La matinée avait déjà bien entamé sa course et Raksà continuait sa patrouille dans la savane, saluant au passage Outlanders, Mositus et Pridelanders qu’il rencontrait sur le chemin, allant même jusqu’à s’enquérir de leur situation à tous. Le lion brun se sentait profondément impliqué, encore plus depuis qu’Azaan avait été appelé à être le souverain du royaume. Et même s’il ne voulait pas l’avouer, c’était aussi pour oublier toute la douleur de ces derniers temps. Sa sœur, son père, ses tantes. Lui qui prônait des valeurs très fortes et qui plaçait la famille au-dessus de tout, qui avait même voulu se plier à la maxime de sa Tante Ahva, voilà qu’il songeait sérieusement à remettre tout ceci en cause.

Enfin, une personne seulement serait épargnée par cette indifférence dont semblait faire preuve le chef des guerriers et cette personne n’était autre que son Grand-Père Fleck. Passant du côté de l’étang, Raksà esquissa un sourire, se disant qu’il était peut-être temps de lui rendre visite. Le lion brun n’avait pas trop osé s’approcher de la tanière depuis les événements qui avaient conduits à la destitution d’Awena. Les lycaons s’étaient montrés autant impliqués qu’hargneux lors de ce débat, bien que Raksà ne puisse les blâmer pour ça.

Le mâle brun balaya l’étendue d’eau d’un regard rapide mais précis. Tout semblait aller pour le mieux et les troupeaux n’étaient pas agités. L’étang restait un lieu de non-agression et c’était bien ainsi. Un petit soupir d’aise s’échappa des babines de Raksà tandis qu’il chercha son grand-père du regard. Et c’est dans un sourire que le lion brun se dirigea vers un vieux lycaon qui semblait avoir élu domicile sur un rocher non loin de l’eau. Une fois arrivé au niveau de cet être si cher à son cœur, Raksà le salua, laissant son museau frotter légèrement la joue de ce dernier :

« Salut Grand-père ! Pardonne-moi de ne pas être venu plus tôt. »

En cette matinée ensoleillée, on avait confié à Chesmu et moi-même la garde de Bima, Babek et Upya alors que le reste de la meute était en chasse. Depuis quelques semaines maintenant, ils avaient ouvert les yeux, commençaient à marcher et faisaient preuve d'une curiosité propre à ceux qui découvrent le monde. A les entendre galoper dans tout les sens, entendre leur interrogations et leurs découvertes, je ne pouvais m'empêcher de sourire. Chess' semblait avoir bien du mal à contrôler ces trois boules de poils. Fort heureusement, leurs parents avaient mit beaucoup d'implication à leur apprendre la discipline, si bien que même si ils s'en plaignaient, ils obéissaient aux ordres de leur oncle. Et aux miens. Ils avaient d'ailleurs l'air plus doux avec moi maintenant que j'y pensais... Les avantages du grand âge sans doute.

J'étais perché sur un rocher, les oreilles aux aguets. Je ne pouvais pas garder un œil sur eux mais du moment que je pouvais les entendre, j'étais rassurer. Je les savais avec Chesmu mais... Je ne sais pas. J'étais sans cesse inquiet pour eux. Les dernière rumeurs qui couraient à l'étang n'allaient pas non plus en me rassurant... Néanmoins, le vent me porta bientôt une odeur bien connu. Raksà. D'abord surpris, un sourire se dessina sur mes babines. Cela faisait longtemps. J'en étais même venu à me demander s'il ne m'avait pas oublié ! Je sentis bientôt son museau contre ma joue.

« Salut Grand-père ! Pardonne-moi de ne pas être venu plus tôt. »

J'eus un petit rire.

- Oh. Je ne sais pas si tu le mérites.

Est-ce que je lui en voulais ? Pas le moins du monde. Raksà était un lion occupé. Et puis, depuis la destitution d'Awena, il y avait dû avoir un beau remue ménage au rocher.

- Bonjours, Raksà. Je suis content que tu viennes me rendre visite.

