Rána avait passé la matinée non loin du rocher, avant de partir déambuler sur Prideland. Dire qu'il surveillait les frontières aurait été une excuse possible, mais ce n'était pas réellement cela. Bien sur, il profitait de sa sortie pour garder un oeil sur les possibles individus présents sur Prideland, mais ce n'était pas le but principal de cette escapade. Le jeune mâle souhaitait simplement prendre le temps de mémoriser les détails de ce territoire, qu'il savait désormais sien. C'était ici qu'il avait vu le jour, et ici qu'il avait découvert qui il était réellement. Avant lui, son père et sa mère avait vu le jour sur Prideland. Il était parfois difficile pour lui de s'imaginer que Prideland était sa terre natale et sa terre d'origine alors qu'il n'avait pas grandit dessus, et que la plupart des lions lui étaient inconnus. Il ne connaissait pas grand chose de l'histoire de Prideland et de ses lions, pas plus qu'il ne connaissait les familles qui peuplaient ces terres depuis des saisons. Or, maintenant qu'il savait, il souhaitait savoir ; apprendre de ce territoire qu'il devait faire sien. Il voulait s'approprier son identité, et avoir quelque chose à revendiquer. Bien sur, cela pouvait paraître futile ou enfantin, mais après avoir grandit pendant des semaines sans repères, sans liens à qui s'affilier, Rána était soulagé de savoir même si cela avait soulevé d'autres questions. Il n'était plus dérangé par cette étrange sensation, celle qu'il avait eu en découvrant Prideland. L'impression d'être déjà venu et d'avoir déjà vu, quand bien même il ne pensait pas avoir posé une seule patte sur Prideland.

S'il était désormais partagé entre l'appartenance à Outland et celle à Prideland, l'orphelin réalisait combien sa vie aurait pu être différente si sa mère avait décidé de rester ici, sur ces terres aussi fertiles que pacifiques. C'est pendant qu'il songeait à cela que son regard fut attiré par les mouvements d'un troupeau non loin de là. Pourtant, les bêtes avaient moins à craindre ici qu'ailleurs, et nombre de mammifères migraient près du rocher lors de la saison de naissances. En observant mieux la masse grouillante que formait le rassemblement de proies, Rána aperçut une tâche plus claire de l'autre côté, et plissa les yeux. Il était presque certain que c'était un autre lion, et se devait d'aller vérifier. Après tout, il était également de son rôle de veiller à la sécurité de Prideland, et l'étranger semblait seul. Accélérant le pas, il se mit à trotter en direction de l'individu, sans chercher à se cacher. En se rapprochant, il réalisa qu'il s'agissait d'une lionne au pelage doré. Jusqu'à apercevoir distinctement les traits noirs sur ses oreilles. Reconnaissant alors la lionne qui l'avait réconforté lors de ses tous premiers jours sur Outland, il s'exclama :

─ Zary !

Tandis qu'il trottait vers elle d'un pas détendu, Rána s'aperçut qu'il n'en allait pas de même pour Zary. Si lui était enjoué à l'idée de la revoir, elle semblait perplexe face à lui.

─ Bonjour...Euh...Mais...Mais qui êtes-vous ?

L'orphelin s'arrêta, surpris. Elle ne le reconnaissait pas. Peut-être aurait-il dû s'en douter. Après tout, cela faisait bien longtemps qu'ils ne s'étaient pas croisés, et lui avait quitté Outland entre temps. D'ailleurs, qui aurait pu penser le reconnaître alors qu'il se trouvait sur Prideland quand Outland avait été mis à feu et à sang ? Pourtant, en croisant le regard de la vieille lionne, le grand mâle eut l'impression qu'elle le reconnaissait. Néanmoins, elle semblait s'y refuser. Elle commença même à reculer, les oreilles en arrière, comme apeurée. Rána s'avança alors d'un pas :

─ Zary attend ! Je ...

Réalisant alors que s'approcher plus près d'elle ne ferait que la brusquer, il s'arrêta net, et recula même de quelques pas à son tour. Il voulait lui montrer qu'il ne lui souhaitait aucun mal et qu'il appréciait simplement de la revoir. Pourtant, l'attitude de la lionne le rendait nerveux à son tour, sans qu'il sache l'expliquer. Que faisait-elle donc ici ? N'avait-elle pas essayé de retrouver les autres ? Balayant lentement le sol de sa queue, Rána ajouta d'une voix calme :

─ Je m'appelle Rána. J'ai grandit sur Outland, et je t'ai croisé plus d'une fois là bas. Ne te souviens-tu pas de moi ? Je suis le fils adoptif d'Ishana.

Sa voix était calme tandis qu'il parlait sans aucun reproche. Si la lionne ne voulait pas le voir, alors il continuerait son chemin, il avait simplement pensé que la revoir aurait pu lui faire plaisir.

Zary semblait hésiter. Sans doute croyait-elle ce qu'il disait, tout en se disant que c'était impossible au vu du contexte. Après tout, nombres d'Outlanders avaient périt, pourquoi un jeune adolescent s'en serait-il sorti alors même qu'il se trouvait au cœur du conflit ? Et par deux fois, au cours de l'incendie et du combat ?

─ Rána ? Le...Le petit Rána ?

Le petit Rána. Le frêle et fragile lionceau qui avait pleuré toutes les larmes de son corps pendant des jours, mouillant la terre d'Outland de son chagrin si grand. Le petit corps que Zary avait réconforté, ce jour où il avait accepté la dure réalité. Lentement, la vieille lionne s'approcha de lui, comme pour s'assurer que c'était bien lui. Il était pourtant reconnaissable entre beaucoup grâce à ses marques si particulières. Il ne ressemblait à aucun autre Outlanders, et pourtant.

