Joue Hassun, Elite jangowa.

La nuit commençait à tomber. Un voile d’encre pour dissimuler cette terre trop parfaite et les parasites qui s’y logeaient. Hélas pour eux, cela ne suffirait jamais à les protéger du regard des Elites, et encore moins du Grand Désert !

Cela faisait plusieurs jours qu’ils avaient élu domicile dans un camp de fortune, éloigné de tout. Avec leurs nombreux entrainements, ils avaient appris à devenir des ombres, des lions invisibles, même aux yeux de ceux qui s’approchaient un peu trop près. Voir ces imbéciles dégoulinants de graisse passer devant leur repère sans s’en rendre compte avait toujours eu son effet dans l’esprit d’Hassun. Et cela ne faisait que confirmer ce qui se disait par-delà les Gorges : Les Pridelanders étaient imbéciles finis à la pisse de lycaon ! Cela le rebutait ! Comment des créatures aussi abjectes étaient tolérées par les lois de la nature ? Quel genre de dieu stupide régissait ce côté du monde ?!

Un grondement sourd lui échappa tandis qu’il observait l’horizon baigné de nuit. L’heure approchait, et cela le faisait trépigner d’excitation. Bientôt, le groupe se mettrait en route pour semer la mort parmi les sangs de bourbe ! La dernière fois, ils avaient joué la sécurité en se jetant sur la première proie à leur portée. Autrement dit, il n’avait accompli qu’un moindre forfait. Pas de quoi satisfaire le Grand Désert, en somme…Mais ce soir, la donne serait différente ! En y pensant, un rictus vint tordre les babines du jangowa. Oui, cela allait être mémorable ! Et le mieux, dans tout ça, c’est que personne ne les suspecterait. Seul leur divinité et leur clan seraient au fait de leur accomplissement.

Se détournant du couchant, Hassun avisa ses camarades. Parmi eux, les premières Elites, une novice, et sa propre sœur, Kaya. Les deux ne s’étaient pas attardés en discutions. Le mâle préférait discuter de leur mission et garder son sérieux. Néanmoins, il avait été surpris de constater l'amélioration de leur relation, surtout depuis le retour d’Hanska. Le blond n’en revenait toujours pas que son frère soir réapparu avec une femme à son bras et un mioche –insupportable qui plus est- à ses basques !

Dyami venait de reparaitre parmi le petit groupe, complétant celui-ci. Dès lors, aucun doute possible : L’Opération venait de commencer.

- Très bien. Dans ce cas, nous pouvons nous mettre en route !

Son regard défila sur ses acolytes, mais s’attarda sur la fille de l’Impératrice. Lahira avait beau être la plus jeune, elle avait toujours montré sa détermination et son sérieux. Qui plus est, elle avait été entrainée avec sévérité, sans jamais se plaindre. L’adulte ne doutait pas d’elle. Loin de là ! Comme il était plaisant de compter ce genre d’élément parmi les jangowas !

Les vœux avaient été prononcés, les esprits échauffés. C’était une certitude pour tout le groupe : Ce soir, le sang coulerait à flot ! Au nom de la pureté et du Grand Désert ! Comme un seul lion, le groupe s’était mis en route, progressant parmi les herbes avec discrétion. Chacun connaissait son rôle, il n’y avait plus qu’à lever le rideau pour jouer le premier et ultime acte de cette macabre pièce.

Il leur fallu une demie heure pour arriver sur les lieux. Réglés comme des horloges, ils se dispersèrent. Hassun, après avoir reçu le signal de Dyami, se positionna face aux sangs de bourbe, refermant la tenaille vers la droite. Puis, aplati dans les herbes folles, attendit que ses congénères trouvent leur point d’attaque.

L’heure fatidique approchait et le jangowa sentait tous ses muscles se tendre d’impatience. Si le grand tacheté avait jeté son dévolu sur le substitut paternel, Hassun, lui, avait choisi d’exterminer l’engeance de ces merdailles. Les voir gigoter entre leur immonde parenté lui donnait presque envie de vomir !

Hatasa joue la famille Mositu : Isaro(père), Jahia(mère), Njaka(fils) et Asuna(fille)

*****

Tout allait pour le mieux dans ma vie. Depuis que j’avais avoué mes sentiments à la douce Jahia et surtout, qu’elle m’avait avoué les partager, je nageais dans un océan de bonheur. Cela faisait quelques années qu’elle était devenue ma compagne et bien que nous souhaitions concrétiser notre amour, nous avions convenus d’attendre avant d’avoir une descendance. Le but de notre clan n’était pas atteint et je ne voulais pas que mes enfants grandissent ailleurs que dans une jungle.

C’était le meilleur endroit qui pouvait exister pour un Mositu et savoir que mes enfants grandirait ailleurs que dans un tel environnement me déplaisait. Et pourtant… Pourtant voilà deux ans que mon fils et ma fille avaient vus le jour sur Prideland. J’avais laissé tomber les recherches pour rester auprès de ma compagne et si cela m’avait contrarié de ne pouvoir continuer à apporter mon aide à mon clan, tout ceci avait été balayé lorsque Njaka et Asuna étaient nés.

