Ses pattes s’engouffrent dans le sable. Elles s’écrasent en lui et s’enfoncent tel des météores dans un souffle étouffé. Des monticules se forment aux abords des cratères. Ils retombent mollement dans les taupinières lorsque les projectiles s’en vont former d’autres traces, plus loin.

Nazhir a bien grandit. Le soleil ardent a transformé son corps d’adolescent pour le modeler selon ses désirs : On aperçoit, au travers de sa maigreur, une musculature d’adulte, endormie par les mois d’exil. Les entrainements ont beau être de rigueur, cela ne sert pas à grand-chose, sans source de nourriture…néanmoins, lorsqu’il sera de retour parmi les siens, le jangowa aura tout le temps de bichonner sa nouvelle apparence : Il aura bien besoin de ses forces pour réclamer ce qui lui revient de droit : Le pouvoir !

Autour de lui, le vent souffle. Il agite sa crinière incomplète et fait voleter le sable devant ses yeux fous. Au sommet de son crâne, une mèche se balance, malmenée par les bourrasques. Agacé, le mâle secoue la tête. Il chasse de sa fourrure un nuage de poussière qui est emporté par les éléments, s’envolant dans la nuit comme un fantôme avant de disparaitre. Une allégorie intéressante s’fleurit dans son esprit : Ce tourbillon de sable n’est autre que son clan. Et le souffle impérieux qui le déchire, séparant ses grains comme pour les sélectionner, c’est lui ! Oui ! Il diviserait ce troupeau d’imbéciles ! Il arracherait les faibles et les démons qui se prétendent légitimes à leur propre existence ! Il insufflerait les véritables valeurs du Grand Désert parmi les hérétiques de son clan ! Et sa première élève ne sera autre qu’Hatasa. Cette vieille idiote devait être punie pour avoir faillit à son devoir !

Son nez capte une odeur. Cela fait voler en éclat ses projets de grandeur. Ce doux fumet…si acre, si fort et prenant… L’odeur de la mort !

Intrigué, le cannibale lève les yeux sur les nuages violacés. Aucun vautour à l’horizon ? Comme cela est étrange. Il examine les fragrances avec attention, faisant appel à ses dons de traqueurs. Oui...cela vient de l’est ! Et cela est abandonné depuis quelques temps. De quoi peut-il bien s’agir ? Ce parfum lui est si familier ! Cela ressemble un peu à une odeur de coyote crevé, mêlé à celle d’un lion malade…Les pupilles du mâle s’étrécissent. Eurêka !

L’Estropié !

La nuit est glaciale. Mais la surprise et la curiosité semblent l’avoir immunisé à la morsure du froid. Le fils d’Hanska bondit au bas de sa dune. Lui aurait-on retiré le plaisir d’occire ce monstre lui-même ? Il veut voir ça !

Il veut voir ça de ses propres yeux !