Ça faisait toujours plaisir de savoir que des petits jeunes pensaient à vous malgré votre grand âge et votre côté vieil imbécile. J'avais été connu un temps à Prideland, à présent, je n'étais rien de plus qu'une relique du passé... Mais savoir que ceux qui comptaient vraiment ne m'avait pas oublié réchauffait mon cœur. Je m’apprêtais à demander des nouvelles au jeune lion quand je fus interrompus par une petite voix. Bima.

- Hé ! Toi ! Touches pas à mon papy, lion qui pue !

La petite voix fut suivit d'un grognement peu impressionnant et d'un petit galop qui se dirigeait vers Raksà, rageur.

- Che fais te faire abaler ta crinière !

... Tiens ? Elle semblait avoir quelque chose dans la bouche... Non... non. Elle ne l'avait quand même pas mordu ?! Pas que je craignais que ce soit douloureux, il s'agissait de tendre dent de lait, Raksà ne ressentirait sans doute qu'un léger pincement, mais tout de même !

- Attention Bima... I... il est g... grand quand même ! Il v... il va peut être vouloir te manger !

Je reconnus également cette petite voix hésitante. Upya... Il ne manquait que Babek... Sans doute devait-il être plus loin, avec Chesmu. Dommage. Lui qui était le plus curieux sur les lions, ça aurait été l'occasion de... mais ! Mais enfin, Fleck, ce n'était pas le moment de penser à ça ! Il y avait peut être plus urgent, comme ta petite fille essayant de combattre ton petit fils !

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Anciennement - Papy Fleck

Raksà afficha un large sourire à la réplique de son grand-père. Il savait que ce dernier plaisantait mais Raksà s’en voulait sincèrement de ne pas pouvoir venir lui rendre visite plus souvent. Il avait le choix bien évidemment et c’est d’ailleurs Fleck lui-même qui lui avait appris que peu importe la situation, nous avons toujours le choix. Mais ses priorités en tant que chef des guerriers étaient importante et son Grand-Père lui avait fait promettre d’être digne de cette tâche, alors dans un sens il faisait tout cela pour lui aussi.

Alors que Raksà prenait place en s’allongeant près de son Grand-père et qu’il s’apprêtait même à lui répondre et à lui raconter les dernières nouvelles du Rocher, Raksà se fit assaillir par une boule de poils qui semblait avoir une dent contre lui et c’était peu dire puisqu’elle venait de lui mordre l’oreille. D’abord surpris, Raksà ne put identifier immédiatement son agresseur jusqu’à ce qu’un très jeune lycaon vînt vers eux d’une voix tremblante.

Surpris, Raksà ne bougea pas face à l’assaut du petit monstre perché sur sa tête, se débattant avec son oreille. Il avait peur qu’un mouvement brusque puisse la faire tomber malgré la hargne dont elle semblait faire preuve. Plus surpris encore, il écarquilla les yeux choqués qu’on puisse imaginer Raksà en mangeur de lycaon. Balbutiant presque, Raksà tenta de répondre alors que son oreille ne cessait de se faire pincer par des petits crocs bien entêtés :

« Je ne mange pas de lycaon, encore moins des enfants. » - il ajouta d’une mine presque boudeuse « En plus … Je ne pue pas tant que ça. Les phacochères sont bien pires que moi ! »

Il espérait que la tentative d’humour qu’il venait de mettre en œuvre aurait de quoi apaiser la peur qui semblait saisir celle dont il ne connaissait pas encore le nom. Néanmoins, tout ceci lui rappela de tendres souvenirs d’assauts contre les plus grands, dans la Lande. Il chassa rapidement tout ceci d’un mouvement de tête, préférant garder son enfance bien éloignée de son esprit. Le temps de jeux et de l’aventure était définitivement révolu et ce depuis longtemps. Décidant de ne pas intervenir tout de suite face à l’attaque de Bima, Raksà tourna la tête vers Fleck :

« Dis moi grand-père, ces deux petites terreurs sont à toi ? Je ne savais pas que Chesmu avait eu des enfants ! Je ne savais même pas qu’il avait une compagne. »

Pourquoi parler de Chesmu ? Raksà avait remarqué sa présence près de l’étang, donc le cheminement de la pensée de Raksà était simple à comprendre.