Ils étaient mes plus beaux trésors et si je regrettais de ne pouvoir leur apprendre à grimper aux arbres et à se mouvoir entre leurs cimes, je ne changerais les choses pour rien au monde. Malgré son manque de zone boisée, Prideland était une merveilleuse terre d’accueil et je ne pouvais nier que c’était un bon endroit pour élever des petits.

Désireux de garder une certaine intimité, ma douce Jahia et moi-même avions déniché un petit endroit à l’écart des autres. Rester avec le clan ne nous dérangeait pas mais lorsque le soir venait, nous aimions nous retrouvez juste tous les quatre. Ce qui était le cas à l’heure actuelle. Je quittais donc mon interlocuteur pour rejoindre ma petite famille.

Ce fut vite chose faite et malgré le soir qui tombait, mes enfants semblaient étrangers à toute fatigue. Bien qu’ils venaient d’atteindre leur adolescence, ils étaient toujours aussi joueurs et c’est gesticulant sous le regard amusé de ma tendre compagne que je les retrouvais. La scène m’amusait également et si d’ordinaire je me postais aux côtés de celle qui partageait ma vie, je m’en abstenais pour l’instant, m’asseyant en attendant de voir qui de mon fils ou de ma fille prendrait le dessus.

Cela étonna d’ailleurs la mère de famille pendant un instant avant qu’elle ne comprenne. Isaro était à son opposée et leurs enfants étaient entre eux. S’il la rejoignait, les enfants – qui ne semblaient pas avoir vu l’arrivée de leur père – s’arrêteraient pour le saluer et aucun de deux ne gagnerait leur petit jeu, ce qui aurait pour conséquence de les rendre maussade au vu de leurs caractères.

Tout allait pour le mieux dans ma vie. Jusqu’à ce que tout bascule. Une vive douleur se propagea dans mon corps lorsqu’une mâchoire se referma sur ma gorge alors que je rencontrais vivement le sol. Je voulu crier mais c’était impossible lorsque l’on était étouffée. Je n’avais jamais eu aucun cours de combat, préférant de loin le pacifisme, mais en tant que mère, je ne pouvais pas abandonner mes enfants sans me battre. Je donnais donc des coups de pattes au niveau de ma propre gorge, cherchant à blesser ce qui m’attaquait.

L’attaque avait été vive et c’est uniquement lorsque j’aperçus Jahia au sol et aux prises avec une femelle sablée que je compris ce qui été en train de se produire. Me levant aussi prestement que me le permettais ma masse corporelle, je dépassais mes enfants d’un bond en leur intimant de rester à l’abri derrière moi pendant que je me dépêchais de rejoindre ma compagne afin de la sauver des griffes de celle qui était incontestablement une Jangowa.

Elle allait voir ce qui allait lui en coûter de s’en prendre impunément à ma famille !

L’assaut était donné ! Enfin ! Lorsque Lahira jaillit des fourrés suivie de Dyami, Hassun ne perdit pas une seconde. S’attelant à la tâche qui lui avait été confiée, il fondit comme un rapace et referma sa prise sur l’une des engeances démoniaques. La confusion était telle que la créature ne se défendit même pas, se contentant d’écarquiller les yeux sur le macabre spectacle. Grand bien lui en fasse ! Cela fut bien plus aisé pour le jangowa de lui briser la nuque ! Hélas, la seconde vermine –un jeune mâle- entrepris de sauver les âmes impures de ses pairs, quand bien même leur destin était scellé. Pff ! Pathétique…

Alors que les cervicales de sa proie cédèrent sous ses crocs, l’autre gamin poussa un cri d’horreur désespéré et chargé de sanglots. Ses griffes se plantèrent dans la joue d’Hassun qui repoussa son assaillant d’un violent coup de patte, abandonnant le cadavre de sa fratrie. Pas de jaloux ! Il allait s’occuper de lui aussi !

Sans aucune forme de procès, le frère de Kaya abattit sa patte avec violence sur le crâne de l’adolescent. Un coup chargé de rage et de haine, qui brisa le cou du morveux inexpérimenté par son impact. Il aurait aimé faire durer les choses. Mais l’Elite aimait les choses rapides et bien faites ! Et puis…il n’allait pas se tâcher d’avantage avec ce sang impie !

Une fois sa mission accomplie, il se tourna vers ses camarades. Ces derniers étaient chargés d’une tâche bien plus complexe. Sans doute auraient-ils besoin d’aide.

Hatasa joue la famille Mositu : Isaro (père), Jahia(mère), Njaka(fils) et Asuna(fille)

*****

Un bond. C’était tout ce qui me séparait de cette maudite sablée qui s’en prenait à mon aimée. Un bond que je m’apprêtais à faire. Un bond que je ne ferais jamais.

