Ça y était. C'était le grand jour. Le jour où ils allaient enfin pouvoir sortir du grand désert. La nuit du vieux mâle avait été agitée, tant il était impatient. Il avait passé plusieurs semaines à former les élus, et savait qu'ils étaient prêt désormais. Prêt au combat, mais à la guerre, néanmoins. Comment peut-on préparer des jeunes à vivre de telles batailles ? Comment peut-on les préparer au sang, et aux tragédies ? Skaro ne le pouvait pas. En revanche, il leur avait répété, que mourir sur le champs de bataille était un honneur, pour peu que ces bâtards de bruns, tombent avec eux.

Ainsi, lorsque le jour se leva, Skaro laissa du temps aux élus et grimpa sur le haut d'une dune de sable pour admirer le Grand Désert. Si les jeunes étaient tristes de quitter leur famille, ou peut être leur compagne, Skaro lui, quittait le grand désert pour de bon. Il le savait, c'était la dernière fois qu'il quittait son territoire.

Une fois les adieux faits, les quatre mâles se mirent en route, déterminés. Le cœur battant dans sa poitrine, Skaro en oubliait même la chaleur écrasante de l'environnement. Il faisait fit de la sueur qui ruisselait sur sa nuque et sous sa gorge, et de la mousse que formait sa salive au coin de sa gueule. Peu importait la chaleur ou le physique, il était vieux maintenant. Et il avait une mission.

Rôdeur Mortel. Voilà comment il s’appelait désormais. Le rôdeur mortel est un petit scorpion, au venin extrêmement puissant. Cela lui correspondait tout à fait. Après tout, Skaro était le prototype même du Jangowa par excellence. Petit, et puissant. Qu'importe la taille, si la force était maîtrisée, et perfectionnée. Son regard se balada vers les élus. Il y eut d'abord Dyami, qui était deux fois plus grand que lui, comble de l'ironie pour un apprenti. Skaro portait beaucoup d'espoir en lui. Sa carrure l’avantageait. Puis Hassun et Uluthrek, qui marchaient à ses côtés. Le vieux mâle avait apprécié leur assiduité durant les entraînements, et savait qu'ils étaient des bons éléments.

Le sable laissa progressivement place à la savane, et Skaro inspira profondément. Ah. Prideland. Il reconnaîtrait cette odeur entre mille. Le mâle marqua une petite pause, et coucha les oreilles. Ses yeux sanglants fixèrent ses disciples pendant un instant.

- Seuls les noms qu'on nous a attribués devront être dits. Ici le désert ne vous protégera plus, alors soyez impitoyables.

Et, tout comme Dyami l'avait fait, le vieux mâle s'allongea, pour finalement se rouler au sol, pendant de longues minutes. Aucune odeur ne devait trahir leur présence...

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Si les élites s'étaient divisés pour mieux conquérir et analyser le territoire, Skaro lui, était un peu en retrait, à l'arrière du groupe. Sa petite taille et son pelage sablé se confondait à la perfection dans les hautes herbes sèches de la savane, il était quasiment invisible. Le vieux mâle avait les yeux partout: en face, sur les côtés, vers les élites. Il vérifiait qu'ils n'étaient pas surveillés, et que ses protégés ne commettent pas une erreur, dès le début de leur voyage. Ils étaient prometteurs, mais ces lions étaient jeunes. Et Skaro savait à quel point la jeunesse était faite d'erreur.

Le mâle leva la tête, afin d'humer l'air frais de Prideland. Quel bande d'idiots. Il n'y avait même pas une sentinelle, ou un guerrier pour protéger leur territoire. C'était presque trop facile. Skaro se souvenait au fur et à mesure de leur marche, des odeurs et des couleurs de Prideland. Le vert, cette odeur amer de l'herbe tendre et des feuilles remplies d'eau. Le marron, la terre parfois un peu sèche, craquante sous les pattes durant les longs étés. Le bleu de l'eau qui ruisselle ou qui stagne à un endroit, attirant une foule de proie trop imprudentes. Et puis... Il y avait cette odeur. Leur odeur.

Cela répugnait le vieux mâle, mais cette odeur envahissait tout le territoire.

Ellipse de 2 semaines

Skaro se doutait depuis le début que la mission prendrait du temps. Les Mositus, ces vermines, étaient en permanence près de leurs protecteurs, les habitants du Rocher. Rares étaient les fois où ces trouillards osaient s'éloigner assez pour que le groupe de guerriers ne puisse tenter leur chance. Mais ils ne perdaient rien pour attendre, oh que non. Le vieux combattant prenait bien soin chaque jour que le Désert fit d'aiguiser ses griffes en prévision d'une occasion de déverser sa rage sur l'un d'eux. Ils paieraient pour elle.

Le soleil était haut dans le ciel à présent.

