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La mort de Kutoa était désormais officielle et suite à cela, le couple de meurtriers s'en était sorti de justesse du tombeau de leur victime. Dès son retour, la brune avait mis au courant sa mère de ce qui s'était passé sur Outland et, bien que la nouvelle l'ait profondément horrifiée, la vieille lionne savait que désormais elle ne pouvait plus rien faire qui puisse faire regretter à sa fille aînée de ses actes. Elle n'espérait plus qu'une chose : qu'Adana trouve la paix et que les choses reviennent à l'ordre. De ce fait, la petite famille de nouveau réunie tût bien assez tôt l'affaire et profita des jours suivants pour se retrouver.

De retour sur Prideland, Adana profitait enfin de l'innocence du monde qui l'entourait. A commencer par le ciel, ce beau ciel bleu turquoise taquiné par de nombreux nuages blancs voyageurs. Elle s'étira un peu, puis s'engouffra dans la petite caverne implantée dans le royaume, connue de sa famille, de Vita et d'Ishana exclusivement, et où vivait désormais Kimiria, sa mère, adossée contre une paroi de pierre. La vieille lionne, qui ne dormait point, eut le temps de voir sa fille arriver et la gratifia d'un léger sourire affectueux bien que vieilli par les temps anciens. La brune s'allongea non loin d'elle, silencieuse, dévisageant l'ouverture de la grotte avec une considération toute nouvelle pour un quelque chose qui échappait à l'ancêtre. On aurait cru comprendre qu'elle attendait l'arrivée de quelqu'un. Pourtant, l'hypothèse s'avérait juste ; elle attendait bel et bien quelqu'un. Un quelqu'un qui ne semblait pas inconnu aux yeux Kimiria. Et bien que son cœur se serrât à cette idée, la femelle aux prunelles turquoise hasarda :

« Serait-ce Vita que tu attends … si ardemment ? »

La Mositu faillit ne pas entendre la question de sa mère. Son regard doré fixait l'ouverture, et de nombreuses pensées occupaient son esprit, tout aussi centrées sur le lion rouge en question les unes que les autres. Son cœur battait la chamade. Elle n'avait jamais été aussi impatiente et nerveuse de toute sa vie. Une multitude de sentiments l'envahissaient, la faisait trembler légèrement de désir et d'inquiétude à la fois. Kimiria le remarqua, mais ne renchérit pas.

« Oui. Il est censé me rendre visite dans l'après-midi. » répondit-elle finalement, la voix étrangement calme, dénuée d'une quelconque once de rébellion ou d'arrogance.

Sans mensonge, elle se hâtait de sentir son parfum distinct se répandre dans la grotte. Elle avait hâte de sentir son souffle chaud contre elle, observer sa pelisse rouge et constellée de cicatrices, ses prunelles embrasées et sa crinière fournie qui lui donnait régulièrement envie de s'y blottir. La pensée même de le faire lui arracha un frisson horrifié. A quoi pensait-elle donc ? Certainement pas à un ami et encore moins à un mentor. Elle posa une patte sur son museau, désireuse de disparaître aux yeux de sa génitrice. Ses joues prirent une teinte pourpre et elle sentit de légères bouffées de chaleur l'envahir. Quel malaise. Kimiria ne devait surtout pas la voir comme ça… pourtant, elle seule devait savoir de quoi il devait s'agir. Peut-être le savait-elle. Après tout, c'était une mère. Et depuis son plus jeune âge, on lui avait toujours rabâché qu'une mère était sacrée et que son instinct ne devait jamais être remis en cause. Une mère savait toujours ce qui se tramait chez son enfant. Peut-être saurait-elle distinguer l'étrange mal qui prenait de plus en plus d'ampleur dans le cœur de sa fille. Peut-être était-elle malade ? Elle n'aurait su le dire.

Adana prit quelques instants pour réfléchir. Sa fierté lui interdisait une telle confession. Elle avait toujours été fière, solitaire, insupportable, peu tactile et insolente. Elle n'avait jamais songé – ou presque – à une possible alliance avec sa mère. Elle l'avait toujours considérée comme sa rivale, son ennemie, avec son père, une personne qui ne voulait que l'entraver, elle et ses désirs. Maintenant que les temps changeaient, que son père n'était plus et qu'elle savait sa mère non étrangère au registre de la mort, elle voyait la chose différemment. Et puis, il y avait Vita qui rythmait son quotidien, et la rendait toute chose. La brune ne supportait pas tous ces sentiments nouveaux qui s'accrochaient à elle lorsqu'elle voyait le Fils du Feu. Elle n'avait aucune envie d'être happée par le sentimentalisme et le romantisme. Pourtant… Pourtant, il y avait bien quelque chose clochait chez elle, n'est-ce pas ? Comme une attirance, une envie insatiable de toujours suivre son compagnon de route là où il se rendait. Et chaque jour, chaque discussion, chaque croisement de regard intensifiait le sentiment douteux qui s'était niché dans son cœur depuis leur toute première rencontre. Elle ne savait quoi faire. Quoi dire.

« Je trouve que Vita vient régulièrement par ici. Il n'a pourtant pas la tête d'un lion qui s'attache facilement aux paysages. Ton père ne l'a jamais aimé, et moi j'ai pris du temps à lui faire confiance … Curieusement, je serais presque tentée de dire qu'il fait partie de la famille, désormais. » soupira la vieille Mositu, d'une voix douce.