Une autre silhouette sablée apparut dans mon champ de vision pour me bloquer la route. Un grognement irrité s’échappa de ma gueule face à ce contre-temps mais ce n’était qu’une femelle. Une bonne gifle l’étourdirait assez longtemps pour que je rejoigne Jahia. Seulement, quelque chose, ou plutôt quelqu’un me percuta dans les secondes qui suivirent, m’envoyant au sol.

Alors comme ça l’assaillante n’était pas venue seule. Cela ne m’arrangeait pas car il allait d’abord falloir que je mette au tapis l’énergumène qui m’avait envoyé au sol et que je dégage l’autre femelle avant de pouvoir porter secours à ma compagne. J’ignorais comment j’allais m’y prendre car je n’étais pas très doué au combat, préférant de loin la discussion pour régler les problèmes, mais je n’avait pas le choix. Je devais sauver ma famille. Je devais protéger mes enfants à tout prix. A cette pensée, une force que je ne me connaissais pas se propagea dans mon corps.

Parfait ! J’allais me relever d’un bond et choper celui qui se trouvait non loin de moi. Sauf que je n’eus pas le temps de faire le moindre mouvement que l’autre, aussi rapide qu’un serpent s’était retourné, coinçant l’avant de mon corps entre le sol et son arrière-train. La poussière soulevé par ce mouvement me fit éternuer, cachant le grognement de colère que j’aurais voulu produire. Comment renverser la situation ? Il fallait que je parvienne à me retourner. Il le fallait à tout prix !

Je ne voyais plus la lionne qui m’avait barré la route et une peur innommable me saisit lorsque j’entendis le cri d’horreur de mon fils. Mon sang se figea dans mes veines lorsque je comprenais pourquoi mon fils avait hurler. Cela avait sans doute un rapport avec ma fille. Ils n’étaient pas dans mon champ de vision mais j’imaginais sans mal ce qui pouvait se passer. Et si son compagnon ne voyait pas la scène d’horreur, Jahia elle, ne pouvait en détourner le regard.

Mon assaillante me maintenait fermement la tête pour que je ne rate pas une miette du spectacle macabre, tout en me susurrant des mots qui m’enrageaient. Et si j’avais d’abord tenté de me débattre pour pouvoir défendre mes enfants, je ne pouvais désormais plus rien faire, je n’en avais plus la force. Un autre mâle aux couleurs sablées avait déboulé de nulle part et en quelques secondes avait ôté la vie de la jeune mositu. Mon s’était brisé lorsque ma magnifique Asuna était morte et désormais, je suppliais pour que Njaka soit épargné. Mais ils étaient sans cœur et à peine quelques secondes après sa sœur, le jeune Njaka perdit la vie également.

Je pleurais désormais à chaudes larmes. Pourquoi continuerais-je à me battre alors que ce qui motivait mon existence n’était plus là ? Je cherchais le regard de mon compagnon et la couleur bleuté de ses yeux fut la dernière image que je vis avant de rendre mon dernier souffle.

Les larmes de Jahia et son désespoir avaient suffit à ce que je m’imagine sans mal ce qui se déroulait dans mon dos, d’autant plus que je n’entendais plus un bruit venant de mes enfants. Ils les avaient donc pris. Tout comme ils avaient pris Jahia. Son regard n’était plus illuminé de vie et cela fut le coup de grâce pour moi.

Plus de fille. Plus de fils. Plus de compagne. Plus de vie en somme.

Abandonnant l’idée de luter, je m’abandonnais complètement aux coups donnés par mon adversaire. Je sentais les griffes et les crocs entailler ma chair mais je ne sentais aucune douleur car celle qui déchirait mon cœur et qui consumait mon âme était infiniment plus douloureuse. Je n’attendais plus qu’une chose : que mon assassin finisse sa besogne afin que je rejoigne les miens au plus vite.

Joue Hassun, Elite jangowa.

C’en était fini ? Déjà ?! Il n’y avait pas à dire, Hussun était un peu déçu. Mais cela relevait de la fierté. Et celle qu’il ressentait à présent effaça bien vite son désappointement : Ils avaient réussi ! Pour le Grand Désert !

- Crinière d’merde… C‘est dégueulasse…

Les yeux du mâle défilèrent sur le corps des adultes. Oui, Dyami avait trouvé le mot qui les caractérisaient le mieux…dégueulasses.

Puis, son regard s’en alla trouver son aînée. Un sourire satisfait se dessina sur le visage du blondinet lorsqu'il l’aperçue.

- Jolie prise ! Siffla-t-il avant de reprendre froidement, dardant le cadavre avec méprit. Celui-là aurait put nous foutre dans la merde !

L’un des leur les avait repérés. Qui sait quel genre d'yeux indiscrets avait encore pu les observer ? Il glissa une œillade suspicieuse aux environs. Tandis que Dyami se mit en tête de cacher les corps, Hassun, lui, se mit en quête de patrouiller autour de la zone.

- Je vais m’assurer qu’aucun autre abruti ne traine dans le coin. Dit-il, avant de s’éloigner furtivement.