« Nazhir ! Je suis désolé, j'ai glissé... » bredouilla-t-il, pris au dépourvu. « Tu comprends, ça glisse et... Je suis heureux de te rencontrer enfin ! »

Le Désert avait décidé de mettre ses enfants à l’épreuve. Son œil de lumière foudroyait le clan de ses rayons, forçant les Jangowas à se désaltérer plus souvent. Vous aviez marché de nombreux jours avant de rejoindre ce marécage. Et ce temps-là, tu l’avais principalement passé en compagnie d’Anaya. Si Hanska ne portait aucune attention à cela, ce n’était pas le cas de tous : Depuis que vous aviez entamé votre voyage, Jeith c’était montrée froide et désagréable envers la fille d’Hatasa, les rares fois où la petite lui avait adressé la parole. Qui plus est, ta future épouse semblait t’éviter. Ahh, les lionnes…

Cela dit, l’absence de ta compagne ne te perturbait en rien. Moins tu l’avais dans les pattes, et mieux tu te portais !

C’est donc seul que tu avais rejoint le cours d’eau. La matinée avait beau être à peine entamée, la chaleur caniculaire était bien présente ! En boitillant –souvenir de ton combat avec Akef- tu avais marché jusqu’à l’eau avant de t’abreuver. Tu avais également mouillé ta crinière, soupirant de soulagement lorsque liquide se mit à couler le long de tes épaules.

Puis, tu t’ébrouais, projetant des gerbes d’eau aux alentours. Tant pis pour les quelques importuns qui osaient passer à côté de toi.

Ta soif étanchée, tu te détournais du cours d’eau. Mais avant d’avoir pu bondir au sommet de la berge, un lion manqua de t’emplâtrer !

Surpris, tu t’écartais en grognant, songeant d’abord à une attaque d’Akef. Tu soupiras d’agacement lorsque tu réalisais qu’il s’agissait de ton cousin, Jehara.

- Nazhir ! Je suis désolé, j'ai glissé... Bégaya le fils de Kaya. Tu levais les yeux au ciel, avant de fixer ton regard d’acier sur le sien. Tu comprends, ça glisse et... Je suis heureux de te rencontrer enfin !

- Je n’étais jamais très loin, tu aurais pu venir plus tôt. Admonestes-tu. Non pas que cela t’attristais, mais tout de même ! Rien n’avait empêché le maigrichon de t’approcher. Que se passe-t-il ?

Depuis le temps que ton géniteur entretenait la mauvaise réputation de ton cousin, il était temps pour toi de vérifier ces préjugés…il fallait l’admettre, Jehara t’intriguais. Comment un tel lion avait pu réussir l’Exil ? Et surtout, comment se faisait-il qu’il soit encore célibataire ?

« Je... J'étais sorti pour boire... Je viens de par là-bas... » Il pointa du bout du museau le promontoire d'où il avait commencé à glisser. « Et... Et voilà, quoi... »

« Ne le prends pas mal, mais je crois que ton père ne tolère pas trop sa famille, surtout du côté de Kaya. Il me semblait un peu... Déplacé de venir te voir... En présence d'Hanska... Mais le mal est réparé désormais, non ? »

Cette discutions ne menait nulle part ! Tu t’apprêtais à partir lorsque Jehara reprit la parole, en balbutiant comme un lionceau face à une foule.

- Ne le prends pas mal, mais je crois que ton père ne tolère pas trop sa famille, surtout du côté de Kaya. Dit-il.

Aww, vraiment ? Nazhir laissa passer un rictus agacé sur son visage, tandis que le jeune adulte continuait de se justifier.

- A la façon dont vous lui parlez, ce n’est pas étonnant, qu’il vous méprise. Réponds-tu sèchement lorsque le doré eu terminé. Tu n’avais pas apprécié la condescendance des enfants de Kaya envers ton géniteur lors de vos retrouvailles…Certes, Hanska pouvait se montrer impertinent voire chafouin, mais ça n’était en aucun cas une raison pour l’asséner de piques gratuites !

- Mais maintenant, je suis là. Reprends-tu en soupirant. Donc j’imagine que c’est une occasion pour mieux nous connaitre…Comment s’est passé ton exil ?