La gorge d'Adana se noua. Elle eut presque envie de dire qu'il faisait réellement partie de sa famille à elle, ou du moins son entourage proche, mais il était trop dur pour elle de l'avouer à sa mère. Ce n'était pas son genre d'étaler ses pensées et encore moins son affection envers le vieux mâle. Mais peut-être que…

« Maman… Je crois que je suis malade.
▬ Pardon ? »

Malgré qu'elle ne quittait pas l'ouverture de la grotte du regard, elle sentit une fourrure se coller à la sienne. Celle de sa mère. Cette dernière posa sa patte sur la sienne et reprit, inquiète :

« Tu es malade ? Qu'est-ce tu ressens de si étrange ? »

Même si elle était vieille, veuve et désillusionnée, sa mère prenait le temps d'examiner son enfant. Cela surprit presque la rebelle qui prenait enfin conscience de certaines choses. Comme le fait que la vie du voyage, ce n'était pas pour sa mère et qu'elle avait, égoïstement, déterminé l'avenir de tout un clan – dont celui de sa mère – en donnant le dernier vote, allant à Tenzin le Mositu utopiste et révolutionnaire. Elle qui avait rêvé d'un voyage extraordinaire qui renforcerait les Mositus, eut comme cadeau la mort de son père et celle de Tenzin sur un plateau d'argent. Parce que oui, Tenzin n'était plus de ce monde. Depuis quelques années déjà. En l'absence de la lionne brune parmi les siens sur Freeland, le meneur avait trouvé la mort à la frontière du royaume, tué par des hyènes sadiques et désireuses de vengeance. Désormais, c'était Uhta qui dirigeait et le clan et un jour, il leur ferait connaître un territoire où se reconstruire. Une grande aventure s'achèverait bientôt pour les Mositus et les abandonnerait à une fin heureuse, malgré les pertes. Techniquement, la féline sombre ne se sentait pas concernée par ce scénario des Grands Esprits. Elle ne comptait pas vivre et mourir parmi les siens. En vérité, elle se demandait qu'est-ce que serait son futur quotidien quand elle quitterait finalement son clan. Elle s'imaginait en parler à Vita et lui promettre « allégeance » en échange d'une vie à deux, une vie dédiée au voyage et aux sensations fortes. Il y avait encore un petit quelque chose qui hantait ses nuits et ses rêves. L'âge vieillissant du lion. Elle avait peur que son âge l'empêche de voyager. Peut-être plus ? Assurément. Elle avait également la peur que cet âge les sépare, finalement. Définitivement. Comme… la mort. La Mositu grogna de frustration, agacée par ces pensées qui lui pourrissaient l'esprit.

Elle releva soudainement la tête, posant ses prunelles dorées dans celles bleutées de sa mère, la mine sérieuse.

« J'en sais rien. Je n'arrête pas de penser à Vita. Quand les Mositus pensent à ce futur territoire qui sera le leur, moi je pense à mon compagnon rouge et aux nombreux voyages que nous ferons… du moins, si le temps ne nous rattrape pas également. »

Elle haïssait ces pensées pessimistes. Ce n'était pas non plus son style, d'avoir des pensées aussi pessimistes et arrêtées. Elle avait plutôt l'habitude de pensées immatures et brûlantes d'insouciance;

« C'est dur à avouer… mais mes pensées sont constamment galvanisées par son visage et mes souvenirs de lui. Quand je le vois, je me sens bizarre. J'ai l'impression que mon corps se consume, que je n'arrive plus à penser par moi-même. Ma seule préoccupation à ce moment-là, c'est me blottir contre sa fourrure et me bercer de ces nombreux voyages qu'il a connus dans sa jeunesse avant de m'endormir. Je ne supporte pas ses absences et quand je le vois en compagnie d'un autre lion qui lui semble proche, j'écume de rage. Est-ce normal, maman ? »

Kimiria l'écouta sans broncher. Pensive. Adana ne la quitta pas des yeux, soupirant doucement. Quand finalement, sa mère leva une patte et caressa affectueusement sa mèche, puis glissant ses coussinets dans la nuque de sa cadette comme une mère le ferait avec son enfant afin de l'apaiser. Elle la regarda avec une lueur douce dans le regard, si ce n'est malicieuse.

« Tu sais, quand j'étais jeune, j'ai eu affaire aux mêmes tourmentes que toi. Aux mêmes sentiments troubles et persistants qui me hantaient lorsque je voyais ton père. Des sentiments… étrangers, ceux d'une adolescente qui grandissait enfin. Le sentiment de l'amour. » dit-elle, attendrie par son propre récit.

Surprise, la voyageuse à mèche s'imagina sa mère, adolescente, et son père, adolescent, en train de discuter  sans se douter qu'ils fonderaient une famille plus tard… ensemble. Et puis, pouvait-on simplement comparer l'affection d'Adana envers Vita avec de l'amour ? Cela faisait-il d'elle quelqu'un… d'amoureux ? Son cœur s'agita de nervosité.