Je n'avais pas le temps d'en placer une dans cet affrontement moi... Raksà répondit rapidement à mes deux petites filles, ce que je ne pouvais pas lui reprocher. En revanche, j'aurais apprécié que Bima ne se montre pas aussi excité et incontrôlable. A peine le félin à crinière avait-il déclarer ne pas manger de lycaon que l'ainée de la portée se mit à grogner des "Menteur ! Menteur !" en boucle. Je soupirais. Son père lui avait bien monté la tête avec les lions, n'est-ce pas ? ... Je ne pouvais pas le blâmer, pour de jeunes enfants, ils étaient incontestablement dangereux et certains étaient profondément mauvais... Mais tout de même ! Raksà continua en me questionnant sur la petite terreur et sa sœur. Je ne pus m'empêcher de lâcher un petit rire lorsqu'il mentionna Chesmu mais ce fut Upya qui se prit la parole.

- V... vous connaissez Tonton Chess ?

Sa petite voix hésitante paraissait plus proche. Elle devait s'être risquer à faire quelques pas dans notre direction. Poussée par sa curiosité mais retenue pas sa crainte. Cette enfant était un vrai paradoxe.

- Je le savais ! Il nous espionne ! C'est pour pouvoir nous manger !

Fit Bima avant que Raksà ou moi n'ayons pu expliquer quoi que ce soit. Je notais cependant qu'elle n'avait plus rien pour l'empêcher de parler, elle devait avoir lâcher le lion. Je fis claquer ma mâchoire, fronçant les sourcils.

- Allons, allons Bima, soit plus gentille avec ton cousin.

Les deux enfants répétèrent le mot "cousin", incrédule. Enfin... Disons, incrédule pour l'une et entre la terreur et l'excitation pour l'autre.

- Les filles, je vous présente Raksà, Raksà, je te présente Bima et Upya. Et non, ce ne sont pas les filles de Chesmu mais de Ohanko. Comme tu le vois, les choses sont un peu plus agitées par ici récemment, héhé. Elles ont également un frère, Babek, mais il doit être avec son oncle....

Je prononçais ces mots, presque à regret, les oreilles guettant le moindre son. S'ils n'étaient pas loin, c'était l'occasion pour le jeune lycaon de côtoyer un lion. Quel dommage qu'il la manque !

- Mmh... je me souviens que Papa a parlé d'un Raksà, c'est celui qui a le droit de venir, c'est ça, hein Papy ?

Mon attention revint vers l'enfant et je lui répondit d'un hochement de tête.

- Tu as de la chance lion qui pue, parce que sinon, c'est moi qui t'aurais manger, nah !

"Lion qui pue", encore. Navré Raksà, mais si, il semblait que pour la truffe d'un jeune lycaon tu puais. J'entendis bientôt un petit être escalader mon perchoirs pour venir se placer entre mes pattes. Je pensais d'abord à Upya, c'était elle la plus prompt à faire ça, mais l'odeur était celle de quelqu'un d'autre. Bima. Apparemment, elle tenait à marquer son territoire vis à vis de Raksà. Elle était bien comme son père...

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Si Raksà ne comprit pas tout de suite pourquoi son Grand-père semblait se moquer de lui, il finit par vite changer d’avis quand il entendit les dires de celle qui semblait avoir le plus peur de lui. Tonton Chess’ ? Oh. Oh ! Raksà fit la grimace en prenant conscience enfin de qui étaient ces enfants. S’il n’avait pas vu Ohanko traîner près de l’étang, il savait qu’il ne devrait pas s’attarder non plus. Se retrouver en conflit avec le chef de la meute des lycaons n’étaient pas vraiment pour faire rêver le chef des guerriers. Surtout devant ses enfants. De plus, au vu de la réaction des jeunes demoiselle, Ohanko ne s’était pas privé pour ternir l’image des lions et dans un sens, il ne pouvait pas le blâmer. Néanmoins, il aurait aimé pouvoir montrer que tous les lions ne se ressemblaient pas.

