Les jours précédents, tu t’étais mis en quête de l’Impératrice. Le clan avait beaucoup marché et vous aviez fait halte dans un coin reculé du Désert, où ce dernier vous avait laissé une Oasis. Tous les lions s’étaient empressés de s’abreuver, toi y compris. Tous réunis autour de cette fontaine de jouvence, tu avais eu l’occasion d’apercevoir des membres auxquels tu n’avais encore jamais prêté attention, des lionnes, plus particulièrement.

A présent, vous vous étiez dispersés dans une partie du territoire que tu n’avais pas explorée, à quelques jours du point d’eau. Le sol jonché d’os érodés par le sable te rappellerait ce dont ton père t’avais parlé : Un champ de bataille sur lequel pourrissait les cadavres des mositus et ce, pour l’éternité. Le jardin des os, s’appelait-il. Tu appréciais ces monticules de côtés brisées, de crâne fracassés…quand tu étais seul, tu en avais même saccagé quelques-uns. La sensation que ça t’avais procuré était incomparable !

Gravissant les dunes, tu suivais l’odeur de votre cheffe, cultivant ce don de pistage qui te serait d’une aide précieuse durant ton Exil.

La lionne ne fut pas longue à trouver. Quand tu l’aperçus, tu te complimentais de l’avoir débusquée aussi rapidement.

- Hatasa.

Tu conservais une allure altière, en attendant que la femelle daigne te répondre.

Les derniers jours avaient été marqués par de longues marches et si mes derniers enfants étaient encore jeunes, aucun des deux n’avaient manifesté le moindre mécontentement. La vitesse n’était pas élevée mais ils avaient tenu au niveau de l’endurance sans broncher. Si jeunes et déjà les mœurs jangowas étaient en eux, je n’aurais pu être plus fière. J’avais quand même entendu des soupirs de soulagement s’échapper de leurs gueules lorsque j’avais annoncé la halte du clan et un sourire amusé s’était peint sur mon visage.

La journée avait touché à sa fin à la fraîcheur d’une oasis et une autre avait commencé. Aujourd’hui, j’avais prévu de passer du temps avec mon fils car si Azrael l’entraînait déjà, il était hors de question que je n’en fasse pas autant. Et si son père lui enseignait des techniques de combat, il semblait avoir occulté la tactique et c’est là-dessus que je faisais travailler mon dernier fils.

Il s’agissait plus d’un cours théorique que pratique mais il était tout aussi important. Combien de combat menés de front n’avaient aboutis à rien alors qu’une attaque réfléchie portant sur les points faibles des adversaires avaient portés leurs fruits ? J’avais toujours fonctionné comme cela, même lorsque j’étais une toute jeune lionne et la plupart du temps, cela s’était soldé sur une victoire.

Très bien. Tu te rappelles de la description que je t’ai faite de ces parasites de Mositus ? J’attendais qu’il me réponde favorablement avant de continuer. Si l’un d’eux était ton adversaire, dis-moi comment tu t’y prendrais pour le tuer ?

Il n’avait certes que six mois mais il n’était jamais trop tôt pour apprendre ce genre de choses et plus tôt il connaitrait la réponse, plus vite il saurait comment s’y prendre si l’occasion se présentait un jour. Je voyais à sa mine qu’il réfléchissait à la réponse mais alors qu’il cogitait toujours, une autre voix s’éleva autour de nous.

Hatasa.

Je tournais la tête afin de voir qui m’avait hélé. A peine mon regard se posa sur sa personne que je reconnu un membre de la famille de Kaya. Son neveu en fait. Il avait intégré le clan quelques temps auparavant lorsque Hanska avait fait son grand retour. Détournant le regard de sa silhouette pour le redéposer sur celle de Makan.

Va retrouver ton père. Tu me donneras ta réponse lors de notre prochaine session.

Le petit au pelage doré s’éloigna après un « d’accord Maman » et lorsqu’il disparu de mon champ de vision, je reposais mes orbes dorées sur l’adolescent en devenir.

Nazhir. Puis-je quelque chose pour toi ?

Ce n'était pas anodin que quelqu'un vienne ainsi me voir alors il y avait forcément une raison et c'est ce que j'attendais qu'il me dise.

Hatasa congédia son fils avant de te prêter attention. Lorsqu’elle t’invite à t’exprimer, tu inspires profondément en organisant tes pensées.

- Oui. Réponds-tu avec détermination. J’ai entendu dire que vous aviez envoyé des lions hors du Désert. Des Élites, plus précisément.

