Ma petite lionne entrouvrit les paupières et j'entraperçus ses petits yeux fatigués. Laissant un petit sourire se peindre sur ma face féline, je la vis bailler un instant avant de se redresser, toujours aussi charmante. Une chose était sûre, la petite femelle avait tout d'une princesse et son côté un peu pataud ne faisait qu'accentuer son côté "précieux" qui lui allait si bien.

Moi, son père, je ne voyais que par elle ainsi que ses frères et sœurs. C'est pour cela, que lorsqu'elle colla sa tête à la mienne, je laissais un petit grognement de joie sortir de ma gorge. Soudain, j'eus l'impression de voir ses adorables mirettes s'assombrir. Que se passait-il ?

"- Mes amis m'ont abandonnée, je me suis dit que le temps était idéal, tu sais Asheff il veut être un guerrier plus tard, alors il s'entraîne, et Tanis avait promis de s'occuper de son frère."

Ce fut une réelle surprise pour moi d'apprendre que ma petite aventurière avait été délaissée de la sorte. Cependant, je pouvais comprendre. Les petits jouaient chaque jour leur avenir et si Jahl n'avait pas encore une idée de ce qui lui plairait d'exercer, cela ne voulait pas dire que c'était le cas pour tout le monde. Peu après, ma jeune Jahl reprit, soudainement très enthousiaste :

"-Eh dis Papa, tu crois que je pourrais être guérisseuse plus tard ? Tu sais Eadala serra la reine, et Adda probablement un grand guerrier, moi aussi je veux être utile pour le Clan !"

Ces mots me firent esquisser une petite risette attendrie. Bien évidemment qu'elle pourrait être guérisseuse si tel était son souhait ! Levant ma pattes avant gauche, je viens poser un de mes doigts sur le museau de ma fille, riant presque :


- Ma fille. Dans ce monde, rien ne te sera jamais interdit.

Finalement, je m'éloignai, sérieux. Ce n'était pas tout à fait vrai, j'en convenais. Si cela l'avait été, je ne serai pas ici à cette heure-là, mais déjà loin, avec Sumu et mes petits. Je nous imaginais déjà, fiers voyageurs, parcourant la Terre des Lions. Mais non, il y avait mon Père. Lui et sa royauté qui me collaient aux pattes... Les responsabilités les plus dures à tenir sont celles qu'on ne choisi pas, dira-t-on.

- En particulier si tu souhaites exercer une tâche aussi noble que celle d'un guérisseur.

Je l'imaginais déjà, ma petite Jahl, se promenant avec son mentor sur les Terres Libres, valsant avec les plantes médicinales pour sauver des vies... Je serai si fier ! Ah, mais oui, je l'étais déjà...

Ma fille avait l'air très soucieuse de la réponse que j'allais lui apporter, c'est pour cela que quand la réponse lui parvint, je vis des étoiles briller dans ses magnifiques yeux. Ce fût un des plus beaux spectacles que j'eus à voir dans ce monde. Le spectacle le plus merveilleux que pouvait espérer avoir un père, le sourire de sa fille qui venait de trouver sa voie. Quel dommage que Sumu ne soit pas là pour voir cela... Mais je me doutais qu'elle avait des obligations et qu'elle aurait tout donné pour voir sa fille dans cet état.

Soudain, cette dernière se releva et posa ses pattes sur une de mes épaules en s'exclamant :

"-C'est toi l'Hippo!"couina-t-elle, faisant bondir mon coeur. Un jeu ? Oh oui ! Retrouvant ma jeunesse d'antan, je trottinai à une vitesse raisonnable dans sa direction afin de lui laisser une certaine avance. Moi-même, petit, adorais avoir le sentiment de dépasser les autres. C'était ce genre de petites victoires qui en entraînaient d'autres, bien plus conséquentes. D'un bond,
je la rattrapais, faisant mine de l'attraper avant de stopper ma patte au dernier moment, pour donner l'illusion que j'avais loupé mon coup. Quel magnifique instant ! Riant à m'en briser les côtes, je sautai près d'elle, la touchant du bout de la patte :

- Le vieil hippo t'a rattrapé ! m'écriai-je avant de fuir aussi modérément que je le pus. Je n'allais tout de même pas laisser perdre ma petite Jahl !

