Cela faisait quelques jours que notre petit groupe était installé sur Prideland. Le nouveau Roi de ces terres avait effectivement envoyé Soma à notre recherche afin de nous convier sur son territoire et cela n’était en rien un piège. Après avoir appris le complot de ses deux sœurs, j’avais été méfiant envers sa proposition mais il s’était avéré honnête et souhaitait bel et bien renouer l’alliance qui existait autrefois entre Prideland et l’Outland de Tahani.

Je me retrouvais donc à dormir de nouveau au Rocher de la Fierté depuis de nombreuses lunes mais je ne pouvais m’empêcher de ressentir un sentiment de malaise. Je m’étais expliqué avec ma famille sur l’absence de Wissel et sur tout ce qui s’était passé depuis notre départ et en plus de l’avoir vu dans leurs regards, j’avais clairement senti la déception émaner d’eux.

A part mon frère aîné et mon frère de sang, tous étaient désormais au courant de ma faute. Si j’allais mieux grâce à Khalaki, je vivais toutefois une période difficile de ma vie. Je ne supportais pas d’avoir baissé dans leur estime et dès que je croisais un membre de ma famille, je détournais le regard ou je fuyais si je le pouvais. Ce n’était pas très courageux de ma part mais je préférais m’éloigner plutôt que d’observer leurs expressions déçues ou de sentir peser sur moi le poids de leurs regards.

Et c’était exactement ce qui s’était passé quelques minutes plus tôt. J’avais aperçu mon père au loin et bien que j’espérais toujours qu’il me présente ses quatre autres enfants, je m’étais éclipsé avant qu’il ne me voit. Je déambulais donc dans la Savane de Prideland sans autre but que d’esquiver les membres de ma famille. Mes pas me conduisirent au sommet d’une petite colline où je m’arrêtais. La hauteur que cet endroit me procurait était suffisante pour voir arriver de loin n’importe quel animal. Je pourrais donc partir rapidement si je détectais quelqu’un.

Cela me semblait parfait et je m’installais donc confortablement, m’allongeant de sorte à ce que le vent souffle dans mon dos. Je pouvais ainsi observer ce qu’il y avait devant moi tandis que le vent m’apportait les odeurs venant de derrière. Je pensais ainsi couvrir tout ce qui se passait autour de moi...

Aucun mouvement à l’horizon et aucune odeur suspecte ne m’arrivait. Bien. Ma tranquillité était assurée pour un moment. Ou du moins, c’était ce que je croyais.

Bonjour Koda. Alors on ne remarque pas qu’on est pas seul ?

Un sursaut me pris avant que je ne me tourne vers le propriétaire de la voix. Malgré le temps passé, je reconnaîtrais cette voix entre mille. Et lorsque je posais le regard sur mon frère, je savais que je ne m’étais pas trompé. Le ton n’était pas des plus amical mais je ne relevais pas. Cette inimitié que ressentait mon frère envers moi avait toujours existé bien que je ne m’en soit rendu compte qu’il n’y a qu’une paire d’année. De plus, bien qu’il n’était peut-être pas au courant, cela ne saurait tarder et je l’avais amplement mérité.

Bonjour Janan. Je ne t’avais pas vu, non, excuse-moi.

Ces excuses seraient bien plus facile à accorder que celles que l’on pourrait me donner pour avoir perdu Wissel, même si je ne recherchais pas ces dernières.

Où est Wissel ? Pourquoi es-tu rentré sans elle ? N’étais-tu pas assez fort pour continuer ?

Maintenant posté à mes côtés, le regard lourd de mon frère me transperçait. J’avais déjà raconté le déroulé des évènements à plusieurs reprises mais cela restait douloureux à chaque fois. Prenant une grande inspiration, j’entrepris de recommencer mes explications encore une fois, soutenant le regard de braise de mon frère de mes prunelles verdoyantes.

Je ne sais pas où se trouve Wissel malgré les longs mois que j’ai passé à la chercher. J’ai perdu sa trace sur Freeland après un violent orage alors que nous nous étions séparés afin de couvrir plus de territoire. Je n’ai trouvé aucune trace d’elle et tout ceux que j’ai interrogé ne l’ont pas aperçu. Elle a disparue.

Si j’avais soutenu son regard jusque là, je détournais les yeux, conscient que ce que je verrais apparaître dans les prunelles de mon frère ne me plairait pas. J’avais déjà eu l’occasion de voir la déception dans les yeux de mes parents mais je me doutais bien que ce ne serait pas le sentiment prédominant chez Janan. Il aimait Wissel de tout son coeur, je savais qu’ils étaient proches tous les deux et je savais qu’il serait en colère. Très en colère. Je me préparais donc mentalement à recevoir les foudres de mon frère, tel qu’un lion du Feu savait le faire.