« Je ne me savais pas amoureuse, au début. Puis, je l'ai dit à ma mère et elle m'a expliqué ce que c'était que l'amour. Des palpitations au cœur, une sensation d'apaisement à la vue de l'être aimé, les joues pourpres et brûlantes, la jalousie, la possessivité, l'affection intense et l'envie constante d'être avec cette personne. Je pense que depuis ton départ dans la Jungle, tu as énormément grandi. Tu n'es plus cette adolescente pimbêche et rebelle qui n'en faisait qu'à sa tête. Tu es devenue une jolie lionne déterminée, qui n'abandonne jamais ses objectifs et sait protéger ceux qu'elle aime. Je pensais que t'obliger à rester dans la Jungle te protégerais de la noirceur de ce monde… mais je vois que j'ai eu tort. Tu n'en es devenue que plus forte encore. Quand je rejoindrais ton père… je n'aurais aucun regret, car je ne te laisserais pas seule… tu auras tes sœurs et, j'en suis certaine... Vita.
▬ Je n'en suis pas sûre… Vita n'est pas plus jeune que toi. Un jour tu ne seras plus là, et lui aussi. Et ce jour-là, je me sentirais définitivement seule. Parce qu'il ne sera plus là pour moi.
▬ Est-il au courant de ce que tu éprouves pour lui… ?
▬ Non… Je ne crois pas qu'il le sache. Je n'arrive pas à lui dire.
▬ Tu devrais lui en toucher quelques mots. Même si ce n'est pas réciproque. Même si votre histoire ne se terminera pas dans une glorieuse chanson amoureuse… Tu devrais lui dire toute la vérité, ce qui te tracasse tant à son propos. Tu sais, avant qu'il ne soit trop tard. »

Adana haussa un sourcil surpris. Était-ce si important ? Qu'elle lui dise qu'elle l'aimait… dans tous les sens du terme, bien évidemment. Était-elle sincèrement amoureuse, au moins ? Ne se leurrait-elle pas avec ces sentiments nouveaux ? Elle voulut protester, mais le regard que lui lança Kimiria lui prouva que son instinct disait vrai. Un nouveau frisson s'arracha à son corps.

« Non, non, non... » souffla-t-elle, inquiète.

Elle ne pouvait pas faire ça. Qui sait, un tel aveu briserait leur amitié et rendrait la finalité de leur histoire assez tragique. Pourtant, cela la rongeait. Quand elle voyait le lion, elle avait envie de se jeter sur lui mais se retenait à cause de cette intimité qu'elle n'avait pas encore vis-à-vis de lui.
Soudain, une silhouette rouge pénétra dans la grotte.
Vita.
Kimiria s'écarta doucement de sa fille, saluant comme il se doit le mâle sombre.

« Bonjour Vita ! Comment te portes-tu ? »

La brune à masque se redressa légèrement, contemplant son compagnon sans rien dire. Maintenant qu'il était là, ses joues virèrent au pourpre et une envie ardent de fuir la saisie. Mais elle allait devoir être courageuse. Et peut-être lui dire ce qui la tracassait depuis tout ce temps ?

« Salut Vita... » renchérit-elle, les prunelles brillantes.

On aurait dit une adolescente face à son idole. Elle était tout simplement excitée à l'idée de frôler le pelage du Fils du Feu tout en engageant une balade à ses côtés. Il l'avait connu froide, sarcastique, rebelle.
Maintenant rebelle, amoureuse et heureuse.

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A partir du moment où il fut présent dans la grotte, les yeux dorés de la lionne ne le lâchèrent plus. Il était là, en bonne santé, méchant garçon, mais aussi beau qu'un dieu. Au salut de Kimiria, il lui répondit un « Bonjour Kimiria, je vais très bien, merci. Vous avez l'air de bien vous porter également, je me trompe ? » accompagné d'un sourire amical, que lui rendit légèrement la vieille lionne à la fourrure sombre par respect. Adana se redressa, lentement, tandis que le lion rouge balayait les alentours du regard. Il remarqua finalement la présence de sa compagne de route sur les lieux et s'approcha d'elle, les prunelles brillantes, et le sourire plus proche de la tendresse que de l'indifférence. Adana sentit son cœur cogner furieusement contre son poitrail. Malgré son tempérament fort, elle se sentait défaillir à l'approche du mâle sombre. Comme une étrange maladie, les sentiments qu'elle semblait lui porter décidèrent de lui porter préjudice le jour même. Située derrière Vita, Kimiria profitait du spectacle en les regardant. La vieille Mositu hochait légèrement la tête, comme pour l'encourager à se prononcer sur leur relation. La rebelle n'eut pas le temps de répondre, son aîné la fixait désormais, lui adressant la parole.

