Un énième coup de griffe, et le tronc mort se brisa dans un craquement sec. Essoufflé, tu te laissais tomber en arrière, le dos sur le sable tiède.

La nuit était tombée depuis quelques heures. Ignorant la fatigue et la faim qui sévissaient ton corps, tu avais profité de ce début de soirée pour t’entrainer. Le manque d’adversaire digne de ce nom te frustrait énormément, mais il était hors de question de se laisser aller à la paresse ! Chaque coup que tu avais donné ravivait ta rage de Jangowa. Plus que jamais, tu devais te comporter en fils des sables car à ton retour, les choses ne seraient plus comme avant…Tu étais résolu à apporter l’ordre parmi les tiens, même si cela impliquerait de s’y prendre par la force.

Inspirant profondément, tu te redressais, secouant ta fourrure poussiéreuse. Depuis ton départ, ta crinière avait gagné en densité. Des crins dorés comme le désert poussaient le long de tes épaules amaigries, marquant la mort de ton enfance. Tu l’aurais sans doute remarqué, si ton cerveau d’adolescent n’était pas en constante ébullition. Tu peinais à comprendre les pensées qui inondaient ton esprit. Si, autrefois, t’imaginer le corps de Jeith, ce que vous devriez accomplir à ton retour te tétanisais, l’idée te semblait aujourd’hui plus alléchante…tu étais même pressé de consommer votre mariage ! Tu voulais savoir ce que cela faisait, comme tout bon jeune de ton âge. Une raison parmi tant d’autres pour rentrer en un seul morceau.

Levant la tête, tu humais l’air. L’adolescent que tu avais pris en filature quelques semaines plus tôt n’était pas loin, quelques kilomètres tout au plus. Un sourire mesquin se dessinait sur tes babines. Jusqu’à maintenant, tout fonctionnait comme sur des roulettes : marchant contre le vent et à bonne distance, il te suffisait d’attendre que ton comparse abatte une proie, puis venir récupérer ses restes lorsque ce dernier s’était éloigné. Evidemment, il fallait être rapide ! Les vautours se montraient bien trop voraces à ton gout…et les quantités de nourriture étaient bien maigres pour satisfaire un lion en exil. La plupart du temps, tu devais te contenter d’une cuisse de gazelle ou gratter la chair restante sur les côtes d’une vieille antilope rachitique. Néanmoins, cela était suffisant pour tenir quelques jours. Qui plus est, tu ne te fatiguais pas à chasser, ce qui que constituait un atout non négligeable.

Tu plissais les paupières. Une odeur vint frapper ton esprit : Du sang ! L’autre Exilé venait d’attraper un déjeuner ! Gravissant une dune, tes prunelles d’acier sondèrent le ciel nocturne. Quelques charognards volants planaient en cercle dans le lointain, indiquant la position de la dépouille. A vue de nez, il te faudrait une demie heure pour la rejoindre.

Dévalant le monticule à pas cadencé, tu filais en direction de la proie tout en surveillant les vautours : Tant qu’ils restaient dans les airs, cela signifiait que le jeune mâle surveillait sa pitance. Tu allais devoir accélérer ta course quand ces bestioles à plumes commenceraient à rejoindre le sol.

Il n’y avait pas une seconde à perdre !