Tu réfléchis un instant. Tes yeux se posent quelques secondes sur l’astre du jour, avant de retomber sur l’Impératrice. Les concernés étaient revenu de leur mission depuis quelques temps, mais leur retour était resté discret, si bien que tu n'avais jamais rencontré les Elites en question.

- Certains parlent d’une entreprise pour redonner au désert sa pureté, d’autres disent qu’il s’agit d’une mission pour se débarrasser des parasites au sang d’encre.

Tu marques une pause.

- J’aurais aimé savoir de quoi il en retourne vraiment.

Tu mourrais d’envie de le savoir ! Dans tous les cas, cela promettait d’être quelque chose d’époustouflant ! Sans doute la chose la plus intelligente jamais imaginée par un cerveau féminin.

Le jeune lion respira profondément et je me demandais si cela était dû à une peur de s’exprimer. Après tout, il avait passé la majeure partie de sa vie avec pour seule compagnie ses parents alors il serait plus que normal que ce soit le cas.

Oui. J’ai entendu dire que vous aviez envoyé des lions hors du Désert. Des Élites, plus précisément.

Oui, et ? C’était bien peu et si je voyais où il voulait en venir, je n’allais pas lui mâcher le travail. J’attendis donc qu’il ait fini de regarder le soleil puis, comme je m’y attendais, il continua.

Certains parlent d’une entreprise pour redonner au désert sa pureté, d’autres disent qu’il s’agit d’une mission pour se débarrasser des parasites au sang d’encre.

Je plissais légèrement les yeux. C’est ce qui se disait ? Cela ne me plaisait pas car ce n’était pas la vérité. Enfin, il y avait une part de vérité mais il y avait une confusion qu’il fallait éclaircir.

J’aurais aimé savoir de quoi il en retourne vraiment.

Je regardais silencieusement le neveu de Kaya et le jaugeais. Souhaitait-il les rejoindre ? Je ne connaissais de lui que son nom et ses liens de parenté, c’était tout. Peut-être en avait il l’étoffe mais il fallait avant tout qu’il réussisse l’épreuve de l’Exil. S’il revenait eh bien… nous verrons à ce moment là.

Il semble que certaines personnes aient mal compris alors je vais clarifier ça. Ton oncle m’a appris la présence de Mositus sur Prideland et cela signifie que nos ancêtres ont mal fait leur travail. C’est donc à nous de nous en occuper et c’est à ça que servent les Élites. Il s’agit donc d’une mission qui redonnera sa grandeur au peuple Jangowa et non sa pureté. Ça, c’était le but de la Purge.

Une autre très bonne idée visant à redorer le blason des jangowas. Nous étions sur la bonne voie et le retour de Skaro, Hassun, Dyami et Uluthrek avec une victoire nous avait prouvé que nous avions eu raison. Leur absence avait été longue mais ils avaient su faire profil bas et montré qu'ils savaient réfléchir et attaquer au moment opportun.

Ma réponse t’a t-elle éclairée ?

Fixant Nazhir, je m’asseyais délicatement sur le sable et enroulait ma queue autour de mes pattes. Je gardais une allure noble qui me caractérisait tant selon certains dans l’attente de sa réponse.

Hatasa semblait dubitative. Tu inspectais son langage corporel avec curiosité. Lorsqu’elle prit la parole, tu restais attentif à chaque mot qu’elle prononçait. Lorsqu’elle mentionna les lions sombres, tes yeux se teintèrent d’une expression sauvage. Ils étaient encore en vie ! Comment cela était-il possible ?! Ton père ne t’en avait jamais parlé ! Comment ces immondes bestioles avaient pu survivre au grand carnage ?!

- Ces raclures ! Avais-tu lâché entre tes crocs, plantant tes griffes dans le sable. Force était de reconnaitre leur ténacité !

- Ma réponse t’a t-elle éclairée ? Demanda l’Impératrice, s’asseyant en face de toi.

- Oui. Ces Démons noirs sont bien plus forts qu’on le croyait !

Tu marquais une pose, giflant rageusement le sable sous tes pattes comme s’il s’agissait de la tête d’un de ses monstres.

- Ils nous ont envoyé leurs suppôts par-delà les royaumes de l’est, j’en suis sûr ! Voyez comme ils prolifèrent sur les terres lointaines ! Maintenant, ils investissent le Grand Désert en se faisant passer pour ses enfants légitimes !