« Bonjour Adana. Tu vas bien ? »

Ce style d'échange lui rappelait terriblement celles qu'ils avaient l'habitude d'avoir lorsqu'ils se retrouvaient à deux. Avant qu'elle ne puisse répondre, Kimiria prévint les deux lions :

« Vita, Adana ! Je m'en vais me balader. Je reviens tout à l'heure … Discutez-bien. »

Mais Adana savait terriblement bien ce que voulait signifier cette balade. Kimiria voulait les laisser seuls, afin qu'ils puissent discuter de leur avenir. Cette simple idée renfrogna intérieurement la lionne. Devaient-ils à tout prix discuter de ce qu'elle ressentait pour lui ? Ne pouvaient-ils pas vivre encore un peu comme ils l'avaient toujours fait, exprimant davantage leur affection par la gestuelle que par les mots ? Et lui, l'aimait-il ? Avec les autres, Vita était méchant et moqueur. Avec elle, il l'était encore mais un semblant de tendresse semblait persister dans son regard lorsqu'il la regardait. Du moins, c'est de cette façon qu'elle percevait les choses. Avait-elle raison ? … Ou tort ? Elle jeta un bref coup d’œil à la sortie de la caverne – désormais dénuée de toute présence animale – puis son regard revint sur le visage de Vita et elle pressa doucement sa truffe contre la sienne. Elle en mourrait d'envie. Un frisson s'arracha à son corps lors du contact.

« Je vais bien et toi ? Tu m'as l'air d'être en pleine forme. Où étais-tu passé ? » s'enquit-elle, l'air malicieux et intrigué en même temps.

Elle s'étonnait encore de toute cette tendresse dont elle faisait preuve en compagnie du Fils du Feu. En général, elle était plutôt d'humeur à jeter des piques au Rouge et à se moquer, gentiment. Mais là … C'était autre chose. Elle voulait connaître son emploi du temps. Oui. Mais à la manière d'une mère … ou plutôt, d'une compagne.
Timidement, elle vint se blottir contre la fourrure du lion au pelage pourpre. Lui glissant à l'oreille :

« Je me disais que l'on pourrait discuter de notre avenir en l'absence de ma mère. Qu'en dis-tu ? »

Et quand elle parlait « d'avenir », ce n'était pas tellement dans l'idée de lui déclarer son amour ou quoique ce soit ; l'avenir, elle le voyait dans le voyage et les découvertes. Vita comptait-il rester vivre dans cette grotte pour toujours ? Peut-être profiterait-elle de cette discussion pour parler de son cœur … si elle en trouvait le courage.

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Parler d'avenir, c'était comme tourner une page, rédiger à l'encre noire leurs nouveaux objectifs et le chemin neuf qu'ils décideraient de cheminer ensemble sur une feuille vierge. Mais quelle page tournaient-ils, au juste ? Après tout, la vie d'Adana n'avait jamais été bousculée par des décisions importantes, des tournants traumatisants, des tourments interminables et des deuils à n'en plus finir. Ça, elle les laissait aux grandes personnes de ce Monde. Toutefois, elle demeurait, étrangement, et en y pensant, incomprise, incomplète. Comme si elle passait à côté de quelque chose depuis bien trop longtemps. Était-ce son désir de voyage avec Vita qui lui tourmentait l'âme avec une telle audace ? Son désir de liberté, d'explorations et de passion commune avec le mâle rouge qui s'éveillait au creux de son cœur ? Sûrement.
Il y a quelques mois de cela, ils avaient tué Kutoa, l'exilé Outlander.
Et maintenant ?

« Je vais très bien en effet. Je me trouvais sur la Lande et sur Prideland pour rendre visite à un être qui me tient particulièrement à cœur ... »

La réponse du Fils du Feu fit frissonner intérieurement la rebelle à mèche. Un être à qui il tenait particulièrement ? Parlait-il de sa personne ? Ou d'une autre ? Elle se serra davantage contre lui, jalouse à l'idée qu'il y ait d'autres personnes chères à son cœur, et autre que sa propre personne. Il y avait bien Ahva et Chayà qu'il estimait, mais la brune le savait pertinemment, aucune d'entre elles n'avait son influence sur le cœur du vagabond. Alors qui ? Peut-être se faisait-elle des idées … Oui, beaucoup d'idées. Mais elle n'y pouvait absolument rien. En le considérant de ses prunelles boudeuses, la féline sombre put distinguer un haussement de sourcil sur le visage de celui qu'elle aimait. Parler d'avenir. Cela lui semblait être un concept bien étrange. N'y avait-il réellement jamais songé depuis le meurtre de Kutoa ? Il hocha finalement la tête.

« Bien sûr. Après tout, je peux me dédier entièrement à ta personne comme autrefois, maintenant. Par avenir, sous-entends-tu de poursuivre ce que nous faisions autrefois ? Tu aimerais que l'on reprenne tout cela ? Après tout, il y a bien quelques lieux que je n'ai pas encore pu te présenter. » susurra-t-il de façon suave.

La Mositu adora le ton qu'il prenait pour lui parler de tout cela. Il avait parfaitement compris le message qu'elle essayait de lui transmettre. Oui. Elle voulait qu'ils reprennent ce train de vie. Qu'il lui fasse découvrir bien des lieux dont elle ignorait l'existence. Que son cœur batte à la chamade, d'impatience et d'excitation. Que son regard doré ressemble à un ciel parsemé d'étoiles scintillantes à la vue d'une découverte passionnante. Elle le voulait … Lui.

