La mort, la destruction, la culpabilité. Toutes accompagnaient Sierra, malgré la solitude qui la rongeait.

Elle avait tué son frère. Le dernier membre de sa famille, celui qu’elle avait, malgré les apparences, intrinsèquement désiré retrouver. Elle s’était battue toute sa vie pour contenir cette tristesse et cette frustration d’avoir vu son aîné lui être arraché ! Et lorsque leurs chemins c’étaient recroisés, elle avait mis fin à ses jours… Elle avait brisé cette chance que les Dieux lui avaient offerte. Cette chance inouïe de le revoir. Son dernier pilier, alors que tout semblait s’être effondré autour d’elle !

Plongée dans ses introspections, la lionne ne sentait plus la pluie battante sur son dos. Elle se contentait d’avancer, la tête basse, repensant à la vie qu’elle avait prise, mais aussi à la famille recomposée qu’elle avait détruite.

Par chance, le géant gris ne l’avait pas rattrapée. Mais elle ne pouvait s’empêcher de songer à ces paroles, ces expressions, qui avaient tordu les visages de ces inconnus…Pour un peu, la Lady déchue regrettait que ce lion démesuré ne lui ai pas ôté la vie. Nul mot n’était assez fort pour décrire son état d’âme. En une journée, elle avait perdu son titre, ses privilèges, son honneur, sa terre, et maintenant son frère…

Où aller, à présent ? Vers qui se tourner ? Quelle âme serait assez charitable pour guérir celle du monstre qu’elle était ? Wimbo ? Non. Elle devait le préserver d’une telle infamie. Il était bien trop jeune pour entendre parler d’une pareille histoire… La vérité étant qu’elle avait bien trop honte pour confesser son crime. Aro ? Qu’en ferait-il ? Ce n’était qu’un oiseau…

Alors que ses prunelles s’élevaient vers l’horizon tapissé d’un rideau de pluie, la lionne cru reconnaitre la forme d’un lion, caché sous le Baobab…Son sang se réchauffa lorsqu’elle crut reconnaitre la silhouette. Ses pattes accélérèrent la cadence. Son souffle ne tarda pas à se changer en sanglots, bien qu’elle parvint à dompter ses émotions quand les derniers mètres furent derrière elle.


Elle s'arrêta ainsi devant lui, trempée, le regard vide.

« ... J'imagine que si c'était la pluie qui te met dans un état pareil, tu aurais déjà râlé... »

Elle osa quelques pas en avant et vint enfouir son museau dans la crinière humide du mâle. Un contact qui lui apporta une chaleur incroyablement apaisante, malgré la pluie qui ruisselait sur leurs deux corps.

Il l’avait attendu comme promis. Durant deux longues journées. Alors qu’il aurait pu rejoindre les siens et s’abriter de ce temps de chien ! Décidément, ce lion-là n’était pas n’importe qui…elle était si heureuse de trouver quelqu’un sur qui compter !

- J’ai tué mon frère. Confessa-t-elle en sanglotant, tantôt joie, tantôt de tristesse. Elle n’aurait jamais pensé être aussi satisfaite de retrouver un mâle, pas même Harold. Et en même temps, elle se sentait pitoyable du meurtre de son aîné…c’était une situation désagréable, deux émotions qui n’allaient pas ensemble et pourtant, cela la réconfortait. C’était ein accident…je n’aurais pas dû…Je ne voulais pas !

« Tu es belle quand tu pleures, mais je n'aime pas cette Sierra triste. » souffla-t-il en fermant les yeux.

« La pluie est si belle, j’aurais aimé t'entendre t’en plaindre un peu. » sourit-il, dans l'espoir de lui réchauffer un peu le cœur.

Ce contact était le plus réconfortant qu’elle n’avait jamais connu ! Elle laissa le mâle posa sa truffe sur la sienne, permettant à Sierra d’appuyer se contact aussi sensuel qu’inattendu.

- Tu es belle quand tu pleures, mais je n'aime pas cette Sierra triste.

La remarque étira légèrement les babines de la lionne. Elle se sentait si nulle d’imposer un tel spectacle à Luso… Elle s’était livrée à lui, et il avait intégré la nouvelle avec une bienveillance qu’elle ne lui aurait jamais soupçonnée. Si son moral s’en retrouvait soulagé, sa fierté continuait de saigner. Mais qu’importe ? Elle n’avait plus de titre, de toute façon.

Puis, il murmura à nouveau. Un ricanement triste échappa à sa partenaire, entre deux sanglots étouffés. Elle n’avait pas seulement perdu son frère, en vérité. Elle avait TOUT perdu ! Quand elle y pensa, de nouvelles larmes vinrent perler le coin de ses yeux fermés.

- Tu es gentil. Susurra-t-elle, frottant sa joue contre celle du guerrier. C’est tout ce qu’elle trouva à dire de positif. Aussi surprenant que cela puisse être, elle se sentait à l’aise, avec lui. Ce sentiment, elle l’avait déjà connu, pour sûr. Mais jamais il n’avait été aussi fort. Ils avaient passé beaucoup de temps ensemble. Dès lors, elle fut obligée de se rendre à l’évidence : Luso n’était pas un lion quelconque pour elle…Ces pensées vinrent occulter sa tristesse, faisant naitre un rayon de lumière dans son esprit brisé. Ma famille, mon titre, mein privilèges… Ils ont disparus. Je ne suis plus rien ! Reprit-elle avec nostalgie. Je me sens tellement seule !

« Alors viens. Viens avec moi, reste à mes côtés et cesse cette errance. Moi je ne t'abandonnerai pas, je te le promets sur ce que j'ai de plus cher. » il commença à rire en humant son délicieux parfum. « Ce qui n'est pas compliqué, puisque ce que j’ai de plus précieux, c'est toi. »

La révélation qui suivi acheva de détruire l’ancienne Sierra. Quand le mâle avoua ses sentiments, la lionne se senti renaitre ! Ses yeux de sang fixèrent Luso, interloqués, un sourire ému grandissant sur son visage. Sans doute le sourire le plus doux et le plus radieux qu’elle n’avait jamais offert à personne, d’ailleurs. Pas même à Wimbo ! Il lui avait fait une promesse, et elle avait envie d’y croire.

Elle resta interdite pendant quelques secondes, avant d’enfouir à nouveau son museau dans la crinière de son bienfaiteur.

- Je te suivrais partout. Pour toujours, mein liebe. Lui dit-elle à l’oreille avant de déposer une lèche affectueuse sur sa joue.

Ainsi débutait l’histoire de Sierra la sauvage, la lionne des bruyères maintenant propriété des terres libres.