Les Mositus, tous ces lions handicapés qui parcouraient les dunes en toute impunité, ces immondices qui se faisaient plaindre. Elles ne pouvaient venir que du même enfer !

Et si se reproduisaient.

A coup sûr, les Démons tenaient à pervertir le vrai sang Jangowa, afin que le clan disparaisse. L’un d’eux avait même réussi à s’attirer les bonnes grâces d’Hatasa.

Lorsque je mentionnais que les Mositus étaient toujours en vie, la réaction du jeune mâle ne se fit pas attendre. Il les insulta, me prouvant que sur ce point au moins, Hanska avait bien éduqué son fils. Pour le reste, je n’en savait encore rien mais cela viendrait.

Lorsque je lui demandais si ma réponse l’avait éclairé, il me répondit que oui. Il ajouta même que ces déchets étaient bien plus forts qu’on le croyait, ce à quoi je hochais positivement la tête. Ou bien les jangowas présents au Grand Carnage les avaient sous-estimés, ne pensant pas qu’ils seraient assez malins pour ne pas envoyer toutes leurs troupes. Et malheureusement, ce fut le cas.

Nazhir frappa rageusement le sable tandis que je restais de marbre. Cette colère qui le prenait, j’avais eu le temps de l’apprivoiser depuis que j’avais appris la mauvaise nouvelle. J’avais moi-même été dans son état, passant ma rage sur le sable en imaginant qu’il s’agissait de l’un de ces sang d’encre pourris. J’avais refusé d’accepter cette situation et de ce refus était né l’idée des Élites.

Ils nous ont envoyé leurs suppôt par-delà les royaumes de l’est, j’en suis sûr ! Voyez comme ils prolifèrent sur les terres lointaines ! Maintenant, ils investissent le Grand Désert en se faisant passer pour ses enfants légitimes !

Je fronçais les sourcils à ces paroles. Que voulait-il dire par là ? Ces parasites vivant au crochet de ces lions gras de Prideland n’avaient pas franchi la frontière du Désert à ma connaissance car les patrouilleurs y veillaient. Mais l’immensité désertique portait bien son nom, peut-être que l’un d’eux avait réussi à tromper notre vigilance. Cependant, il parlait de se faire passer pour de véritables enfants des dunes. Je ne voyais pas comment cela pouvait être possible puisque le moindre pelage foncé était attaqué à vue avec pour seule finalité d’être tué.

Que veux-tu dire par là ? Développe ta pensée de tromperie.

Je préférais m’assurer d’être sur la bonne voie avant tout mais s’il faisait référence aux sang impurs qui parcouraient autrefois nos dunes alors c’est qu’il n’était pas au courant de la Purge qui avait redonné sa pureté au Désert. Et si c’était le cas, je le lui apprendrais.

- Que veux-tu dire par là ? Développe ta pensée de tromperie. Te demanda l’Impératrice, dubitative.

Etait-elle aveuglée au point de ne pas les remarquer ? Ces démons qui sillonnaient les dunes en votre compagnie comme s’ils étaient de dignes Jangowas ? Crachant leur arrogance à la face du Désert en s’accouplant avec ses enfants ?

- Vous…vous ne les avez pas vus ? Impératrice, ils sont pourtant bien là, autour de nous ! Réponds-tu, ton regard d’acier se posant sur la lionne. L’un d’entre eux s’est même rapproché de votre fille...

Vérifiant qu’aucune oreille malicieuse ne vous épilait, tu t’approchais de la lionne, une lueur sombre dans le regard. L’emprise des ténèbres était plus puissante sur les femelles, ton père t’en avait déjà parlé. Mais tu ignorais qu’elle pouvait rendre malade un Empereur ! Voilà pourquoi Khassim aurait dû survivre !

- Ce lion sans queue qui s’est immiscé dans votre famille. Il a sélectionné la plus fragile de votre portée. Ce n’est pas un hasard ! Les esprits sensibles sont facilement séduits par les Démons. Il avait besoin d’un hôte pour perpétuer ses gènes infâmes !

Plus tu y pensais, et plus cela te révoltait ! Hiari n’avait pas mérité ça, quand bien même sa réputation de lionne fragile la suivait de près. Elle restait une authentique fille des sables ! Sa mère aurait dû le protéger de ce monstre !

- Les immondices de l’enfer sont toujours dépourvues d’une partie de leur corps. Ma mère m’a expliqué que le membre qui leur est amputé reste en bas, et que c’est grâce à lui qu’ils communiquent avec leur abject royaume.

