Il n'avait pas été là lorsque la Générale du Désert avait osé s'insurger contre son mari, il n'avait rien vu de tout ça et il n'en comprenait que ce que l'on voulait bien lui dire. Tous les lions autours de lui semblaient ne pas en faire grand cas, sauf quelques rares exceptions. Et ce furent ces rares exceptions qui dirent à Wassim que quelque chose se tramait et le lionceau en déduit que Kaya avait besoin de lui.
La vielle lionne n'était pas de sa famille, elle n'était ni sa tante, si sa grand-mère, rien de tout cela. Pourtant, le petit l'avait toujours vu comme tel et ce depuis sa naissance. Peut-être était-ce lié au fait qu'elle soit la marraine de son père et ses frères et sœurs et que, de ce fait, il ait toujours eut un lien particulier avec elle. C'était le cas pour tous les descendants d'Hatasa, les deux familles étaient très proches.

Trottinant dans le désert, Wassim avait mandé à sa pie de trouver la vielle lionne. Khadija vivait toujours dans l'Oasis, cachée, mais c'était la première fois que Wassim avait osé la faire sortir non pas pour se balader mais pour lui demander de partir seule en reconnaissance.
Bientôt, l'oiseau noir et blanc réapparu dans le ciel, plongeant en piquer vers son maître, elle se posa devant ses pattes, le forçant à s'arrêter.

" Lionne se trouve plus loin ! Vers là ! " Dit alors la pie de sa voix criarde, se tournant vers le désert. Wassim hocha la tête, suivant la direction qu'elle lui avait montrer du regard.

" Rentre à l'Oasis, Khadija. Si Kaya te vois, elle te mangera, c'est certain. " Avait-il soufflé et, sans attendre, il s'était élancé à travers le sable chaud. Courant comme il le pouvait, il aperçu bientôt la silhouette de la guerrière, abattue. Il fronça les sourcils un instant, ne sachant s'il s'agissait bien d'elle et, enfin, il osa l’interpeller.

" Kaya !! " S'écria-t-il. " Kaya ! " Courant toujours vers elle, il serait bientôt à son niveau.

(c) Rinkisha

« Ne.. N'approche pas, Wassim... » La voix de sa tante de cœur lui parvint de loin, elle était tremblante et il avait du mal à comprendre chacun de ses mots. Elle était courbée, recroquevillé, ne semblait être plus que l'ombre de ce qu'elle était. Mais en dépit des mises en garde, le lionceau avançait.

« Reste où tu es ! » Finit-elle par ordonné. S'il n'était pas du genre à remettre ouvertement l'autorité en doute, il ne s'arrêta pas. Il eut bien un temps de latence, perplexe, à observer la générale, avant de finalement reprendre, marchant, cette fois-ci.
Il ne voulait pas laisser Kaya ainsi et il se doutait, en dépit de son jeune âge, qu'elle cherchait surtout à le faire fuir pour lui éviter la vision d'une lionne peinée. Mais, en plus de cette bienveillance qu'il avait à l'égard des gens qu'il considérait comme sa famille, il était un jeune lion curieux et la perspective de ne pas avoir le fin mot de cette histoire le rendait malade.

« Kaya ?... T'es sûre que ça va ? » Demanda-t-il, une fois à son niveau, stupide. Voyant entre ses pattes une boule de fourrure, sans arriver à déterminer de quoi il s'agissait, il osa :

« Tu t'es blessée en chassant ? » Et tout en prononçant ces mots, il se pencha vers ce qui semblait être un fennec ou autre suricate. La proie de la générale était bien maigre, pourtant, mais Wassim était naïf et il n'arrivait pas à sentir autre chose que l'odeur de Kaya et de la mort.

(c) Rinkisha

« Je t'assure, Wassim, que tu ne veux pas le voir. » Kaya avait resserrer son étreinte sur la petite chose entre ses pattes et si Wassim n'était pas qu'un simple enfant, peut-être aurait-il vu qu'elle se montrait trop maternelle pour qu'il s'agisse réellement d'un simple proie. Cela éveilla sa curiosité, mais il fut incapable de comprendre ni même d'identifier pourquoi. Il se contenta de s'approcher encore en dépit des ordres reçus pour la générale d'Hatasa.

« Tu ne veux pas voir ça. » Se corrigea-t-elle alors. Le lionceau releva les yeux sur elle, les oreilles dressées. Il comprit alors, de part cette correction, où était l'erreur dans la phrase précédente de la lionne abattue. Elle ne se serait pas corriger si elle ne comptait pas lui cacher ardament quelque chose.
Il fronça les sourcils alors que son cœur loupa un battement. Quelqu'un était mort ou blessé. Quelqu'un, oui, et à en juger par l'attitude de Kaya et par la fourrure de la petite chose, il ne pouvait s'agir que d'une seule chose.
« ... Q-Qui... Pourquoi tu l'as amené si loin du clan ? » Demanda-t-il, la voix raide, presque brusque. Il ne comprenait pas, c'était son fils après tout. S'il était blessé, inerte, il fallait le soigner.
Il était au courant de la naissance du fils de la générale, il savait quelles genre de faiblesses il avait, on en parlait beaucoup entre adulte. Ce n'était pas prudent de l’amener si loin.

Au moins, Kaya avait obtenue une partie de ce qu'elle voulait. Wassim refusait d'avancer, il se contentait de fixer le poil grisâtre de ce qui aurait été un excellent camarade de jeu, comme s'il attendait de voir son corps se soulever au rythme des respirations.

Pourquoi est-il aussi... Froid ?

(c) Rinkisha

« Le Désert l'a rappelé, Wassim. » Furent les seuls mots que prononça Kaya qu'il put entendre. Il fixait depuis qu'elle avait ouvert la gueule le corps à présent sans vie de l'enfant de la Générale. Il n'arrivait pas à s'en détacher, de ce lion terriblement immobile, de ce dos qui ne voulait pas se soulever au rythme des respirations dirigées par le cœur de tout être qui vit.
Il releva enfin les yeux, rapide. Il semblait soudainement prit d'une terreur sans nom et à la vérité, c'est ce qui lui arrivait. Il sentait son coeur au fond de sa poitrine se compresser et une étrange sensation envahir sa gorge. Il avait envie de vomir cette tristesse nouvelle qu'il n'avait pas eut la chance de connaître plus tôt.

« R-Rappelé ?... M-Mais... Il- Il est si jeune... » Souffla alors le lionceau au pelage d'or, indifférent aux conséquences que ses paroles pourraient avoir sur la vielle lionne. Il recula d'un pas, baissant le regard alors qu'il sentait une intense sécheresse au niveau de ses yeux. Pourquoi ne pleurait-il pas ? Il devrait le faire, pourtant. C'est ainsi que l'on était triste.

Mais était-il réellement triste ? Après tout, sa détresse venait plus du choque que d'autre chose et en fouillant au fond de son cœur il se rendait compte que cette tristesse se confondait avec la sidération. Il n'avait pas envie de pleurer, il ne comprenait simplement pas.

(c) Rinkisha