depuis l’attachement surprenant de Moha pour son cousin, Shomari s’était rendu compte qu’il appréciait la compagnie des enfants. A son âge les jeunes mâles avaient bien d’autres choses à faire que de jouer avec les lionceaux mais Shomari trouvait cela particulièrement apaisant. Peut-être aussi était-ce inconsciemment en raison de son enfance où beaucoup d’adultes l’avaient dédaignés et méprisés. Il ne comprenait pas qu’on puisse faire subir pareil traitement à un enfant et il en avait souffert, surtout pour son frère.

A son interrogation sur son départ du clan, Kyu lui répondit que la vie sur Prideland ne lui convenait tout simplement pas, ajoutant même qu’il ne s’y était pas senti à sa place depuis son enfance. Shomari ne pouvait que le comprendre. S’il n’avait pas été autant attaché à sa famille, sûrement serait-il parti lui aussi à un moment ou un autre mais au final, c’était ce qu’il avait fait en rejoignant les Gardiens bien que l’idée n’était pas vraiment celle de s’éloigner du clan quoiqu’il n’avait pas vraiment d’attaches particulières pour les Pridelanders.

« Hmm, je comprends votre sentiment. J’espère que cette vie de voyageur vous a apporté ce qui vous faisait défaut sur Prideland. »

Lui-même se trouvait bien plus épanoui et libre depuis qu’il avait rejoint l’ordre des Gardiens. Bien sûr ce titre entrainait des sacrifices mais pour un lion comme Shomari, couper ses liens avec son clan n’avait pas été bien difficile tant ils étaient inexistants. Il n’avait pas non plus eu de titre à jeter au feu et seule la distance avec ses proches lui était douloureux. Heureusement, Fedha semblait en avoir conscience et pensait toujours à son apprenti lorsqu’un messager devait être envoyé au Roi de Prideland.

« Je me suis toujours demandé ce qu’était le quotidien d’un voyageur. Avez-vous un projet de route précis avec votre famille ou vous rendez-vous au gré du vent ? »

Peut-être Sahisi souhaiterait-elle rendre visite à sa famille maintenant que les Pridelanders seraient bientôt chez eux ou bien même Kyu puisqu’il avait confié avoir sa famille maternelle là-bas.

Kyu se n'attarda pas trop sur sa réponse, répondant simplement qu'aucun objectif précis ne guidait leur route. Si Shomari avait de la sympathie pour les voyageurs qui représentaient l'apogée de la liberté, il trouvait toutefois cela étranger de marcher sans but d'un point à un autre puis de repartir en laissant le vent nous guider. Le voyage n'était-il pas synonymes de découverte ? Lui aurait planifié tout un itinéraire mais peut-être Kyu avait-il déjà vu ce qu'il voulait voir tout simplement qu'il appréhendait le voyage d'une manière différente.

Le père de famille ajouta toutefois qu'avec les informations communiquées par les Gardiens, ils feraient sûrement une halte pour saluer la famille de Sahasi et leur présenter leurs deux enfants. Étrangement Kyu ne fit pas mention de ses propres relations mais cela ne regardait pas l'apprenti Gardien.

« Voyager avec des enfants en si bas-âge ne doit pas être une mince affaire. Je suppose que vous resterez sur la Lande le temps qu'il grandissent un peu ... Ne vous inquiétiez pas, nous autres Gardiens ne somme qu'un petit groupe et si les proies ne sont aussi abondantes ici que sur Prideland, il y aura largement de quoi vous sustenter. »

Peut-être y avait-il même d'autres solitaires sur la lande dont les Gardiens n'avaient croisé la route. Cela semblait toutefois peu probable tant ils avaient sillonné les environs à force d'enquêter et d'aller de territoire en territoire.

« Vous allez continuer de vous déplacer avec les enfants ou vous comptez trouver un petit coin tranquille le temps qu'ils grandissent ? »

Ils étaient encore bien jeune et Kanisa ne semblait guère farouche avec les inconnus, ce serait sûrement plus prudents pour eux de trouver une petite tanière le temps qu'ils deviennent plus indépendants. Shomari s'inquiétait un peu pour ces deux petites boules de poils, la lande des sans-terres n'étaient pas vraiment l'idéal pour eux mais après tout, sa grand-mère avait elle-même élevé son fils dans ces contrées, fils qui n'était autre que le père de Sahasi.

Shomari souriait à l'annonce des jeunes parents qui lui confiaient vouloir poser le bagage le temps que leurs enfants grandissent. Cela ne le concernait en rien mais il était soulagé pour les deux petits. Kyu ajouta ensuite qu'il ne se faisait pas d'inquiétude pour la chasse, il avait longtemps erré sur ces landes et sa compagne était née ici, ils connaissaient tous deux très bien le terrain. Effectivement ces deux-là étaient de vrais baroudeurs ... il lui semblait bien que sa mère lui avait confié que les enfants de son frère avaient vu le jour sur la lande. Ahva avait toujours été très proche de son demi-frère et sa mort l'avait beaucoup touché. Shomari se sentait triste pour sa mère qui voyait un à un les lions qu'elle avait connu lui être arraché, elle-même n'était plus toute jeune mais il préférait ne pas y penser.