Ma petite Jahl m’offrit une moue déchirante avant que je m’en retourne à la « fuite », attendant qu’elle me poursuive. J’entendais le bruit de ses petites pattes sur le sol et je ralentis l’allure. Profitant d’un élan que je n’avais su déceler, elle atterrit sur mon dos, tentant tant bien que mal de rester sur mon gros dos de vieux lion.
"-C'est toi l'Hippo, encore !" S’égosilla-t-elle avant de quitter son perchoir pour se nicher dans un arbrisseau, croyant être cachée. Ce qu’elle était adorable… J’en aurais ronronné si bien sûr j’en avais eu la possibilité.

Elle riait aux éclats, je ris donc à mon tour, mimant une recherche approfondie lorsqu’elle se jeta à nouveau sur moi. Ricanant à nouveau, je la laissais se reposer sur son nouveau nid douillet avec douceur.

"-C'est fatiguant de jouer" souffla-t-elle, comme pour une confidence.

Ces mots m’attendrirent davantage. En effet, les jeux étaient fatiguant mais étaient la base de la vie d’un lionceau. Il ne fallait donc pas négliger ce détail dans l’éducation des futurs lions du clan !

- La fatigue passera, regarde : de l’eau !

Ma fille finit par descendre de mon dos, le regard animé par une curiosité nouvelle. Qu’allait-elle donc me demander ?
"-Tu te souviens du jour où tu as rencontré maman?"

Si je m’en souvenais ? A vrai dire, la fois où je l’avais réellement « rencontré » avait été quelques temps après la disparition de Kama. Mieux valait éviter de parler de cela. Je lui dis alors, tendrement :

- A vrai dire, le souvenir le plus marquant que j’ai avec ta mère est le jour où je l’ai sauvée d’une rivière. J’ai vraiment eu peur ce jour-là !

Rien qu’à y repenser, mon cœur se serrait. J’avais failli mourir en ce jour. Ma compagne également.


- C’est à ce moment là que j’ai compris que je l’aimais, d’ailleurs.

L'enfant sembla alors absorbée par des rêveries qui lui étaient propres. Peut-être songeait-elle à mon histoire avec sa génitrice ? Cette histoire presque idylliques qui s'était portée sur un détail cependant très macabre. Malheureusement, l'histoire avait pris une toute autre tournure depuis les évènements récents. En effet, j'avais peur. Très peur. Pour mon fils, Adda. Mais je ne pouvais rien dire pour l'instant, je ne savais encore rien. J'ignorais tout, hélas.

"-T'es un Héro Papa ! Et Papy Haki il a dit quoi ? Il était fâché ?"

Sans doute pensait-elle que son grand-père serait fortement contrarié par l'union de son fils avec la fille de son ennemi. Et son inquiétude était légitime ! Cependant, il n'en était rien. Mon père avait accepté mon union avec Sumu et à vrai dire, ma compagne ainsi que ma personne en avions été fortement -mais agréablement- surpris ! Je pris une mine sérieuse avant de dire, avec un air presque blasé :

- Et bien...

Je la regardai, aimant garder un certain suspens. C'est avec un petit sourire que je répondis :

- Il n'était absolument pas fâché. Ton grand-père est quelqu'un de bien. Même si cela ne l'empêchera pas de te réprimander si tu n'es pas sage, haha.

Mon regard s'attendrit à ces mots. Je donnai alors un coup de langue sur la tête de Jahl avant de répondre, sérieux :

- D'ailleurs, l'enfant sage que tu es devrait rentrer au Repère avec son Papa !