Les premiers rayons du soleil avaient beau arriver, ils n'étaient pas suffisant à percer l'obscurité qui régnait au sein du cimetière. Pour n'importe quelle rieuse de la meute, la légère luminosité suffisait amplement à se repérer. Le territoire était réputé pour être sombre, il n'y avait rien d'étrange à ce que ce matin ne face pas exception à cela. Mais à chaque nouveau soleil, la petite brunette ne pouvait faire taire le léger espoir d'ouvrir les yeux sur un monde visible. Mais ce ne serait pas le cas en cette nouvelle journée. Premier objectif du jour : quitter le cimetière des éléphants.
Elle avançait avec prudence. Essayant de rester concentré sur les sons et les odeurs qu'elle parvenait à capter. Plissant les yeux pour essayer de distinguer les silhouettes flous lorsqu'elle passait dans un endroit un peu plus éclairé. Elle finit par battre des paupières en secouant doucement la tête de droite à gauche. Pourquoi forcer quand elle savait pertinemment que cela ne servirait à rien. Tout ce qu'elle allait arriver à faire était de ce taper une migraine. Ayant hâte de quitter ce coin lugubre, elle pressa un peu le pas, se mettant à trottiner. Elle gardait la tête basse, fermant ses yeux. Qu'ils soient ouverts ou clos, elle y verrait presque tout autant de toute façon.
Lorsqu'elle redressa la tête, rouvrant tout de mes ses yeux, se disant que malgré tout, si elle pouvait distinguer des formes, c'était déjà ça. Mais, ayant arrêté de prêter toute son attention à ses autres sens, elle n'entendit ni ne sentit l'individu qui se trouvait non loin. Et lorsqu'elle le vit enfin, elle était déjà beaucoup trop proche pour l'éviter. C'est donc de plein fouet qu'elle le percuta, s'emmêlant les pattes et s'effondrant dans la poussière dans un petit cri de surprise.
Kiziah — Outch !
Quelque peu perdue, n'ayant pas venu venir la chute, elle se redressa légèrement, se frottant la tête du bout de la patte, bougonnant sur le fait que c'était n'importe quoi de rester au milieu du chemin, mais n'ayant pas vu qui elle avait percuté, elle s'abstint de justesse de le dire à voix haute.
Le cimetière semblait presque aussi désert qu’Oncle Zar’roc t’avait raconté qu’il l’était quelques années plus tôt. Quelques rayons de soleil matinaux illuminait ci et là des crânes usés d’éléphants morts depuis des saisons entières. Mais il faisait encore bien sombre en ce début de journée libre. L’idéal pour t’éclipser jusqu’au volcan, auquel tu avais trouvé un nom par lequel te le désigner pour toi-même : le Guba, «maison de Gu», en quelques sortes. En prime, si on te demandait, personne ne saurait situer cet endroit. Pratique.
Tu avais réussi l’exploit de quitter votre tanière sans que ton parent adoptif ne se réveille. Il notera juste ton absence quasi habituelle, et haussera les épaules. Un court instant, tu t’arrêtas, ayant cru apercevoir une paire d’oreilles adolescentes derrière un fémur massif : grave erreur, car quelques secondes plus tard, quelqu’un te percuta. Le choc n’était pas assez fort pour t’envoyer en roulé-boulé chaotique, mais tu profitas de l’élan qu’il te procurait pour t’éloigner de ton agresseur d’un grand bon, et de faire volte face. Tes oreilles se couchèrent de peur, tout comme ta queue rentra entre tes jambes. En face de toi, au sol, une petite brune pestait en passant la patte sur sa tête.
« Pourquoi tu m’as poussé, couinas-tu ? C’est les autres qui t’ont dit de le faire ? »
Un vent de panique te gagna en même temps que tu prononçais ces mots, et rapidement, tu commenças à lancer des regards apeurés tout autour de toi. Pas le temps de te rendre compte qu’il ne s’agissait que d’une enfant qui ne t’avais pas vu. A ta droite se trouvait un tas d’ossement assez espacés pour pouvoir y passer en vitesse. Est-ce que tes bourreaux allaient surgir pour t’en mettre de nouveau plein la gueule ?