« Vous semblez effectivement maitriser le sujet mais si jamais vous avez besoin d'un coup de patte, n'hésitez pas. »

Shomari parlait cette fois en son nom et non en celui des Gardiens. Ils avaient bien des choses à faire mais si le couple avait besoin d'aide pour X raisons, l'apprenti trouverait bien du temps à leur accorder. Après tout, Sahasi et les deux lionceaux étaient de sa famille et sa mère lui en voudrait sûrement beaucoup s'il ne venait pas en aide à la descendance de Sadaka bien que ces derniers n'aient pas spécialement l'air d'avoir besoin de lui. C'était plus une politesse qu'autre chose.

Alors que les grandes personnes discutaient, Lokito vint rejoindre sa sœur entre les pattes de l'apprenti Gardien et les deux petites boules de poils commencèrent à jouer, Shomari les séparant lorsqu'il craignait qu'ils ne se blessent et les occupant le reste du temps de sa grosse patte dorée. Heureusement ils ne mordaient pas fort et Shomari était un brin attendri de ses petites canines blanches qui tentaient de le combattre.

Soucieuse de prendre des nouvelles, la lionne brune lui demanda comment se porter Djedkara. Shomari n'aimait pas trop parler de sa famille à des inconnus, surtout son frère qu'il surprotégeait mais Sahasi n'avait de toute évidence aucune mauvaise intention. Il se faisait tout de même difficilement à l'idée qu'il faisait face à une cousine. Sahasi comme le reste de sa fratrie n'avait jamais été que des noms quelques fois évoqués et pour lui, ce n'étaient que des inconnus mais Ahva serait sûrement déçu s'il agissait de la sorte et puis répondre à sa question ne coutait rien.

« Il va bien. Il est toujours sur Freeland aux côtés de notre mère, j'essaye de profiter au maximum de sa présence quand je dois me rendre auprès d'Azaan pour lui faire des rapports. »

Sahasi devait bien comprendre la difficulté de vivre éloigner de sa famille, elle-même avait laissé deux sœurs et un frère derrière elle. On s'habituait à cette solitude avec le temps mais il ne pouvait que comprendre son enthousiasme à l'idée d'aller retrouver les siens. Lui-même songeait souvent au prochain rappatriement des Pridelanders et à la distance qui se réduirait entre lui et son frère.

Faisant suite à la réponse de l’apprenti gardien qui s’était exprimé sur son frère, Sahàsi lui confiait qu’elle aimerait rétablir un lien semblable à celui qui avait uni Ahva à Sadaka, leur parent respectif. Shomari haussa un sourcil un peu surpris avant de répondre, sourire aux babines

« Ma mère a toujours eu énormément d’affection pour son demi-frère, d’ailleurs elle ne faisait jamais allusion à leur moitié de sang commune, pour lui il était son frère au même titre qu’Azaan et oui, surtout un héros. Je crois bien qu’elle n’a jamais admiré quelqu’un autant que Sadaka si ce n'est leur mère. »

Répondit-il en souriant, se souvenant de toutes ces fois où sa mère lui avait parlé de son frère tant aimé. Sadaka avait été un véritable roc pour la princesse et étonnamment, Sadaka s’était bien plus lié à sa petite sœur qu’au reste de la fratrie. Sûrement parce qu’Ahva avait été la plus avenante et comme elle l’avait elle-même souligné, n’avait pas vraiment laissé le choix à Sadaka tant elle l’idolâtrait. Cela le faisait sourire de repenser à ses histoires mais pour autant, il ne comprenait pas vraiment la volonté de Sahàsi d’établir pareille relation dans la famille. Ce lien qui les avait uni était unique et surtout, s’était forgé avec le temps. Les descendants de Kuzali s’était peu à peu éparpillé et pour une raison qu’ils ignoraient, les enfants d’Ahva et Awena avaient grandi loin de ceux de Sadaka ce qui, au final, avaient fait de leur descendants des inconnus. Dans l’idée Shomari trouvait lui aussi cela dommage mais pour autant, il pensait qu’il était trop tard pour rétablir le lien. Soucieux de ne pas blesser la femelle, il ne dit mot de ses pensées et se contentait de sourire. La famille était quelque chose de sacrée pour Shomari et dans le contexte particulier dans lequel il avait grandi, son cercle avait été rendu particulièrement restreint et il ne s’était lié à son oncle que bien tardivement. La croisade de Sahàsi était bien noble mais il ignorait si elle serait fructueuse, lui-même la considérait encore comme une inconnue.

Elle s’approcha finalement du lion doré et rapatria son fils vers son poitrail, l’heure du départ semblant approcher pour la petite famille. Shomari se redressa également, poussant délicatement la petite vers sa mère pour qu’elle y rejoigne son frère.

« Ils seront assurément tous ravis de vous revoir et de faire la connaissance de vos lionceaux. Si vous n’y voyez pas d’inconvénients je vais marcher avec vous jusqu’au baobab, il est temps aussi pour moi de rentrer. »

A vrai dire Shomari avait plus en tête d’expliquer à Fedha pourquoi une petite famille venait temporairement séjourner à leur côté. Il se doutait que cela ne poserait pas de problèmes aux Gardiens mais puisqu’il avait initié l’idée, il se voyait dans l’obligation morale de s’en référer à son mentor. Cela ferait sûrement tout drôle aux Gardiens habitués à la communauté exclusivement masculine et matures de voir trainer dans leurs pattes des lionceaux turbulents mais pour Shomari, c’était une occasion de retrouver quelques plaisirs de la vie dont le jeu et l’innocence. Et puis comme l’avait souligné Sahàsi, cela permettrait sans doute de nouer des liens avec ses … petits-cousins ?