C'est vrai, ça ! Comment un lion aussi timide et peu sûr de lui avait put réussir une telle épreuve sans tricher ?

« Le moins qu'on puisse dire, c'est que tu ne prends pas de pincettes. » fit Jehara à voix basse. « C'était il y a bientôt deux ans, je suis rentré comme tout le monde : à moitié mort de faim et de soif, épuisé, avec des plaies ouvertes, certaines presque infectées... Mais vivant. »

« ... Nazhir, tu pars bientôt pour ton exil je crois... Tu... Tu l'appréhendes ? »

Après l’avoir questionné, tu t’asseyais sur la berge fraiche. Ton cousin ne fut pas long à répondre, décrivant brièvement son retour. Même s’il n’avait pas approfondit –à ton grand dam– il était clair que Jehara en avait bavé. Mais c’était tout à fait normal, pour un lion aussi frêle ! S’il n’était pas bien gros à l’âge adulte, qu’est-ce que cela devait être avant ?

Puis, ce fut à son tour de t’interroger. La question était simple, quoi que surprenante venant de ton cousin : Tu étais le fils d’Hanska ! Rien ne pouvait t’arrêter, même pas l’Exil !

- Je suis un digne enfant des sables. Le Désert m’en fera peut-être voir de toutes les couleurs, mais c’est pour mon bien s’il le fait ! Répondis-tu avec aplomb, avant de fixer Jehara. Mon père m’a préparé toute ma vie pour cette épreuve : Je n’ai pas peur ! Je dois montrer que je suis digne de donner des enfants purs au Père.

Tu avais même déjà hâte de revenir d’Exil ! Pour montrer à tes parents, au Grand Désert et au clan entier de quoi tu étais capable ! Et puis…pour voir quel point Anaya aurait grandi... Mais chut ! Ça, c’était secret !

Après avoir sondé le regard de l’adulte, une expression dubitative se dessina sur ton visage. En parlant de femelles…

- Au fait, pourquoi n’as-tu pas de compagne ?

« Une compagne ? » fit Jehara, essoufflé. « De un, je crois que ça ne te regarde pas, et de deux... Non vraiment ça ne te regarde pas ! »

« Au lieu de te mêler d'affaires aussi intimes d'autrui, tu devrais te préoccuper de la pousse de ton propre poil. »

Voilà une réaction bien étrange. Il avait l’air énervé et très embarrassé. Il fallait donc le piquer pour obtenir un semblant de Jangowa ? D’autant plus que ce sujet n’était tabou pour personne, normalement. Tous les mâles discutaient entre eux de ce genre de chose. Tu haussais un sourcil devant cette curieuse prise de mouche, incapable de mettre son indignement sur le compte de la timidité ou…autre chose de bien moins plaisant.

Un sourire mauvais se dessina sur tes babines lorsque Jehara te fit face, poursuivant sa réplique, t’insultant presque.

- Bah alors cousin, je croyais que tu souhaitais discuter ? Lâches-tu avec sarcasme. Aurais-tu un souci avec la gente féminine ? Reprends-tu, inclinant la tête sur le côté.

Il allait sans dire que tu étais satisfait de la situation. Cela lui apprendrait à se moquer de tes parents ! Hanska était vengé.

« Absolument pas. Je n'ai pas le moindre soucis. » répondit-il sur un ton qui ne laissait pas place au doute.

« Je n'ai juste... Pas trouvé une épouse digne de ce nom jusque là. » poursuivit le mâle sur un ton plus arrogant.

Les répliques de ton cousin t’arrachèrent un sourire moqueur. Tu haussais un sourcil arrogant lorsqu’il se justifia pitoyablement. Finalement, ton père avait raison : Ce lion était une femelle dans un corps de mâle…enfin, un corps de mâle, c’était vite dit. Tu manquais d’éclater de rire à cette réflexion, même si cela aurait été idiot compte tenu du fait que vous aviez la même corpulence. Tant pis, tu aurais tout le loisir de foutre des cotes de ton semblable lorsque les tiennes seraient recouvertes de muscles.