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Lorsqu'elle releva la tête, clignant des yeux, elle réussit à distinguer la silhouette de la personne qu'elle avait percuté. Cette dernière s'était éloignée mais avait visiblement réussit à éviter la chute. Finalement, le petit mâle se mit à couiner, semblant commencer à paniquer à l'évocation d'autres rieuses qui auraient, selon lui, étés à l'origine de ce plan de le bousculer. La forme de l'autre hyène sembla s'agiter alors qu'il cherchait d'autres personnes.
Kiziah — Eh c'est toi qui était au milieu ! T'avais qu'à pas être là ! En plus t'as rien eut, arrête de couiner !
Kiziah s'interrompit. C'était vrai quoi ! Il n'avait pas finit étaler au sol, à quoi bon bousculer quelqu'un si c'est pour soi même tomber ? Aucun intérêt. Tout de même intriguée par la panique du mâle, elle prit le temps de chercher l'odeur et d'écouter plus attentivement afin de trouver la trace des autres individus que l'autre hyène avait mentionnée. Mais elle ne perçu la présence de personne. Y avait-il vraiment d'autres personnes ? Elle n'en était pas certaine. Grognant quelques peu, elle se redressa, s'ébrouant au passage pour faire voler la poussière qui s'était accroché à sa fourrure.
Kiziah — Et tu parles de qui ? 'Y a personne ici.
A par lui en tout cas. Parce que s'il n'avait pas été là, les choses auraient été toutes autres et elle aurait éviter cette chute désagréable... Même si quelque part, le mâle n'avait rien demandé non plus.
L’apparente femelle s’indigna à son tour. Et elle avait raison : elle t’avait autant poussé que l’inverse. Seulement, les jours que tu vivais te rendaient méfiant à l’extrême, peu important à quel point elle pouvait paraître sincère ! Tu restas donc sur le qui-vive, sans te détendre d’un iota. Le fait qu’elle te demande d’arrêter de paniquer n’y aide en rien.
« C’est toi qui m’as poussé, tu mens ! Laissez-moi tranquille ! »
Une nouvelle fois, tes yeux firent de multiples aller-retour entre tous les recoins possibles et imaginables. S’il fallait te rendre à l’évidence, que personne n’était présent à de nombreux mètres à la ronde à part toi et cette hyène brune, c’était difficile de franchir le pas de reconnaître la vérité. Quant à te débarrasser des chimères qui te hantaient jour après jours, c’était mission impossible. A la place, tu te faisais toujours plus petit sous ses grommellements, de peur que ce soit finalement elle qui t’agressa parce que tu l’exaspérais de trop, et non pas les habitués de ton lynchage.
« Me fais rien, j’ai rien fait… »
Tes pattes tremblaient tant que tu ne réussis pas à t’enfuir. Ce n’était pas l’envie qui manquait ! L’antre de Gu te semblait si lointaine, tout à coup. Et ton ventre, si douloureux.
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Plus les secondes s'écoulaient, plus l'autre hyène semblait se mettre à paniquer. Il continuait à jeter des regards dans tous les sens, persuadé que d'autres se cachaient, probablement prêt à se battre pour de bon avec lui. Kiziah roula des yeux en entendant l'accusation du mâle. Elle n'avait pas fait exprès ! Il disait n'importe quoi ! Et il ne semblait pas enclin à écouter ce qu'elle disait. La rieuse brune cligna plusieurs fois des yeux, était-ce elle ou bien la silhouette de son camarade de meute tremblait ? Elle souffla du nez, agacée.
Kiziah — Bon ok c'est bon ! J't'avais pas vu !