Ils finiraient ainsi. De vieux vagabonds, libres comme l'air, audacieux et roublards, liés pour toujours et à jamais comme deux vieux amis d'enfance. Adana se demandait si son comparse pensait la même chose qu'elle. Sa gorge se noua à l'idée qu'elle lui parle de cette affection qu'elle lui portait. Un mélange de colère et d'appréhension disputa ses pensées. Ce n'était que de vulgaires sentiments ! Elle n'avait pas à avoir peur de les lui dévoiler. Mais s'il les rejetait ? Les reniait ? Décidait de partir en voyage avec une autre de ces tapins – connues ou non de la fille de Kimiria – qu'il fréquentait ? Adana fronça les sourcils, déconcertée. Autant y aller petit à petit …

« C'est ça. J'aimerais que nous reprenions nos vieilles habitudes de vagabond et que tu termines mon apprentissage dans l'art du voyage. Cela fait longtemps ... » avoua-t-elle.

Mais elle se questionnait. Encore et toujours, sur des choses qui n'avaient pas besoin d'être questionnées. Elle le voyait bien qu'avec les années s'écoulant les unes après les autres, Vita prenait de l'âge et ne serait plus en mesure de voyager avec elle un jour. C'était limite s'il ne lui avait pas dédié sa vie entière afin de satisfaire sa soif de savoir sur les voyages. Chez elle, il était rare qu'un Mositu termine sa vie tout seul. Souvent, à un certain âge, les lions bruns cherchaient une compagne, un compagnon, puis à fonder une famille. Cette idée n'avait-elle donc jamais traversé l'esprit du lion ? Etait-il à ce point si unique dans sa manière de vivre ?

« Cette vie à mes côtés te convient ? Tu n'auras finalement jamais eu de compagne ou de progéniture … C'est Ishana qui va être ravie. » constata la dame sombre, penchant légèrement la tête sur le côté, innocente. Sur un ton peut-être légèrement plaisantin.

Elle ne savait plus tellement ce qu'elle recherchait, en fin de compte. L'amour. Ou la fidélité. Ou les deux à la fois. Elle avait juste un besoin insatiable de réponse.

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Adana n'avait jamais été proche d'Ishana, la sœur de Vita. Ni même de ses enfants … Koda, Janan, Kira et Wissel. Elle s'était toujours contentée de les observer au loin, les regardant grandir, s'affirmer et devenir de dignes Lions du Feu comme l'avait été et l'était toujours leur oncle. La brune s'était toujours montrée admirative de leurs fourrures rouge sombre et de leurs prunelles de braise, communes dans cette famille au tempérament enflammé. Toutefois, elle savait notamment Ishana attentionnée et protectrice vis-à-vis de son frère et, peut-être, ne se serait-elle pas étonnée à l'idée de retrouver la guérisseuse rouge outrée devant la situation familiale de son frère : c'est-à-dire seul au monde. Elle ne sut s'il fallait en rire ou en pleurer. Mais, elle avait une petite préférence pour le rire ; après tout elle savait son compagnon bâti dans le même bois qu'elle. Le voyage, c'était ce qui comptait le plus pour eux. Et puis, elle, elle était là pour lui. C'était une chose à la fois étrange et rare, de voir une Adana s'intéresser à une autre personne que la sienne. Faire des concessions non plus. Pourtant, la voyageuse sombre demeurait aux côtés du Fils du Feu, et l'attendait quelque part lorsqu'il tardait à se présenter à elle. Peut-être était-ce l'amour qu'elle lui vouait qui jouait dans son comportement.

« Madame à beau avoir grandit, elle est toujours dépendante de son fidèle serviteur et guide attitré. »

La remarque de Vita arracha une légère moue boudeuse à la lionne. Dépendante de quelqu'un … Le pire c'était qu'il avait raison. A une époque, elle aurait très bien pu se passer de lui et accomplir ses rêves toute seule. Avec ou sans Heshima. Mais désormais … Une vie sans son fidèle compagnon de voyage aurait été bien ennuyeuse. Elle ne pouvait pas vivre sans lui. Elle était rebelle, solitaire et indépendante, mais cette règle s'annulait en la présence du lion rouge. Étrangement. Encore une fois, elle mettait cela sur le compte de cette affection forte qu'elle lui portait. Le cœur battant, elle attendait impatiemment d'autres réponses, celles qui mettraient en valeur l'avis de son interlocuteur concernant la vie de famille ou autres. Qu'en pensait-il ? Ne regrettait-il toujours pas cette vie que les lions lambda menaient tous au bout d'un moment ? Cette vie de voyage et de découvertes éternelles lui plaisait-il et le contenterait-il pour la vie ? Adana prêta une attention toute nouvelle à ses dires.

« Eh bien ... Oui, elle me convient amplement. Je ne me suis jamais intéressée à l'idée d'avoir une compagne ou une progéniture tout simplement parce que je n'ai jamais rencontré de lionne avec qui bâtir une telle vie m'enchanterait. Enfin ... Peut-être que les choses ont changé. »

Peut-être ? Elle haussa un sourcil intrigué. Vita regardait ailleurs, il avait l'air un peu ennuyé … Pour la brune, ces révélations avaient quelque chose de terriblement intrigant. Elle voulait savoir ce que signifiait ce « peut-être ». Son jugement s'était-il reconsidéré ces derniers temps ? Parlait-il d'elle ? Ou d'une autre ? Pour un lion lambda, la réponse aurait été claire ; mais Adana, perdue, effrayée et excitée à la fois, refusait de l'admettre, ou de l'accepter, ou bien de s'en faire une raison. C'était un peu la conversation de leur vie qui se jouait présentement et son cœur palpitait atrocement. Elle se mit à rougir.