Jehara te tendit le bâton une nouvelle fois, accusant les lionnes du clan de ne pas être assez bonnes pour lui. Cela aurait pu marcher, si vous n’aviez pas comme ordre divin de donner des enfants purs au clan quoi qu’il en coûte…

- Tu crois que ma fiancée me plait ? Craches-tu. Le Désert se fiche de tes critères de sélection. Si tu étais un vrai fils des dunes, tu lui aurais déjà donné des enfants ! Tu te trouves juste des excuses pour ne pas avouer que tu as peur. Réponds-tu avec insolence, un rictus provocateur sur les babines.

« C'est faux ! » cracha Jehara, désormais paniqué à l'idée que Nazhir ne le perce à jour. « Je... Quand je veux ! ... Elle ! »

« Hm. Elle. Ce sera bien. »

Tes remarques piquèrent Jehara à vif, agrandissant ton sourire mesquin. Comme c’était jouissif ! Il allait sans dire que cette position de force te convenait allégrement…et cela ne faisait que prouver les dires de ton géniteur : Ton cousin n’était bon qu’à pleurnicher et se réfugier dans les pattes de sa mère. Maintenant qu’il était beaucoup trop gros pour se planquer derrière ses jupons, il devait affronter seul les situations. Et, pour une première confrontation, tu avais tapé fort !

Tu n’avais même pas remarqué la lionne qui s’était faufilée jusqu’au cours d’eau. Tes yeux étaient bien plus préoccupés par le langage corporel de ta parenté, qui remarqua la femelle. Dans un curieux élan de virilité, Jehara se mit en tête de l’approcher. Tu t’empressais de te mettre sur ses talons, gardant néanmoins quelques pas de distance. Tu étais très curieux de ce qui allait se produire...

La lionne semblait nerveuse. A raison. Et la malheureuse n’était pas au bout de ses peines ! Cette lionne, tu l’avais brièvement remarqué. Elle était toujours seule, sans doute célibataire. Une opportunité rêvée pour quiconque souhaitait prouver sa foi envers le Désert. Tu t’assis aux côtés de ton cousin, avisant la femelle, puis le blondinet. Les félins se dévisageaient sans mot dire, un peu comme toi lorsqu’Hanska t’avais présenté Jeith. Mais ça, ils n’étaient pas obligés de le savoir...Intérieurement, tu te délectais de cette pièce burlesque qui se jouait devant toi.

Tu te permis d’ouvrir la discutions, brisant ce silence ridiculement pesant.

- N’aies crainte, femme. Mon cousin ici présent aurait une demande à te faire. Tes yeux d’acier vinrent se poser sur l’intéressé. N’est-ce pas, Jehara ?

« Hein ? Heu... Non non, je ne vais pas... Non attendez. » il tenta vainement de la rassurer, mais il se souvint que le regard vicieux de son cousin le suivait. « Je suis Jehara... Tu... Tu es Sanaa ? »

« M-M-Myriam, monsieur... »

« Myriam, au nom de... De la loi Jangowa et toutes les annexes qui s'en suivent... Je viens réclamer mon droit... Le plus fondamental... De te... De te demander de m'épouser. »

- Oui, très bien monsieur... »

Un spectacle digne des meilleures comédies ! Tu assistais à la parade la plus pitoyable du monde ! Face à ces deux protagonistes, il te fallut mordre ta langue pour ne pas éclater de rire ! Quelle ironie, lorsqu’on connaissait ta première rencontre avec Jeith…

Jehara te lança un regard chargé de reproches.

- J'imagine que tu es satisfait ? Siffla-t-il, acerbe. Que tu as pu étancher ta soif de-

- Oui, très bien monsieur...

Quoi ? Est-ce que cette femelle venait de l’appeler "monsieur" ?! Un énième éclat de rire vint mourir prématurément dans ton gosier tandis que ton cousin te fixa d’un regard tout aussi hilarant !

- Félicitation, cousin ! Tu vois, c’était pas si compliqué ? Déclaras-tu, tapotant l’épaule du blondinet.

- Bon, je vais pas vous déranger plus longtemps…je vous laisse faire connaissance !

Sur ces mots avisés, tu t’éloignais du couple fraichement formé, un sourire mesquin aux babines. Abandonner Jehara ainsi devait être terriblement gênant pour lui. Mais tu y voyais-là une vengeance pour le temps qu’il t’avais fait perdre.