Comment la meute pouvait abriter un tel peureux ? Comment pouvait-il devenir un guerrier s'il se comportait ainsi à la moindre menace ? Elle avait l'impression de faire face à un chiot. Mais il était certain que s'énerver ne résoudrait rien. Et bien qu'elle soit toujours partante pour se battre, se bagarrer avec une personne qui ne se défendrait pas n'avait aucun intérêt. Elle prit une grande inspiration, avant de lâcher, une grimace déformant son visage :
Kiziah — J'suis désolé. Elle fit une petite pose, t'es content ?
Aussi... ridicule qu'était son comportement, il faisait parti de la Meute, et en son sein, chaque individu a son importance... aussi difficile puisse-t-elle être à trouver. Elle ne voulait pas partir sans rien dire et le laisser avec ses démons, du moins, elle ne voulait pas en faire partie.
Tu étais à la limite d’accepter d’en prendre plein la tronche sous peu. Mais rien ne vint, rien de plus que des soufflements agacés : la hyène brune semblait bel et bien en rognes, sans toutefois le moindre geste agressif envers toi. Cela t’aida à dédramatiser la situation, d’autant qu’elle s’excusa même ! Avec une gueule grimaçante à en effrayer ta marraine Shasta, certes, mais tout de même ! Finalement, l’apparente innocence de la femelle eut un petit effet d’apaisement, et bientôt, tu quittas ta posture de défense, bien que ça n’empêcha pas tes yeux de continuer leurs aller-retours incessants.
« Je, c’est juste que… oui, j’suis content, finis-tu par lâcher après avoir difficilement dégluti. »
Tu te doutais que la question n’en était pas une, mais la nervosité et l’adrénaline continuaient leurs effets. Avoir une pensée cohérente était encore un défi surmontable qu’une fois sur deux, et ta boule au ventre ne voulait pas disparaître. Après une dernière et intense hésitation, tu oses poser les bases d’une presque vraie discussion.
« T’es qui ? Et pourquoi t’es levée si tôt si c’est pas pour m’avoir ? »
L’hypothèse ne te quittait pas, bien que tu commençais à la trouver improbable. C’était d’ailleurs stupide de poser ces questions, car quelqu’un te voulant du mal te donnerait les bonnes réponses. Peut-être avais-tu envie de croire que le monde entier ne voulait pas ta mort.
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La jeune rieuse brune ne put s'empêcher de rouler une nouvelle fois des yeux la nouvelle réponse de son camarade. Il ne semblait pas avoir abandonné toutes ses craintes, mais il y avait tout de même une petite amélioration, ne serait-ce qu'en abandonnant sa position défensive.
Kiziah — J'suis une future guerrière ! J'm'appelle Kiziah.
Ouais, elle allait devenir une combattante de la meute ! Parce qu'à part faire ça, c'est pas possible d'être utile, et elle, elle voulait vraiment être utile à la meute. Même si ce projet ne semblait pas vraiment bien parti... Comment réussir à se battre convenablement si on ne voyait même pas ses pattes ? Mais malgré ça, elle devait réussir ! Devenir un poids mort pour le groupe lui semblait tellement... impensable que malgré tout les obstacles, elle ne se voyait pas reculer. Et plus que cela, elle voulait être la meilleure, se hisser au même niveau que la dominante ! Elle aussi voulait être forte. La force brute, n'était-ce pas là la seule chose importante ?
Kiziah — T'es pas l'centre du monde t'sais. T'es pas le seul à avoir le droit de te lever tôt. J'sais même pas qui t'es t'façon.
C'est vrai ça, pourquoi est-ce qu'elle se serait levée tôt juste pour embêter quelqu'un ? Quel était l'intérêt ? N'était-ce pas donner trop d'importance à une personne que se réveiller à l'aurore simplement pour faire peur à ladite personne ? Cela lui semblait totalement ridicule. Surtout que faire peur à une hyène qui était déjà terrorisé, cela n'avait aucun intérêt. Se battre avec les plus faibles, ça n'avait rien d'amusant.
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