Tu étais un mâle en colère ! Et cela se voyait dans tes yeux. Néanmoins, qui était le plus à blâmer, dans cette histoire ? Vous aviez tous une part de responsabilité dans cette affaire, même tes parents, quand bien même cela était difficile à admettre ! Toutefois, se séparer du clan t’avais aidé à discerner le mal qui le rongeait.

Tu observais Hatasa. Ce que tu venais de dire risquait d’être difficile à encaisser. Aussi lui laissais-tu un instant pour méditer sur tes paroles. Tu l’avais sans doute blessée, mais c’était pour son bien, et pour celui des Jangowas !

Ma demande ne tarda pas à obtenir une réponse, le neveu de Kaya prenant la parole rapidement.

Vous… vous ne les avez pas vus ? Impératrice, ils sont pourtant bien là, autour de nous ! L’un d’entre eux s’est même rapproché de votre fille...

Je comprenais où il voulait en venir. L’Estropié. Je l’appelais Daren devant sa famille mais j’avais encore du mal à penser à lui sans lui donner ce surnom qui le suivait depuis toujours. Néanmoins, je connaissais Maha et son compagnon et je savais que leur sang était pur. Et en conséquence, celui du lion sans queue l’était aussi. Cela m’avait d’ailleurs attristé de ne pouvoir l’exiler avec les impurs le jour de la Purge et désormais, il était mon gendre. Ma mâchoire se crispait à cette pensée mais je n’en dis rien. Hiari était heureuse, c’était tout ce qui m’importait.

Ce lion sans queue qui s’est immiscé dans votre famille. Il a sélectionné la plus fragile de votre portée. Ce n’est pas un hasard ! Les esprits sensibles sont facilement séduits par les Démons. Il avait besoin d’un hôte pour perpétuer ses gènes infâmes.

J’avais donc bien deviné. Il parlait bel et bien de l’Estropié. S’étant rapproché, je pouvais apercevoir une lueur dans son regard mais je ne parvenais pas à mettre un mot sur ce dont il s’agissait. Passant outre, je réfléchissais à ses paroles. Un démon ? Comme un esprit de sang d’encre qui se serait insinué en lui alors qu’il n’était pas encore né ? Et son absence de queue serait donc là pour nous permettre de le reconnaître ?

Les immondices de l’enfer sont toujours dépourvues d’une partie de leur corps. Ma mère m’a expliqué que le membre qui leur est amputé reste en bas, et que c’est grâce à lui qu’ils communiquent avec leur abject royaume.

Je l’écoutais attentivement et assimilais ses paroles tout en y réfléchissant. Était-ce réellement possible ? Je n’avais jamais entendu parler d’une telle histoire. Mes parents étaient-ils au courant de cela ? Et si oui, pourquoi ne me l’avaient-ils jamais dit ? Peut-être que cela était tellement rare qu’ils n’avaient pas cru bon de m’en parler. J’aurais préféré en soi, même si cela ne tenait que d’un conte pour eux.

Il était trop tard de toute manière, inutile de penser à ce qui aurait pu être. J’imaginais néanmoins cet enfer dont parlais Nazhir et où les membres amputés demeuraient toujours afin de garder un contact avec l’hôte infecté. Un grimace de dégoût déforma mon visage quelques instants alors que je voyais des bouts de queue, de pattes et autres oreilles.

J’observais de nouveau le jeune mâle en face de moi. Si je n’avais pu mettre un mot sur l’émotion qui brûlait dans ses yeux quelques secondes plus tôt, celle qui les éclairait maintenant était facilement reconnaissable : la colère. Je ne la ressentais pas mais je pouvais comprendre. J’aurais dû protéger ma fille, au lieu de quoi j’avais accepté qu’elle soit prise par un démon et qu’elle soit souillée par lui. Pour le coup, je m’en voulais d’avoir été assez faible pour croire à l’amour qu’il lui vouait. J’avais moi-même été victime des conséquences de l’amour, comment avais-je pu être assez bête pour croire que ma fille ne subirait pas la même chose ?

Toutefois, cela avait au moins permis la venue au monde d’Ellyn, Hazina et Akyr. … Je bloquais pendant plusieurs secondes. Selon lui, ils portaient le sang du Démon mais ils n’avaient pas de membres en moins alors, aucun contact avec le mal, non ? Cette question se posait et bien qu’elle était importante à mes yeux, une autre question passait en premier. Le Désert passait avant tout, quand bien même je chérissais chaque personne qui partageais mon sang.

