Habari attendait des lionceaux, c’était presque incroyable. Parfois, tu te demandais si cela était réel. Toi, Jenkaa, tu t’apprêtais à être père dans les mois à venir. C’était ahurissant. Tu n’oubliais cependant pas la petite Hazina et ses frères et sœurs. D’ailleurs, aujourd’hui tu avais décidé de croiser Ellyn, ta nièce qui ressemblait à Daren. Tu n’appréciais toujours pas son père mais ton instinct paternel faisait que tu semblais plus enclin à approcher la jeune lionne. Tu quittais donc ta compagne qui dormait encore pour aller à la rencontre de l’enfant. Cependant, ton neveu, Akyr, ne l’entendait pas de cette oreille, et déboula jusqu’à toi et ta lionne, joyeux comme jamais :

— Coucou ! Vous allez bien ?
— Akyr, nous allons très bien, et toi ?
— Ça va trop bien, dis, Habari, je peux te montrer ma nouvelle technique de combat ?
— Avec plaisir mon grand, montre-moi.

Tu vis alors le lionceau exécuter une pirouette très réussie, témoignant d’un entraînement intensif auprès de… Son père. Il avait au moins le mérite de savoir se battre. Souriant un instant, tu t’éclipsas alors en entrevoyant Ellyn s’éloigner du camp. Tu la rattrapas alors sans peine avant de dire, amusé :

— Où cours-tu comme ça, petite lune ?

Bien que tu eusses un peu de mal avec elle, tu tâchais de te montrer le plus agréable possible, d’où ce petit surnom. C’était ta nièce après tout.

La petite était surprise par ton intonation douce et chaleureuse. Il est sûr que vu le peu de temps que vous passiez ensemble, il y avait de quoi être surprise. Cependant, tu ne t’attendais pas à ce qu’elle reste silencieuse aussi longtemps. Tu t’assis donc, attendant sa réponse qui tardait à venir. Peu de temps après, tu entendis cette réponse que tu attendais depuis un certain temps maintenant :

- Bonjour oncle Jenkaa, comment vas tu ? Je m'apprêtais à rejoindre Makan, je le cherche depuis tout à l'heure tu ne l'as pas vu ?


Presque instinctivement, tu secouas la tête, négatif. Tu n’avais pas vu ton frère, mais nul doute qu’il devait s’entraîner seul à l’heure qu’il était. Après tout, un vrai jangowa ne chômait que rarement ! Mais avant que tu puisses dire quoi que ce soit, ta nièce reprit, enthousiaste :

- J'ai appris pour Habari, je suis très contente pour vous, Hazina va être super contente ! Elle ne fait que de me rabâcher les oreilles en se demandant si ce sera des mâles ou des femelles !


Tu souris alors à l’énonciation de ta nièce, cette adorable boule de poils. Tu dis alors, amusé :

— Merci beaucoup, Ellyn. Je suis moi aussi très content, mais quant au sexe des petits, je t’avoue que j’aimerai ces enfants sans aucune distinction. Même si je serai ravi de voir un de mes enfants revenir de l’exil. Et pour ça, il n’y a malheureusement que des mâles pour le faire. Rares sont les femelles qui partent en exil, de nos jours. Quant à Makan, je ne l'ai pas vu, désolé.

Tu soupiras, ta mère avait eu le cran de faire partie des lionnes qui s’était confrontée à l’exil, mais il était clair que tu ne te doutais pas une seconde de ce que prévoyait de faire ta nièce. De ce fait, tu décidais de lui parler de son entraînement :

— Cela fait quelque temps que je te vois t’entraîner un peu partout, c’est très bien. Tu prévois de suivre une voie guerrière plus tard ?

Ta question sur les entraînements de ta nièce ne sembla pas la ravir. Il y avait-il quelque chose qu’elle souhaitait cacher ? Tes sourcils se plissent un instant avant de retrouver leur position initiale. Peu importe finalement, tu la laissas se dandiner en te répondant.

