Le jour était venu ! Tu ressentais une certaine appréhension, que tu dissimulais avec brio derrière ton regard de glace. De temps à autres, tes yeux glissaient sur tes parents, entre lesquels tu progressais. Ta mère avait l’air nerveuse…quand à ton père, il semblait résolu, mais surtout impatient.

Tu pris une grande inspiration, satisfaisant ton odorat du délectable parfum du sable, tandis que ton regard se dirigeait vers l’horizon.

Plusieurs jours te séparaient désormais de l’endroit où tu avais grandis. Au début, cela t’avait pincé le cœur. Mais à présent, tu t’en remettais à la volonté du Père, celui qui faisait le sable et la nuit. Et puis…tu étais un jangowa : La tristesse et la mélancolie n’étaient pas des émotions dignes de toi !

Alors tu marchais. Sans mot dire, fixant la ligne cabossée de dunes qui représentait le lointain.

- Nazhir.

Tes pupilles d’acier se posent sur ton géniteur.

- Tiens-toi droit !

Tu obéis.

- C’est mieux.

Tu savais ce qu’il attendait de toi, tu avais été suffisamment préparé pour t’en douter : Ton père tenait à redorer le blason des Jangowas, mais également montrer à sa fratrie que ses gènes étaient meilleurs. Il voulait que tu le rendes fier.

Et c'est ce que tu allais faire !

Tu continuais d’avancer jusqu’à ce que ton flair exceptionnel ne détecte des odeurs.

Le clan !

Ceux que tu n’avais encore jamais vus ! Ils étaient proches ! Tu sentis une tension dans tes muscles, mais resta de givre. Il n’était pas question de se défiler ! Le Désert savait ce qu’il faisait. Cette pensée te rassura.

Quelques kilomètres furent parcourus, durant lesquels la saveur de tes pairs se faisait plus ténue. Et finalement, tu les aperçus, au loin. Des tâches vibrantes au gré de la chaleur du sol, qui se faisaient plus distinctes quand tu t’approchais.

- Nahzir, n’oublie pas : Tu es un digne fils du Désert. Pas comme beaucoup d’entre eux ! Montre-toi à la hauteur de celui qui t’a fait !

- J’y compte bien, papa ! Réponds-tu en hochant la tête.

Un sourire mauvais se dessine sur les babines d’Hanska, qui bombe le torse en accélérant le rythme. Il ne court pas, mais il est pressé, tu le sens. Ta mère aussi.

« Qui sont ces lions, maman ? » demanda Jehara à l'attention de sa mère. « Je ne reconnais que mon oncle... »

Votre marathon s’achève lorsqu’une lionne arrive dans votre direction. Dès lors, tu sais que le moment tant attendu par ton père est enfin arrivé, que ta vie allait changer.

Tu contrôles ta respiration, afin de dissimuler ton stresse. La femelle s’arrête et vous observe.

- ...Hanska.

Elle n’est plus qu’à quelques pas et tu distingues clairement son visage, à présent. Des yeux vairons, une musculature fine et une allure altière : Aucun doute, il s’agissait de …

- Kaya.

Le ton d’Hanska était sec. Néanmoins, tu constates son petit sourire en coin, un rictus arrogant qu’il arborait très souvent.

Tes pupilles peinent à trouver un repère sur cette lionne qui te fait face. Elle-même a l’air surprit de vous voir !

Tu gardes le silence, les pattes et le dos bien droits, ta queue effleure tranquillement le sable. Tu remarques de l’agitation derrière ta marraine et bientôt, un petit rassemblement se forme autour de vous.

- Qui sont ces lions, maman ? Je ne reconnais que mon oncle...

Tes yeux de glace se posent sur la source de cette voix suave. Un adulte à la crinière claire s’approche, restant toutefois en retrait. Tes déductions te laissent penser qu’il n’est autre que Jehara, ton cousin dont Hanska se moquait si souvent. Tu hausses un sourcil en constatant que, malgré son âge, le mâle et toi aviez presque la même stature.

Ton père laisse échapper un ricanement. Il tourne la tête en ta direction, puis échange une œillade avec ta mère, avant de concentrer son attention sur sa sœur.

- Tu n’as pas changé, Kaya…ton fils non plus.

Tu sens dans ses paroles une forme d’hostilité et de moquerie. Il laisse s’écouler quelques instants d’avant d’inspirer profondément, bombant le torse.

- Je suppose que tu connais déjà Changa. Alors laisse-moi te présenter Nazhir, mon fils.

Tu sens sur toi le regard de tes géniteurs. Sans qu’ils n’aient à le demander, tu opères un pas en avant, afin que tous puissent te voir. Tu n’avais jamais vu un tel attroupement. Cela de rendait nerveux, mais tu conservais ton calme malgré tout. Tes yeux défilent sur les différents visages en face de toi, tu inclines discrètement la tête en guise de salut.

« Bienvenue Nazhir, c'est un plaisir de te rencontrer. » fit-il en ignorant délibérément Hanska et sa compagne.

Tout s’enchainait très vite. Ta marraine te salua, tandis que ses rejetons se pressaient autour d’elle pour mieux te voir. La Général les présenta tour à tour, confirmant ton analyse préliminaire.

- Roh, zut, je pensais qu'Hassun était revenu !

Tes yeux de glace se posèrent sur la nouvelle venue. Tu l’avais remarquée, se glissant discrètement derrière ses frères et sœurs. Tu laissas échapper un grondement lorsque cette Lewa piqua ton père au su et vu de tous. Mais ton indignation fut couverte par celle de ton géniteur, dont le ricanement réprobateur et méprisant était bien plus audible.

- Pas mal le cousin… Reprit la trouble-fête avant de se taire.

- Bienvenue Nazhir, c'est un plaisir de te rencontrer. Dit Jehara, brisant le silence.

Tu adressais un signe de tête à ton cousin, hésitant à faire entendre ta voix. A vrai dire, tu ne savais pas réellement si ton opinion était désirée, ou si ton géniteur voulait garder les choses sous contrôle.

- Très bien. Je vois que les présentations sont faites ! Intervint Hanska, sur un ton faussement neutre. Tu connaissais ton paternel, et ce dernier n’allait pas ignorer les remarques de Lewa. Il semblait s’amuser de la situation, pour être honnête. Il passa à côté de toi, avant de continuer sa route parmi la foule comme si de rien n’était. Je sens qu’on va bien s’amuser. Pas vrai, Générale ? Dit-il, quand il parvint à sa sœur, effleurant presque son pelage avant de la dépasser.

Ta mère suivit son époux. Elle t’adressa un sourire dissimulant sa gêne. Le côté provocateur d’Hanska ne lui avait jamais plu. Elle salua ta tante d’un signe de tête avant de disparaitre sur les talons de ton géniteur.

Et toi, dans tout ça ? Que devais-tu faire ? Tu inspiras profondément avant de suivre tes parents. Tu aurais l’occasion de discuter avec tes cousins plus tard. Altier, tu défilas à ton tour parmi les lions, non sans adresser une œillade à tes proches. Ils étaient si étranges…Surtout tes cousines.