Le vieux mâle s'arrêta net, faisant craquer une branche sous sa patte au passage. Il la reconnut presque immédiatement. Cette odeur chaude et humide, cette amertume qui se dégageait de leur sueur, cette puanteur qui se glissait dans leur pelage brun. Il y avait un mositu, là, tout près. Skaro coucha les oreilles, et ses griffes sortirent presque instinctivement. En tuer un si rapidement, c'était une occasion rêvée.

Si Dyami sembla un instant inquiet quant à l'origine de ce mâle brun, Skaro lui, était persuadé de savoir qu'il était un mositu. Cela ne trompait pas. Ses élèves se dispersèrent, comme il le leur avait apprit. Lentement, avec silence. Les quatre jeunes finirent par l'encercler, et l’étau se referma sur lui comme un piège mortel. Et Skaro sortit des herbes hautes, la tête haute.

Il y eut un court échange de regard entre le pitoyable brun, et le vétéran du désert. Ses yeux écarlates se délectaient de sa peur, de son incompréhension. Skaro prenait plaisir à voir que le mositu commençait à comprendre, que sa fin était proche. Le vieux mâle montra finalement les dents, et ce fut l'impact.

Dyami lança l'assaut en lui sautant sur le dos, les crocs plantés dans la nuque. Le brun était plus gros que lui, et de tous les jangowas présent. Mais la bestialité de ses élus, le fit tomber à terre. Skaro avait le coeur qui battait à tout rompre, excité par cette scène d'une violence sans pareilles. De temps à autre, son regard quitta avec regret la bataille pour vérifier qu'ils étaient toujours seuls et qu'aucun autre animal soit témoin de ce qu'il se passait.

Ses yeux étaient remplis d'une extrême cruauté, exprimaient une satisfaction malsaine.
C'pour Eris, connard.

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Et pendant que le mâle impur agonisait à terre, tentant de ramper sur le sol poussiéreux de Prideland, les yeux remplis de larmes, Skaro se délectait de cet instant jouissif. Il revit passer devant ses prunelles sulfureuses, le corps de sa dulcinée, immaculé du sang qu'elle avait fait couler. Il revit l'ardeur qu'elle avait à se battre, et le plaisir qu'elle avait à tuer l'ennemi. Il revit son pelage beige, doux comme une caresse de pucelle. Il revit le moment où elle perdit la bataille, où son âme fut saisie par les griffes d'un mâle impur, comme celui qui gisait en face de lui.

La voix d’Éris revint de l'au delà, emportée par la brise de Prideland. Elle murmurait aux oreilles du vétéran, des paroles d'une extrême cruauté. Skaro voulait voir ce mâle mourir, mais plus encore: il voulait le voir souffrir, tout comme ceux de sa race l'ont fait souffert. Ses prunelles ardentes se levèrent vers les élites, ses élites. Ulutrhek, Hassun et Dyami maintenaient le brun au sol, mais ne l'achevèrent pas. Pourquoi ?

Ce fut en croisant le regard de Dyami, que le vieillard comprit: cette première exécution, c'était lui qui allait la faire. Et malgré le bonheur que cette action lui procurait, le vieux mâle senti que ses élèves avaient touchés une corde sensible. Au fond de lui, il était touché que les jeunes aient pensé à lui, à sa rage qui calmait son infinie tristesse. Quelque part au fond de lui, il prenait cela comme un geste d'amour. Cette pensée resta quelques secondes dans son esprit, avant que la voix du brun ne vienne tout gâcher.

Pourquoi faisaient-ils cela ? POURQUOI ? Il osait poser la question ? Après tout ce qu'il s'était passé ? Après les batailles, les guerres, et les morts qu'ils avaient provoqués ? Skaro eut une grimace de dégoût, en posant sa patte fermement contre la crinière brune du mâle. Il approcha son visage près de l'oreille de l'impur, et souffla avec une certaine perversité:

- Parce que tu ne mérites pas la vie.

Passage un peu gore âmes sensibles s'abstenir :

Le mâle passa d'interminables minutes à éventrer le brun, même après sa mort évidente. Son visage sablé avait désormais une teinte rougeoyante, et l'odeur de son sang avait imprégné ses poils, et sa crinière. Au fond de lui, sa rage s'était calmée, devant le corps inanimé et sauvagement mutilé de son ennemi. Mais cette violence, aussi jouissive soit-elle, ne calmait toujours pas la tristesse du vieillard, privé de sa moitié depuis trop longtemps.

Aux élites, il ne leur accorda qu'un regard glacial, comme il en avait l'habitude. Le reflet de ses yeux ne semblait faire qu'un avec la teinte écarlate de son visage.

- Le ventre, c'est l'meilleur moyen d'les butter, dit-il comme pour se justifier.

Il regarda encore un instant le massacre, avant de lever les yeux vers le ciel, accordant une petite pensée pour son défunt amour. Après cette minute de recueillement, Skaro souffla:

- 'faut y aller.

Merci Kuo' pour le kit !