─ C'est incroyable...Je...Je pensais que tu avais perdu la vie comme beaucoup de Waasiens. Je suis soulagée...

Elle avait plongé son regard doré dans celui azur du jeune mâle. Pourtant, il semblait y avoir un brin de réserve dans son attitude, comme s'il restait une infime frontière entre eux. L'orphelin décida néanmoins de ne pas y prêter attention pour le moment, et apprécia le soulagement d'être reconnu par la veille lionne qu'il avait jadis apprécié.

─ J'ai trouvé asile sur Prideland avec Ishana et les siens. Il semblerait que le destin fasse bien les choses.

Ce disant, un léger sourire se dessina sur ses babines. Il ne pouvait pas réellement tout expliquer à Zary quant à ses origines et à sa naissance, mais le savoir lui-même suffisait à le réconforter. Néanmoins, une question se posa soudain dans son esprit :

─ Et toi Zary, comment as-tu réussit à t'en sortir ? N'y en a t-il aucun autre qui s'en soit sorti ?

Une légère inquiétude pointait dans sa voix tandis qu'il exprimait à voix haute ses interrogations. Depuis le drame, il s'était convaincu que d'autres avaient trouvé refuge ailleurs sur la Terre des Lions, mais si tel était le quoi, pourquoi n'accompagnaient-ils pas la vieille lionne ? N'y avait-il eu qu'un nombre infime de survivants ?

Lorsque le grand mâle expliqua qu'Ishana et les siens avaient trouvés refuge sur Prideland, Zary soupira de soulagement. Avait-elle cru se retrouver seule ? Pourquoi n'était-elle pas venu trouver les Pridelanders également ? L'alliance qui unissait les deux clans étaient anciennes, et Rána trouvait tout d'un coup cela étrange que la veille lionne ne se soit pas fait la réflexion.

─ Euh...C'est-à-dire que...Je sais pas. Dans la panique, je n'ai pas fait attention. J'ai perdu de vue Waasi et les autres. Au final, je me suis retrouvé seule sur la Lande...Un coin tranquille.

La lionne devînt soudain hésitante, comme si elle cherchait ses mots. Surpris, Rána haussa une oreille, cherchant à comprendre d'où venait le malaise de son interlocutrice. A dire vrai, il devait reconnaître que plusieurs détails lui échappaient dans la situation de Zary, mais cela ne le regardait sans doute pas. Néanmoins, il ne put s'empêcher de demander :

─ Pourquoi être restée seule ? Pourquoi ne pas être venu trouver les Pridelanders ? Ils t'auraient probablement accueillie comme ils l'ont fait avec nous. Prideland et Outland se sont souvent soutenues.

Il devait avouer que savoir que la lionne avait survécu seule depuis tout ce temps le surprenait. Bien sur, il ne doutait pas de ses capacités à chasser et à se défendre, mais elle n'était plus toute jeune. De plus, une lionne solitaire faisait parfois une proie idéale pour n'importe quel groupe de charognard. Les lions ne vivaient pas en clan pour rien, et il trouvait étrange que la lionne jadis si sociale soit restée seule. A moins qu'elle ne lui ait pas tout raconté.

[Désolé, je n'avais pas vu ta réponse ]

Zary ne semblait pas vraiment ravie de le revoir, et plus la rencontre avançait, plus ce sentiment semblait se renforcer. A dire vrai, Rána devait avouer qu'il était lui aussi déçu de la tournure que prenait les choses.

─ C'est vrai...Tu sais c'est une longue histoire. Cependant...Je préfère ne pas en parler. J'aimerai tellement oublier tout ce qui s'est passé.

La vieille lionne baissa les yeux, comme si elle avait honte. Pourtant, c'était peut-être également du chagrin ou de la tristesse. Le jeune orphelin n'avait pas moyen de le déterminer, aussi lui semblait-il plus sage de respecter les souhaits de la lionne.

─ Et...Tu compte rester sur Prideland ?

Rána se redressa, quelque peu surpris par la question. Comptait-il rester sur Prideland ? Bien sur. Peut-être pas tout de suite, peut-être voyagerait-il avant, mais Prideland resterait désormais sa terre natale, celle où tout avait commencé.

─ Oui. Beaucoup de choses sont entrées en jeu depuis notre dernière rencontrer, mais Prideland restera ma terre natale.

Il se doutait que cela amènerait sans doute plusieurs questions à l'esprit de la jeune lionne, mais il n'était pas certain de vouloir lui en dire plus. Le comportement de Zary l'avait quelque peu déçu, et il se sentait comme rejeté par la vieille lionne qu'il avait jadis apprécié. Soit elle lui reprochait quelque chose, soit elle lui cachait quelque chose, mais dans les deux cas cela signifiait qu'elle ne lui faisait pas assez confiance - ou que du moins elle ne se sentait pas suffisamment à l'aise avec lui - pour lui dire la vérité. A quoi bon chercher à prolonger cette rencontre ?

─ Je dois rentrer, maintenant. Je te souhaite des jours paisibles. Ne traîne pas trop aux abords de Prideland si tu n'y viens pas pour une raison précise.

Son ton n'était pas agressif, mais pourtant le grand mâle n'utilisa pas non plus son ton le plus sympathique. La vieille lionne semblait se porter relativement bien, cela signifiait qu'elle avait trouvé un moyen de subvenir à ses besoins ; elle n'avait donc pas besoin d'aide. Néanmoins, s'il ne lui ferait pas de mal, elle restait étrangère à Prideland, et il ne faisait pas toujours bon de traîner aux abord des frontières pour un étranger.

[Fin pour moi, je te laisse clôturer et demander les points si ça te va ? ]