« Mais et toi ? Tu es dans l'âge où les lionnes cherchent à se poser avec un beau et vaillant mâle n'est-ce pas ? Qu'attends-tu ma douce Adana ? » s'enquit-il, un étrange sourire cynique accroché à ses babines.

C'était assez drôle mais de toutes les lionnes qu'elle connaissait et qui étaient de son âge, seule Ukarimu s'était casée et avait désormais des enfants. Elle frissonna cependant en s'imaginant avec des enfants ou un compagnon à ses côtés. Bien sûr, elle le voulait lui, son mentor, mais naïvement sans doute, elle n'avait pas songé à avoir des enfants avec lui, elle s'était simplement imaginée comme … sa compagne, et rien d'autre. Elle aurait dû y penser. Sa propre question y faisait justement référence. Vita ne voulait peut-être pas d'enfant.

« Je ne le suis pas déjà ? » souffla-t-elle, haussant un sourcil charmeur à l'attention du lion.

Mauvaise blague. Mais c'est vrai qu'il ne lui aurait servi à rien de se chercher un mâle beau et vaillant dans ce genre de moment. Elle n'avait pas besoin d'être protégée ou cajolée. Puis son professeur du voyage jouait déjà très bien ce rôle.

« Ce que je veux dire par-là c'est que je n'ai pas besoin d'un mâle. Je t'ai déjà toi. Et ça me suffit amplement. » corrigea-t-elle. « Que signifie ce peut-être ? »

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Quand elle déclarait cela, elle ne mentait pas. Il n'y avait vraiment que Vita qui pourrait la satisfaire, elle ne se voyait pas trouver un compagnon qui pourrait le remplacer aussi facilement. Il était à la fois son professeur, son protecteur, son ami et son compagnon de galère. Un indispensable. Cependant, en était-il de même pour le lion rouge ? Il la considérait, oui, à n'en point douter – mais son affection ambiguë était-elle réciproque ? Elle attendait qu'il lui réponde et l'éclaircisse davantage quant à ce fameux « peut-être » qui la tourmentait. Elle profita de sa chaleur, de ces poils rouge sombre qui se mêlaient aux siens, s'imaginant, honteusement, la teinte que pourraient avoir des lionceaux dont ils auraient été les parents. Elle ne devait pas y penser. Elle ne savait pas encore s'il l'aimait d'amour. Et elle, l'aimait-elle d'amour ? Pas la moindre idée. Mais les symptômes y étaient. Sa mère le lui avait dit. Si Vita lui proposait de devenir sa compagne, accepterait-elle de partager son intimité ? Ou de lui donner des enfants s'il en voulait ? C'est vrai qu'elle ne s'était jamais posé la question, et désormais, il fallait dire qu'elle était complètement perdue dans ses pensées.

Elle sentit son corps souffrir d'une perte de chaleur dont Vita était la principale cause. En effet, le vagabond s'était détaché de sa cadette brune, l'air visiblement sérieux. Il demeura silencieux, quelques instants. Comme pensif. Adana poussa un léger soupir. S'il acceptait ses sentiments, elle serait peut-être en mesure d'accepter toutes ses demandes. Du moins, si elle était d'accord pour les exaucer. Puis, encore une fois, elle n'avait pas la certitude que Vita était le genre de lion à vouloir une progéniture. Une compagne, peut-être. Mais des enfants braillards, à son âge ?

Le vagabond se tourna vers elle et lui offrit un regard plein de tendresse, il s'approcha d'elle. Il s'assit puis lui caressa tendrement la joue. Adana frémit légèrement et rougit, sensible à ce contact. Vita avait l'air vraiment différent des autres fois. De jour en jour, il montrait une facette davantage tendre et protectrice à sa fidèle comparse. Puis, sa voix. Grave et chaude à la fois. La Mositu ne se pensait pas si sensible à de telles choses. Pourtant … La voilà qui se contredisait présentement.

« Comme toi, je n'ai pas besoin de personne d'autre. Je n'ai besoin que de toi, Adana. Je t'avais dit que je serais éternellement à tes côtés, je n'ai pas changé d'avis. Tu comptes énormément dans ma vie, Adana. »

Et il reposa sa patte au sol. La rebelle aux prunelles dorées prenait cela comme une promesse de sincérité et de fidélité éternelle. Elle en était sûre, ou plutôt, n'avait plus envie de réfléchir – elle n'avait pas envie de réfléchir au pourquoi du comment, aux conséquences de ses actes. C'était peut-être le bon moment pour se lancer et lui dire ce qu'elle pensait de lui. Honnêtement, elle avait énormément de mal à trouver ses mots, à savoir ce qu'elle devrait dire ou ne pas dire pour lui expliquer clairement ce qu'elle ressentait pour lui. Elle posa sa patte sur la sienne, sans le lâcher du regard.
Son air, embrumé, reprit de la contenance et elle le considéra sérieusement. Déterminée. A la manière d'une femelle qui savait ce qu'elle voulait et ne comptait pas faire marche arrière. Une femelle qui n'avait pas honte de ses sentiments et du râteau qu'elle pourrait se prendre. Elle avait confiance en lui. Elle savait qu'il ne jouerait pas avec ses sentiments. C'était assez étrange, les animaux le détestaient tous et craignaient ses agissements douteux. Pas elle. Il était ce qui se rapprochait le plus d'un meilleur ami. Elle pouvait donc lui avouer ses sentiments sans craindre de sa part une manipulation.