Tu es plus calé que moi sur le sujet. Ce Démon, peut-on le chasser du corps qu’il habite ou faut-il tuer l’hôte aussi ?

En soi, cela ne me dérangerai pas de devoir tuer Daren. Ce qui me dérangeais le plus, c’était la réaction que pourrait avoir ma fille. Ainsi que leurs enfants. D’ailleurs, en parlant d’eux.

Et qu’en est-il d’Ellyn, Hazina et Akyr ? Leur sang est à moitié celui d’un démon mais il n’ont pas de membre en moins. Ils n’ont donc rien à voir avec ça.

Ce n’était pas une question, simplement une affirmation. Une affirmation pour tenter de me convaincre que ce que je soupçonnais n’était pas réellement vrai.

L’Impératrice restait de marbre. Un court silence suivit tes paroles, face auxquelles Hatasa semblait pensive…Tes pupilles restèrent dans les siennes tandis que tu tentais de décrypter ce que tu y lisais. Etait-elle en colère ? Etait-elle déçue ? Surprise, peut-être ? Peu importait. Le temps n’était plus à la réflexion, de toute façon. Le Mal était déjà profondément enraciné dans le sable et seul l’Elue du Grand Désert pouvait le purifier de cet affront.

Puis, la lionne reprit la parole. Pour te questionner, cette fois. Tu fus tout d’abord interloqué par son manque de connaissance mais également par l’attachement qu’elle semblait avoir pour ses…petits enfants.

- L’Estropié est plus qu’une hôte. Répondis-tu en secouant doucement la tête. C’est un monstre à part entière ! Caché derrière une peau de jangowa. Maintenant qu’il a trouvé des esprits à corrompre, s’en débarrasser sera difficile.

Tu inspiras profondément. Si tu réussissais à convaincre l’Impératrice, à la libérer de l’emprise du sans-queue, alors sans doute prendrait-elle la mesure adéquat ! Tu avais toujours douté d’Hatasa au même titre que les Jangowas les plus investis. Cette union avait, mine de rien, scindée le clan et choqué de nombreux esprits. Il était temps de mettre fin à cette dissonance nauséabonde ! Rien n’était plus toxique pour un clan que la dissidence de la pensée…Ce que cette créature difforme tendait à instaurer.

- Vous, le Désert vous a choisi pour veiller à ce que sa pureté soit respectée. Voilà pourquoi il ne l’a pas emporté durant son Exil. Reprends-tu, avant de poser un regard sérieux sur Hatasa : Parce que c’est votre devoir de mettre fin à l’existence de cette créature !

L'avoir gardée aussi longtemps parmi eux était une offense qu'aucun sacrifice ne saurait racheter ! Si le clan se retrouvait puni et décimé par la maladie, les jangowas ne pourraient s'en prendre qu'à eux-même.

- Quant à la progéniture qu'il a engendré avec votre fille...je ne saurais trop vous conseiller de vous en méfier. Les démons se cachent derrière des visages innocents. Termines-tu, grave.

Je ne connaissais que trop peu le sujet dont je m’entretenais avec Nazhir. Je n’en avais jamais eu le moindre écho, c’est pourquoi je cherchais à m’informer, utilisant le neveu de Kaya pour cela. Il en savait plus que moi et en tant que dirigeante, il me fallait ces informations afin de décider ce qui devait être fait ou non.

L’Estropié est plus qu’un hôte. C’est un monstre à part entière ! Caché derrière une peau de jangowa. Maintenant qu’il a trouvé des esprits à corrompre, s’en débarrasser sera difficile.

Voilà qui était assez embêtant. A condition qu’il s’agisse de la vérité. Je n’en étais pas réellement convaincue mais j’avais toujours eu des doutes sur la place de l’Estropié dans le clan. Sa différence dénotait fortement par rapport aux autres mais en dépit de cela, il avait réussi son exil. A moins que…

Cela était-il une épreuve qui m’était destinée ? Cela expliquerait pourquoi il avait choisi ma fille parmi toutes les lionnes du clan. Une épreuve de plus face à laquelle j’avais lamentablement échoué par manque de connaissance. Non. Impossible. Un Jangowa n’échouait que le jour de sa mort et j’étais toujours là. Si le Désert avait considéré mon échec, je ne serais plus là à l’heure actuelle… Un soupir énervé m’échappa : je ne savais plus quoi penser !