« Je n’en doute pas, jeune fille. »

Finalement Raksà se tourna avec un sourire vers celle qui portait le nom d’Upya. Il espérait paraître bienveillant et éveiller non pas une entière confiance pour le lion brun mais au moins un peu. Il n’allait pas lui faire de mal. Il n’oserait jamais s’attaquer à un enfant, ce n’était pas dans la trempe du chef des guerriers. Pour lui, il n’y avait rien de plus lâche que s’attaquer à plus faible que soi. Alors, doucement il lui répondit :

« Je connais ton oncle depuis que je suis un lionceau ! Je le voyais surtout quand je restais avec Grand-Père au rocher pour écouter ses histoires. »

Et quelles histoires ! Raksà s’autorisa à lâcher un petit rire en se remémorant les récits de son Grand-père. Ces récits qu’ils chérissaient tant puisqu’ils faisaient partis des seuls bons souvenirs de son enfance chaotique. Dans un sens, cela aurait pu être bien pire mais cela aurait pu être aussi tellement mieux. Raksà avait grandi, gagné en force et en maturité, il avait toujours en travers les mensonges perpétuels de sa famille. Vous parlez d’une royauté ! Se tourna vers Fleck et lui effleurant de nouveau la joue avec son museau, il dit :

« Je suis content de voir que malgré tout, la vie continue et en beauté qui plus est. »

Heureux, il l’était sincèrement et surtout pour Fleck qui méritait enfin d’avoir la paix et la vie qu’on lui avait retiré jusque-là. Voyant que Bima se posa entre les pattes du vieux lycaon, Raksà tenta de lui adresser à elle un sourire qui se teint de tristesse lorsqu’il entendit sa remarque :

« De la chance… C’est sûr qu’avec tout ce qui s’est passé, ça ne peut être que ça. »
Et Raksà en avait bien conscience puisqu’il était le seul à pouvoir approcher la meute de lycaon sans se faire grogner littéralement au visage ou même attaqué. Quelques minutes s’écoulèrent, rendant le silence presque pesant et pourtant cela avait quelque chose d’apaisant également. Puis, le chef des guerriers brisa le silence par son soupire. Raksà osa presque honteux à se confier à son Grand-père :

« Je fais tout pour que tu sois fier de moi Grand-Père, mais j’admet avoir peur de ne pas être à la hauteur. »

Aucune des deux enfants ne daigna répondre à Raksà. Sans doute parce qu'elles n'avaient rien à dire. Et puis, un silence s'installa entre notre quatuor. Je sentis Bima s'allonger entre mes pattes, poussant un soupir de dédains. De toute évidence, elle n'avait qu'une envie, repartir jouer, mais elle ne voulait pas le faire et prendre le risque de laisser son vieux grand père sans protection face à un lion. Cette pensée m'amusa intérieurement. Puis, finalement, le lion repris la parole :

« Je fais tout pour que tu sois fier de moi Grand-Père, mais j’admets avoir peur de ne pas être à la hauteur. »

Mon visage serein, se changea en une expression de surprise avant de s'assombrir comme un ciel de pluie. Je voulais questionner Raksà. Lui demander ce qui pouvait bien le pousser à penser ainsi... Mais avant que j'ai pu ouvrir la gueule, une petite voix me devança :

- Ça... ça peut vraiment avoir peur les lions ?

La voix d'Upya était toute proche à présent, sans doute avait-elle profité du moment de silence pour se faufiler non loin de mon perchoir. En patientant quelques seconde, je la sentis même qui grimpait le rejoindre pour s'allonger près de moi... Le plus loin possible de Raksà ceci étant dit.

Sa remarque me fit doucement sourire. Aussi idiot que cela puisse paraitre, une telle question n'était pas étonnante de sa part... Surtout compte tenu de ce que leur père leur racontait sur les lions, sur à quel point ils étaient dangereux, etc... Mon sourire s'effaça doucement alors que je repris la parole.

- Pourquoi ne serais-tu pas à la hauteur, Raksà ? Qu'est-ce qui t'inquiète ?

Bima grommela dans sa barbe quelque chose sur le fait que les lions n'étaient jamais à la hauteur. Mais ne l'ayant pas entendu clairement moi même, j'ignorais si mon petit fils avait pu la comprendre. Pour ma part, je me contentais donc de la bousculer d'un petit coup de patte, pour la rappeler à l'ordre. Le moment n'était pas à l'anti-lion primaire. Pour ma part, j'avais toute confiance en Raksà et l'entendre ainsi douter m'attristait.

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Anciennement - Papy Fleck