Si elle ne le faisait pas, elle serait rongée par les remords toute sa vie.

« Vita. Tu sais, tu me connais, depuis le temps … Je suis quelqu'un de très franc. »

Et elle ne mentait pas – du moins, si l'on omettait l'épisode d'Outland – et ne lui mentirait pas. Elle se prendrait un râteau, comme une grande fille, s'il le fallait, mais au moins il saurait tout ce qu'elle pensait de lui.

« Il faut que tu saches : je me pense être amoureuse d'un mâle. C'est très compliqué … Je ne sais pas si mes sentiments sont suffisamment forts … Si je ne me leurre pas … Mais je crois que … Que tu me rends heureuse. En fait, je pense que je t'aime. »

I still love you

Tout était dit. Adana fixait désormais Vita droit dans les yeux, affrontant ses orbes enflammés, prête à se confronter à son destin. Ou à leur destin. A voir. Seul le Fils du Feu pouvait en décider. Cette flamme qu'il avait entretenue dans le cœur de sa belle, se trouvait-elle également dans le sien ? S'il se refusait à elle, la brune serait-elle en mesure d'aimer quelqu'un d'autre un jour ? Elle en doutait. Il n'y avait que le mâle sombre dans son champ de vision. Il n'y avait que lui, et il n'y aurait toujours que lui. Elle le pensait fermement. L'envie de se blottir contre sa crinière lui hanta l'esprit, mais elle chassa rapidement ces pensées tentatrices, se concentrant principalement sur les expressions et les paroles qu'il pourrait avoir. Un léger sourire s'afficha sur les babines de la rebelle, qui espérait voir la réciproque sur celles de son compagnon de toujours. Le vagabond ferma les yeux quelques secondes, inspira, puis il replongea ses prunelles de braises dans celles orageuses de sa cadette.

« Adana je ... Je ne suis pas très fort pour ces choses-là. »

La rebelle s'était promis de rester vive et forte, mais la réponse de Vita la fit vaciller intérieurement. Son cœur rata un bond, et ses prunelles manquèrent de s'écarquiller. Son esprit, fidèle à lui-même, ne laissa pas le temps au mâle de s'expliquer : aussitôt, elle s'imagina mille scénarios, comprit que le vieux lion n'avait peut-être pas le temps à perdre pour ce genre de choses, que l'amour n'était peut-être pas envisageable dans son cœur de bandit, qu'elle serait enchaînée malgré elle au chagrin d'amour pour des lustres et des lustres … Elle se trouvait bien pitoyable à réagir ainsi, mais quelle femelle n'aurait pas agi de la sorte face à de telles paroles ? Il fallait être sacrément orgueilleux pour ne pas douter un seul instant de la réciproque de ses sentiments dans le cœur de l'être aimé. Vita s'exprima finalement.

« J'ai toujours été un lion libre et vagabond, à naviguer ci et là sans attaches, revenant seulement parfois voir ceux que j'aimais. Pourtant ... Je me suis rendu compte que ... J'ai cessé tout cela depuis un certain temps, je ne fais plus que traîner près de Prideland, à surveiller les frontières et les fourrures brunes qui le peuplent dans l'espoir de toujours te voir. Les choses sont étrangement différentes à tes côtés. »

Mais encore ? Était-ce suffisant pour que son cœur déborde autant d'amour que le sien ? La Mositu demeura silencieuse. Elle attendait la sentence. Toujours. Au moins, son ego pouvait se ravir en voyant qu'elle avait été la première et la dernière personne à avoir modifié ses habitudes.

« A vrai dire, je t'aime, Adana. J'y suis resté longtemps aveugle mais quand je repense à ce que nous avons vécu, à notre rapprochement, à notre histoire et notre passé, je ne peux pas le nier. Je n'ai pas agit ainsi pour une autre que toi, tu es ... une lionne exceptionnelle. »

Adana poussa un soupir de soulagement. Vita s'approcha d'elle, la couvant de son regard brûlant. Leurs poitrails se touchèrent à l'approche du lion et elle déposa une lèche affectueuse sur la truffe de ce dernier. Bien. Ils s'aimaient, donc ? Son cœur bondit de joie mais par fierté, la dame de la jungle se garda de se détacher de son mâle pour bondir dans tous les sens. Voyons, elle avait quand même un minimum de dignité ! Et puis, il y avait quelque chose qui l'intriguait chez son compagnon de route … son compagnon tout court, en fait. Elle pouvait sentir sa chaleur, son amour, et puis … peut-être un peu de désir, aussi ? C'était difficilement prononçable. A moins que ce soit son propre désir qui lui brouille les sens … La lionne brune se colla contre l'épaisse crinière de Vita et son corps se frotta contre le sien, savourant pleinement les sensations que cela lui procurait alors. Elle en voulait davantage. Un frisson parcourut son échine.