Vous, le Désert vous a choisi pour veiller à ce que sa pureté soit respectée. Voilà pourquoi il ne l’a pas emporté durant son Exil. Parce que c’est votre devoir de mettre fin à l’existence de cette créature !

Déboussolée par mes propres pensées, voilà que Nazhir en rajoutait une couche. Comment faire pour démêler le vrai du faux ? Tout ceci méritait une profonde réflexion mais quoi que je décide, cela me prendrait sans doute du temps. S’il disait la vérité, se débarrasser d’un démon devait être fait au plus vite mais… Et si ce qu’il me disait là n’était que le fruit d’un bourrage de crâne perpétré par ses parents ? L’air si neutre que je conservais en permanence se fissura légèrement, laissant apercevoir mon trouble.

J’inspirais longuement avant de me reprendre. Quoi qu’il en soit, il me manquait une information que le jeune mâle ne m’avait pas encore fournie et que j’attendais. Qu’en était-il de mes petits-enfants ? Ils ne possédaient que la moitié du sang de l’Estropié, l’autre venant de Hiari, cela équilibrait forcément les choses.

Quant à la progéniture qu’il a engendré avec votre fille… Je ne saurais trop vous conseiller de vous en méfier. Les démons se cachent derrière des visages innocents.

Son air me fit penser qu’il était réellement convaincu de ses paroles. Mais de mon côté, si je pouvais tout à fait exécuter Daren, je savais très bien qu’il me serait impossible de lever la patte sur Ellyn, Hazina et Akyr. Je pensais tour à tour à chacun d’entre eux. Seule Ellyn me semblait différente de par sa volonté de passer l’épreuve de l’Exil mais elle n’était pas la seule femelle à en rêver et d’autres l’avaient déjà fait avant elle... Quant à Hazina, malgré sa bonne humeur atypique chez les jangowas, elle était une parfaite petite lionne du clan.

Cela me coûte de l’admettre mais je ne sais pas assez de choses sur ce sujet pour prendre une décision dans l’immédiat. Je me tu quelques secondes, fixant mon regard dans le sien. J’ai entendu ce que tu m’as dit, néanmoins cela mérite une réflexion que je te promet de mener.

Je n’ajoutais rien à propos de mes petits-enfants, songeant que ma pensée différerait sans doute de la sienne. Peut-être était-ce parce qu’ils partageaient mon sang mais je savais que si je décidais de tuer Daren, je ne pourrais pas appliquer la même décision sur eux. Mais encore fallait-il prendre cette décision. Comme je l’avais énoncé, cela prendrait sans doute du temps afin que je pèse le pour et le contre ainsi que les possibilités qui s’offraient à moi. Je serais la seule décisionnaire, comme souvent mais j’allais m’enquérir de l’avis de mon compagnon et de ma Générale. Peut-être serait-il plus au courant que moi sur le sujet et qu’ils pourraient m’apporter d’autres informations en venant appuyer les propos de Nazhir. Ou peut-être que non et qu’aucune mesure ne serait prise.

Y a-t-il autre chose dont tu souhaites me parler ? As-tu quelque chose à ajouter et que tu aurais omis ?

Il me fallait le plus de détails possible si je voulais prendre la bonne décision alors autant profiter de l’occasion présente. Et si tout avait été dit, je serais plus que ravie d’aller retrouver mon jeune fils pour son entraînement après cet entretien pour le moins… étrange.

Réfléchir ? Pensait-elle vraiment le temps opportun à la réflexion alors que les parasites se multipliaient ?! Tu réprimais un grondement, ainsi que ton envie de formuler tes pensées de vive voix. Tes craintes venaient de se confirmer : Hatasa était bien trop faible pour mériter son rang. Un Imperator digne de ce nom aurait pourfendu les impurs à la minute-même ou la bonne parole eu été prononcée. Mais au lieu de ça, cette lionne décidait de protéger les monstres qui souillait le sang des jangowas et pire encore : Celui de sa propre fille !

S’en était trop ! Tu inspirais bruyamment, fermant les yeux en espérant oublier cette discutions. Ce clan était ravagé par le virus de la pitié ! Il fallait que tout cela s’arrête ! Si cela n’avait tenu qu’à toi, tu aurais fait le ménage depuis longtemps.

- Non, Impératrice. J’ai terminé. Dis-tu, cachant vainement ta colère. Tu te détournais de cette cheffe factice, te ressassant ce à quoi ce clan aurait pu ressembler si tu avais été à sa tête…