- Euh... Je ne sais pas trop encore, je m'entraîne surtout pour être prête à toutes les situations, je n'ai pas encore réfléchi à ce que j'aimerais faire plus tard !

Être prête à toutes les situations, hein ? Cela te rappelait un peu Lahira, celle qui avait travaillé d’arrache-pattes pour en apprendre le plus possible, pour exactement la même raison. Tu souris, amusé :
— Tu as encore le temps, fort heureusement, le Désert ne s’est pas fait en un jour ! Plus encore, un jangowa ne se construit pas en une journée, il a besoin de temps pour apprendre à trouver la voie que lui réservent nos imposantes dunes…

Tu inspiras profondément avant de l’écouter changer de sujet, presque aussitôt. Visiblement, quelque chose semblait clocher… Elle évitait délibérément la question sur son futur. Elle cachait quelque chose… Mais ce n’était pas à toi de le savoir, tu l’écoutas donc, sans fléchir :


- D'ailleurs, en parlant d'entraînements, Tu entraînes Hazina je crois ? Elle s'est bien améliorée ! Même si elle a encore du mal à se concentrer...

Tu souris alors, en entendant parler de celle qui était maintenant ton élève. Oui, tu avais commencé à entraîner la petite Hazina il y avait quelques temps et tu n’en étais pas peu fier ! Ta nièce demanda alors si tu venais lui proposer un entraînement, tu ris alors, amusé :

— Bah dis-donc, toi quand tu apprends, tu ne fais pas semblant ! Je serai ravi de t’entraîner, mais je ne veux pas te forcer. L’entraînement, c’est bien, mais un jangowa doit aussi savoir se reposer. C’est donc toi qui vois, Ellyn.

Tu attendais donc la réponse de ta nièce, qui répliqua en disant qu’effectivement, elle avait besoin d’un peu de repos. Pas étonnant, avec son jeune âge, travailler autant devait être épuisant, surtout pour une femelle, et particulièrement avec une santé aussi fragile que la sienne.

Tu la vis alors bailler de tous ses petits crocs. Tu faillis sourire, trouvant la scène attendrissante, mais tu ne savais pas dans quel sens pourrait bien le prendre la petite. Etant donné que vous n’aviez pas un très grand lien, cela par ta faute, une réaction pareille pourrait la déstabiliser. Tu pris donc une grande inspiration et laissas un regard malicieux se peindre sur ton visage. Tout du moins, jusqu’à ce que la nouvelle réplique de ta nièce parvienne à tes oreilles.

- Je suis contente de passer un moment avec toi Oncle Jenkaa, Je... J'ai toujours plus ou moins eu l'impression que tu ne m'appréciais pas...


Ah. Bon bah, tu étais confronté à une légère problématique. Que répondre à cela ? Tu soupiras un instant, réalisant que tes oreilles s’étaient instinctivement rabattues en arrière, chose qui aurait pu trahir ton malaise. Tu regardas sur le côté en te raclant la gorge avant de dire, sérieux :

— Non ! Non, ce… Ce n’est pas ça, Ellyn…

Tu regardais sur le côté, ne sachant pas trop où te mettre. Tu décidais de ne pas laisser le silence gagner le combat et entrepris de te justifier.

— Ce n’est là, pas une question de haine, ou de colère à ton égard, mais une question de circonstances et d’accumulations d’idées reçues qui ont fait que… J’étais mal à l’aise en ta présence.
Tu laissas ta queue battre la mesure, agacé. Voilà EXACTEMENT pourquoi tu n’aimais pas te justifier. Tu ne savais jamais quoi répondre… Tu ravalas ta salive puis continuas, cherchant une issue à tes propos :

— Vois-tu, j’ai appris que ta mère s’était unie avec ton père à la fin de mon exil, exactement au même moment où j’apprenais que je devais me marier avec quelqu’un que je n’appréciais pas, de part son caractère marginal et ses attitudes agaçantes. Ton père, jusqu’à lors, avait reçu, à tort certainement, des traitements particulièrement désagréables. Il n’était pas considéré comme un vrai jangowa, presque comme un traître. A cette époque, je ne savais rien de lui, et je me suis disputé avec Hatasa, ta grand-mère, sur ce même sujet, qui aujourd’hui encore fait polémique. Bref, tout cela pour dire, que le clan, et moi-même, n’appréciions pas trop ton père. Et par un enchaînement de circonstances, tu es née, avec ses couleurs.