I still love you

Une sorte de jeux silencieux se déroula alors entre leurs deux esprits amoureux, sans qu'elle n'en comprenne vraiment le pourquoi du comment. Mais elle ne pouvait le nier : une force invisible la poussait vers lui et lui faisait apprécier leurs contacts physiques. Vita lui souffla dans le cou, puis frotta son front contre le sien, la faisant basculer, petit à petit, sur le dos, de sorte à ce qu'il puisse se placer au-dessus d'elle. Il lui fit profiter de sa chaleur physique et la chatouilla de temps en temps sans le vouloir. Adana ne cessa de ronronner en l'entendant prononcer des mots doux à son égard. Il s'arrêta finalement pendant quelques secondes, questionnant sa compagne du regard. La brune le considéra d'un œil doux, presque rieur ; elle riait nerveusement et intérieurement à l'idée de passer aux choses sérieuses. Il se redressa alors, et elle se plaça sur le ventre, le cœur battant. Elle sentit un contact humide dans son cou … sûrement le museau de Vita. La Mositu poussa un soupir inaudible, peu désireuse de montrer à son aîné l'anxiété qui commençait peu à peu à s'immiscer en son être. Malgré l'intimité, elle demeurait toujours aussi fière et l'idée de paraître fragile aux yeux de son compagnon ne lui plaisait guère. Alors, elle ravala son angoisse et se détendit physiquement parlant, attendant que le lion rouge se décide à prendre les devants.


L'acte ne s'étendit guère sur la durée, mais il fut terriblement passionné et agréable. Adana avait apprécié ce moment, même si les premières douleurs n'avaient pas été faciles à taire. Allongée contre son compagnon, elle attendait patiemment le retour de sa mère, qui était partie il y a déjà un bon moment, ne l'oublions pas. Timidement, elle enroula sa queue autour de celle de Vita et frotta sa tête contre la sienne, tout en lui faisant part de ses ronronnements incessants et comblés. Dans un chuchotement, elle s'enquit :

« Tu penses que nous aurons des lionceaux … ? Une poignée de lions futés ne ferait pas de mal à la Terre des Lions. »

Même si, intérieurement, elle paniquait un peu. Comment vivrait-elle une potentielle grossesse, elle qui était de nature si frivole et râleuse ? Serait-elle une bonne mère pour les enfants de Vita ? En désirait-il, lui … ?

I still love you

Ce n'était pas le genre d'Adana d'être si rêveuse, romantique et candide. Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de se coller contre son compagnon tout en imaginant ce qui pourrait se passer à l'avenir, maintenant qu'ils s'étaient liés sexuellement parlant. Avait-elle seulement les épaules pour devenir mère ? La patience ? Suffisamment de gentillesse et de bienveillance pour éduquer convenablement des lionceaux ? Et Vita ? En voulait-il ? Son regard doré se posa sur son visage, et il découvrit un petit sourire sur ses babines sombres. Adana réprima un soupir de soulagement. Cette idée semblait lui convenir … Il n'aurait manqué que ça : qu'il soit contrarié par l'arrivée d'enfants indésirés. Mais rien n'était encore décidé. Peut-être n'aurait-elle pas d'enfants suite à leur échange amoureux. Seulement … Ils devaient faire attention à cela tout de même. On ne pouvait jamais être sûr de rien.

« Peut-être, qui sait ? Ce serait ... formidable. Des petites boules de poils brunes et rouges avec un caractère aussi affirmé que le tien ? » supposa le mâle rouge.

La brune lâcha un petit rire amusé, tant l'idée lui plaisait. Des lionceaux bruns et rouges … aux yeux d'orages et de feux, enfants des grands chemins et petites terreurs de la Terre des Lions. Des Enfants de la Jungle et du Feu, les meilleurs, les plus robustes et les plus forts psychologiquement parlant, ils mettront les royaumes à genoux à eux seuls. Que ce soit des filles ou des garçons … Que cela importait peu à la dame de la jungle. Elle espérait peut-être juste une chose. Avoir un fils qui ressemble fortement à son mari. Ce serait formidable … Mais si ses hypothétiques enfants ne convenaient pas à ses exigences … Elle les aimerait quand même.

« … Et avec une réputation de petits voyous de la Terre des Lions, qu'en dis-tu, ce serait génial qu'ils suivent les traces de leur père n'est-ce pas ? » piqua-t-elle malicieusement.

Vita glissa sa truffe dans le cou de sa bien-aimée. Adana ronronna. Il répéta que ce serait formidable, dans un murmure qui ne laissa pas la femelle indifférente. Elle s'en alla se blottir contre sa fourrure rouge et poser sa tête sur l'épaule du vieux mâle, les yeux mi-clos.
Quelques temps passèrent puis une ombre s'introduisit dans la caverne : Kimiria. La vieille femelle ouvrit de grands yeux en découvrant sa fille collée contre son compagnon de fortune. Du regard, Kimiria l'interrogea ; Adana sourit pour lui répondre. C'était dans la poche, qu'elle lui disait silencieusement. La Mositu aux yeux bleus lâcha un petit rire amusé avant de s'asseoir devant eux, les interrogeant sur leur avenir. Adana le lui présenta Vita comme son compagnon.

« Que j'aurais aimé que ton père soit là pour le voir … Il n'a jamais vraiment aimé Vita mais je suis sûre qu'il aurait été content de voir sa fille ouvrir son cœur à un mâle. Espérons que sa lignée perdure grâce à sa fille aînée ... » soupira Kimiria.

... C'était au programme.