Tu arrivais enfin à mettre de l’ordre dans tes idées, continuer… Trouver un fil conducteur, une issue, une finalité, de préférence positive… Aller !

— J’ai donc, bêtement, éprouvé un certain malaise de manière constante à l’égard de ta personne, tout en t’appréciant. Je t’aimais, plus que j’étais embarrassé en te voyant, mais l’embarras demeurait. Puis, je suis tombé amoureux. Et j’ai compris exactement ce qui était arrivé à ta mère lorsqu’elle avait rencontré ton père, qui aime ta mère également. L’amour, chez les jangowas, est rare. Ici, on ne se marie pas par amour mais par devoir, pour perpétuer l’Empire Jangowa. J’ai eu la chance d’éprouver un sentiment réciproque avec celle qu’autrefois, je détestais. Et de sables en roches, quelque chose s’est débloqué. La gêne est partie lorsque j’ai compris que je ne pouvais, d’une part, pas te blâmer parce que tu ressembles à quelqu’un dont tu as le sang, et d’autre part, parce que tu étais de ma famille. Et que la famille, c’est ce qui fait la fierté d’un lion des sables, en dehors de son Empire.

Tu soupiras finalement, tu n’avais pas pris de gants pour exprimer ton ressenti, mais tu avais essayé d’être le plus objectif possible, en exprimant tes propos de manière claire et concise. Tu soufflas alors de manière presque inaudible :

— Mais je tiens à toi, Ellyn. Tu es ma nièce. Et je tiens à toi autant que je tiens aux autres. Je tiens même autant à toi qu’à ta sœur. C’est juste, que je ne suis pas doué pour ce genre de déclaration, que je m’emmêle les pattes et que du coup… Bah je dis n’importe quoi.

Tu te retins de rire, la situation était désespérante et loin d’être drôle. Tu espérais de tout ton cœur que la petite comprendrait, sachant qu’il y avait de grandes chances pour qu’elle se braque et qu’elle parte. Tu regrettais, tu voulais revenir en arrière, reformuler tes mots mais il était trop tard, la phrase était achevée, la scène bouclée et il n’y avait plus que ta nièce sur le devant de la scène.

- Et bien... Je ne m'attendais pas à cette explication si honnête...
Tes oreilles se dressèrent sur ton crâne. Tu étais désormais en attente de la réaction de la petite Ellyn, qui semblait assez surprise de ce retournement de situation. Elle reprit, gênée :
- Hatasa a choisi Habari pour toi, et elle ne s'est pas trompé, donc je suis sûre que si elle a accepté l'union de Daren et Hiari, c'est parce qu'elle savait qu'ils seraient heureux ensembles. Je comprends que tu n'ai pas accepté cette union... Si Hazina s'unissait à un lion que je ne trouve pas bien pour elle, je ferais tout pour lui ouvrir les yeux, et j'aurais sûrement beaucoup de mal à l'accepter. Tu étais surpris, agréablement surpris. Bien que tu ne partageasses pas son avis vis-à-vis de Daren et Hiari, sa manière de voir les choses avait le don de te mettre à l’aise. Elle était bien plus intelligente qu’un lionceau lambda… Je suis contente que notre relation s’améliore Jenkaa. Et je suis désolée d'avoir entamée le sujet...

Tu souris à la petite et dis, sérieux :

— Non Ellyn, c’est moi qui suis désolé. Je n’aurais pas dû te mettre à l’écart comme je l’ai fait. Pardon…

Mais alors que tu t’apprêtais à t’approcher d’elle, elle reprit à nouveau, la voix plus douce :


- Merci Jenkaa...

Tu souris finalement avant de poser ton menton contre le crâne de la petite et dire :

— Merci à toi, Ellyn…